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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4510/2018

ATA/100/2019 du 29.01.2019 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4510/2018-FPUBL

" ATA/100/2019

 

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 29 janvier 2019

sur effet suspensif et mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'EMPLOI ET DE LA SANTÉ

 



Attendu en fait que :

1. Monsieur A______ a été engagé en qualité de conseiller en personnel à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) dès le 1er mai 2008.

2. Au cours des années 2016, 2017 et 2018, M. A______ a été absent, pour raison de santé,

-     du 29 mars 2016 au 17 avril 2016 à 100 % ;

-     du 12 mai 2016 au 22 mai 2016 à 100 % ;

-     du 11 juillet 2016 au 12 juillet 2016 à 100 % ;

-     du 28 juillet 2016 au 29 juillet 2016 à 100 % ;

-     du 24 octobre 2016 au 6 novembre 2016 à 100 % ;

-     du 7 novembre 2016 au 22 novembre 2016 à 50 % ;

-     du 16 mars 2017 au 21 avril 2017 à 100 % ;

-     du 19 juillet 2017 au 30 juillet 2017 à 100 % ;

-     du 4 août 2017 au 20 août 2017 à 100 % ;

-     du 28 août 2017 au 22 septembre 2017 à 100 % ;

-     du 25 septembre 2017 au 30 avril 2018 à 100 % ;

-     du 1er mai 2018 à ce jour à 50 %.

3. Le 22 novembre 2018, le directeur général de l’OCE et la responsable des ressources humaines de cet office ont reçu l’intéressé. Ses nombreuses absences compromettaient le suivi des assurés dont il avait la charge. Les dossiers devaient être réattribués à ses collègues à chacune des absences. Une procédure de reclassement allait être ouverte.

4. Dans le délai qui lui avait été accordé, M. A______ s’est déterminé. Il n’était pas « optimal » de devoir redistribuer des dossiers, mais cela n’avait rien d’exceptionnel. Ceux dont il avait la charge n’avaient pas dû être réattribués depuis le mois de septembre 2017. Il traitait un portefeuille, certes réduit, mais sans que des plaintes soient portées contre lui.

Il aurait souhaité, au vu des problèmes de santé actuels, être momentanément affecté à d’autres services ou à d’autres tâches jusqu’à ce qu’il ait retrouvé une pleine capacité professionnelle.

Il devait subir une petite intervention chirurgicale au mois de décembre, puis une opération plus importante en début d’année, qui engendrerait des modifications morphologiques, et souhaitait en conséquence être provisoirement déplacé à un poste moins exposé, dans tous les sens du terme. Il s’étonnait que la procédure de reclassement ait lieu pendant cette période.

5. Par décision du 7 décembre 2018, le conseiller d’État en charge du département de l’emploi et de la santé a ordonné l’ouverture d’une procédure de reclassement. Les observations transmises n’avaient pas été de nature à remettre en cause la détermination de sa hiérarchie, laquelle désirait que la pratique de la réattribution des dossiers disparaisse. Il était invité à transmettre son curriculum vitae avant le 17 décembre 2018 et un bilan définitif devait être dressé le 8 février 2019.

Cette décision incidente était déclarée exécutoire nonobstant recours.

6. Le 18 décembre 2018, M. A______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d’un recours contre la décision précitée, concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif, et au fond, à son annulation, dès lors qu’il n’y avait aucun motif de licenciement.

Il avait été victime d’un « burn out », autrement dit d’un épuisement professionnel, en 2013, et avait à cette époque effectué un stage de cinq mois au sein de la caisse cantonale de chômage, sans qu’un poste de travail ne lui soit proposé à la fin.

Il avait été victime d’un AVC en 2015 et devait faire face à divers problèmes de santé qui avaient entraîné des absences. Depuis le 1er mai 2018, il se portait beaucoup mieux, même s’il devait subir une petite intervention à mi-décembre 2018 et une lourde au début de l’année 2019.

Il était prévu qu’il puisse bénéficier, après ces interventions, d’une pleine capacité de travail.

L’actuel directeur de l’OCE menait une réelle « chasse aux malades ». Il l’avait convoqué à un entretien au mois de juin 2018, et l’avait invité à deviner le nombre de jours-maladie accumulés depuis son entrée en fonction en lui indiquant que, trop souvent absent, il était « grillé » auprès de l’ensemble des services de l’État.

Compte tenu de son incapacité de travail à 50 %, il lui avait été interdit de s’absenter entre 9h00 et 11h00 et entre 14h00 et 16h00 et une exception lui avait été refusée lorsqu’il s’était agi d’effectuer une prise de sang à jeun, ce qui l’avait obligé à requérir un certificat médical.

L’intéressé devant subir deux interventions chirurgicales, l’une à mi-décembre 2018 et l’une au début de l’année 2019, il ne pourrait, de fait, participer à la procédure de reclassement, alors même que les chances de succès du recours étaient manifestes. Son intérêt privé à retarder l’ouverture de procédure de reclassement primait celui de l’autorité intimée de voir ladite procédure se poursuivre.

7. Le 7 janvier 2019, l’autorité a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif.

Il n’avait pas présenté d’incapacité de travail au cours du mois de décembre 2018 du fait d’une intervention chirurgicale et n’en avait pas annoncé une pour le début de l’année 2019. La procédure de reclassement avait pu être initiée et suivait son cours sans que l’intéressé ne soit empêché d’y participer.

8. Le 16 janvier 2019, exerçant son droit à la réplique sur la question de l’effet suspensif, M. A______ a maintenu ses conclusions antérieures. Il avait bien subi une intervention chirurgicale le 11 décembre 2018 qui avait nécessité un arrêt de travail de trois jours. Un certificat médical avait été transmis à la hiérarchie, annexé à son écriture.

L’opération plus lourde, prévue durant le mois de janvier 2019, avait été momentanément reportée et une reprise de travail à 60 ou à 70 % était envisagée dès le mois de février 2019.

Il n’avait, en l’état, bénéficié d’aucun suivi, ne s’était vu proposer aucune mesure de réinsertion professionnelle et il n’avait, au jour de la rédaction de l’écriture en question, pas été reçu par le service des ressources humaines.

Il persistait en conséquence dans ses conclusions sur effet suspensif.

9. Sur quoi, la cause a été gardée à juger sur cette question, ce dont les parties ont été informées.

considérant, en droit :

qu’aux termes de l’art. 21 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), l’autorité peut d’office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés (al. 1) ; ces mesures sont ordonnées par le président s’il s’agit d’une autorité collégiale ou d’une juridiction administrative (al. 2) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l'effet suspensif (Philippe WEISSENBERGER/Astrid HIRZEL, Der Suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahmen, in Isabelle HÄNER/Bernhard WALDMANN [éd.], Brennpunkte im Verwaltungsprozess, 2013, 61-85, p. 63) – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/566/2012 du 21 août 2012 consid. 4 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2) ;

que l'octroi de mesures provisionnelles présuppose l'urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l'intéressé la menace d'un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405) ;

que de telles mesures ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités) ;

qu’ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (Isabelle HÄNER, op. cit., p. 265) :

que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution ;

qu’elle dispose alors d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire ;

que la restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités) ;

que la chambre administrative a, de manière constante, déclaré irrecevables des recours contre des décisions incidentes d’ouverture d’une procédure de reclassement, les conditions alternatives du préjudice irréparable et de l’évitement d’une procédure probatoire longue et coûteuse requises par l’art. 57 let. c LPA n’étant pas remplies (ATA/923/2014 du 25 novembre 2014 ; ATA/825/2013 du 17 décembre 2013 ; ATA/293/2013 du 7 mai 2013) ;

que, dans ces circonstances, les chances de succès du recours paraissent faibles ;

qu’en outre, l’intérêt public invoqué par l’intimé, soit la poursuite de la procédure de reclassement en cours apparaît important et le recourante ne se prévaut pas d’un intérêt privé qui devrait prévaloir dans la pesée d’intérêts ;

que, dans ces circonstances, la chambre administrative refusera de restituer l’effet suspensif au recours ;

que, toutefois, le calendrier que l’autorité a fixé apparaît, même à ce stade du dossier, trop serré ;

qu’outre la faute de frappe admise par l’autorité intimée, la période choisie chevauche - sans en tenir compte - tant une absence du recourant, d’une durée de trois jours, démontrée par pièce, que la période de vacances de Noël ;

que, toutefois et sur mesure provisionnelle, elle prolongera, la période de reclassement au 7 mars 2019 ;

que le sort des frais de la procédure étant réservé jusqu’à droit jugé au fond ;

vu l’art. 66 al. 3 LPA et l’art. 9 al. 1 du règlement de la chambre administrative du 26 septembre 2017 ;

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

sur mesure provisionnelle, dit que le bilan final de la période de reclassement est fixé au 7 mars 2019 ;

refuse de restituer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Romain Jordan, avocat du recourant ainsi qu'au département de l'emploi et de la santé.

 


 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :