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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2864/2020

ATA/210/2021 du 25.02.2021 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2864/2020-FPUBL ATA/210/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 25 février 2021

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

 



Attendu, en fait, que :

1) Monsieur A______ a été engagé par la Ville de Genève (ci-après : la ville) le ______ 1991 en tant que ______ au service logistique et technique de la division de la voirie avec effet au 1er juillet 1991. Il est actuellement rattaché à l'unité des ateliers généraux (ci-après : UAG) du service logistique et manifestations (ci-après : LOM).

2) Par décision du 26 août 2020 déclarée exécutoire nonobstant recours, le Conseil administratif (ci-après : CA) de la Ville a décidé d'ouvrir une enquête administrative à l'encontre de M. A______, qu'il a confiée à deux juristes au service juridique de la ville, à savoir Madame B______ et Monsieur C______. La hiérarchie de M. A______ avait en effet remonté au CA des problèmes récurrents qu'elle aurait rencontrés avec l'intéressé en matière de temps de travail, d'« heures optionnelles », de planification des vacances et de durée des pauses ; elle soupçonnait également l'usage de ressources professionnelles à des fins personnelles, ainsi que la consommation d'alcool au travail.

3) Par acte posté le 7 septembre 2020, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision d'ouvrir une enquête administrative à son encontre, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours ainsi qu'à la tenue d'une audience de comparution personnelle des parties et d'une audience publique, et principalement à l'annulation de la décision attaquée et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Dans deux arrêts rendus en 2009, la chambre administrative avait restitué l'effet suspensif dès lors que la récusation des enquêteurs avait été demandée. Le CA avait déclaré exécutoire nonobstant recours sa décision sans aucunement motiver ce choix. La décision querellée avait été prise en violation de son droit d'être entendu, un véritable dossier ayant été monté contre lui à son insu. L'intérêt privé au respect de ses droits fondamentaux l'emportait sur l'intérêt public, le recours ayant par ailleurs des chances de succès sur le fond.

La procédure a été ouverte sous le n° A/2864/2020.

4) Le même jour, M. A______ a informé par courrier les deux enquêteurs qu'il demandait leur récusation, en tant qu'ils ne pouvaient être impartiaux dès lors qu'ils travaillaient au service de la ville et étaient subordonnés au CA.

5) Par décision du 9 septembre 2020, déclarée exécutoire nonobstant recours, le CA a rejeté la demande de récusation des enquêteurs. Il n'existait aucun indice susceptible de faire douter de leur impartialité, leur fonction au sein du service juridique ne pouvant entraîner per se une apparence de prévention.

6) Par acte posté le 21 septembre 2020, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif, et principalement à l'annulation de la décision attaquée ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

La procédure a été ouverte sous le n° A/2986/2020.

7) Le 2 octobre 2020, la ville a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif dans la cause A/2864/2020.

L'ouverture d'une enquête administrative se justifiait pleinement, et celle-ci devait pouvoir se poursuivre, étant précisé que les enquêteurs ne pouvaient être soupçonnés de partialité. L'argument principal de l'intéressé était que son droit d'être entendu était violé ; or le but de l'enquête administrative était précisément de lui permettre de faire pleinement valoir son droit d'être entendu dans l'établissement des faits pertinents. Il ne subissait de plus aucun préjudice matériel puisqu'il continuait à percevoir son traitement.

8) Sur ce, la cause a été gardée à juger sur effet sur effet suspensif, étant précisé qu'elle a aussi été gardée à juger sur le fond le 8 janvier 2021.

Considérant, en droit, que :

1) Les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par le président ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020).

2) Aux termes de l'art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l'autorité qui a pris la décision attaquée n'ait ordonné l'exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (al. 3).

3) L'autorité peut d'office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (art. 21 al. 1 LPA).

4) Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles - au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) - ne sont légitimes que si elles s'avèrent indispensables au maintien d'un état de fait ou à la sauvegarde d'intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/1112/2020 du 10 novembre 2020 consid. 5 ; ATA/1107/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5).

Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu'aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités). Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, 265).

5) L'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405).

6) Lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution. Elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire. La restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l'absence d'exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1).

7) Pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu'un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités).

8) En l'espèce, la recevabilité du recours ne peut pas, à première vue, être considérée comme donnée d'emblée. En effet, il s'agit d'une décision incidente, qui pour être susceptible de recours doit répondre à l'une des conditions de l'art. 57 LPA. Or, selon la jurisprudence de la chambre de céans, l'ouverture d'une enquête administrative, tout comme une suspension avec maintien du traitement, n'occasionnent généralement pas de préjudice irréparable, et une décision immédiate ne permet prima facie pas d'éviter une procédure longue et coûteuse, étant précisé que l'enquête administrative en cause ne devrait plus durer longtemps, qu'elle est effectuée en interne par des juristes de la ville et ne devrait donc a priori rien coûter au recourant.

De plus, et toujours dans le cadre de l'examen prima facie qui prévaut à ce stade, il est loisible au conseil administratif d'ouvrir une enquête administrative s'il l'estime nécessaire, et l'explication donnée dans sa réponse sur les raisons de l'ouverture d'une telle enquête apparaît à première vue convaincante. Quant à la violation du droit d'être entendu invoquée à titre principal au fond par le recourant, l'enquête administrative a précisément pour objet de déterminer si les reproches qui lui sont faits sont ou non fondés, et lui permettra donc d'exercer ladite garantie procédurale.

S'agissant des précédents de 2009 invoqués par le recourant, ils visent la question de la récusation, laquelle fait l'objet de la procédure A/2986/2020 et non de la présente cause.

Il s'ensuit que la restitution de l'effet suspensif sera refusée.

9) Le sort des frais sera réservé jusqu'à droit jugé au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l'effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Romain Jordan, avocat du recourant ainsi qu'à la Ville de Genève.

 

 

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :