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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2799/2018

ATA/1185/2018 du 06.11.2018 ( PROC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2799/2018-PROC ATA/1185/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 novembre 2018

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Romain Jordan, avocat

contre

TRIBUNAL PÉNAL

et

CHAMBRE ADMINISTRATIVE – COUR DE JUSTICE

 



EN FAIT

1. Le 8 février 2016, Madame A______, avocate inscrite au barreau genevois, a été nommée d’office à la défense des intérêts de Madame B______.

2. Le 17 janvier 2017, Mme A______ a sollicité du Tribunal correctionnel, dans le cadre du dossier précité, de pouvoir consulter l’intégralité des décisions et ordonnances d'instruction rendues par le Tribunal pénal durant les dix dernières années.

3. Le 2 mars 2017, le secrétariat général du Pouvoir judiciaire a refusé la requête de Mme A______, précisant que celle-ci ne portait pas sur les décisions du Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) et du Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM).

4. Le 13 mars 2017, Mme A______ a formé une demande de médiation auprès du préposé cantonal à la protection des données et à la transparence (ci-après : le préposé cantonal).

5. Le 21 août 2017, le préposé cantonal a recommandé au Tribunal pénal d’autoriser la consultation, dans ses locaux, par Mme A______ de l’intégralité des décisions et ordonnances rendues par le Tribunal ces dix dernières années.

6. Par décision du 4 septembre 2017, le Tribunal pénal a refusé à
Mme A______ l’accès à l'intégralité des décisions prises par celui-ci depuis 2007 en vertu de l'art. 80 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), précisant que la requête ne portait pas sur les décisions du TMC et du TAPEM.

7. Par acte mis à la poste le 30 octobre 2017, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée.

8. Le Tribunal pénal a conclu au rejet du recours.

9. Dans sa réplique du 25 janvier 2018, Mme A______ a sollicité la tenue d'une audience publique de plaidoiries.

10. Le 9 février 2018, à la demande du juge délégué, elle a précisé que sa plaidoirie durerait approximativement quarante-cinq minutes. S’agissant de la salle, elle devait être apte à pouvoir accueillir un public relativement important compte tenu des enjeux de la procédure pour l’ensemble de la profession et du justiciable.

11. L’audience de plaidoiries, en présence de cinq magistrats et d’une greffière de la chambre administrative, s’est tenue le 25 avril 2018. Elle a duré de 14h15 à 14h45, chacune des deux parties ayant plaidé et le conseil de la recourante ayant répliqué.

Au vu du public annoncé, l’audience n’a pas pu être tenue dans les locaux de la Cour de droit public.

12. Par arrêt du 5 juin 2018 (ATA/550/2018), la chambre administrative a rejeté le recours interjeté le 30 octobre 2017 par Mme A______.

Un émolument de CHF 2'000.- était mis à sa charge. Il n’était pas alloué d’indemnité de procédure.

13. Le 16 août 2018, Mme A______ a interjeté recours contre l’arrêt précité devant le Tribunal fédéral.

14. Le 20 août 2018, Mme A______ a formé une réclamation contre l’émolument, concluant à ce qu’il soit ramené à CHF 500.-.

Par ordonnance du 2 novembre 2017, la chambre administrative avait sollicité une avance de frais de CHF 500.- à teneur de laquelle il s’agissait des frais de procédure et des émoluments présumables. La chambre administrative n’avait pas statué sur restitution de l’effet suspensif sur mesures provisionnelles. Elle avait procédé à un échange d’écritures ordinaire et tenu une brève audience de plaidoiries. Elle avait pourtant mis à la charge de la recourante un émolument qualifié de CHF 2'000.-, lequel quadruplait celui pourtant estimé en début de procédure, en ne motivant nullement sa décision et fixant pour la première fois de son histoire un émolument de plus de CHF 1’000.- en matière de loi sur l’information du public et l’accès aux documents du 5 octobre 2001
(LIPAD - A 2 08). Dans ces circonstances, l’émolument apparaissait manifestement disproportionné et incompréhensible sauf à y voir une volonté de sanctionner la recourante et le fait qu’elle ait demandé la tenue d’une audience publique de plaidoiries.

15. Par observations du 20 septembre 2018, le Tribunal pénal a conclu au rejet de la réclamation. L’audience de plaidoiries avait nécessité, outre la présence des magistrats et de la greffière, celle de la directrice du Tribunal pénal et de la directrice du service juridique du secrétariat général du Pouvoir judiciaire en tant que responsable LIPAD. Or, la demanderesse ne s’était pas présentée en personne, ce, sans motif légitime.

16. Invitée à répliquer, la demanderesse a informé la chambre de céans qu’elle n’avait pas d’observations complémentaires à faire valoir.

17. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Adressée en temps utile devant la juridiction compétente, la réclamation est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 87 al. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. a. La chambre de céans statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'État et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/510/2016 du 14 juin 2016 consid. 2 ; ATA/581/2009 du 10 novembre 2009 et les références citées).

Selon l’art. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les frais de procédure qui peuvent être mis à la charge de la partie comprennent l’émolument d’arrêté au sens de l’art. 2 et les débours au sens de l’art. 3. En règle générale, l’émolument d’arrêté n’excède pas CHF 10'000.- (art. 2 al. 1 RFPA) ; toutefois, dans les contestations de nature pécuniaire, l’émolument peut dépasser cette somme, sans excéder CHF 15'000.- (art. 2 al. 1 RFPA).

b. Un principe général de procédure administrative veut que les frais soient supportés par la partie qui succombe et dans la mesure où elle succombe (René RHINOW et al., Öffentliches Prozessrecht, 2ème éd., 2014, n. 951).

La chambre administrative dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant à la quotité de l'émolument qu’elle met à charge de la partie qui succombe. Cela résulte notamment de l'art. 2 al. 1 RFPA dès lors que ce dernier se contente de plafonner – en principe – l'émolument d'arrêté à CHF 10'000.- (ATA/378/2015 du 21 avril 2015 consid. 2).

3. En l’espèce, dans un premier grief, la recourante reproche à la chambre de céans l’absence de motivation du montant de l’émolument.

Or, selon la jurisprudence, les décisions des tribunaux en matière de frais et dépens n’ont pas à être motivées, l’autorité restant néanmoins liée par le principe général de l’interdiction de l’arbitraire (ATF 114 Ia 332 consid. 2b ; 111 Ia 1 ; 111 V 48 consid. 4a).

Le grief n’est donc pas fondé.

4. La recourante allègue que la chambre de céans aurait fixé pour la première fois de son histoire un émolument de plus de CHF 1’000.- en matière de LIPAD.

Cette allégation est erronée. Certes, l’émolument mis à charge de la partie qui succombe en matière de LIPAD s’élève souvent à CHF 1'000.-. Toutefois, des émoluments à CHF 1'500.- ont déjà été fixés par la chambre de céans (ATA/528/2012 du 21 août 2012 ; ATA/390/2011 du 21 juin 2011).

5. La recourante considère le montant de l’émolument comme disproportionné.

a. Il est de jurisprudence constante que la partie qui succombe supporte une partie des frais découlant du travail qu’elle a généré par sa saisine (ATA/182/2018 du 27 février 2018 consid. 2). Les frais de justice sont des contributions causales qui trouvent leur fondement dans la sollicitation d'une prestation étatique et, partant, dépendent des coûts occasionnés par le service rendu. Il est cependant notoire que, en matière judiciaire, les émoluments encaissés par les tribunaux n'arrivent pas, et de loin, à couvrir leurs dépenses effectives (ATF 143 I 227 consid. 4.3.1 ; 141 I 105 consid. 3.3.2 ; 133 V 402 consid. 3.1).

b. En l’espèce, l’intéressée a succombé.

Le travail nécessité par le recours a impliqué une instruction écrite comportant un double échange d’écritures et une audience de plaidoiries, cette dernière réunissant cinq magistrats et une greffière. L’audience a été tenue à la demande de la recourante.

L’arrêt fait vingt-huit pages, dont vingt de développement en droit.

Compte tenu du travail induit par la cause pour la chambre de céans et du fait qu’elle soulevait des questions juridiques traitées pour la première fois, le montant de l’émolument n’apparaît pas disproportionné.

L’émolument s’inscrit, au demeurant dans le bas de la fourchette de
l’art. 2 RFPA.

6. La recourante se plaint que le montant est quatre fois plus élevé que l’avance de frais sollicitée.

a. La juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables. Elle fixe à cet effet un délai suffisant (art. 86 al. 1 LPA).

b. En l’espèce, aucune demande d’audience de plaidoiries n’avait été formulée précédemment dans les causes dont la chambre de céans avait eu à connaître en matière de LIPAD. Pour le surplus, la requête de tenue d’une audience de plaidoiries a été formulée dans la réplique. Ces frais n’étaient pas présumables. Enfin, le fait que l’avance de frais soit évaluée à un montant moindre est favorable au justiciable. Ce grief n’est pas recevable au moment de la fixation de l’émolument en application de l’art. 87 al. 1 LPA.

7. La recourante se plaint de ce qu’il s’agirait d’une sanction.

Rien ne soutient son allégation. Par ailleurs, si la chambre de céans avait souhaité agir de façon punitive à l’égard de la recourante, elle aurait prononcé une amende au sens de l’art. 88 LPA relatif à l’emploi abusif des procédures.

Par conséquent, la réclamation sera rejetée.

8. Conformément à la pratique de la juridiction de céans, qui pourrait être amenée à changer, aucun émolument ne sera perçu et aucune indemnité de procédure ne sera allouée pour la présente procédure (art. 87 al. 1 et 2 LPA ; ATA/1196/2017 du 22 août 2017 et les références citées).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable la réclamation formée le 16 août 2018 par Madame A______ contre l’arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice rendu le 5 juin 2018 dans la cause A/4371/2017 (ATA/550/2018) ;

au fond :

la rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure dans la présente cause ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat de la recourante ainsi qu'au Tribunal pénal.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, Mme Junod, MM. Pagan et Verniory,
Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :