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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3055/2012

ATA/271/2014 du 15.04.2014 sur JTAPI/1468/2012 ( ICC ) , ADMIS

En fait
En droit

 

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3055/2012-ICC ATA/271/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 avril 2014

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______

représenté par Kiss-Borlase Bureau Fiduciaire, mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 décembre 2012 (JTAPI/1468/2012)



EN FAIT

1) M. A______ (ci-après : le contribuable) est l’héritier de M. B______, décédé le ______ 2011 dans le canton de Genève.

2) Le 11 juin 2012, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), service des successions et de l’enregistrement (ci-après le service des successions), a adressé à l’hoirie de M. B______, représentée par Kiss-Borlase Bureau Fiduciaire, fiduciaire de Monsieur Egon KISS-BORLASE (ci-après : le mandataire), un bordereau concernant les droits liés à la succession du défunt.

3) Le 5 juillet 2012, l’hoirie de M. B______, soit M. A______, a formé une réclamation contre le bordereau de droits de succession précité.

4) Le 30 juillet 2012, l’AFC-GE a maintenu sa décision de taxation.

5) Le 23 août 2012, le mandataire a écrit à l’AFC-GE pour lui transmettre divers éléments probatoires se rapportant à des faits susceptibles de réduire le montant des droits de succession.

6) L’AFC-GE ayant refusé d’entrer à nouveau en matière sur sa taxation et l’ayant renvoyé à agir devant les autorités de recours, M. A______ a, par actes des 29 et 30 août 2012, saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) d’un recours contre la décision précitée. Il agissait par l’intermédiaire de son mandataire.

7) Le 11 octobre 2012, par pli recommandé adressé au mandataire, le TAPI a sollicité le paiement d’une avance de frais de CHF 500.-, à acquitter d’ici au 11 novembre 2012.

8) Le 15 octobre 2012, le mandataire a adressé une instruction à la Banque Cantonale de Genève (ci-après : BCGe) de procéder au paiement de l’avance de frais précitée par le débit du compte bancaire du défunt.

9) Le même jour, il a écrit au service des successions pour lui demander d’accorder une levée de mainmise partielle du compte précité pour effectuer deux paiements, soit un paiement à une banque du canton de Bâle-Ville et celui de l’avance de frais précitée.

10) Le 31 octobre 2012, le service des successions a transmis au mandataire une copie de la décision de levée de mainmise partielle du compte bancaire du défunt, qu’elle avait pris le même jour, à l’adresse de la BCGe concernant divers paiement, parmi lesquels les deux précités.

11) Le 5 décembre 2012, le mandataire a été interpellé par la banque bâloise qui n’avait pas reçu le montant qui lui était dû. Le mandataire est intervenu auprès de la BCGe, qui lui a répondu faire le nécessaire dès le lendemain en mode « urgent ».

12) Le 7 décembre 2012, valeur au même jour, la BCGe a exécuté le paiement des deux montants qui faisaient l’objet de l’instruction donnée par le mandataire le 15 octobre 2012.

13) Par jugement du 12 décembre 2012, le TAPI a déclaré irrecevable le recours du contribuable, celui-ci n’ayant pas payé dans le délai imparti le montant de l’avance de frais précitée.

14) Par pli recommandé du 11 janvier 2013, le mandataire a avisé le TAPI que le retard dans le paiement de l’avance de frais, sur lequel se fondait le jugement d’irrecevabilité, était imputable au retard qu’avait mis la BCGe à exécuter l’ordre de paiement du 15 octobre 2012. Il a annexé à son courrier les pièces documentant les instructions données et les circonstances du retard dans le paiement telles qu’exposées ci-dessus. Comme les avis de débit et les relevés mensuels de la banque lui parvenaient avec un délai de dix jours à deux semaines minimum, il n’aurait pas pu vérifier si l’ordre avait été exécuté dans les délais.

15) Le 18 février 2013, le TAPI a traité le courrier du mandataire du 11 janvier 2013 comme un recours, s’est déclaré incompétent pour le traiter et l’a transmis à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

16) Le 26 février 2013, le TAPI a transmis son dossier, sans formuler d’observation.

17) Le 6 mars 2013, l’AFC-GE s’en est rapportée à justice.

18) Par courrier du 18 mars 2013, les parties ont été avisées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile et transmis à la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Dans les procédures de recours en matière administrative, la juridiction saisie invite le recourant à payer une avance de frais destinée à couvrir les frais et émoluments de procédure présumables. A cette fin, elle lui fixe un délai raisonnable (art. 86 al. 1 LPA). Si l’avance de frais n’est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (art. 86 al. 2 LPA). La législation genevoise laisse aux juridictions administratives une grande liberté d’organiser la mise en pratique de cette disposition. Elles peuvent choisir d’envoyer la demande d’avance de frais d’entrée de cause par pli recommandé (ATA/594/2009 du 17 novembre 2009).

3) a. Les délais fixés par la loi sont des dispositions de droit public qui présentent un caractère impératif. A ce titre, ils ne sont pas susceptibles d’être prolongés, restitués ou suspendus, sauf par le législateur lui-même (art. 21 al. 1 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 et 16 al. 1, 1ère phrase LPA ; ATA/785/2004 du 19 octobre 2004 consid. 3 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 378). De fait, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos et la décision en cause acquiert force obligatoire (ATA/15/2004 du 6 janvier 2004 ; ATA/266/2000 du 18 avril 2000 consid. 2a et les références citées).

b. Le délai imparti par l’autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (art. 16 al. 2 LPA). De même, un délai échu peut être restitué pour justes motifs si la demande en est faite. La restitution pour inobservation d’un délai imparti par l’autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d’agir dans le délai fixé. La demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l’empêchement a cessé (art. 16. al. 3 LPA).

Pour examiner si l’intéressé a été « empêché sans sa faute d’agir dans le délai fixé », la jurisprudence procède par analogie avec les cas susceptibles de constituer des cas de force majeure au sens de l’art. 16 al. 1 LPA précité.

c. Les cas de force majeure sont réservés, conformément à l’art. 16 al. 1, 2ème phrase LPA. Tombent sous cette notion, les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (SJ 1999 I, p. 119 ; RDAF 1991, p. 45 ; ATA/536/2010 du 5 août 2010 ; ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 ; Théo GUHL, Das Schweizerische Obligationenrecht, 9ème éd., 2000, p. 229 et les références citées).

4) La responsabilité du mandant ne saurait être dissociée de celle de son mandataire. En effet, le premier est responsable des actes de celui qui le représente et répond de toute faute de ses auxiliaires (ATA/739/2013 du 5 novembre 2013 ; ATA/626/2011 du 4 octobre 2011 ; ATA/118/2007 du 20 mars 2007).

5) L’autorité ou la juridiction font preuve de formalisme excessif prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) lorsqu’elles appliquent des règles de procédure de manière certe stricte mais qui ne se justifient par aucun intérêt digne de protection, deviennent une fin en soi, compliquent de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entravent de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2 ; 130 V 177 consid. 5.4.1 ; 128 II 139 consid. 2a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1 ; 2C_133/2009 du 24 juillet 2009 consid. 2.1 = SJ 2010 I 25). Il n’y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d’une avance de frais dans un délai déterminé ; il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l’inobservation de ce délai (ATF 104 Ia 105 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_734/2012 précité consid. 3.1 ; 2C_645/2008 du 24 juin 2009 consid. 2.2 ; 2C_250/2009 du 2 juin 2009 consid. 5.1 ; 9C_831/2007 du 19 août 2008). La gravité des conséquences d’un retard dans le paiement de l’avance sur la situation du recourant n’est du reste pas pertinente (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_703/2009 du 21 septembre 2010 consid. 4.4.2 ; 2C_645/2008 précité consid. 2.2 ; 2C_450/2008 du 1er juillet 2008 consid. 2.3.4).

6) Dans les procédures mises en place pour l’application de l’art. 86 LPA, les principes constitutionnels de la bonne foi et de la confiance tirés des art. 9 et 29 al. 1 Cst. doivent être d’autant plus respectés que l’absence de paiement de l’avance de frais dans les délais est lourde de conséquences pour le justiciable, puisqu’elle peut conduire à l’irrecevabilité de son recours (ATA/364/2013 du 11 juin 2013 ; ATA/397/2011 du 26 juillet 2011 et la jurisprudence citée).

7) En l’espèce, il n’est pas contesté que le paiement de l’avance de frais est intervenu postérieurement à l’échéance du délai imparti par le TAPI et qu’elle résulte du retard que la banque a mis à exécuter l’ordre de paiement qui lui avait été adressé. Il reste à déterminer si ce retard peut-être mis sur le compte de circonstances exceptionnelles assimilables à un cas de force majeure. En l’espèce, il ressort des pièces produites que le mandataire du recourant, dès réception de la demande d’avance de frais, a entrepris auprès de la banque les démarches qui lui incombaient, soit l’envoi d’une instruction de paiement pour faire procéder à l’avance de frais requise. Il a été averti onze jours avant l’échéance du délai de paiement par le service des successions de l’intimée qu’elle autorisait le paiement de l’avance de frais au TAPI et qu’elle notifiait sa décision à la banque exécutrice. Le mandataire du recourant n’a certes pas précisé dans son instruction bancaire qu’il y avait une échéance à respecter pour le paiement. Toutefois, en agissant un mois avant la survenance de ladite échéance, il pouvait partir du principe que son ordre serait exécuté dans le respect de ce délai en pouvant être conforté dans ce sens par le courrier que le service des successions de l’intimée lui avait transmis onze jours avant le terme imparti par lequel il indiquait à la banque qu’il renonçait à la mainmise sur le compte du défunt à concurrence du montant de cette avance de frais.

Dans ces circonstances exceptionnelles, même s’il s’agit d’un cas limite, le retard dans le paiement de l’avance de frais ne peut être imputé au recourant. En déclarant le recours irrecevable sans autres actes d’instruction, le TAPI, qui avait au demeurant reçu l’avance de frais avant le prononcé de son jugement, a fait preuve de formalisme excessif. La cause lui sera retournée pour qu’il tranche les autres questions de recevabilité et le fond du litige.

8) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, le recourant n’ayant pas pris de conclusions dans ce sens (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 janvier 2013 par M. A______, représenté par Kiss-Borlase Bureau Fiduciaire, mandataire, contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 décembre 2012 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 12 décembre 2012 ;

retourne la cause au Tribunal administratif de première instance pour nouveau jugement au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas prélevé d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______, représenté par Kiss-Borlase Bureau Fiduciaire, mandataire, à l’administration fiscale cantonale, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :