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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4184/2013

ATA/1264/2015 du 24.11.2015 sur JTAPI/1375/2014 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : IMPÔT SUR LE REVENU REVENU D'UNE ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE; GAIN IMMOBILIER; DETTE; DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL); PRINCIPE DE LA BONNE FOI; INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE; GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ; IMPOSITION SELON LA CAPACITÉ ÉCONOMIQUE; DROIT FISCAL
Normes : aLIPP-IV.1 ; aLIPP-IV.3.al2 ; aLIPP-V.3.al3 ; aLIPP-V.9.letc ; LIFD.16.al1; LIFD.18.al2; LIFD.25; LIFD.34.letc ; aLIFD.211; Cst.9 ; LPA.61 ; Cst.26.al1 ; Cst.127.al2
Résumé : Contribuable ayant obtenu une importante plus-value lors d'une vente immobilière, l'immeuble faisant partie de sa fortune commerciale. Problématique de l'imposition de cette plus-value, le contribuable ayant utilisé l'intégralité du produit de la vente pour rembourser ses dettes vis-à-vis d'un établissement bancaire. Les dépenses affectées au remboursement de dettes n'étant pas déductibles du revenu, l'intégralité du bénéfice provenant de la vente du bien immobilier doit être imposée.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4184/2013-ICCIFD ATA/1264/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 novembre 2015

4ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Lionel Halpérin, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 décembre 2014 (JTAPI/1375/2014)


EN FAIT

1) Dans les années 1990, Monsieur A______ (ci-après : le contribuable) était administrateur de la régie immobilière genevoise B______(ci-après : la régie).

2) La C______, qui avait repris les actifs et passifs de la D______ (ci-après : D______), a accordé de nombreux prêts à M. A______ et à des sociétés dont il était actionnaire.

3) Dans le contexte de la crise immobilière des années 1990, le contribuable a accepté, par convention du 11 décembre 1993, de céder à E______ SA, société que venait de créer la D______, ses actions de la régie pour le prix de CHF 6'000'000.-.

4) Ce prix était inférieur à celui payé par M. A______ pour l'acquisition de ces actions, qui avait été financée par un prêt de la C______. Par conséquent, cette dernière a exigé qu'un immeuble sis chemin F____________, commune cadastrale de Genève-G______, propriété de la Société immobilière H______ SA (ci-après : SI H______), dont le contribuable était l'unique actionnaire soit transféré à ce dernier.

5) Par convention du 26 mai 1995, la C______ a accordé au contribuable un prêt de CHF 72'000'000.- pour couvrir l'opération précitée, et afin qu'il rembourse divers autres prêts et qu'il liquide ladite SI.

6) Ce prêt était garanti par quatre cédules hypothécaires d'un total de CHF 70'000'000.- grevant l'immeuble sis chemin F______, par le nantissement d'obligations d'un montant de CHF 6'000'000.-, et par la cession de la totalité du produit de l'état locatif de l'immeuble précité.

7) L'immeuble a été porté à l'actif des états financiers du contribuable pour un montant de CHF 44'694'000.-, validé par l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) au titre de valeur de sortie (valeur comptable, plus les frais). Il était toutefois grevé d'une dette de CHF 72'000'000.-, inscrite au passif.

8) Le 19 mai 2000, la I______ a repris certains actifs de la C______, dont la créance de CHF 72'000'000.- grevant l'immeuble sis chemin F______.

9) La vente de l'immeuble sis chemin F______étant envisagée, le mandataire du contribuable s'est adressé à l'AFC-GE par courrier du 2 octobre 2008.

L'immeuble était grevé d'un endettement s'élevant à plus de CHF 70'000'000.-, alors que le prix de revient comptable de l'immeuble n'avait pas été modifié, notamment en y affectant la perte enregistrée sur la cession des actions de la régie. Une vente de gré à gré, qui permettrait de couvrir la totalité du financement accordé par la C______, était envisagée. Si l'AFC-GE devait imposer cette transaction en prenant en compte le prix de revient comptable de l'immeuble, sans tenir compte du transfert en son temps de la perte réalisée sur la cession de la régie, la créance fiscale qui en résulterait ne permettrait plus le désintéressement complet de la I______. Une entrevue avec l'AFC-GE était sollicitée de toute urgence afin d'étudier les conséquences fiscales de cette vente immobilière.

10) Le mandataire du contribuable a rencontré des représentants de l'AFC-GE le 9 octobre 2008.

Selon le procès-verbal de cette séance, établi par le représentant de l'AFC-GE et non signé par les parties, l'AFC-GE avait alors indiqué au mandataire qu'il ne pouvait y avoir de lien entre l'endettement et le prix de revient, et que « les pertes de 1993 auraient de toute manière été perdues au plus tard en 1997 ». Par ailleurs, la situation à fin 2008, quand bien même elle ne changerait pas la décision négative de l'AFC-GE, posait trop d'inconnues (les pertes non compensées sur l'année fiscale 2008 pourraient être si importantes qu'elles anéantiraient tout bénéfice commercial). Par conséquent, l'AFC-GE n'entendait pas entrer en matière sur cette opération.

Le mandataire du contribuable avait alors mentionné la possibilité de transférer l'ensemble des immeubles de M. A______ dans une société à constituer à valeur égale à l'endettement. L'impôt dû sur cette transaction pourrait dès lors bénéficier d'une remise, le but de l'opération étant d'assainir la situation du contribuable.

L'AFC-GE a indiqué être disposée à prendre connaissance d'une proposition écrite du mandataire allant dans ce sens.

11) Par courrier du 23 octobre 2008, l'AFC-GE a accepté que le notaire instrumente la vente de l'immeuble sans lui fournir de garanties et sans exiger une consignation du montant de l'impôt. Elle précisait toutefois que cette opération serait taxable, et que sa décision ne dispenserait pas le contribuable de faire figurer le résultat économique de l'opération dans sa déclaration fiscale 2008.

12) Par acte authentique des 29 et 30 octobre 2008, M. A______ a vendu l'immeuble à la société de droit luxembourgeois J______ Sàrl au prix de CHF 85'500'000.-.

13) Par courrier de son mandataire du 12 novembre 2008, le contribuable a rappelé à l'AFC-GE qu'une taxation ordinaire sur le bénéfice de la vente de l'immeuble sis chemin F______ empêcherait d'affecter la totalité des fonds au remboursement des crédits ouvert auprès de la I______, et ne correspondrait pas à la réalité économique. En échange d'une remise fiscale exceptionnelle, il proposait de constituer une nouvelle société dans laquelle il apporterait ses autres immeubles, à une valeur correspondant à l'endettement actuel qui grevait chacun de ces objets. Les éventuelles plus-values que la société enregistrerait sur la vente future de ces immeubles seraient imposées normalement.

14) En date du 5 mars 2012, l'AFC-GE a adressé au contribuable une demande de renseignements portant sur la période fiscale 2008, le priant notamment de lui remettre les décomptes précis amenant au prix de revient de CHF 80'649'353.95 pour l'immeuble sis chemin F______ ______.

15) Le contribuable a répondu par courriers des 27 mars 2012 et 20 mars 2013.

16) Les 30 avril 2013 et 6 juin 2013, l'AFC-GE a requis des informations complémentaires du contribuable portant notamment sur l'augmentation de la valeur comptable au 31 décembre 2007 de l'opération du chemin F____________, qui était passée de CHF 44'694'000.- à CHF 72'694'000.-.

17) Par courrier du 21 juin 2013, le mandataire de M. A______ a indiqué à l'AFC-GE que cette question devait faire l'objet d'importantes recherches d'archives et qu'il apporterait une réponse ultérieurement.

18) Par bordereaux de taxation du 5 juillet 2013 portant sur l'année fiscale 2008, l'AFC-GE a fixé l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD) à CHF 2'654'499.-, se basant sur un revenu imposable de CHF 23'082'683.-, et l'impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) à CHF 7'671'998.-, sur la base d'un revenu total de CHF 22'973'333.- et d'une fortune imposable nulle.

La valeur comptable du bien du chemin F____________ au 31 décembre 2007 selon le décompte du contribuable (CHF 72'694'000.-) n'ayant pas été justifiée malgré sa demande, l'AFC-GE avait pris en considération la valeur comptable figurant au bilan déposé avec la déclaration 2007, soit CHF 44'649'000.-. Le prix de revient se montait donc à CHF 52'649'376.95.

L'AFC-GE avait donc pris en compte un bénéfice net de CHF 27'854'395.-, résultant essentiellement de la vente de l'immeuble.

19) Le même jour, l'AFC-GE a notifié au contribuable ses décisions de taxation portant sur l'ICC et l'IFD 2009.

20) Le 30 juillet 2013, le contribuable a formé réclamation à l'encontre de ces bordereaux de taxation, par l'intermédiaire de son mandataire.

Le bénéfice retenu par l'AFC-GE sur la vente de l'immeuble sis chemin F______ était notamment contesté. Cette opération ne l'avait pas enrichi puisqu'il avait remboursé ses dettes vis-à-vis de la C______ (s'élevant, intérêts compris, à CHF 73'638'000.-) grâce au produit de la vente. Cette vente avait au contraire engendré une perte financière de CHF 1'138'000.-. Le contribuable s'étonnait par ailleurs de n'avoir reçu aucune réponse de l'AFC-GE au courrier du 2 octobre 2008. Il n'a alors pas mentionné celui qui avait été envoyé le 12 novembre 2008.

21) Le même jour, M. A______ a également formé réclamation à l'encontre du bordereau de taxation ICC et IFD 2009, par l'intermédiaire d'un mandataire.

En raison de la réclamation qu'il avait déposée à l'encontre des décisions de taxation 2008, il émettait notamment une réserve de déductibilité quant au report de pertes qui n'avaient pas été admises pour l'année 2008 par l'AFC-GE.

22) Par décisions du 27 novembre 2013, l'AFC-GE a partiellement admis la réclamation portant sur l'ICC et l'IFD 2008, et remis des bordereaux rectificatifs qui prenaient en considération d'autres revendications du contribuable. En revanche, la taxation résultant de la vente de l'immeuble restait inchangée au motif que seul le prix de revient du bien vendu, qui s'élevait à CHF 52'649'376.95, pouvait être déduit du prix de vente. Les considérations sur le fait que l'opération n'avait pas engendré un enrichissement n'étaient pas fiscalement pertinentes. Les pertes non compensées étaient ainsi maintenues.

Selon les tableaux de report de pertes annexés aux décisions, les revenus réalisés en 2008 avaient permis d'absorber les pertes des exercices précédents.

23) Les bordereaux rectificatifs, datés du 27 novembre 2013, faisaient état, quant à eux, d'un IFD 2008 de CHF 2'023'724.- calculé sur un revenu imposable de CHF 17'597'600.- et d'un ICC 2008 de CHF 5'834'682.50 calculé sur un revenu imposable de CHF 17'488'256.- et sur une fortune imposable nulle.

24) Par décisions datées du 27 novembre 2013, l'AFC-GE a partiellement admis la réclamation du contribuable portant sur l'année 2009, et lui a remis des bordereaux rectificatifs ICC et IFD 2009. Elle a toutefois refusé de déduire des pertes reportées, dès lors que celles-ci avaient été intégralement absorbées par les revenus des années précédentes.

25) En date du 27 décembre 2013, le contribuable a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) à l'encontre des décisions sur réclamation de l'AFC-GE portant sur l'année 2008, en concluant principalement à leur annulation et à ce qu'il soit déclaré que seuls le revenu de CHF 110'500.-, issu de son activité lucrative dépendante, et ses revenus mobiliers (CHF 214.- et CHF 108.-) soient soumis à l'ICC et l'IFD 2008.

L'AFC-GE avait violé le principe de la bonne foi. Son mandataire avait rendu l'AFC-GE attentive à l'urgence de vendre l'immeuble F______. En l'absence de réponse de sa part au courrier du 2 octobre 2008, il avait considéré, en toute bonne foi, que cette dernière allait imposer la transaction en tenant compte du transfert de la perte enregistrée sur d'autres immeubles de CHF 28'000'000.-.

La C______, puis la I______, l'avaient contraint à un assainissement en décidant du moment de la vente de l'immeuble en 2008. La taxation du gain important de cette vente était en soi correcte si l'on ne prenait en considération que celle-ci de manière individuelle, mais elle ne tenait pas compte des pertes subies sur les ventes des autres immeubles, qui n'avaient jamais pu être déduites du fait qu'il ne réalisait aucun revenu. Le seul bénéficiaire de l'opération était l'État de Genève, qui avait pu récupérer le montant prêté sans enregistrer de pertes, alors qu'il n'avait pas été enrichi.

La garantie de la propriété avait aussi été violée. La charge fiscale totale réclamée par le fisc genevois avait un caractère confiscatoire, dès lors qu'elle représentait environ 7'483 % de son revenu effectivement perçu, à savoir CHF 110'500.-. Il ne pouvait pas non plus puiser dans sa fortune, qui était nulle, pour s'acquitter de ses impôts.

Enfin, le principe de la capacité contributive avait été violé, l'impôt portant sur des revenus dont il avait été immédiatement privé.

26) Le même jour, M. A______ a également formé recours contre les décisions sur réclamation portant sur l'année fiscale 2009.

Il priait le TAPI de joindre les deux recours, dans la mesure où l'issue du litige relatif aux taxations ICC et IFD 2008 devait avoir des conséquences sur les pertes reportées sur l'année 2009. Subsidiairement, le recourant concluait à « l'application du principe de l'impôt confiscatoire (nouveau régime "Bouclier fiscal") », dès lors que les impôts dus dépassaient largement tous ses revenus.

27) Dans sa réponse du 30 mai 2014, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Contrairement à ce qu'affirmait le recourant, elle avait donné suite à la lettre du 2 octobre 2008, dès lors qu'un entretien avait eu lieu avec son mandataire le 9 octobre 2008. Selon le procès-verbal de cet entretien, produit en annexe, l'AFC-GE avait clairement informé le mandataire qu'elle ne pouvait entrer en matière sur la déduction d'une perte réalisée en 1993 pour des motifs évidents d'étanchéité des exercices, quand bien même elle n'aurait pas fait à l'époque l'objet d'une déduction.

Au vu du contenu de ce procès-verbal, le mandataire ne pouvait soutenir qu'elle ne l'avait pas informé de sa position. Les explications données lors de cette entrevue n'étaient pas sujettes à interprétation. En outre, le mandataire ne lui avait finalement jamais soumis la proposition mentionnée dans le procès-verbal.

S'agissant du caractère confiscatoire des taxations, le recourant n'était pas imposable sur le revenu et la fortune depuis au moins l'année 1993. Partant, l'impôt ne pouvait pas être confiscatoire sans élément de fortune taxable.

Le prix de revient de l'immeuble commercial ne pouvait englober que le prix d'achat ou le prix de construction, augmenté de divers travaux de plus-value. La perte alléguée par le recourant sur la transaction de l'immeuble aurait pu être déduite en 1993, lors de la cession des actions de la régie à la C______ pour le prix de CHF 6'000'000.- diminuée du prix d'achat. En tout état, cette perte n'aurait de toute manière pas pu être considérée au-delà des trois ans admis à l'époque pour le report des pertes.

Enfin, le prêt de CHF 72'000'000.- accordé en 1995 était une opération devant être traitée de manière tout à fait indépendante de la vente des actions de la régie en 1993. Subsidiairement, l'excédent de liquidation taxé en 1996 tenait compte de l'amortissement des actions de la SI pour un montant de CHF 25'000'000.-.

28) Par courrier de son mandataire du 30 juillet 2014, le contribuable a persisté intégralement dans ses conclusions précédentes.

Contrairement à ce qu'alléguait l'AFC-GE, son mandataire avait donné suite à l'entretien du 9 octobre 2008 en adressant une proposition chiffrée de règlement à l'amiable du litige datée du 12 novembre 2008. N'ayant pas reçu de réponse à ce courrier, il avait considéré de bonne foi que le fisc n'avait pas pour projet d'imposer la transaction sans tenir compte du transfert de la perte réalisée. À cela s'ajoutait le fait que l'AFC-GE avait accepté de ne pas faire consigner le montant de l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (ci-après : IBGI) sur l'immeuble, par lettre du 23 octobre 2008. Par conséquent, en application du principe de la bonne foi, il convenait d'ajouter au prix de revient de l'immeuble un montant de CHF 28'000'000.-, correspondant à la perte enregistrée sur la cession de la régie.

Le principe de l'étanchéité des exercices, touchant uniquement les bénéfices ou pertes fiscales, ne pouvait s'appliquer dans le cas présent, aucune charge ni provision pour perte n'ayant été constatée en 1993. En effet, lorsque la C______ avait décidé, unilatéralement, de grever l'immeuble d'une dette de CHF 28'000'000.- portant sur divers autres actifs qui n'étaient pas suffisamment garantis, ce transfert de passif ne pouvait à l'époque justifier la comptabilisation d'une perte ou d'une provision pour pertes, vu qu'il s'agissait d'une permutation de passifs.

Selon la théorie de l'accroissement du patrimoine, seuls les revenus réalisés étaient imposables. En grevant l'immeuble d'une dette supplémentaire de CHF 28'000'000.-, la C______ avait pu éviter une perte équivalente lors de sa vente, alors que le contribuable s'était appauvri à concurrence de CHF 1'138'000.-. Compte tenu de son salaire annuel d'environ CHF 110'000.-, et sans aucune fortune personnelle, ce dernier ne pouvait manifestement pas s'acquitter d'un impôt de CHF 8'268'823.-.

29) Par jugement du 8 décembre 2014, le TAPI a rejeté le recours de M. A______.

Les dépenses affectées au remboursement de dettes ne pouvant être déduites du revenu imposable, le bénéfice de la vente devait être imposé dans son intégralité.

Le principe de la bonne foi n'avait pas été violé. En effet, l'on ne pouvait assimiler l'absence de réponse de l'AFC-GE au courrier du 12 novembre 2008 à un accord de sa part. De même, la dispense de consignation du montant de l'IGBI ne pouvait être comprise comme une acceptation de l'AFC-GE d'exonérer le bénéfice de la vente de l'immeuble, ce d'autant plus que celle-ci avait rappelé au contribuable qu'il restait tenu de mentionner le résultat économique de l'opération dans sa déclaration fiscale.

S'agissant du principe de la garantie de propriété, il n'était pas applicable en l'espèce, le contribuable disposant d'une fortune négative. Il ne pouvait dès lors être question d'une atteinte éventuelle à la propriété.

Par ailleurs, les taxations litigieuses ICC et IFD 2008 étaient conformes aux dispositions légales applicables et identiques à celles de tout contribuable placé dans une situation similaire. Par conséquent, le principe de la capacité contributive n'avait pas été violé.

Enfin, le recours étant rejeté pour l'année fiscale 2008, les bordereaux de taxation ICC et IFD 2009 restaient inchangés.

30) Par acte du 14 janvier 2015, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant, « sous suite de dépens », à son annulation et à celle des décisions de taxation du 27 novembre 2013, et à ce qu'il soit constaté que seuls les revenus issus de son activité lucrative dépendante (CHF 110'500.- en 2008 et 2009) et ses revenus mobiliers (CHF 214.- et CHF 108.- en 2008, et CHF 172.- en 2009) devaient être soumis à l'ICC et à l'IFD 2008 et 2009.

Il reprenait pour l'essentiel ses arguments formulés dans son recours au TAPI : il invoquait des violations des principes de la bonne foi, de l'interdiction de l'arbitraire, de la garantie de la propriété, et de la capacité contributive. Ses arguments seront repris dans la partie en droit ci-dessous.

31) Dans sa réponse du 25 février 2015, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le principe de la bonne foi n'avait pas été violé. Il avait été convenu lors de l'entretien du 8 novembre 2008 que le contribuable reprendrait contact avec l'AFC-GE afin de lui soumettre par écrit une proposition. Or, l'AFC-GE n'avait pas reçu une telle proposition et le contribuable n'avait pas prouvé lui avoir fait parvenir un tel document. Par ailleurs, l'obligation de procéder à la consignation du montant de l'IGBI ou sa dispense n'emportait pas fixation définitive du montant de l'impôt et n'était pas indicatif du statut d'imposition du bénéfice immobilier considéré.

Pour le surplus, elle reprenait les arguments formulés dans sa réponse adressée au TAPI.

32) Par courrier du 12 mars 2015, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 17 avril 2015 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

33) En date du 8 avril 2015, l'AFC-GE a intégralement persisté dans ses conclusions prises le 25 février 2015.

34) Par courrier du 16 avril 2015, le recourant s'est étonné de ce que l'AFC-GE faisait pour la première fois valoir le fait qu'elle n'aurait prétendument jamais reçu son courrier du 12 novembre 2008, alors qu'elle aurait eu l'occasion de s'en prévaloir devant le TAPI.

Il avait été établi qu'il avait adressé une proposition écrite à l'AFC-GE et que celle-ci n'y avait jamais donné suite. Vu les circonstances et les importants montants en jeu, il pouvait de bonne foi s'attendre à une réponse de sa part si celle-ci ne devait pas souhaiter entrer en matière sur sa proposition. Il avait donc considéré que le fisc n'avait pas l'intention d'imposer la transaction sans tenir compte du transfert de la perte réalisée.

Pour le surplus, il persistait intégralement dans les conclusions de son recours du 14 janvier 2015.

35) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2011 - LPFisc -D 3 17 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L'objet du litige consiste à déterminer si le bénéfice provenant de la vente immobilière de l'immeuble « F______ » doit être normalement imposé, dès lors que l'intégralité du produit de cette vente a servi à rembourser les dettes du recourant.

La question étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme cela est admis par la jurisprudence (ATF 135 II 260 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_394/2013 du 24 octobre 2013 consid. 1.1 et 2C_60/2013 du 14 août 2013 consid. 1 ; ATA/204/2014 du 1er avril 2014 consid. 3).

3. a. Les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit en vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (arrêts du Tribunal fédéral 2C_835/2012 du 1er avril 2013 consid. 8 ; 2A.568/1998 du 31 janvier 2000 ; ATA/594/2015 du 9 juin 2015 consid. 2 ; ATA/780/2013 du 26 novembre 2013 consid. 2 et les références citées).

b. Le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l'art. 69 abroge les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP-I à V).

L'art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010, et que les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régis par les dispositions de l'ancien droit, même après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

En l'espèce, s'agissant de l'ICC, le recours concerne les périodes fiscales 2008 et 2009. Il s'ensuit que la présente cause est régie sur ce point par les dispositions de la loi sur l'imposition des personnes physiques - impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV) et la loi sur l'imposition des personnes physiques - Détermination du revenu net - Calcul de l'impôt et rabais d'impôt - Compensation des effets de la progression à froid du 22 septembre 2000 (aLIPP-V), dans leur état lors des périodes fiscales en cause.

c. En ce qui concerne l'IFD, la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), entrée en vigueur le 1er janvier 1995, est applicable, dans sa teneur lors des périodes fiscales en cause (2008 et 2009).

4. a. L'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD et art. 1 aLIPP-IV). Tous les bénéfices en capital provenant de l'aliénation, de la réalisation ou de la réévaluation comptable d'éléments de la fortune commerciale font partie du produit de l'activité lucrative indépendante (art. 18 al. 2 1ère phr. LIFD et art. 3 al. 2 aLIPP-IV). Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés dans la loi (art. 25 LIFD et art. 1 aLIPP-V).

b. Selon l'art. 211 aLIFD, les pertes des sept exercices précédant la période fiscale (art. 209) peuvent être déduites, à condition qu'elles n'aient pas été prises en considération lors du calcul du revenu imposable de ces années. Au niveau cantonal, selon l'art. 3 al. 3 let. f aLIPP-V, sont déduites du revenu les pertes de sept exercices au plus précédant la période fiscale, pour la part qui n'a pas pu être déduite dans la taxation de l'impôt d'années antérieures.

c. Les dépenses affectées au remboursement de dettes font partie des autres frais et dépenses non déductibles (art. 34 let. c LIFD et art. 9 let. c aLIPP-V).

En effet, le remboursement d'une dette par son débiteur ne diminue pas son revenu imposable. Sa fortune nette n'est pas non plus atteinte, seule sa composition en est modifiée : la disparition (ou la diminution) de la dette au passif est compensée par la réduction correspondante de l'actif ayant servi à son règlement. La non-déductibilité du remboursement de dettes vaut tant pour les dettes privées que commerciales (Yves NOËL, Commentaire romand - impôt fédéral direct, 2008, n. 11-12 ad art. 34).

d. En l'espèce, l'immeuble vendu par le recourant faisait partie de sa fortune commerciale. Les pertes ayant donné lieu aux prêts de la C______ datant d'il y a plus de sept ans avant la période fiscale concernée, elles ne peuvent être déduites de son revenu. Par ailleurs, les dépenses affectées au remboursement des dettes du contribuable n'étant pas déductibles conformément aux dispositions légales susmentionnées, l'intégralité du bénéfice provenant de la vente de ce bien doit être imposée. Il sied de préciser ici que le recourant ne conteste pas l'applicabilité de ces bases légales au cas d'espèce.

5. Le recourant invoque en outre une violation du principe de la bonne foi. Étant donné l'absence de réponse de l'AFC-GE à son courrier du 12 novembre 2008 et l'accord de cette dernière pour la dispense de retenue de l'IBGI, il croyait de bonne foi qu'elle n'avait pas l'intention d'imposer la transaction immobilière sans prendre en compte le transfert de la perte réalisée.

a. Découlant directement de l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1 ; 2C_1023/2011 du 10 mai 2012 consid. 5).

b. Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d'abord, on doit être en présence d'une promesse concrète effectuée à l'égard d'une personne déterminée. Il faut également que l'autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n'ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement fourni, qu'elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu'elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n'ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (arrêts précités ; ATA/811/2012 du 27 novembre 2012 consid. 2a ; ATA/398/2012 du 26 juin 2012 consid. 8 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3ème éd., 2012, n. 6.4.1.2 et 6.4.2.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 196 s n. 578 s. ; Ulrich HÄFELIN/ Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 2010, 6ème éd., p. 140 ss et p. 157 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, 3ème éd., 2013, n. 1173 ss).

c. Le principe de la bonne foi régit aussi les rapports entre les autorités fiscales et les contribuables ; le droit fiscal est toutefois dominé par le principe de la légalité, de telle sorte que le principe de la bonne foi ne saurait avoir qu'une influence limitée, surtout s'il vient à entrer en conflit avec le principe de la légalité (art. 5 et 9 Cst. ; ATF 118 Ib 312 consid. 3b ; Jean-Marc RIVIER, Droit fiscal suisse, 2ème éd., Lausanne 1998, p. 132 ; Ernst BLUMENSTEIN/Peter LOCHER, System des Steuerrechts, 6ème éd., 2002, p. 28 et les références citées). La règle de l'application limitée du principe de la bonne foi en droit fiscal implique que les conditions de la protection qu'il entraîne soient strictement réalisées (arrêt du Tribunal fédéral 2C_99/2010 du 6 septembre 2010 consid. 4.2.3).

d. En l'espèce, l'AFC-GE a clairement exprimé sa position lors de l'entretien du 9 octobre 2008, dont le procès-verbal n'est pas contesté par le recourant : elle n'entrait pas en matière sur l'opération. Elle a indiqué être disposée à prendre connaissance de la nouvelle proposition du mandataire du recourant qui lui serait soumise par écrit, mais n'a aucunement même laissé entendre qu'elle pourrait y être favorable. Par conséquent, le recourant ne pouvait de bonne foi s'attendre à ce que l'absence de réponse de l'AFC-GE signifie son approbation. S'agissant de la dispense de consignation du montant de l'IBGI, elle ne pouvait à elle seule constituer une assurance de l'administration quant à sa prétendue intention de ne pas imposer normalement cette opération, ce d'autant plus que l'AFC-GE a précisé dans son courrier du 23 octobre 2008 que le recourant restait tenu de mentionner le résultat économique de l'opération immobilière dans sa déclaration fiscale.

e. Au vu de ce qui précède, le jugement du TAPI sera confirmé sur ce point, les conditions d'application du principe de la bonne foi n'étant pas réunies.

6. Le recourant invoque ensuite une violation de l'interdiction de l'arbitraire. Le fait qu'il soit contraint à s'acquitter d'un impôt à concurrence de plusieurs millions alors qu'il n'a jamais perçu le moindre bénéfice serait choquant, ce d'autant plus que l'unique bénéficiaire de l'opération « F______ » serait l'État de Genève, qui a pu récupérer le montant prêté au recourant. La vente de l'immeuble devrait ainsi être appréhendée dans son contexte global, et non uniquement d'un point de vue fiscal.

a. Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF 138 I 49 consid. 7.1 p. 51 et arrêts cités). À cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain (ATF 136 III 552 consid. 4.2 p. 560 ; 132 III 209 consid. 2.1 p. 211 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_227/2012 du 11 avril 2012). L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 III 378 consid. 6.1 p. 380 ; 138 I 49 consid. 7.1 p. 51 ; 137 I 1 consid. 2.4 p. 5 ; ATF 136 I 316 consid. 2.2.2 p. 318 ; ATF 134 II 124 consid. 4.1 p. 133 et les arrêts cités).

Appelée à examiner le caractère arbitraire d'une décision, la chambre de céans suit le raisonnement du Tribunal fédéral en la matière (ATA/661/2012 du 25 septembre 2012 consid. 5 et les arrêts cités).

b. En l'espèce, dans la mesure où le pouvoir d'examen de la chambre de céans n'est pas limité à l'arbitraire (art. 61 LPA), ce grief se confond en partie, au vu de l'argumentation du recourant, avec ceux de la violation de la garantie de propriété et de la capacité contributive, examinés ci-dessous (consid. 7 et 8). En tout état de cause, l'on relèvera ici que ni la motivation du TAPI, ni le résultat de sa décision ne sont arbitraires. Tout d'abord, la loi prévoit expressément que le remboursement de dettes n'est pas déductible, comme cela ressort du considérant 4 ci-dessus. Par ailleurs, il n'est pas exact de considérer, comme le fait le recourant, qu'il n'aurait pas perçu le moindre revenu en vendant l'immeuble « F______ ». En effet, cette transaction lui a permis d'éponger ses dettes, et donc de diminuer son passif. Ainsi, l'on ne saurait le suivre lorsqu'il prétend que l'État de Genève aurait été le seul bénéficiaire de cette opération. À cet égard, il sied de préciser que si le canton de Genève est subsidiairement responsable des obligations de la C______ (qui est une société anonyme de droit public au sens de l'art. 763 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 - Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), l'on ne peut pas pour autant assimiler la C______ et ses décisions à l'État de Genève, comme le fait le recourant.

7. Le recourant invoque ensuite une violation de la garantie de la propriété. La charge fiscale totale réclamée par le fisc genevois aurait un caractère confiscatoire, dès lors qu'elle représenterait environ 7'483 % du revenu effectivement perçu par M. A______, à savoir CHF 110'500.-.

a. L'art. 26 al. 1 Cst. consacre le principe de la garantie de la propriété. Selon la doctrine, la garantie de la propriété assurée par l'ancien art. 22ter aCst., aujourd'hui repris par l'art. 26 al. 2 Cst., vise à sauvegarder la propriété en tant qu'institution de notre ordre juridique. Le législateur ne doit pas adopter une norme qui supprime cette institution juridique, la rend vaine, la vide de sa substance ou porte atteinte à son noyau intangible (Jean-Marc RIVIER, op.cit., 1998, p. 89).

La garantie de la propriété ne va, en matière fiscale, pas au-delà de l'interdiction d'une imposition confiscatoire, cette dernière portant atteinte à l'institution même de la propriété privée (ATAF 2007/23 consid. 7.4.1 ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, op. cit., n. 2043 ; Klaus VALLENDER, in Bernhard EHRENZELLER et al. [éd.], Die schweizerische Bundesverfassung - Kommentar, vol. 1, 2ème éd., 2008, n. 34 ss ad art. 26 Cst. ; Jörg Paul MÜLLER/Markus SCHEFER, Grundrechte in der Schweiz, 4ème éd., 2008, p. 1041).

b. Ainsi, selon la jurisprudence, une prétention fiscale ne doit-elle pas porter atteinte au noyau essentiel de la propriété privée. Pour juger si une imposition a un effet confiscatoire, il faut examiner la charge que représente l'imposition sur une assez longue période, en faisant abstraction des circonstances extraordinaires ; à cette fin, il y a lieu de prendre en considération l'ensemble des circonstances concrètes, la durée et la gravité de l'atteinte, ainsi que le cumul d'autres taxes ou contributions, et la possibilité de reporter l'impôt sur d'autres personnes (ATF 122 I 305 consid. 7a ; 128 II 112 consid. 10b.bb et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_579/2009 du 26 juin 2010).

Le Tribunal fédéral a notamment admis que le noyau essentiel de la propriété privée n'est pas touché si, pendant une courte période, le revenu à disposition ne suffit pas à s'acquitter de la charge fiscale sans entamer la fortune (ATF 106 Ia 342 consid. 6c p. 353 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.139/2004 du 30 novembre 2004 consid. 4.1 ; 2C_277/2008 du 26 septembre 2008).

Le Tribunal fédéral fait preuve d'une grande retenue dans l'admission du caractère confiscatoire d'une imposition, qu'il n'a constaté qu'à une reprise, dans le cadre d'une rente viagère constituée par disposition pour cause de mort, relativement à laquelle l'impôt sur les successions et l'impôt sur le revenu, combinés, représentaient 55 % du montant des rentes d'une personne ayant une capacité contributive réduite (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 44).

c. Au plan cantonal, la chambre de céans a jugé confiscatoire une imposition totale sur le revenu et la fortune représentant 98,5 % du revenu imposable des recourants, dont la situation sur ce point était durable (ATA/771/2011 du 20 décembre 2011 consid. 9). Elle est arrivée à la même conclusion s'agissant d'une imposition totale, tant sur le revenu que sur la fortune, équivalant à 92.36 % du revenu imposable ICC de la contribuable, ce qui épuisait la substance de l'objet imposable et empêchait sa reconstitution, l'atteinte s'inscrivant au demeurant dans la durée (ATA/818/2012 du 4 décembre 2012 consid. 9).

d. En l'espèce, en sus des revenus de son activité salariale (s'élevant à CHF 110'500.-), M. A______ a réalisé, en vendant l'immeuble « F______ », un bénéfice net de CHF 27'843'275.- au titre de son activité indépendante. Conformément aux art. 18 al. 2 1ère phr. LIFD et art. 3 al. 2 aLIPP-IV, cette somme fait partie du produit de son activité lucrative indépendante, et donc de ses revenus. La charge fiscale totale (ICC et IFD) pour l'année 2008, de CHF 8'268'823.30, représente moins de 30 % de ses revenus, et ne saurait dès lors avoir un caractère confiscatoire. À cet égard, il importe peu de savoir que M. A______ s'est immédiatement dessaisi du bénéfice de la vente pour rembourser ses dettes. Ce fait ne peut avoir pour conséquence de considérer l'impôt comme confiscatoire, le remboursement des dettes n'étant pas déductible, conformément aux art. 34 let. c LIFD et art. 9 let. c aLIPP-V susmentionnés.

8. Le recourant fait enfin valoir une violation du principe de la capacité contributive. L'impôt réclamé par l'AFC-GE ne frapperait pas les recettes dont il pouvait librement disposer, puisque les bénéfices avaient été directement affectés au remboursement de ses dettes.

a. En vertu de l'art. 127 al. 2 Cst., dans la mesure où la nature de l'impôt le permet, les principes de l'universalité, de l'égalité de traitement et de la capacité économique doivent, en particulier, être respectés (ATF 140 II 157 consid. 7.1 p. 160).

Selon les principes de l'égalité de l'imposition et de l'imposition selon la capacité contributive, les contribuables qui sont dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale semblable ; lorsqu'ils sont dans des situations de fait différentes qui ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en tenir compte et y être adaptée. Ainsi, d'après le principe de la proportionnalité de la charge fiscale à la capacité contributive (ATA/881/2014 du 11 novembre 2014 consid. 6 ; ATA/270/2014 du 15 avril 2014), chaque citoyen doit contribuer à la couverture des dépenses publiques compte tenu de sa situation personnelle et en proportion de ses moyens (ATF 140 II 157 consid. 7.1 p. 160).

En tant qu'il frappe l'indicateur privilégié de la capacité contributive, l'impôt sur le revenu est en tous les cas régi strictement par ce principe. Le contribuable doit ainsi être frappé sur les recettes économiques dont il peut librement disposer pour couvrir ses besoins privés. Il en découle notamment l'exigence de l'imposition du revenu global net, compte tenu des déductions sociales justifiées par la situation personnelle du contribuable (Xavier OBERSON, op. cit., p. 39). Le principe de la capacité contributive exige que l'imposition de chaque tranche de revenu réponde, à l'intérieur du système et en comparaison avec les autres tranches de revenu, aux mêmes règles, qu'elle soit fondée objectivement et se tienne dans un rapport raisonnable (ATF 133 I 206 consid. 7 et 8).

b. En l'espèce, comme l'a à juste titre retenu le TAPI, les taxations litigieuses ICC et IFD 2008 sont conformes aux dispositions légales applicables, et donc identiques à celles de tout autre contribuable placé dans une situation similaire. Contrairement à ce que soutient le recourant, il a pu librement disposer des bénéfices résultant de la vente de l'immeuble « F______ », s'en servant pour rembourser les dettes qu'il avait contractées auprès de la C______. Le principe de la capacité contributive n'a dès lors pas été violé.

9. En tous points mal fondé, le recours sera rejeté en ce qui concerne l'année fiscale 2008.

10. Etant donné le rejet des conclusions portant sur l'année 2008, il en sera de même pour celles portant sur l'année 2009. Selon le recourant, l'issue du litige relatif aux taxations ICC et IFD 2008 avait des conséquences sur l'année fiscale 2009, dans la mesure où s'il avait obtenu gain de cause, des pertes auraient pu être reportées sur l'année 2009.

Dans ces circonstances, les décisions de l'AFC-GE quant à l'ICC et l'IFD 2008 et 2009 sont conformes au droit, si bien que le recours sera rejeté.

11. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 janvier 2015 par Monsieur  A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 décembre 2014 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Lionel Halpérin, avocat du recourant, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod et M. Dumartheray, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :