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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/37/2021

ATA/1334/2021 du 07.12.2021 sur JTAPI/744/2021 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/37/2021-PE ATA/1334/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 décembre 2021

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Michel Celi Vegas, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 juillet 2021 (JTAPI/744/2021)


EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1969, ressortissante des Philippines, est arrivée en Suisse le 9 mai 2014.

Selon son curriculum vitae, elle a travaillé dès le 11 novembre 2014 en qualité de baby-sitter pour Monsieur B______ à Coppet. En parallèle, elle a fait du ménage auprès de Madame C______, à Lancy, dès 2015, de Madame D______ à Arzier dès 2018, de Madame E______ à Rolle dès 2018, et de Madame F______ à Cologny dès février 2019. Elle a produit des lettres de recommandation de ses employeurs.

2) Par courrier du 6 août 2019, elle a sollicité la délivrance d'une autorisation de séjour auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l’OCPM).

Elle avait effectué ses études primaires et secondaires dans son pays d'origine. Dès son arrivée en Suisse, elle avait trouvé un emploi et s’était créé un bon réseau professionnel. Elle s'était très bien adaptée à sa nouvelle vie sur le territoire suisse. Elle n'avait jamais fait l'objet de condamnation pénale, ni de poursuites pour dettes, ni n’aurait bénéficié de l’aide de l’Hospice général et était indépendante financièrement.

Elle résidait à Genève depuis plusieurs années. Elle prenait des cours de français, afin de maîtriser totalement cette langue. Elle était très attachée à la Suisse, car elle s’y était constituée de nombreuses amitiés, qui étaient devenues comme sa propre famille et sur lesquelles elle pouvait compter en toutes situations. Ses amis et employeurs recommandaient d'ailleurs vivement sa demande de permis de séjour. À partir du moment où elle disposerait d'un titre de séjour, ses projets professionnels devraient se poursuivre à Genève.

L’unique reproche que l’on pouvait lui faire était celui d’avoir séjourné illégalement en Suisse.

Elle avait effectué une formation « sérieuse » dans son pays, ce qui lui assurait une bonne place sur le marché du travail.

Elle était en bonne santé. Après cinq années passées à Genève, elle ne s'identifiait plus à son pays d'origine. Sa réintégration serait impossible. En effet, elle n'avait plus aucun lien avec les Philippines. Quitter Genève signifierait pour elle être complètement coupée du nouveau lieu de vie qu'elle s'était créé en tant que femme indépendante. Elle se sentait chanceuse de vivre dans un pays qui respectait les droits humains et où la criminalité était moins élevée que dans son pays d'origine. Il lui serait donc très difficile de se réintégrer dans celui-ci.

Elle remplissait également les conditions du programme Papyrus, excepté celle relative à la durée de séjour.

Elle a notamment joint plusieurs lettres de soutien, une attestation d'inscription à des cours de français (niveau A1), un document attestant de nombreux envois d’argent aux Philippines durant la période de juin 2014 à janvier 2019, un formulaire M indiquant qu’elle était arrivée à Genève le 9 mai 2014, qu’elle était mariée et avait un fils né en ______ 2003, une copie de sa carte AVS et son curriculum vitae, à teneur duquel elle avait travaillé aux Philippines en qualité de « Administrative Officer » (1995 à 2003) de « Secretary » (2004 à 2008) et de « Operation Manager » (2008 à 2012).

3) Le 27 septembre 2019, elle a sollicité de l'OCPM la délivrance d’un visa de retour pour se rendre aux Philippines pendant un mois pour des raisons familiales.

4) Par courrier du 2 octobre 2020, l’OCPM lui a fait part de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande, de prononcer son renvoi de Suisse et de transmettre ultérieurement ses actes au secrétariat d'État aux migrations
(ci-après : SEM), afin que celui-ci juge de l'opportunité de prononcer une interdiction d'entrée en Suisse à son encontre.

5) Mme A______ n’a pas donné suite à ce courrier.

6) Par décision du 18 novembre 2020, l’OCPM a refusé de soumettre son cas au SEM avec un préavis positif en vue de la délivrance d’un titre de séjour, a prononcé son renvoi et lui a fixé un délai de départ.

7) Par acte du 4 janvier 2021, elle a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant principalement à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour. Préalablement, elle a requis son audition.

Elle travaillait de façon « déclarée » depuis 2017, actuellement dans l'économie domestique auprès de trois employeurs. Elle cumulait des remplacements et des contrats de courte durée, ce qui lui permettait de réaliser un revenu mensuel moyen de CHF 3'000.- et de ne pas dépendre des aides sociales. Dans le cadre de ses activités lucratives, elle avait appris à maîtriser la langue française. Elle avait passé un examen et avait obtenu le niveau A2. Elle était membre active de plusieurs associations religieuses, dont la CFC-HOLD. Elle avait également de nombreux amis, devenus comme sa famille et prêts à témoigner de sa bonne moralité.

Elle résidait sur le territoire depuis presque sept ans et y avait refait sa vie grâce à une activité professionnelle qui lui plaisait et un « cercle social très présent ». Elle considérait Genève comme sa patrie.

Selon la jurisprudence, la durée de sept ans de son séjour en Suisse devait être considérée comme longue. De plus, face à la crise sanitaire, les autorités administratives et judiciaires pouvaient se montrer plus indulgentes.

Elle était « extrêmement » bien intégrée à Genève. Cet élément, cumulé avec la durée de son séjour de presque sept ans, était de nature à justifier l'application des dispositions relatives au cas de rigueur. La plupart des personnes dont la situation était régularisée grâce au programme Papyrus travaillaient dans des domaines tels que l'industrie domestique. Il était évident que ces métiers ne permettaient pas une ascension professionnelle exceptionnelle. Il serait dès lors discriminatoire que ce critère soit retenu dans ces cas. Au vu de sa situation personnelle, son activité lucrative stable démontrait sa volonté de s'intégrer en Suisse.

Elle n'avait plus aucun « réseau amical » aux Philippines et ses perspectives professionnelles et personnelles y étaient fortement compromises en cas de retour. Elle n'était jamais retournée dans ce pays, où ses parents étaient l'unique contact qu'elle avait. Aujourd'hui, ses derniers étaient très âgés et ne pourraient pas l’appuyer dans sa réintégration. Elle n'avait plus aucune attache qui lui permettrait de trouver du travail et de subvenir à ses besoins. Partant, elle y serait « marginalisée » sur le plan professionnel et relationnel, faute d'être mariée, alors qu'elle était âgée de 51 ans. Ainsi, sa décision de rester célibataire à la suite de sa séparation de son premier mari serait « fortement problématique » aux Philippines. Dès lors, un retour aurait de graves conséquences pour elle et constituerait sans aucun doute un traumatisme, qui ne pouvait lui être imposé. Son renvoi dans ce pays constituerait donc un véritable déracinement, mais également un déchirement pour les enfants dont elle s'occupait avec soin depuis plusieurs années.

Pour le surplus, selon les informations du département fédéral des affaires étrangères, les Philippines étaient confrontées à divers problèmes sécuritaires. Aussi, un éventuel retour aux Philippines entraînerait non seulement un traumatisme important pour elle, mais également une mise en danger non négligeable pour une femme seule.

Le programme Papyrus avait permis de régulariser la situation de nombreuses familles « en application d'une durée de séjour raccourcie de cinq années ». Ainsi, le fait de ne pas avoir d'enfants était un critère discriminatoire préjudiciable aux personnes célibataires ou ne souhaitant/pouvant pas avoir d’enfants.

Enfin, compte tenu de la pandémie de COVID-19 qui sévissait actuellement dans le monde, il était notoire que son renvoi ne pouvait être exécuté en l'état.

8) Dans ses observations du 12 février 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

9) Dans sa réplique, l’intéressée a notamment ajouté que c’était à tort que l’OCPM considérait que sa réintégration aux Philippines n'était pas compromise. Elle était âgée de 52 ans et son retour sur le marché du travail philippin risquait d’être très compliqué. Âgés, ses parents ne pourraient pas subvenir à ses besoins. Au contraire, dans la culture des Philippins, c’étaient les enfants qui devaient prendre en charge leurs parents, lorsque ces derniers n’étaient plus en mesure de travailler. Elle avait des attaches avec la Suisse depuis sept ans, ce qui correspondait à un long séjour. Elle s'était toujours adaptée aux us et coutumes helvétiques, ce qui ne devait en aucun cas être omis lors de l’analyse de sa situation. Un retour aux Philippines lui causerait un traumatisme psychologique ne pouvant lui être imposé.

10) Par courrier du 31 mars 2021, l’OCPM a rappelé qu'une péjoration de l'état psychique en raison de la perspective d'un départ de Suisse était une réaction qui n'était pas rare chez une personne dont la demande d'autorisation de séjour avait été rejetée, sans qu'il faille pour autant voir un obstacle sérieux à l'exécution du renvoi.

11) Par jugement du 22 juillet 2021, le TAPI a rejeté le recours.

L’intéressée ne pouvait pas se prévaloir de l'opération Papyrus, qui avait pris fin le 31 décembre 2018.

La durée de son séjour devait être relativisée, s’étant déroulé illégalement jusqu'au dépôt de sa demande, le 6 août 2019, puis au bénéfice d'une simple tolérance. Par ailleurs, bien qu’elle n’ait effectivement jamais émargé à l'assistance sociale, pas contracté de dettes, travaillait dans le domaine de l'économie domestique et pourvoyait à son entretien et avait démontré sa volonté de participer à la vie économique du pays, son intégration professionnelle ne saurait être qualifiée d'exceptionnelle. Elle n'avait pas non plus acquis des connaissances ou des qualifications spécifiques telles qu'elle ne pourrait pas les mettre en pratique dans sa patrie, ni fait preuve d'une ascension remarquable.

Elle était née aux Philippines le 21 mai 1969, était venue s'établir en Suisse alors qu'elle était âgée de 45 ans. Elle avait ainsi passé toute son enfance, son adolescence ainsi que la majeure partie de sa vie d'adulte dans son pays d'origine. Elle avait effectué ses études aux Philippines. En outre, à teneur de son curriculum vitae, elle y avait intégré le marché de l'emploi de 1995 à 2012. Elle avait ainsi conservé de fortes attaches avec sa patrie. Des membres de sa famille y vivaient encore, à tout le moins son fils et ses parents. Elle avait sollicité la délivrance d’un visa de retour en septembre 2019, afin d'y effectuer des visites familiales.

Les lettres de recommandation produites attestaient de ses qualités humaines et professionnelles, ainsi que des liens qu'elle avait créés en Suisse, notamment avec l'un de ses employeurs, mais ceux-ci ne dépassaient pas en intensité ce qui pouvait être raisonnablement attendu d'un étranger ayant passé un nombre d'années équivalent dans le pays. En outre, le fait qu'elle soit membre active de plusieurs associations religieuses basées à Genève n'était pas suffisant pour se prévaloir d'une intégration sociale exceptionnelle.

Son fils, qui vivait aux Philippines et aurait 18 ans en octobre 2021, ainsi que ses deux parents, malgré leur âge, qui y résidaient également, devraient être à même de l'aider à s'y réinsérer. Les difficultés d'ordre général qu'elle pourrait y rencontrer, afin notamment de retrouver un emploi, ne sauraient constituer une situation rigoureuse au sens de la jurisprudence précitée. À cet égard, rien n'indiquait que l'expérience professionnelle qu'elle avait acquise en Suisse ne pourrait pas constituer un atout susceptible de favoriser sa réintégration sur le marché de l'emploi de son pays, étant observé qu'elle était en bonne santé et en pleine capacité de travailler.

12) Par acte du 14 septembre 2021, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à l’annulation du jugement précité et de la décision de l’OCPM et à ce qu’elle soit autorisée à disposer d’une autorisation de séjour. Subsidiairement, la cause devait être renvoyée à l’OCPM pour nouvel examen. Préalablement, elle sollicitait son audition.

L’art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) avait été violé. C’était à tort que l’OCPM avait considéré que sa présence en Suisse depuis sept ans n’était pas une période suffisamment longue pour lui accorder un permis B. Elle était parfaitement intégrée, contrairement à ce qu’avaient retenu l’OCPM et le TAPI. Elle se heurterait à de grandes difficultés en cas de retour dans son pays de provenance. Elle n’y était jamais retournée et ses parents étaient l’unique contact qu’elle y avait conservé. Elle rappelait les difficultés liées à la situation d’une femme célibataire et âgée de 51 ans. Un retour constituerait un traumatisme et un véritable déracinement. À cela s’ajoutait un déchirement pour les enfants dont elle s’occupait avec soin depuis plusieurs années.

Lui imposer un délai de dix ans plutôt que cinq ans pour pouvoir bénéficier d’une autorisation de séjour au motif qu’elle n’avait pas d’enfant était discriminatoire et portait préjudice aux personnes célibataires ou ne souhaitant pas ou ne pouvant pas avoir d’enfant. L’interprétation faite par le TAPI était arbitraire et disproportionnée, notamment quant à son intégration professionnelle. Il devait être tenu compte du domaine spécifique de l’économie domestique. Il était possible qu’elle atteigne la fonction de gouvernante ou se reconvertisse professionnellement. De même, les efforts d’intégration d’un étranger arrivé en Suisse à l’âge adulte étaient plus méritoires que ceux d’un jeune. Il n’en avait même pas été tenu compte.

13) L’OCPM a conclu au rejet du recours, en l’absence d’arguments nouveaux de la recourante.

14) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant sollicite son audition et se plaint d'une violation de son droit d'être entendu par le TAPI qui lui a refusé cet acte d'instruction.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, la recourante a pu s’exprimer par écrit devant l’OCPM, le TAPI et la chambre de céans et produire toutes pièces utiles au sujet de sa situation. Elle n’expose pas quelles informations supplémentaires utiles à la solution du litige son audition pourrait apporter. « Les conditions d’intégration et ses motivations pour rester en Suisse » ressortent de ses différentes écritures ainsi que des pièces versées à la procédure et ne justifient pas la tenue d'une audience. Il ne sera, partant, pas donné suite à sa demande, le dossier étant complet et en état d'être jugé.

Pour les mêmes motifs, le TAPI n'était pas tenu de procéder à l'audition de la recourante. Son droit d'être entendue n'a en conséquence pas été violé.

3) Est litigieuse la question de savoir si l’OCPM a, à juste titre, refusé de transmettre le dossier de la recourante avec un préavis favorable au SEM et prononcé son renvoi de Suisse.

a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que, pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration de l’art. 58a
al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (SEM, Directives et commentaires, Domaine des étrangers, 2013 état au 1er janvier 2021 [ci-après : directives LEI] ch. 5.6).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

4) Dans un premier grief, la recourante critique l'appréciation de l’OCPM quant à la durée de son séjour.

a. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées).

Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Le caractère continu ou non du séjour peut avoir une influence (arrêt du TAF C-5048/2010 du 7 mai 2012 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269).

Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8).

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, développée sous l'empire de l'ancien droit mais toujours applicable, de manière générale, le « permis humanitaire » n'est pas destiné à permettre aux étudiants étrangers arrivant au terme de leurs études de rester en Suisse jusqu'à ce qu'ils remplissent les conditions pour déposer une demande de naturalisation. Par ailleurs, les « considérations de politique générale » prévues par l'art. 13 let. f de l'ancienne ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 (aOLE) ne visaient certainement pas le cas des étudiants étrangers accueillis en Suisse pour qu'ils y acquièrent une bonne formation et la mettent ensuite au service de leur pays. Ainsi, vu la nature de leur autorisation de séjour limitée dans le temps et liée à un but déterminé, les étudiants ne peuvent pas obtenir un titre de séjour en Suisse après la fin de leurs études, ni compter en obtenir un. En principe, les autorités compétentes ne violent donc pas le droit fédéral lorsqu'elles refusent d'accorder une autorisation de séjour pour cas de rigueur à un étranger qui a terminé ses études en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.317/2006 du 16 août 2006 consid. 3 et la jurisprudence citée ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 ; arrêt du TAF C-5465/2008 du 18 janvier 2010 consid. 6.3 ; ATA/783/2018 du 24 juillet 2018 consid. 7).

Il s'ensuit que la durée du séjour accompli en Suisse à la faveur d'un permis d'élève ou d'étudiant n'est pas déterminante pour la reconnaissance d'un cas personnel d'extrême gravité. Les ressortissants étrangers séjournant en Suisse à ce titre ne peuvent donc en principe pas obtenir une exemption des nombres maximums fixés par le Conseil fédéral au terme de leur formation, respectivement à l'échéance de l'autorisation - d'emblée limitée dans le temps - qui leur avait été délivrée dans ce but précis, sous réserve de circonstances tout à fait exceptionnelles (ATAF 2007/45 consid. 4.4 in fine ; arrêt du TAF 
C-5465/2008 précité ; C-4646/2008 du 15 septembre 2010 consid 5.3).

c. Le Tribunal fédéral a considéré que l'on ne saurait inclure dans la notion de séjour légal les périodes où la présence de l'intéressé est seulement tolérée en Suisse. De même, après la révocation de l'autorisation de séjour, la procédure de recours engagée n'emporte pas non plus une telle conséquence sur le séjour (arrêt du Tribunal fédéral 2C_926/2010 du 21 juillet 2011 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 270).

d. En l’espèce, la recourante est arrivée en Suisse en mai 2014. Elle y a séjourné cinq ans de façon illégale. Depuis le 6 août 2019, elle s’y trouve au bénéfice de la seule tolérance des autorités suisses. Conformément à la jurisprudence précitée, c’est à raison que tant l’OCPM que le TAPI ont relativisé la durée du séjour de sept ans de la recourante.

5) Dans un second grief, la recourante considère que l’OCPM et le TAPI ont mal apprécié son intégration.

La recourante est arrivée à Genève en mai 2014, âgée de 45 ans. Ses emplois, comme garde d’enfants et femme de ménage, ne sont pas constitutifs d'une ascension professionnelle remarquable et ne l'ont pas conduite à acquérir des connaissances professionnelles spécifiques à la Suisse, comme pourrait l'être une formation dans l'horlogerie par exemple (ATA/526/2021 du 18 mai 2021), qu'elle ne pourrait mettre à profit dans un autre pays, en particulier son pays d'origine. À cet égard, la possible ascension professionnelle dont elle se prévaut et une potentielle formation dans le futur ne suffisent pas à remplir ce critère légal tel que défini par la jurisprudence.

Si elle a pu se créer un cercle d'amis, les relations de travail, d'amitié, de voisinage que l'étranger noue durant son séjour en Suisse ne constituent pas, à elles seules, des circonstances de nature à justifier un cas de rigueur (arrêts du TAF F-3168/2015 du 6 août 2018 consid. 8.5.2 ; F-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.2.3). Par ailleurs, l'indépendance économique tout comme l'absence d'infractions pénales, sont des aspects qui sont en principe attendus de tout étranger désireux de s'établir durablement en Suisse et ne constituent donc pas un élément extraordinaire en sa faveur. Ainsi, si ces éléments pourraient être favorables à la recourante, ils relèvent du comportement que l’on est en droit d’attendre de toute personne séjournant dans le pays (arrêts du Tribunal fédéral 2C_779/2016 du 13 septembre 2016 consid. 4.2 ; 2C_789/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2.2).

Enfin, son implication dans la vie associative consistant principalement en des activités auprès de son église, ne suffit pas au sens de la jurisprudence pour fonder une intégration exceptionnelle.

S'agissant de ses possibilités de réintégration dans son pays d'origine, la recourante est née aux Philippines, dont elle parle la langue et où elle a vécu pendant quarante-cinq années. Elle est en bonne santé et, de retour dans son pays d'origine, pourra faire valoir l'expérience professionnelle et les connaissances linguistiques acquises en Suisse.

Il n'est dès lors pas concevable que son pays d'origine, dans lequel elle a vécu durant quarante-cinq années, a grandi, s’est formée et a même exercé des activités professionnelles de 1995 à 2012, soit pendant dix-sept ans, en qualité d’employée de bureau ou secrétaire puis de « operation Manager » lui soit devenu à ce point étranger qu'elle ne serait plus en mesure, après une période de réadaptation, d'y retrouver ses repères.

Elle avait de surcroît indiqué dans son formulaire M du 6 mai 2019 être mariée et mère d’un enfant né en 2003. Elle a de même sollicité, en septembre 2019, un visa pour se rendre aux Philippines pour raisons familiales.

Dans ces circonstances, il ne peut être retenu qu'un retour aux Philippines constituerait pour la recourante un déracinement important et présenterait une rigueur excessive au sens retenu par la jurisprudence. Il n'apparaît pas que les difficultés auxquelles elle devrait faire face seraient pour elle plus graves que pour la moyenne des étrangers de la même origine retournant dans leur pays.

Par ailleurs, la recourante ne peut pas être suivie lorsqu’elle revendique des critères d’intégration plus souples pour des personnes venues tardivement en Suisse, s’agissant d’entrée et de séjour, ainsi que de prise d’emplois illégaux sur le territoire.

La recourante se plaint d'une violation du principe de l'égalité de traitement avec les personnes ayant des enfants. La situation n'est toutefois pas similaire, au motif précisément qu’il convient de tenir compte dans ce cas de figure des conséquences du séjour en Suisse pour lesdits enfants, et de leur intégration, par exemple scolaire, par essence différentes de celles des adultes.

La recourante ne présente donc pas une situation de détresse personnelle au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, ce quand bien même il ne peut être nié qu'un retour dans son pays d'origine pourra engendrer pour elle certaines difficultés de réadaptation.

Il ne se justifie en conséquence pas de déroger aux conditions d'admission en Suisse en faveur de la recourante, au vu de la jurisprudence très stricte en la matière. Il est en effet rappelé qu’il ressort de la formulation de l'art. 30 al. 1
let. b LEI rédigé en la forme potestative, que l'étranger n'a aucun droit à l'octroi d'une dérogation aux conditions d'admission pour cas individuel d'une extrême gravité et, partant, à l'octroi d'une autorisation de séjour fondée sur cette disposition (ATF 138 II 393 consid. 3.1 et 137 II 345 consid. 3.2.1). Il appert également du libellé de l'art. 30 al. 1 let. b LEI (« cas individuel d'une extrême gravité ») que cette disposition constitue une disposition dérogatoire présentant un caractère exceptionnel.

Enfin, il sera rappelé que l’autorité intimée bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation que la chambre de céans ne revoit qu’en cas d’abus ou d’excès. Tel n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

L'autorité intimée était en conséquence fondée à refuser de donner une suite positive à la demande d'autorisation de séjour déposée par la recourante et l'instance précédente à confirmer ledit refus.

Le recours sera partant rejeté.

6) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6 et les arrêts cités). Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

b. En l’espèce, rien ne permet de retenir que l'exécution du renvoi de la recourante ne serait pas possible, licite ou raisonnement exigible. Comme déjà relevé, sa situation n'est en tous cas pas si rigoureuse qu'on ne saurait exiger son retour aux Philippines.

Le contexte actuel lié à la propagation dans le monde de la pandémie du Covid-19 n'est, de par son caractère temporaire, pas de nature à remettre en cause l'exécution d'un renvoi. Si cette situation devait retarder momentanément l'exécution du renvoi, celle-ci interviendra nécessairement plus tard, en temps approprié (arrêt du TAF E-7106/2018 du 4 mai 2021 consid. 8.2 et les références citées).

Mal fondé, le recours sera rejeté.

7) Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2021 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22  juillet 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Celi Vegas, avocat de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.