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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15968/2011

ACPR/913/2020 du 16.12.2020 sur OCL/339/2020 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Recours TF déposé le 21.01.2021, rendu le 07.09.2022, ADMIS, 6B_64/2021, S 9951/49
Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;DISPOSITIF;PLAIGNANT;LÉSÉ;CONFISCATION(DROIT PÉNAL);CRÉANCE;ALLOCATION AU LÉSÉ;DOMMAGE;FARDEAU DE LA PREUVE;TIERS
Normes : CPP.382; CPP.118; CPP.319; CPP.320; CPP.366; CPP.115; CP.70; CP.71; CP.73; CO.42

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15968/2011 ACPR/913/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 16 décembre 2020

 

Entre

 

A______ JSC et B______ LTD, comparant par Me C______, avocat,

D______, domiciliée ______, Israël, comparant par Me E______, avocat,

recourantes,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 23 avril 2020 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A.           a. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 7 mai 2020, A______ JSC et B______ LTD recourent contre l'ordonnance du 23 avril 2020, qui leur a été "communiquée" par pli simple, en qualité d'"autres participants" à la procédure, le 27 suivant, et dans laquelle le Ministère public a:

1.      ordonné le classement de la procédure à l'égard de D______ (art. 319 al. 1 let. d CPP) ;

2.      ordonné en tant que de besoin la confiscation en faveur de l'État de Genève et l'allocation à ce dernier de :

-          CHF 15'421.- séquestrés sur le compte n° 1______ auprès de [la banque] F______, désormais en mains du conseil de A______ JSC et B______ LTD;

-          environ CHF 364'000.- séquestrés sur le compte n° 2______ auprès de [la banque] G______;

-          CHF 5'730'000.-, correspondant au produit de vente de la villa de H______ [GE], séquestrés en mains du notaire;

-          les loyers nets générés par la location d'un appartement sis au I______ [GE];

-          environ CHF 106'728.-, correspondant au solde du compte de gestion de cet appartement, séquestrés en mains des Services financiers du Pouvoir judiciaire.

3.      ordonné en tant que de besoin la confiscation et la vente en faveur de l'État de Genève, des actions de la SI J______ SA et des pièces séquestrées selon inventaire du 26 janvier 2012;

4.      renvoyé A______ JSC et B______ LTD à agir par la voie civile afin de faire valoir leurs éventuelles conclusions civiles;

5.      refusé d'allouer à D______ une indemnité à titre de réparation du tort moral;

6.      condamné D______ aux frais de la procédure, arrêtés à CHF 1'020.-.

Les recourantes concluent à l'annulation de cette ordonnance, au renvoi de D______ en jugement pour blanchiment d'argent (art. 305bis CP), faux dans les titres (art. 251 CP) et obtention frauduleuse d'une constatation fausse (art. 253 CP), et à l'attribution/restitution/allocation des avoirs séquestrés en réduction de leur dommage.

b. Par acte expédié le même jour, D______ forme également recours contre cette ordonnance, laquelle lui a aussi été notifiée le 27 avril 2020.

Elle conclut, sous suite de frais et dépens, chiffrés à CHF 2'700.-, à l'annulation du chiffre 1, en tant que le classement intervient exclusivement au sens de l'art. 319 al. 1 let. d CPP, au classement de la procédure à son égard en vertu de l'art. 319 al. 1 let. a, b et d CPP, et à l'annulation des chiffres 2 et 3.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 9 novembre 2011, l'Office fédéral de la police a communiqué au Ministère public de Genève un avis "MROS" visant K______, L______ et M______. En mars 2009, ceux-ci avaient ouvert, auprès de la banque N______ à Genève, une relation au nom d'une société O______ INC dont ils étaient ayants droit économiques. En mars 2011, ce compte avait été crédité de USD 120'000'000.-, en provenance du fonds de placement P______ LTD, Bahamas (ci-après P______ LTD), qui disposait d'avoirs auprès de la banque Q______, Lituanie, fonds résultant prétendument de la revente d'une participation dans une société russe R______.

Chacun des trois intéressés avait préalablement ouvert, auprès de N______, un compte au nom d'une société offshore, soit S______ HOLDING (ci-après S______), en avril 2010, pour K______, [société] T______, le 25 janvier 2011, pour L______ et [la société] U______, en décembre 2010, pour M______. Trois versements, totalisant chacun USD 36'498'333.30, avaient été exécutés au débit du compte de O______ INC, les 21, 23 et 30 mars 2011, vers les comptes de ces sociétés offshore. En octobre 2011, à la suite de la demande soudaine de retrait des avoirs en espèces par les ayants droit des comptes, la banque avait procédé à un nouvel examen de la situation, qui avait démontré que R______ avait une valeur cinq fois moindre que celle annoncée et que les autorités boursières n'avaient pas été informées d'une transaction, alors même que la société était cotée en bourse. Tout portait dès lors à croire que la copie de l'acte de vente fournie pour justifier l'origine des fonds était un faux.

b. Les 15 novembre 2011 et 12 juillet 2012, V______ JSC à W______ [Russie], holding du groupe bancaire A______, devenue ensuite A______ JSC, et sa filiale X______ LTD à Y______ [Grande-Bretagne], devenue par la suite Z______ LTD puis, en janvier 2018, B______ LTD Ltd (cf. PP 20'501), ont déposé plainte pénale contre K______, L______ et M______.

En novembre 2010, K______ et M______, qui travaillaient pour A______ JSC, avaient obtenu du groupe A______ JSC que L______ et quatre membres de son équipe, qui travaillaient dans un autre établissement financier [à] Y______ [Grande-Bretagne], soient engagés par B______ LTD, moyennant le versement d'une prime de USD 25 millions, à partager à parts égales entre eux. Or, K______, M______ et L______ avaient conservé USD 18,9 millions, seul le solde ayant été partagé entre les autres membres de l'équipe.

K______, M______ et L______, agissant de conserve avec un dénommé AA______, avaient par ailleurs amené B______ LTD, en mars 2011, par une machination habile et des manipulations de taux dans le système informatique de la banque, à acquérir, pour un prix d'environ USD 210 millions, des obligations de l'État argentin, en substituant à leur cotation en pesos argentins des dollars américains, d'un cours quatre fois supérieur, et en présentant un faux contrat de revente à six mois à une société tierce - AB______ - donnant l'impression d'un bénéfice assuré. La perte en ayant résulté pour la banque s'élevait à plus de USD 150 millions, dont USD 120 millions versés sur le compte de O______ INC auprès de [la banque] N______.

c.a. L'enquête menée par le Ministère public a notamment permis d'établir que L______ et son équipe avaient été engagés, sur la foi des recommandations de M______ et K______, pour renforcer la filiale [britannique] du groupe A______ JSC (cf. PP 22'083; pv du 18 mars 2013, PP 28'035). Dans la mesure où le bilan de la société n'était pas suffisant pour payer le montant de la prime d'engagement convenue et où L______ souhaitait que le paiement passe par le biais d'une société offshore en raison du statut fiscal de son équipe (AX______, pv du 16.12. 2011, PP 20'502), ces primes avaient fait l'objet de cinq contrats au nom des intéressés et d'une société BVI A______ INTERNATIONAL LTD (cf. PP 22'585ss), filiale à 100% du groupe A______ (AX______, pv du 16.12. 2011, PP 20'502).

Cette prime d'engagement, d'un montant total de USD 25 millions, avait été débitée le 22 novembre 2010, à hauteur de USD 23 millions, d'un compte de A______ INTERNATIONAL LTD à Y______ [Grande-Bretagne] (PP 22'616) pour être versée à [la banque] F______ (anciennement AD______) sur le compte d'une société incorporée dans les îles Vierges britanniques, AE______ INTERNATIONAL LTD, dont L______ était l'ayant droit économique. Sur cette somme, un montant de USD 18,9 avait été transféré, le 17 décembre 2010, sur le compte d'une société panaméenne AF______ SA, contrôlée par L______, auprès de AD______ à BB______ (Bahamas), pour être ensuite partagée entre ce dernier, AR______ et K______, lequel avait reçu, le 23 décembre 2010, une somme de USD 5'667'000.- à la banque AD______, sur le compte d'une société AG______ LTD, dont il était l'ayant droit économique (cf. notamment PP 22'617ss).

Une partie de ces fonds - notamment USD 2'660'000.- le 29 décembre 2019 - avait ensuite été débitée du compte de AG______ LTD au profit du compte de [la société] S______ auprès de [la banque] N______.

c.b. L'acquisition des bons argentins avait quant à elle été opérée par le truchement d'un négociant en valeurs mobilières bulgare, la société AH______, qui avait fait le lien entre B______ LTD et le vendeur, P______ LTD, agissant par le biais de la banque AI______ en Lituanie. Le montant de USD 213'468'750.- versé le 9 mars 2011 par B______ LTD à AH______ avait été transféré deux jours plus tard sur le compte de P______ LTD au sein de la banque AI______, après déduction d'une commission de USD 495'000.-. P______ LTD avait ensuite transféré, par des versements successifs, entre les 16 et 30 mars 2011, le produit de la vente sur un autre compte lui appartenant au sein de la banque Q______. De ce compte, entre les 16 et 18 mars 2011, avait enfin été opéré le transfert - justifié auprès de ce dernier établissement par un contrat de prêt conclu le 11 du même mois - d'une somme de USD 120 millions sur le compte de O______ INC auprès de N______, laquelle avait été répartie, quelques jours plus tard, sur les comptes [des sociétés] S______, T______ et U______ (cf. notamment PP 21'186ss).

d. En mai 2010, D______, épouse de K______, a ouvert auprès de N______ un compte n° 3______, destiné à recevoir une somme de l'ordre de CHF 1 million, cadeau de son époux. Elle a déclaré à cette occasion être femme au foyer et sans activité lucrative (cf. PP 31'624 et PP 31'634).

Les 18 mai et 28 juin 2011, CHF 14'331'468.- ont été transférés sur ce compte depuis le compte de S______, somme qui a notamment servi à l'acquisition, en mai 2011, d'une villa à H______ [GE] d'un prix de CHF 16,5 millions, inscrite au nom de D______. Celle-ci a certifié à cette occasion qu'elle n'était pas assujettie aux dispositions légales régissant l'acquisition d'immeubles par les étrangers ni n'agissait d'ordre ou pour le compte de personnes domiciliées à l'étranger et que le financement du bien ne provenait pas de personnes ayant leur domicile ou leur siège à l'étranger dans une mesure excédant les normes usuelles en matière civile et commerciale (cf. PP 43'172).

Un montant de EUR 270'000.- a également été transféré par K______ sur un compte de son épouse auprès de [la banque] F______, fonds utilisés pour le paiement de locations en Espagne (EUR 35'418.- et EUR 35'410.-), d'un véhicule dans ce pays (EUR 34'666.-), d'honoraires d'avocat de K______ (EUR 35'016.-) et de diverses dépenses (EUR 129'490.-).

e. Le 23 juin 2011, D______ a ouvert un compte n° 2______ auprès de la banque G______, sur lequel elle a obtenu un crédit hypothécaire de CHF 5,75 millions. Ce dernier a été utilisé pour s'acquitter du solde du prix de la villa de H______ (CHF 2,75 millions), rénover celle-ci (CHF 402'783.- et CHF 397'698.-), acquérir un portefeuille de titres russes (CHF 1 million) et accorder un prêt de CHF 800'000.- à une société à AJ______ (Lettonie), liée à un ami de K______, qui a ultérieurement déclaré que ce prêt était fictif et n'avait au demeurant jamais été remboursé, nonobstant les termes du contrat (cf. PP 27'052).

f. En décembre 2011, le Ministère public a placé sous séquestre divers avoirs de D______, dont:

- le compte n° 1______ auprès de F______;

- le compte n° 2______ auprès de G______;

- le produit de la revente de la villa de H______ [GE];

- les actions nominatives de la SI J______ SA, acquises par D______ le 26 août 2010 pour un prix de CHF 1'250'000.- (PP 26'103) débité du compte de S______, étant précisé que le certificat d'actions les incorporant n'a pas pu être localisé - il serait demeuré en mains de l'intéressée, cf. PP 20'555 et PP 28'701 - mais que le conseil d'administration de la société immobilière s'est engagé à bloquer tout transfert de celui-ci (PP 20'155);

- les loyers nets générés par la location de l'appartement sis au chemin 4______, I______ [GE], auquel donnent droit les actions susmentionnées.

g. Arrêté le 22 novembre 2011 à Zurich et prévenu d'escroquerie et de blanchiment d'argent, M______ a, dans un premier temps, nié les faits qui lui étaient reprochés, affirmant que K______ et L______ tentaient de l'impliquer dans une affaire qui ne le concernait pas. Les fonds versés sur le compte de S______ provenaient de la restitution par les deux précités d'un prêt/investissement que lui-même avait effectué pour le compte de clients, dont il souhaitait taire l'identité. Sa signature sur le contrat de vente d'une participation dans R______ avait été contrefaite. L'escroquerie aux bons argentins avait été initiée par les dirigeants du groupe A______, entre autres AK______, directeur général de A______ JSC et B______ LTD, et AL______, le trader de AB______ (pv du 23 février 2012, PP 21'369).

Il a finalement admis tant la fraude aux bons argentins que le fait d'avoir induit en erreur A______ JSC et B______ LTD afin de les amener à verser un bonus d'engagement à L______ et son équipe, bonus que ce dernier avait en réalité partagé pour l'essentiel avec K______ et lui-même. Les fonds versés sur le compte de S______ après avoir transité par O______ INC résultaient de ces agissements (pv des 7 mars 2012 et 14 mars 2013, PP 21'552 et 28'009ss).

En dédommagement de leur préjudice et pour solde de tout compte, M______ a restitué à A______ JSC et B______ LTD USD 9'899'440.- déposés sur le compte de [la société] U______, USD 12'493'494.- qui avaient été transférés à sa soeur; une villa en Espagne, payée EUR 4 millions; et trois véhicules de luxe, estimés au total à USD 440'000.-.

Par jugement du 19 avril 2013, le Tribunal correctionnel l'a condamné, dans le cadre d'une procédure simplifiée disjointe de la présente procédure, pour escroquerie et blanchiment d'argent simple - étant précisé que l'acte d'accusation (cf. PP 600'026ss) se référait à l'infraction de blanchiment d'argent aggravé, telle que requalifiée en audience, avec l'accord des parties plaignantes, afin d'éviter un éventuel problème de compétence juridictionnelle (cf. PP 600'249) -, à une peine privative de liberté de 36 mois, avec sursis partiel - quote-part suspendue de 20 mois - d'une durée de 5 ans.

h. La procédure a également été disjointe et la poursuite pénale déléguée aux autorités anglaises, s'agissant de L______, qui a été condamné, le 27 janvier 2017, par le Tribunal criminel de Y______ [Grande-Bretagne], pour les faits précités, des chefs d'escroquerie et de blanchiment d'argent, à une peine privative de liberté de 12 ans, AL______ étant, lui, condamné à 7 ans de prison pour sa participation à la fraude aux bons argentins.

i. La procédure s'est poursuivie à Genève contre K______, AA______ - auquel il était reproché d'avoir joué un rôle clé dans la fraude aux bons argentins en entretenant la confusion entre USD et pesos argentins (cf. notamment PP 10'130ss) - et AN______, mère de ce dernier, dont la société, AO______ SA, avait bénéficié de fonds litigieux transférés par M______.

i.a. Dans ce cadre, l'individu qui avait déclaré aux autorités anglaises que le fonds d'investissement P______ LTD lui appartenait, AP______, a admis devant le Ministère public détenir cette société à titre fiduciaire, le réel ayant droit économique étant AQ______ - lequel fait l'objet de poursuites pénales internationales pour détournements de fonds dans d'autres affaires -, dont il recevait toutes les instructions. Cette société n'avait jamais possédé d'actifs valant USD 120 millions et les opérations litigieuses ne figuraient pas dans la comptabilité qu'il avait consultée en 2011. Le signataire des documents produits et ordres de transferts, AR______, était mort brusquement en décembre 2011 (PP 26'479 et 26'287). Il a précisé, dans le cadre de la procédure anglaise, avoir pensé, lorsque les fonds avaient été crédités sur le compte de la société, qu'il s'agissait de profits réalisés dans le cadre de ses affaires courantes. Il n'avait réalisé qu'ultérieurement qu'il s'agissait du produit d'une fraude commise au préjudice des parties plaignantes. P______ LTD n'avait ainsi aucune prétention sur les biens acquis par les prévenus, prétendument pour son compte (PP 26'496).

i.b. AS______, l'interlocuteur de K______, L______ et M______ chez N______, a déclaré avoir rencontré les deux premiers nommés en février 2011 à AM______ [GR], où L______ lui avait décrit la vente d'une participation dans une société R______. Juste avant l'arrivée des fonds, K______ lui avait toutefois demandé de justifier le transfert par un contrat de prêt devant être révoqué peu après, ce qu'il avait refusé, le motif du transfert devant refléter la nature réelle de l'opération (pv du 16 mai 2012, PP 22'174).

i.c. AA______ s'est défendu de toute participation à une fraude (PP 24'539) en affirmant avoir agi sur instruction de L______ et K______, dont il était le subordonné (cf. PP 21'081 et 21'180). Les dirigeants de la banque, notamment AK______ et son adjoint, AT______, étaient par ailleurs au courant de la transaction (cf. PP 21'082, 24'000 et 26'697).

i.d. Entendu par le Ministère public le 24 janvier 2013 au bénéfice d'un sauf-conduit, K______ - qui réside désormais en Israël sous l'identité de [K______] - a contesté les faits qui lui étaient reprochés, maintenant que les fonds versés sur le compte de O______ INC provenaient d'un prêt de la société P______ LTD, destiné à être investi pour le compte de celle-ci (PP 600'128).

D'après ses explications, les parties plaignantes, singulièrement AT______ et AK______, étaient à l'origine de la fraude, s'il y en avait eu une (cf. pv du 24 janvier 2013, PP 600'132 et 600'134, pv du 23 septembre 2013, PP 25'662, pv du 25 septembre 2013, PP 25'807; PP 200'117). Lui-même était conscient à l'époque que la valeur réelle des titres payés USD 210 millions était de USD 60 millions, mais ne pouvait en informer quiconque, puisque ses supérieurs à la banque le savaient aussi (PP 25'666).

Cette fraude était totalement indépendante du prêt accordé par P______ LTD pour une durée de trois ans (pv du 23 septembre 2013, PP 25'665) et il estimait que le lien entre l'escroquerie susmentionnée et lui-même n'était pas établi (PP 25'690). Ce prêt avait été accordé pour de la gestion de fortune, y compris dans des biens immobiliers, chacun des trois gestionnaires étant responsable des investissements effectués. Il ignorait si P______ LTD en avait sollicité le remboursement (PP 25'692). Un contrat de revente d'actions avait été fourni à N______, car "l'explication de l'origine de l'argent par un contrat de prêt ne suffisait pas" (PP 25'692). Il savait que ce contrat ne correspondait pas à la réalité (PP 25'698). M______, qui leur avait promis un gros investissement, avait mis en place le prêt accordé par P______ LTD et leur avait dit ensuite qu'il était destiné à de la gestion de fortune (PP 25'694). M______ les avait tous trompés (PP 25'695).

Il avait investi une partie des fonds dans la villa de H______, acquise formellement par son épouse, dans le but de développer un projet immobilier. Il n'était pas question d'en faire le domicile conjugal (pv du 24 janvier 2013, PP 600'133).

L'appartement du I______ était un cadeau à son épouse pour la naissance de leur second enfant (pv du 24 septembre 2013, PP 25766).

j. Lors de cette même audience, K______ a contesté la qualité de lésées des parties plaignantes (PP 600'127), ce statut revenant selon lui exclusivement à la société AW______, pour le compte de laquelle la transaction avait prétendument été effectuée, ainsi qu'en témoignait l'"investment management agreement" conclu le 26 mai 2010 entre les deux parties (cf. PP 24'162).

j.a. AK______ a confirmé que AW______ était une cliente de la banque, à laquelle la liait un contrat de gestion de fortune (PP 27'084). Les bons argentins étaient achetés par AW______ et devaient être revendus à terme à AB______ (PP 27'091 et 27'133). B______ LTD était intervenue comme agent entre son client et AB______. La transaction avait été présentée comme étant sans risque par L______ et son équipe. En août 2011, lui-même avait rencontré AL______ en compagnie de L______, pour la dénouer. Leur interlocuteur, qui lui avait auparavant confirmé l'existence du contrat forward, l'avait informé qu'il avait été démis de ses fonctions quelques jours plus tôt. L______ lui avait ensuite avoué qu'il n'existait pas de contrat forward avec AB______ (PP 22'459).

Lorsque AW______ avait été informée du problème, soit que le contrat avec AB______ était falsifié et que le collatéral avait été acheté quatre fois trop cher à la suite d'une erreur de la banque, elle avait refusé d'en assumer les conséquences et A______ JSC l'avait rapidement remboursée (PP 22'460).

j.b. AT______ a confirmé que l'opération sur les bons argentins avait été initiée par L______ et un membre de son équipe pour le compte d'un client. Dans la mesure où elle sortait des limites qui leur avaient été accordées, son approbation en tant que supérieur direct avait été sollicitée. L'opération devait être financée en majeure partie par la banque, avec un effet de levier de 80% sous la forme d'un prêt au client. À l'époque, il avait demandé à M______, qu'il pensait sans lien avec l'opération, de vérifier le prix de cet instrument financier, car le service des risques de la banque avait des interrogations. En sa présence, M______ avait fait semblant de téléphoner à un broker, étant précisé que ce dernier avait confirmé par la suite n'avoir jamais reçu d'appel. Sur la foi des informations reçues, lui-même avait donné le feu vert à la transaction. La question de savoir si la perte devait être assumée par la banque ou le client avait été discutée par la haute direction du groupe A______. Il avait finalement été convenu de "remettre les choses à zéro", comme si la transaction n'avait jamais existé (PP 27'179). La perte avait été assumée dans un premier temps par B______ LTD, puis reprise par la maison mère de W______ [Russie] (PP 22'080ss). S'agissant de AW______, il ne pouvait dire si son bénéficiaire économique avait été informé de l'opération préalablement à la conclusion de celle-ci. Il en avait en revanche certainement été informé par le biais de la liste détaillée des opérations que B______ LTD envoyait quotidiennement à ses clients (PP 27'181).

j.c. AX______, représentant des plaignantes, a expliqué que l'activité normale de B______ LTD était le courtage en titres financiers et le financement des opérations avec des contrats de rachat à terme. Dans le cas des bons argentins, B______ LTD était intervenue comme intermédiaire pour le compte de AW______, qui était cliente de la banque, en vertu d'un mandat de gestion discrétionnaire (PP 21'834). B______ LTD avait toutefois conservé la propriété des titres, dont AW______ ne devait être que le bénéficiaire économique. Comme la responsabilité de la perte incombait à B______ LTD, elle l'avait prise en charge, A______ JSC l'ayant en dernier lieu assumée, du fait qu'elle assurait la couverture de B______ LTD. Il était toutefois vrai qu'au départ, le risque aurait pu être à la charge de AW______ (pv du 10 février 2012; PP 21'225; pv du 12 avril 2012, PP 21'834).

k.a. En dépit de plusieurs relances (cf. notamment les courriers de K______ des 30 juin 2015, PP 200'116, et 10 novembre 2017, PP 200'129) et d'un arrêt de la Chambre de céans du 4 octobre 2019 (ACPR/781/2019) l'invitant à trancher dans les meilleurs délais la question de la qualité de lésées des parties plaignantes, le Ministère public n'a jamais statué sur cette question. Il n'a pas non plus donné suite à l'interpellation de K______, lorsque celui-ci a affirmé que A______ JSC n'avait pas non plus la qualité de partie plaignante. Il s'agissait en effet d'une holding qui n'exerçait pas d'activité dans le secteur bancaire, lui-même travaillant, à l'époque des faits, pour la banque AV______, qui n'était pas partie à la procédure, et non pour A______ JSC. La banque V______ CORP avait par ailleurs été placée sous le contrôle de l'État russe en vue de son assainissement, mesure qui entraînait la suspension de toutes les procurations émises au préalable (cf. courrier du 10 novembre 2017, PP 200'129).

k.b. A______ JSC et B______ LTD ont en revanche pris position à plusieurs reprises, pièces à l'appui (cf. courriers des 11 octobre 2018, PP 600'245, 31 octobre 2018, PP 600'378, 1er novembre 2018, PP 600'448 notamment).

Elles ont confirmé que les bons argentins avaient été acquis par B______ LTD, pour le compte de sa cliente, AW______, à laquelle elle avait octroyé pour ce faire un prêt de USD 180 millions garanti par les bons argentins ainsi acquis, étant précisé que B______ LTD en était toujours demeurée détentrice vis-à-vis de leur dépositaire, la société AY______. Les agissements frauduleux de K______ et consorts lui avaient ainsi porté directement atteinte, dans la mesure où elle ne pouvait demander à sa cliente de supporter une perte résultant d'une fraude perpétrée par ses propres employés. Cette perte avait au demeurant été comptabilisée dans ses comptes annuels clôturés au 31 décembre 2011, ainsi qu'en témoignaient les pièces produites (cf. PP 600'325).

En ce qui concernait A______ JSC, la procédure russe évoquée par K______ ne la concernait pas, B______ LTD ayant d'ailleurs changé de dénomination pour éviter toute confusion avec la banque V______ CORP (PP 600'463 et PP 600'448).

De nouvelles procurations ont été produites, afin de lever tout doute sur les pouvoirs de représentation de leur avocat.

k.c. Dans leurs différents courriers, A______ JSC et B______ LTD ont également rappelé qu'elles avaient participé, en qualité de partie plaignante, à la procédure ayant conduit à la condamnation de M______, sans que ce statut soit discuté. Elles figuraient également en cette qualité dans l'acte d'accusation du 15 décembre 2016 (annulé par l'ACPR/348/2017 du 29 mai 2017, de même que tous les actes de procédure intervenus à dater du 23 août 2016, par suite de la récusation du Procureur, prononcée par l'ACPR/65/2017 du 10 février 2017).

Leur qualité de lésées avait été pleinement reconnue dans le cadre des procédures civiles anglaises.

Dans le contexte des procédures conduites en Suisse, elles s'étaient vu restituer d'importants montants, de l'ordre de USD 42,8 millions.

Tout au long de la procédure, le Ministère public avait par ailleurs ordonné la levée de différents séquestres en leur faveur, levées ayant pour la plupart été confirmées par la Chambre de céans, sans que leur qualité de partie plaignante ne soit remise en cause (cf. notamment ACPR/404/2014 du 9 septembre 2014; ACPR/24/2016 du 20 janvier 2016; ACPR/47/2016 du 27 janvier 2016).

La restitution anticipée de fonds appartenant, directement ou indirectement, à K______, avait en particulier fait l'objet d'une ordonnance du 2 mars 2015, confirmée en grande partie par l'arrêt ACPR/24/2016 sus évoqué.

À cette occasion, la Chambre de céans avait rappelé qu'il avait été établi, par une condamnation entrée en force, que B______ LTD avait été spoliée d'un montant de plus de USD 150 millions en acquérant, par le comportement astucieux de M______, des obligations à un prix quatre fois trop élevé. Le cheminement de l'argent jusqu'au compte de O______ INC avait été démontré à satisfaction de droit par les différents relevés bancaires produits. L'éventuelle participation de K______ n'avait donc pas à être tranchée à ce stade et le fait qu'il ait éventuellement cru que cet argent provenait d'un prêt octroyé par P______ LTD était sans pertinence, dès lors que l'on ne pouvait considérer qu'il avait fourni une contre-prestation adéquate pour l'entier des montants versés. Une restitution au lésé ne violait dès lors pas la présomption d'innocence.

La restitution des avoirs séquestrés au préjudice de D______ avait en revanche été annulée par arrêt ACPR/64/2017 du 10 février 2017, mais sans que leur qualité de partie plaignante ne soit remise en cause.

La Chambre de céans avait en effet estimé que, siles développements de l'ACPR/24/2016 étaient valables pour les fonds provenant directement de l'escroquerie admise par M______ et retracés jusqu'au compte de S______, dont K______ était l'ayant droit économique, tel n'était pas le cas pour D______, dont le nom n'apparaissait d'ailleurs pas sur le tableau des flux litigieux de l'acte d'accusation - annulé - du 15 décembre 2016 (cf. PP 600'027). Sans nullement préjuger de l'issue du jugement au fond contre la précitée et son époux, force était dès lors de retenir, en l'état du dossier, que le lien entre les sommes dérobées aux plaignantes par l'escroquerie reconnue par M______ et les comptes de D______ était plus distant, de sorte que la situation n'apparaissait pas aussi claire qu'elle l'était pour son époux. Le jugement civil rendu par un tribunal anglais n'était à cet égard pas suffisant. Dans la mesure où la cause avait été renvoyée au Tribunal correctionnel, il appartiendrait au juge du fond de se prononcer sur une éventuelle confiscation.

k.d. À ces arguments, K______ a rétorqué que les conditions dans lesquelles les aveux de M______ avaient été obtenus et la récusation du Procureur ne permettaient pas de s'appuyer sur les décisions rendues dans la présente procédure pour considérer que la qualité de parties plaignantes de A______ JSC et B______ LTD avait déjà été tranchée. La référence à des procédures civiles étrangères n'était pas non plus pertinente. La simple traçabilité des fonds n'était pas non plus une preuve de la qualité de lésé. Dans la mesure où les bons argentins avaient été achetés par la société AW______, seule celle-ci revêtait cette qualité, le fait que B______ LTD ait octroyé un prêt pour ce faire ou ait accepté ultérieurement d'assumer le dommage ne modifiant pas la situation juridique.

l. D______, qui réside également en Israël sous le nom de [D______], n'a jamais été entendue dans le cadre de la présente procédure.

Une audience par vidéoconférence, fixée au 1er juillet 2016, a dû être annulée, faute d'autorisation des autorités israéliennes. Malgré le sauf-conduit délivré par le Ministère public, l'intéressée ne s'est par ailleurs pas présentée à l'audience agendée le 4 octobre 2016, au motif que les autorités israéliennes l'avaient privée de ses passeports.

Ce nonobstant, par l'intermédiaire de son avocat, elle a contesté toute infraction. Elle a également relevé que les parties plaignantes n'avaient jamais expliqué de quelle manière elles seraient lésées par la prétendue escroquerie au bonus d'engagement ou aux bons argentins. De plus, A______ JSC paraissait avoir été placée sous administration provisoire par la Banque Centrale de Russie, ce qui entraînait l'annulation de tous les pouvoirs de représentation précédemment délivrés (PP 200'024ss).

m. Parallèlement à la procédure pénale, le groupe A______ a entamé diverses procédures civiles en Angleterre.

AC______ a ainsi obtenu, le 11 octobre 2011, sur mesures provisionnelles, le blocage d'une somme de USD 23 millions au préjudice de L______ (PP 20'781).

Une procédure au fond a ensuite été initiée par AC______, A______ JSC et B______ LTD, tant concernant la prime d'engagement de USD 23 millions versée que la fraude aux bons argentins (PP 20'875ss).

Elles ont obtenu dans ce cadre, selon le jugement rendu par défaut le 27 septembre 2012 par la High Court of Justice de Londres, la condamnation de M______ à leur verser USD 183 millions en capital, au titre du préjudice causé par les agissements rappelés ci-dessus (cf. PP 23'812ss), avec intérêt annuel de 3% jusqu'à la date du jugement et de 8% au-delà.

AC______, B______ LTD, A______ JSC, AV______ et V______ JSC ont par ailleurs initié à Y______ [Grande-Bretagne] une procédure contre dix-neuf défendeurs, dont K______ et D______ (cf. PP 24'189).

Au terme de celle-ci - dans le cadre de laquelle K______ et D______ ont été entendus par vidéoconférence depuis Israël - la High Court of Justice de Londres a, par jugements des 10 février et 14 mars 2014, notamment condamné L______ et K______, au titre d'escroquerie au bonus d'engagement et aux bons argentins, à payer aux parties demanderesses, pour le premier, USD 137'092'490.-, et pour le second, USD 134'861'787.- en capital. D______ a quant à elle été condamnée, pour "assistance malhonnête et recel" à leur verser CHF 14'720'000.-, EUR 1'450'000.- et USD 528'861.- en capital, en raison des sommes transférées en sa faveur du compte de S______ (cf. PP 600'291, PP 600'298, PP 600'301 ainsi que PP 200'083).

À la demande de B______ LTD, le Tribunal de première instance a, par jugement du 18 mai 2015, déclaré le jugement du 14 mars 2014 exécutoire en Suisse (PP 600'320).

n. A______ JSC et B______ LTD sont également entrées en pourparlers avec la banque N______, en lien avec le règlement de l'ensemble des prétentions civiles élevées contre cette dernière.

Le 7 février 2014, elles ont informé le Ministère public être parvenues à un accord (PP 26'377), sans toutefois jamais donner suite aux nombreuses demandes et ordre de dépôt du Ministère public leur demandant de produire la convention y relative, estimant que celle-ci ne présentait aucun intérêt pour l'instruction de la cause (PP 26'570, 26'738 et 27'209).

o. Le 28 juin 2019, le Ministère public a informé les parties de son intention, s'agissant de D______, de rendre une ordonnance de classement relative à l'infraction de blanchiment d'argent, vu la prescription de l'action pénale, et de confiscation, vu les ordonnances pénales qu'il entendait prononcer concernant K______, AA______ et AN______.

p. Finalement, en date du 23 avril 2020, le Ministère public a, par voie d'ordonnance pénale, reconnu K______ coupable d'escroquerie, blanchiment d'argent aggravé et faux dans les titres pour les faits énoncés ci-dessus.

Diverses mesures de confiscation et dévolution à l'État ont été prononcées à cette occasion, portant entre autres sur les biens visés par l'ordonnance objet des présents recours.

Cette ordonnance, de même que celles rendues à l'encontre de AA______ et de sa mère, ont été frappées d'opposition, la procédure étant actuellement pendante devant le Ministère public.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a estimé que l'analyse des flux financiers et les condamnations d'ores et déjà intervenues démontraient que les avoirs détenus sur les comptes de D______ provenaient des escroqueries dénoncées par A______ JSC. Faute d'avoir pu entendre la prévenue, il existait toutefois un empêchement de procéder, qui devait conduire au classement de la procédure ouverte du chef de blanchiment d'argent, en application de l'art. 319 al. 1 let. d CPP. Pour les mêmes motifs, les infractions de faux dans les titres - pour avoir faussement déclaré être l'ayant droit économique des fonds déposés sur les comptes [auprès des banques] N______ et G______, alors que l'instruction avait démontré qu'ils appartenaient en réalité à son époux - et d'obtention frauduleuse d'une constatation fausse - pour avoir obtenu du notaire ayant instrumenté la vente de la villa de H______ le constat qu'elle acquérait ce bien pour son compte, alors qu'elle agissait en réalité pour son époux - devaient également être classées.

Dans la mesure où l'enquête avait établi que l'ensemble des avoirs séquestrés mentionnés sous let. A.a. ci-dessus représentait le produit d'infractions pénales commises par K______, M______, L______ et AA______, et où les conditions posées par l'art. 70 al. 2 CP n'étaient pas réalisées, il y avait lieu d'en ordonner la confiscation.

Au vu de ce résultat, la question de la qualité de parties plaignantes de A______ JSC et B______ LTD pouvait rester ouverte.

B______ LTD, qui avait conclu, sans produire de justificatifs, à la condamnation des prévenus à lui verser une indemnité totale de CHF 2'216'000.-, à répartir à raison de CHF 443'220.- chacun, à titre de participation à ses frais d'avocat, a été renvoyée à agir par la voie civile.

D. a. Dans leur recours, A______ JSC et B______ LTD rappellent qu'elles ont participé à toute l'instruction de la cause comme parties plaignantes et civiles et qu'elles bénéficient indéniablement de cette qualité, quand bien même le Ministère public soulignait ne leur avoir que "communiqué", mais non "notifié", l'ordonnance querellée.

Sur le fond, elles font valoir que le classement de la procédure et la confiscation en faveur de l'État des avoirs séquestrés étaient en complète contradiction avec l'attitude précédemment adoptée par le Ministère public, qui l'avait conduit à rédiger, le 15 décembre 2016, un acte d'accusation renvoyant D______ en jugement pour blanchiment d'argent, et à d'ores et déjà leur restituer une partie importante des avoirs saisis, notamment au préjudice de M______, L______ et K______. Le classement heurtait le sens de l'équité - il était admis que les éléments constitutifs des infractions de blanchiment d'argent, obtention frauduleuse d'une constatation fausse et faux dans les titres étaient réalisés - et revenait à récompenser la prévenue pour son absence totale de coopération et les manoeuvres qui lui avaient permis de conserver une part importante du butin. Pour le surplus, le Ministère public admettait lui-même, dans l'ordonnance querellée, que l'ensemble des avoirs séquestrés provenait des infractions dénoncées, un jugement civil anglais, déclaré exécutoire à Genève, ayant condamné D______ à verser aux parties plaignantes plus de CHF 20 millions, soit un montant bien supérieur aux avoirs séquestrés, dont l'allocation à l'État était incompréhensible.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut à l'irrecevabilité de ce recours, faute pour les recourantes de revêtir la qualité de parties plaignantes. Il n'avait en effet pas été possible de déterminer le dommage qu'elles avaient subi, dès lors qu'elles n'avaient jamais produit de décompte, mentionnant entre autres les montants perçus de la banque N______. Il semblait par ailleurs que A______ JSC avait fait faillite. Le fait que le Ministère public ne se soit jamais prononcé formellement sur cette question, voire ait admis informellement les recourantes à ce titre, ne pouvait leur conférer la qualité pour agir au sens de l'art. 382 CPP, étant précisé que l'ordonnance querellée leur avait été communiquée en leur qualité "d'autres parties à la procédure".

Il était, s'agissant du fond, renvoyé à l'ordonnance querellée.

c. D______ conclut elle aussi à l'irrecevabilité du recours.

En dépit de multiples promesses, l'avocat des recourantes n'avait jamais produit de procuration justifiant des pouvoirs qui lui auraient été conférés par A______ JSC, en particulier depuis que la faillite de cette société avait été prononcée. De plus, cette société prétendait exclusivement avoir été victime de la fraude au bonus à l'engagement, qui n'impliquait la prévenue ni au niveau des faits, ni au niveau des biens qui avaient circulé. Ce n'était au demeurant même pas A______ JSC qui avait versé le bonus, le paiement ayant été effectué par AC______, ce que le Ministère public avait admis dans l'ordonnance pénale visant K______. La banque n'avait donc pas intérêt à agir contre le classement de la procédure dirigée contre elle.

B______ LTD n'avait quant à elle jamais été lésée par la fraude aux bons argentins, seule la société AW______ l'ayant été, ainsi que l'avaient relevé les autres prévenus à la procédure (cf. notamment PP 200'129), une éventuelle cession de créance n'étant pas de nature à lui conférer la qualité de partie plaignante. Elle ne pouvait assoir ses prétentions sur des arrêts de restitution rendus par la Chambre de céans dans des causes concernant d'autres prévenus.

Sur le fond, un renvoi en jugement pour blanchiment d'argent aggravé était d'autant moins fondé que même M______ n'avait été jugé, avec l'accord des recourantes, que pour blanchiment simple. Elle-même n'avait jamais refusé d'être entendue, mais avait été empêchée de quitter le territoire israélien par les manoeuvres des parties recourantes, qui avaient obtenu le séquestre de son passeport dans ce pays.

Aucune restitution de fonds séquestrés ne pouvait pour le surplus intervenir, le Ministère public n'ayant toujours pas établi à satisfaction de droit qu'ils étaient d'origine illicite ni n'ayant expliqué en quoi ils avaient un lien avec les sommes dérobées à la suite de l'escroquerie commise par M______.

d. A______ JSC et B______ LTD répliquent, en réitérant l'argumentation développée sous let. B.k.c. supra. Elles avaient régulièrement réfuté, pièces à l'appui, les allégations des prévenus tendant à la négation de leur qualité de parties plaignantes. Une telle négation était au surplus en contradiction avec les motivations des différentes ordonnances rendues le 23 avril 2020, dans lesquelles le Ministère public avait retenu que les infractions en cause avaient été commises à leur préjudice et que l'ensemble des avoirs séquestrés en représentait le produit. La prétendue faillite de A______ JSC était contestée et des procurations actualisées avaient été régulièrement produites par leur avocat. S'agissant du montant du dommage, le Ministère public s'était lui-même référé au "judgement" anglais condamnant D______ à leur verser près de USD 20 millions. L'on ne voyait pas pour quel motif les montants versés par N______ en réparation de ses propres errements devaient être déduits du montant du dommage, distinct, causé par les prévenus.

e. D______ duplique, relevant que la Chambre de céans n'avait jamais statué sur la qualité de parties plaignantes des recourantes. Celles-ci n'expliquaient pas non plus, dans leur réplique, en quoi elles avaient été directement lésées par les infractions objets de la procédure.

f. Par courrier du 24 août 2020, B______ LTD rappelle qu'elle est au bénéfice de séquestres civils sur l'ensemble des avoirs séquestrés par le Ministère public, la poursuite engagée étant au stade de la saisie, s'agissant du produit de la vente de la villa de H______, du solde détenu auprès de G______, de la somme de CHF 15'000.- anciennement déposée auprès de F______ et des droits incorporés dans les actions de la SI J______ SA, et au stade de la distribution, s'agissant des loyers générés à l'époque par la location de l'appartement concerné. Or, le Ministère public refusait, au motif du recours pendant devant la Chambre de céans, de lever les séquestres pénaux, empêchant la procédure de poursuite d'aboutir.

E. a. Dans son recours, D______ soutient, en s'appuyant sur un avis de doctrine (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 12 ad art. 322), qu'un droit juridiquement protégé doit lui être reconnu à ce que le classement prononcé se fonde sur l'un des motifs de l'art. 319 al. 1 let. a à c CPP plutôt que sur des considérations d'opportunité (art. 319 al. 1 let. e [sic] CPP).

Le fait que les infractions d'obtention frauduleuse d'une constatation fausse et de faux dans les titres aient été évoquées pour la première fois dans l'ordonnance entreprise, sans qu'elle ait pu se prononcer à ce propos, serait-ce par le biais de son avocat, violait par ailleurs son droit d'être entendue.

Dans la mesure où aucune infraction n'avait été définitivement jugée, l'on ne pouvait considérer comme établi que les valeurs séquestrées étaient le résultat d'une infraction. Aucune confiscation ne pouvait dès lors être prononcée.

Le Ministère public n'expliquait en particulier pas quel était le lien entre les infractions reprochées aux prévenus et les valeurs patrimoniales ayant servi à l'acquisition des actions de la SI J______ SA et des biens séquestrés dans l'appartement, ce qui constituait également une violation de son droit d'être entendue. En toute hypothèse, la confiscation de ces actions n'était pas possible, dès lors qu'elles n'avaient pu être effectivement séquestrées, la SI J______ SA ayant déclaré, dans le cadre de la procédure civile de séquestre, ne pas les détenir.

b. Le Ministère public s'en rapporte à justice quant à la recevabilité du recours et, sur le fond, conclut à son rejet.

c. A______ JSC et B______ LTD font valoir que D______ n'a pas d'intérêt juridique à faire modifier les motifs du classement prononcé à son bénéfice.

S'agissant des confiscations prononcées, elle ne fournissait aucun élément permettant de penser que les biens séquestrés auraient été acquis grâce à des fonds licites. La confiscation de biens ne résultant pas d'une infraction était au demeurant autorisée au titre de la créance compensatrice. L'impossibilité de localiser les actions de la SI J______ SA - dont la recourante était vraisemblablement encore en possession - ne devait pas empêcher leur confiscation, une solution contraire ayant pour effet de récompenser cet "escamotage".

EN DROIT :

1.             Dans la mesure où ils visent la même ordonnance - sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) - et se fondent sur le même complexe de faits, il y a lieu de joindre les recours et de statuer sur leur sort dans un seul et même arrêt.

2.             2.1. Le recours formé par A______ JSC et B______ LTD a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP).

Encore faut-il examiner si les précitées disposent de la qualité de partie plaignante et, partant, celle de recourir.

2.2. Seule une partie à la procédure au sens des art. 104 et 105 CPP peut se voir reconnaître la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP; ATF 139 IV 78 consid. 3.1 p. 80).

Tel est, en particulier, le cas du lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au pénal ou au civil (art. 118 al. 1 CPP). La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 143 IV 77 consid. 2.2 p. 78; 141 IV 454 consid. 2.3.1 p. 457).

Pour être directement touché, le lésé doit en outre subir une atteinte en rapport de causalité directe avec l'infraction poursuivie, ce qui exclut les personnes subissant un préjudice indirect ou par ricochet, (arrêt du Tribunal fédéral 6B_857/2017 du 3 avril 2018 consid. 2.1 et les arrêts cités). S'agissant en particulier d'infractions contre le patrimoine, le propriétaire des valeurs patrimoniales est considéré comme la personne lésée (arrêts du Tribunal fédéral 1B_18/2018 du 19 avril 2018 consid. 2.1; 1B_191/2014 du 14 août 2014 consid. 3.1; 1B_104/2013 du 13 mai 2013 consid. 2.2). Il en résulte notamment que, lorsqu'une infraction est perpétrée au détriment du patrimoine d'une personne morale, seule celle-ci subit un dommage et peut prétendre à la qualité de lésé, à l'exclusion, entre autres, des associés d'une société à responsabilité limitée, des ayants droit économiques et des créanciers desdites sociétés (ATF 141 IV 380 consid. 2.3.3 p. 386; 140 IV 155 consid. 3.3.1 p. 158; arrêt du Tribunal fédéral 1B_62/2018 du 21 juin 2018 consid. 2.1 et les arrêts cités).

Toutefois, dans le cas d'infractions touchant à un compte bancaire, le titulaire du compte concerné n'est pas nécessairement lésé car il dispose, en tant que client de la banque, d'une créance correspondant aux montants déposés et ne subit dès lors pas de diminution de son patrimoine. En cas de détournements, c'est en principe la banque qui apparaît lésée puisqu'elle est contractuellement tenue de restituer les fonds qui lui ont été confiés. Le client, dont les biens sont devenus, par mélange, ceux de la banque, n'a par conséquent pas la qualité de lésé lorsque les agissements pénaux sont sans influence sur ses prétentions envers la banque (arrêt du Tribunal fédéral 6B_118/2017 du 13 juin 2017 consid. 3.1 ; ACPR/280/2017 du 2 mai 2017; ACPR/521/2015 du 25 septembre 2015 consid. 3.2).

2.3. L'ordonnance querellée se fonde sur les infractions visées par les art. 251, 253 et 305bis CP et indirectement sur l'art. 146 CP, en tant que crime préalable au blanchiment d'argent.

2.3.1. L'art. 146 CP vise, du chef d'escroquerie, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers. Il protège, en tant que bien juridique, le patrimoine de la personne aux dépens de laquelle l'escroquerie est commise (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1050/2019 du 20 novembre 2019 consid. 1.4).

2.3.2. L'art. 251 ch. 1 CP punit celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique.

L'art. 253 CP vise le fait d'induire en erreur un fonctionnaire ou un officier public, pour l'amener à constater faussement dans un titre authentique un fait ayant une portée juridique, notamment à certifier faussement l'authenticité d'une signature ou l'exactitude d'une copie. Il s'agit d'un cas particulier de faux intellectuel dans les titres commis en qualité d'auteur médiat (ATF 144 IV 13 consid. 2.2.2 p. 14).

Le bien juridique protégé par ces deux dispositions est en premier lieu la confiance particulière placée dans un titre ayant valeur probante dans les rapports juridiques et, d'autre part, la loyauté dans les relations commerciales. Le faux dans les titres peut toutefois également porter atteinte à des intérêts individuels, en particulier lorsqu'il vise précisément à nuire à un particulier. Tel est le cas lorsque le faux est l'un des éléments d'une infraction contre le patrimoine, la personne dont le patrimoine est menacé ou atteint ayant alors la qualité de lésé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_966/2019 du 15 octobre 2019 consid. 2.1.3 et les références citées).

2.3.3. L'art. 305bis ch. 1 CP, dans sa teneur en vigueur en 2011, réprime, du chef de blanchiment d'argent, celui qui aura commis un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il savait ou devait présumer qu'elles provenaient d'un crime.

Cette disposition protège également les intérêts patrimoniaux de ceux qui sont lésés par le crime préalable, dans les cas où les valeurs patrimoniales proviennent d'actes délictueux contre des intérêts individuels (ATF 129 IV 322 consid. 2 p. 323ss).

2.4.1. En l'occurrence, il ne paraît pas nécessaire de déterminer si A______ JSC a fait ou non faillite - ni D______, ni le Ministère public n'expliquant en quoi un tel événement serait au demeurant de nature à la priver de ses droits de partie (cf. ACJC/11/2017 du 13 janvier 2017) - et si les pouvoirs octroyés à son avocat l'ont été valablement, encore que les pièces produites par les recourantes ne paraissent pas démentir cette affirmation.

En effet, A______ JSC se plaint d'avoir été victime d'une escroquerie dans le cadre du versement du bonus d'engagement, mais ne prétend pas avoir été directement lésée par la fraude aux bons argentins, laquelle aurait été perpétrée au seul préjudice de B______ LTD. Or, aucun élément du dossier ne permet de penser que les infractions reprochées à D______ auraient un lien quelconque avec la fraude au bonus d'engagement, laquelle ne figure au demeurant pas dans les faits mentionnés dans le projet d'"acte d'accusation" la concernant rédigé par les parties plaignantes en avril 2018 (cf. PP 600'218ss).

Cela scelle le recours de A______ JSC, dans la mesure où, du propre aveu des deux sociétés recourantes (cf. leurs courriers des 3 juin et 31 juillet 2019 ; PP 600'542) les sommes demeurant séquestrées pénalement à Genève au préjudice de D______ proviennent de la fraude aux bons argentins, respectivement du remploi d'une partie du produit de celle-ci, commise au seul préjudice de B______ LTD.

Il s'ensuit que la qualité pour recourir de A______ JSC doit être niée, à tout le moins dans la présente procédure de recours.

Il sied de préciser que cette solution ne remet nullement en cause, en l'état, sa participation à la procédure encore pendante devant le Ministère public, ni les décisions précédemment rendues, que ce soit par le Tribunal correctionnel dans le cadre de la procédure ayant abouti à la condamnation de M______ - laquelle portait également sur l'escroquerie au bonus d'engagement dont A______ JSC allègue avoir été victime - ou par la Chambre de céans, cette question n'ayant du reste jamais eu à être examinée par cette dernière, soit car les plaignantes n'étaient pas parties à la procédure de recours, soit parce que leur position dans le cadre de celle-ci (par exemple en qualité de partie défenderesses) ou la solution apportée au litige (par exemple refus de lever les séquestres) ne nécessitaient pas un tel examen, soit encore parce que la restitution des fonds résultait des infractions imputées à M______, qui avait à cet égard reconnu sa responsabilité envers A______ JSC.

2.4.2. En ce qui concerne B______ LTD, D______ soutient que cette société n'est pas titulaire des biens juridiques protégés par les infractions invoquées, la fraude aux bons argentins ayant lésé la société AW______, la recourante n'en étant que la victime indirecte.

Il ressort certes du dossier que l'opération a été initiée pour le compte de ce client, auquel la banque a indiqué être liée par un mandat de gestion discrétionnaire. Il n'est pas non plus contesté qu'elle a presque été entièrement financée par un crédit octroyé par B______ LTD. Nul ne prétend toutefois que les organes de AW______ auraient pris une part active dans la transaction et auraient été les destinataires directs des tromperies et affirmations fallacieuses qui ont permis que des bons argentins cotés en pesos fassent l'objet d'une acquisition en dollars dans les livres de la banque. Une telle intervention ne ressort en particulier pas de la description des événements faite par les protagonistes (en particulier M______, K______, AA______, AK______ et AT______). La recourante a en outre allégué, sans être contredite, être demeurée détentrice de ces bons vis-à-vis de leur dépositaire, la société AY______, quand bien même AW______ en était l'ayant droit économique. Les modalités du financement de l'opération ne changent dès lors rien au fait que, dans ce contexte, la banque assumait le risque d'une infraction perpétrée par ses employés, laquelle n'était pas de nature à influencer les prétentions que sa cliente pouvait élever contre elle.

Dans la mesure où elle se déclare victime de l'escroquerie ayant conduit à un appauvrissement de plus de USD 150 millions, B______ LTD est ainsi également personnellement et directement lésée par une éventuelle infraction de blanchiment d'argent et a un intérêt juridiquement protégé à la poursuite de celle-ci. Il en va de même des art. 251 et 253 CP, dans la mesure où ces infractions auraient été commises afin de rendre plus difficile l'identification de l'origine des fonds.

Le fait que le dommage en résultant ait été, par hypothèse, réparé ultérieurement n'exerce aucune influence sur ce statut, à ce stade de la procédure. Sur le plan cantonal, le lésé est en effet libre de participer à la procédure pénale à seule fin de soutenir l'action pénale. Une partie plaignante n'a donc aucune obligation d'articuler les prétentions civiles dans le cadre de la procédure cantonale (cf. art 122 al. 1 CPP) et celles-ci ne sont pas une condition de la poursuite des infractions qui l'ont lésée (cf. ATF 141 IV 380 consid. 2.3.1; ACPR/89/2018 du 19 février 2018).

La qualité pour agir ne saurait dès lors être déniée à B______ LTD du seul fait qu'elle n'a pas communiqué l'étendue de l'indemnité qu'elle aurait reçue de [la banque] N______.

Pour le surplus, aucun indice ne permet de penser que le changement de nom de la plaignante correspondrait à une cession de patrimoine à une nouvelle entité plutôt qu'à une simple modification de raison sociale, les pièces produites attestant par ailleurs des pouvoirs conférés à ses représentants.

Il n'existe ainsi aucun motif de nier sa qualité de partie plaignante et, partant, son intérêt juridiquement protégé à contester la décision entreprise.

Sous cet angle, le recours est donc recevable.

3.             3.1. Le recours formé par D______ a également été déposé selon la forme et dans le délai prescrits.

Reste à examiner si, la procédure ayant été classée, la prévenue dispose d'un intérêt juridiquement protégé à faire examiner ses griefs.

3.2. Pour se voir reconnaître la qualité pour agir, une partie à la procédure doit avoir un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

L'intérêt doit être juridique, direct, actuel et pratique, le but étant de permettre aux tribunaux de ne trancher que des questions concrètes et de ne pas prendre des décisions uniquement théoriques (ATF 137 I 296 consid. 4.2 p. 299). L'intérêt juridiquement protégé se distingue de l'intérêt digne de protection qui n'est pas, lui, nécessairement juridique mais peut aussi être un pur intérêt de fait. Ce dernier, de même que la perspective d'un intérêt juridique futur, ne suffisent pas à conférer la qualité pour recourir. Le recourant doit établir que la décision attaquée viole une règle de droit qui a pour but de protéger ses intérêts et qu'il peut par conséquent en déduire un droit subjectif (ATF 145 IV 161 consid. 3.1; 144 IV 81 consid. 2.3.1).

L'intérêt du recourant se détermine en fonction du dispositif de l'acte juridictionnel exclusivement. Cet intérêt provient en effet de la partie de l'acte qui énonce la conséquence juridique et qui est seule susceptible d'atteindre le recourant dans ses droits. La motivation d'une décision n'est, pour elle-même, pas susceptible d'être entreprise par un recours, car elle ne contient pas l'élément matériel caractéristique qu'est la conséquence juridique, sous réserve d'une violation de la présomption d'innocence (ATF 133 IV 121 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_3/2011 du 20 avril 2011 consid. 2ss; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 4 ad art. 382).

Un prévenu n'est donc, en principe, pas légitimé à recourir contre une ordonnance de classement rendue en sa faveur, dont les effets équivalent à un acquittement (cf. art. 320 al. 4 CPP), dans le but d'obtenir une motivation juridique différente (cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_155/2014 consid. 1.1 et 1B_3/2011 du 20 avril 2011 consid. 2.4).

Le recours d'une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 1B_669/2012 du 12 mars 2013 consid. 2.3.1).

3.3. Il résulte clairement de ce qui précède que la jurisprudence ne reconnaît pas au prévenu d'intérêt juridiquement protégé à une modification de la base légale fondant le classement rendu à son bénéfice. Certes, les auteurs de doctrine recommandent une exception à cette règle lorsque le classement prononcé s'appuie sur l'un des motifs de l'art. 319 al. 1 let. a à c CPP plutôt que la let. e. Il n'est toutefois pas nécessaire de trancher cette question, dans la mesure où ce cas de figure n'est pas réalisé en l'occurrence, le classement se référant à l'art. 319 al. 1 let. d CPP, non visé par cette distinction.

Il s'ensuit qu'en tant qu'il vise le motif du classement de la procédure la concernant, le recours formé par D______ est irrecevable.

Il en va de même, faute d'intérêt juridiquement protégé, en tant que D______ fait grief au Ministère public d'avoir évoqué dans les considérants de la décision querellée, pour la première fois, les infractions d'obtention frauduleuse d'une constatation fausse et de faux dans les titres.

3.4. D______ bénéficie en revanche d'un intérêt juridiquement protégé à contester les confiscations prononcées par le Ministère public, dans la mesure où elle est directement touchée dans ses droits de propriétaire.

4.             B______ LTD conteste que les conditions d'un classement de la procédure soient réalisées, les infractions dénoncées étant, selon elle, établies à satisfaction de droit.

4.1. Conformément à l'art. 319 al. 1 let. d CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus.

Un classement de la procédure peut également être prononcé - en lieu et place d'une suspension - lorsque le prévenu réside durablement à l'étranger et ne peut être entendu dans un délai raisonnable (cf. Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op.cit., n. 5ss ad art. 314, L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, CPP, Code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2016, n. 7 ad art. 314), le classement ne se distinguant pas fondamentalement, dans son résultat, d'une suspension de la procédure (art. 323 al. 1 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 1B_67/2012 du 29 mai 2012 consid. 3.2. in fine; ACPR/403/2014 du 9 septembre 2014).

En effet, une procédure par défaut ne peut être engagée qu'à la condition que le prévenu ait eu suffisamment l'occasion de s'exprimer auparavant sur les faits qui lui sont reprochés et que les preuves réunies permettent de rendre un jugement en son absence (art. 366 al. 4 CPP). Ces deux conditions sont cumulatives. Il est donc exclu de renvoyer un prévenu en jugement s'il avait déjà disparu au moment de la procédure préliminaire ou s'il n'a pu exercer de manière efficace les droits de la défense (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op.cit., n. 36 et 38 ad art. 366; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, op.cit., n. 16, 17 et 20 ad art. 366).

4.2. Dans le cas présent, D______ n'a jamais été interrogée dans le cadre de la présente procédure, que ce soit par la police ou le Ministère public, directement ou par commission rogatoire/vidéoconférence. Le fait qu'elle se soit exprimée dans le cadre de la procédure anglaise ou qu'elle soit désormais représentée par un avocat, ne saurait y suppléer.

Il n'est par conséquent pas possible, en l'état, de la condamner par voie d'ordonnance pénale ou de la renvoyer en jugement pour les faits dénoncés, quels que soient les autres éléments de preuve que le dossier pourrait cas échéant contenir.

Dans ces conditions, la décision du Ministère public de classer la procédure en tant qu'elle concerne D______ ne prête pas le flanc à la critique.

5.             B______ LTD se plaint de la confiscation des avoirs séquestrés au préjudice de D______, en tant qu'ils ne lui ont pas été restitués, respectivement alloués dans le cadre du prononcé d'une créance compensatrice. D______ se plaint, quant à elle, qu'ils ne lui soient pas restitués.

5.1. Conformément à l'art. 320 al. 2 CPP, le ministère public doit lever, dans l'ordonnance de classement, les mesures de contrainte en vigueur. Il peut ordonner la confiscation d'objets et de valeurs patrimoniales. Selon la jurisprudence, cette possibilité s'étend au prononcé d'une créance compensatrice (art. 71 al. 1 CP; cf. décision du Tribunal pénal fédéral BB.2016.78 du 5 octobre 2016, confirmée sur ce point par les arrêts du Tribunal fédéral 6B_1269/2016 du 21 août 2017 et 6B_256/2019 du 22 mars 2019; Y. JEANNERET /A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op.cit., n. 8 ad art. 320).

5.2.1. Sont confiscables les valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits (art. 70 al. 1 CP).

La confiscation suppose un comportement qui réunisse les éléments objectifs et subjectifs d'une infraction et qui soit illicite. Il importe peu, dans ce cadre, que l'infraction soit effectivement poursuivie ou poursuivable. Son auteur ne doit pas non plus nécessairement être coupable ou punissable (M. KISTLER, La vigilance requise en matière d'opérations financières, thèse, 1994, p. 86 et 87). L'art. 70 CP est en effet applicable alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, par exemple car l'auteur ne peut être identifié, est décédé ou irresponsable, ou encore du fait qu'il ne peut être poursuivi en Suisse pour d'autres raisons, par exemple parce qu'il s'est enfui à l'étranger et qu'il n'a pas été extradé (ATF 141 IV 155 consid. 4.1. p. 162 ; 128 IV 145 consid. 2c). Dans l'optique de la confiscation, qui est d'écarter l'avantage indûment obtenu, la faute de l'auteur du crime préalable n'est ainsi pas décisive et la présomption d'innocence n'est pas directement applicable (ATF
132 II 178 consid. 4.1 p. 184). En d'autres termes, le fait de reconnaître que le comportement d'une personne réalise les éléments constitutifs d'une infraction, qu'il est illicite et que les valeurs patrimoniales en résultant doivent être confisquées, ne viole pas le principe de la présomption d'innocence, tant que la décision concernée n'est pas rédigée de telle sorte qu'elle laisse penser, directement ou indirectement, que cette personne aurait été condamnée si la procédure engagée contre elle avait été conduite jusqu'à son terme (ATF 141 IV 155 consid. 4.4 p. 167 ; 117 IV 233 consid. 3 p. 238).

5.2.2. Il doit exister un rapport de connexité entre l'infraction et les valeurs patrimoniales à confisquer. L'infraction doit être la cause essentielle et adéquate de l'obtention des valeurs patrimoniales et celles-ci doivent typiquement provenir de l'infraction en question (ATF 129 II 453 consid. 4.1 p. 461).

Pour autant que le paper trail puisse être reconstitué, la confiscation peut porter tant sur le produit direct de l'infraction que sur les objets acquis au moyen de ce produit, dans la mesure où les différentes transactions peuvent être identifiées et documentées. Ce principe est valable non seulement lorsque le produit de l'infraction est une valeur destinée à circuler et qu'elle est réinvestie sur un support du même genre (billet de banque, devises, chèques, avoirs en compte ou autres créances), qu'en cas de remploi proprement dit, à savoir lorsque le produit du délit sert à acquérir un objet de remplacement (par exemple de l'argent sale finançant l'achat d'une maison). Ce qui compte, dans un cas comme dans l'autre, c'est que le mouvement des valeurs puisse être reconstitué de manière à établir leur lien avec l'infraction (ATF 129 II 453 consid. 4.1 p. 461 ; R. ROTH / L. MOREILLON, Commentaire romand : Code pénal I, Bâle 2009, n. 18 ad art. 70). Si les valeurs délictueuses sont versées sur un compte bancaire, de sorte qu'elles seront mélangées avec des valeurs de provenance licite appartenant à l'auteur ou à un tiers, la confiscation directe d'un montant correspondant au montant des valeurs délictueuses reste possible tant qu'un lien de connexité peut être établi entre le compte et l'infraction (arrêt du Tribunal fédéral 6S.298/2005 du 24 février 2006 consid. 3.1 ; SJ 2006 I 461 consid. 3.1 p. 463 ; N. SCHMID, Kommentar, Einziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwäscherei, vol. I, Zurich 1998, n. 50, 59 et 64 ad art. 59 CP).

La confiscation doit être prononcée quel que soit le possesseur actuel des valeurs patrimoniales assujetties, qu'il soit ou non concerné par le contexte délictueux (R. ROTH /L. MOREILLON (éds), op.cit., n. 12 ad art. 70). Elle peut donc être prononcée contre un tiers, à moins qu'il ait acquis les valeurs dans l'ignorance des faits qui l'auraient justifiée, et cela dans la mesure où il a fourni une contre-prestation adéquate ou si la confiscation se révèle d'une rigueur excessive (art. 70 al. 2 CP).

5.3. L'art. 70 al. 1 in fine CP exclut la confiscation lorsqu'il s'agit de rétablir le lésé dans ses droits. Ainsi, le droit du lésé à la restitution et à l'attribution prime la confiscation (ATF 129 IV 322 consid. 2.2.4). Lorsqu'il est possible d'identifier de manière claire l'origine des valeurs patrimoniales acquises au moyen d'une infraction, l'autorité peut ordonner la restitution au lésé, sans qu'il soit nécessaire de passer préalablement par une confiscation (cf. M. DUPUIS / B. GELLER / G. MONNIER / L. MOREILLON / C. PIGUET (éds), Code pénal I : partie générale - art. 1 - 110 DPMIN, Bâle 2008, n. 15 ad art. 70 ; ATF 122 IV 365).

5.4. Lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles - parce qu'elles ont été consommées, dissimulées ou aliénées -, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l'État d'un montant équivalent (art. 71 al. 1 CP).

Le but de cette mesure est d'éviter que celui qui a disposé des objets ou valeurs à confisquer soit privilégié par rapport à celui qui les a conservés. En raison de son caractère subsidiaire, la créance compensatrice ne peut être ordonnée que si, dans l'hypothèse où les valeurs patrimoniales provenant de l'infraction auraient été disponibles, la confiscation eût été prononcée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_185/2007 du 30 novembre 2007 consid. 10.1).

À l'instar de la confiscation, la créance compensatrice est une sanction de nature réelle, qui peut être ordonnée même si l'auteur de l'infraction n'est pas identifié ou si son acquittement est prononcé (ATF 141 IV 155 consid. 4.1).

La créance compensatrice ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l'art. 70 al. 2, ne sont pas réalisées (art. 71 al. 1 in fine CP).

Tant que l'auteur ne s'est pas encore acquitté des dommages-intérêts dus, il reste avantagé, même si les conclusions civiles du lésé ont été admises par le juge. C'est donc seulement lorsqu'il s'est acquitté de sa dette que l'auteur a perdu avec certitude le bénéfice de son comportement illicite, et c'est uniquement alors qu'il peut être fait abstraction d'une créance compensatrice. La confiscation doit donc être ordonnée aussi longtemps que l'avantage illicite n'a pas été effectivement supprimé, même si l'auteur s'expose alors à payer deux fois (ATF 117 IV 107 consid. 2a p. 110; R. ROTH /L. MOREILLON (éds), op.cit., n. 27 ad art. 70).).

5.5. L'autorité de jugement qui prononce une créance compensatrice maintient le(s) séquestre(s), en vue de garantir l'exécution de ladite créance (L. MOREILLON/ Y. NICOLET, La créance compensatrice, in RPS 135 (2017), p. 428 in fine).

L'État/le lésé allocataire ne peut donc pas disposer immédiatement des valeurs séquestrées après l'entrée en force du jugement pénal, contrairement à ce qui prévaut en cas de restitution au lésé (art. 70 al. 1, 2ème phrase, CP) ou de confiscation (art. 70 al. 1 cum 73 al. 1 let. b CP; art. 44 LP). Il doit faire valoir ses prétentions selon les règles de la LP, sans bénéficier d'aucun droit préférentiel par rapport aux autres créanciers (art. 71 al. 3, 2ème phrase, CP; ATF 142 III 174 consid. 3.1.2; message du Conseil fédéral concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire, in FF 1993 III 306, ch. 223.6 in fine). Le séquestre pénal est maintenu jusqu'à son remplacement par une mesure de droit des poursuites (ATF 141 IV 360 consid. 3.2; message, FF 1993 III 305, ch. 223.6).

L'exécution de la créance compensatrice, la réalisation des valeurs patrimoniales séquestrées et la distribution des deniers interviennent ainsi conformément à la LP et auprès des autorités compétentes en la matière (ATF 142 III 174 précité; L. JACQUEMOUD ROSSARI, La créance compensatrice : état des lieux de la jurisprudence, in SJ 2019 II 281 et ss, p. 299). Il ne saurait en aller différemment lorsque l'intérêt d'autres créanciers ne semble pas d'emblée s'opposer à l'indemnisation du titulaire de la créance compensatrice (arrêt du Tribunal fédéral 6B_694/2009 du 22 avril 2010 consid. 1.4.2; M. NIGGLI/ H. WIPRÄCHTIGER (éds), Basler Kommentar Strafrecht II : Art. 111-392 StGB, 4ème éd., Bâle 2019, n. 69 ad art. 70/71), seule la voie de l'exécution forcée permettant de s'assurer que tel est effectivement le cas (arrêt du Tribunal fédéral 6B_694/2009 précité).

5.6.1. Si le crime ou le délit a causé à une personne un dommage qui n'est couvert par aucune assurance et s'il y a lieu de craindre que l'auteur ne réparera pas le dommage ou le tort moral, le juge alloue au lésé, à sa demande, jusqu'à concurrence des dommages-intérêts ou de la réparation morale fixés par un jugement ou par une transaction, entre autres les objets et les valeurs patrimoniales confisqués ou le produit de leur réalisation, sous déduction des frais (art. 73 al. 1 let. b CP) et les créances compensatrices (let. c).

Le mécanisme de l'art. 73 CP permet à l'État de renoncer à une prétention qui lui est propre au profit du lésé, dans le but de faciliter la réparation du dommage subi par ce dernier du fait de l'infraction, pour autant que ce dernier soit fixé par jugement ou transaction (ATF 145 IV 237 consid. 3.1ss, p. 241ss; arrêt du Tribunal fédéral 6B_474/2018 du 17 décembre 2018 consid. 3.1).

Cette disposition a un caractère subsidiaire: le lésé voit son dommage réparé, au sens de l'art. 73 CP, s'il n'a pas d'autres possibilités de se faire rembourser (R. ROTH / L. MOREILLON, op.cit., n. 4 ad art. 73).

5.6.2. En qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale (art. 122 al. 1 CPP).

La preuve du dommage lui incombe (art. 42 al. 1 CO), la reconnaissance de sa qualité de partie civile ne l'exonérant pas de son obligation d'apporter la preuve de son dommage (arrêt du Tribunal fédéral 6B_586/2011 du 7 février 2012 consid. 7.2.2). Lorsque le montant exact de ce dernier ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée (al. 2).

Le second alinéa de l'art. 42 CO édicte une règle de preuve de droit fédéral dont le but est de faciliter au lésé l'établissement du dommage. Elle s'applique aussi bien à la preuve de l'existence du dommage qu'à celle de son étendue, mais ne dispense pas le lésé de fournir au juge, dans la mesure du possible, tous les éléments de fait constituant des indices de l'existence du préjudice et permettant l'évaluation ex aequo et bono du montant du dommage. Les circonstances alléguées par le lésé doivent faire apparaître un dommage comme pratiquement certain; une simple possibilité ne suffit pas pour allouer des dommages-intérêts. L'exception de l'art. 42 al. 2 CO à la règle du fardeau de la preuve doit être appliquée de manière restrictive
(ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_909/2015 du 22 juin 2016 consid. 1.1 = SJ 2017 I 205 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 4.1.2 non reproduit in ATF 142 IV 163 et les références).

5.7.1. En l'occurrence, au vu des développements qui précèdent, c'est à tort que D______ s'oppose à la confiscation au motif que, selon elle, aucune infraction n'aurait été définitivement jugée et qu'aucune décision entrée en force n'établirait que les valeurs séquestrées en seraient le résultat.

En effet, ainsi que la Chambre de céans l'a déjà relevé dans ses précédents arrêts, la commission d'une infraction au détriment de B______ LTD, qui s'est trouvée spoliée de certains avoirs, est établie par la condamnation de M______, désormais en force (cf. ACPR/24/2016 du 20 janvier 2016). La condamnation de L______ et AL______ par le Tribunal criminel de Y______ [Grande-Bretagne] est venue renforcer ce constat. K______ a lui-même admis l'existence d'une fraude dans le cadre de la transaction sur les bons argentins, quand bien même il nie y avoir participé et impute ces agissements aux dirigeants du groupe A______.

Le cheminement des fonds issus de cette fraude et la somme de USD 120 millions créditée sur le compte de O______ INC a par ailleurs été retracé par le Ministère public sur la base de la documentation bancaire et doit être considéré comme démontré à satisfaction de droit (cf. également les tableaux établis dans le cadre de la procédure anglaise, PP 76'194ss). Que K______ ait été trompé par M______ - qui, à l'entendre, aurait été la "cheville ouvrière" de l'opération - et ait cru que cet argent provenait d'un prêt octroyé par P______ LTD est à cet égard sans pertinence, puisqu'une confiscation peut intervenir dès que le cheminement des fonds détournés est reconstitué - ce qui est le cas ici -, y compris en mains d'un tiers de bonne foi.

L'instruction de la cause a en l'occurrence permis d'établir que le compte de S______ auprès de N______ avait été crédité en mars 2011, au débit du compte de O______ INC, d'une somme de USD 36'498'333,30, provenant directement de l'infraction sus évoquée, et qu'une partie des fonds avait ensuite été transférée en faveur de D______, soit à tout le moins CHF 14'331'468.- sur son compte ouvert auprès de N______ et EUR 270'000.- sur son compte ouvert auprès de F______, pour ensuite servir, entre autres, à l'acquisition de la villa de H______.

Dans la mesure où le paper trail a pu être reconstitué jusqu'au produit de la vente de la villa, à hauteur de CHF 5'730'000.-, et au solde du compte n° 1______ de CHF 15'421.- (désormais en mains de l'avocat de B______ LTD), rien ne s'oppose à une confiscation de ceux-ci, sous réserve de l'art. 70 al. 2 CP.

Sur ce dernier point, la question de la bonne foi de D______ n'est d'emblée pas établie, puisque l'intéressée revêt la qualité de prévenue. Elle ne prétend au demeurant pas avoir fourni une contre-prestation adéquate ni ne démontre que la mesure se révèlerait d'une rigueur excessive envers elle. AP______, ancien représentant de P______ LTD, pour le compte de laquelle les investissements auraient prétendument été effectués, a en outre infirmé cette allégation, ce que corrobore le fait que cette société n'a émis aucune prétention sur ces biens.

Rien ne s'oppose dès lors à leur confiscation ou, pour autant que les conditions en soient réalisées, à leur restitution à B______ LTD.

5.7.2. Autre est le statut des fonds séquestrés sur le compte auprès de G______, de l'appartement sis au I______, du produit de sa location et des pièces séquestrées selon l'inventaire du 26 janvier 2012. Force est à cet égard de constater que, bien que le Ministère public ait affirmé, dans la décision querellée, que "l'ensemble des avoirs séquestrés mentionnés supra représente le produit d'infractions pénales", son état de fait ne comporte aucun élément étayant cette conclusion. Les fonds séquestrés auprès de G______ sont en effet a priori issus d'un prêt hypothécaire octroyé par cet établissement. L'appartement du I______ a quant à lui été acquis bien avant la commission des infractions objet de la procédure, de sorte que les fonds en ayant permis l'acquisition ne sauraient à l'évidence en constituer le produit. Rien n'indique non plus que les biens séquestrés selon l'inventaire du 26 janvier 2012 (soit les objets retrouvés dans cet appartement) aient un lien avec la commission d'une infraction.

Ils ne sauraient donc faire l'objet d'une confiscation en application de l'art. 70 CP, seule une créance compensatrice pouvant ici entrer en considération.

Le grief des recourantes, qui critiquent la confiscation de ces biens, est dès lors pertinent. L'ordonnance entreprise devra être modifiée en conséquence, afin de substituer une créance compensatrice à une confiscation qui n'a pas lieu d'être.

5.7.3. À cet égard, l'instruction menée par le Ministère public a permis d'établir que, sur la somme totale de CHF 14'331'468.- et EUR 270'000.- perçue par D______ en lien avec les infractions commises au préjudice de B______ LTD, elle ne se trouve désormais enrichie plus que de CHF 5'745'421.-, somme qui fait l'objet de la confiscation confirmée ci-dessus (cf. ch. 5.7.1). Il y a par conséquent lieu de prononcer à son encontre une créance compensatrice pour le solde, soit CHF 8'586'047.- et EUR 270'000.-, en faveur de l'État.

5.8. Reste à déterminer si B______ LTD peut prétendre à l'allocation de dite créance compensatrice, de même qu'à la restitution en sa faveur des biens sujets à confiscation.

Dans ses observations, le Ministère public a justifié son refus par le fait qu'il n'avait pas été possible de déterminer le dommage des parties plaignantes.

B______ LTD est titulaire, envers M______, d'une créance en dommages-intérêts de USD 183 millions en capital, établie par jugement du 27 septembre 2012 de la High Court of Justice de Londres, et fondée sur les infractions objets de la présente procédure. Cette autorité a également condamné en 2014 les différents protagonistes, dont D______, à indemniser, entre autres B______ LTD, à raison des mêmes faits. La plaignante ne saurait dès lors être renvoyée à agir au civil (art. 320 al. 3 CPP), puisqu'elle l'a déjà fait et est au bénéfice de jugements exécutoires contre tous les prévenus.

Il n'en demeure pas moins qu'il est établi que la plaignante a été indemnisée par la banque N______ à concurrence d'un montant qu'elle s'est toujours refusée à communiquer, et qui n'a donc été pris en considération par aucune des juridictions appelées à statuer sur ses prétentions, que ce soit dans le cadre des procédures anglaises ou de celle d'exequatur en Suisse. L'on ignore par ailleurs le montant exact des sommes qu'elle est parvenue à recouvrer, entre autres auprès des protagonistes qui ne font pas ou plus l'objet de la présente procédure.

Il en résulte que la quotité actuelle de son dommage demeure inconnue.

Or, l'on ne saurait considérer que l'on se trouve dans l'hypothèse visée par l'art. 42 al. 2 CO, dont l'application est au demeurant restrictive. Dans la mesure où une restitution, respectivement une allocation au lésé de la créance compensatrice, ne peuvent peut se concevoir que pour autant que le lésé subisse encore un dommage, et que le montant de ce dernier n'est en l'occurrence pas établi - par la faute de la partie plaignante - c'est à juste titre que le Ministère public a refusé de restituer, respectivement d'attribuer, les biens séquestrés à la partie plaignante, et a ordonné que les mesures fondées sur les art. 70ss CP le soient en faveur de l'État.

Le recours de la partie plaignante sera par conséquent rejeté sur ce point.

6.             En définitive, le recours de A______ JSC sera déclaré irrecevable.

Les recours de B______ LTD et de D______ seront très partiellement admis, dans la mesure de leur recevabilité. Le grief relatif à la confiscation des avoirs du compte auprès de G______, de l'appartement sis au I______ (actions de la SI J______ SA), du produit de sa location et des pièces séquestrées selon l'inventaire du 26 janvier 2012, est en effet fondé. Toutefois, les biens précités ne leur seront pas restitués.

Les séquestres de ces biens seront en effet maintenus, d'une part, pour permettre à l'État de faire valoir la créance compensatrice conformément aux règles de la LP, d'autre part, parce que le sort des biens concernés fait parallèlement l'objet des ordonnances pénales dont la contestation est pendante devant le Ministère public.

Les chiffre 2 et 3 du dispositif de l'ordonnance querellée seront donc annulés et modifiés en conséquence.

7.             A______ JSC, dont le recours a été déclaré irrecevable succombe intégralement. B______ LTD et D______, dont les recours sont très partiellement admis, succombent très substantiellement.

Les frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 4'000.-, seront ainsi répartis à raison de CHF 1'500.- à charge de A______ JSC, de CHF 1'00.- à charge de B______ LTD et de CHF 1'000.- à charge de D______ (art. 428 al . 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), le solde étant laissé à la charge de l'État.

8. 8.1. L'indemnisation des frais de recours de D______, chiffrée à CHF 2'700.-, sera admise à hauteur d'un quart, compte tenu de l'admission très partielle de ses conclusions, soit au total CHF 675.- TTC (au vu de son domicile à l'étranger).

8.2. B______ LTD n'ayant pas requis d'indemnité pour ses frais de recours, il ne sera pas entré en matière sur ce point (art. 433 al. 2 CPP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Ordonne la jonction des recours.

Déclare irrecevable le recours formé par A______ JSC.

Admet très partiellement le recours formé par B______ LTD.

Admet très partiellement, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par D______.

Cela fait, annule les chiffres 2 et 3 de l'ordonnance querellée et, statuant à nouveau :

Ordonne la confiscation et la dévolution à l'État de Genève de la somme de CHF 15'421.- en mains du conseil de B______ LTD, ainsi que de la somme de CHF 5'730'000.- séquestrée en mains de Me BA______, notaire.

Prononce à l'encontre de D______ une créance compensatrice, en faveur de l'État, de CHF 8'586'047.- et EUR 270'000.- (art. 71 al. 1 CP).

Ordonne le maintien en vue de l'exécution de la créance compensatrice (art. 71 al. 3 CP), des séquestres portant sur :

- les valeurs séquestrées sur le compte n° 2______ auprès de la banque G______, soit environ CHF 364'000.-.

- le certificat d'actions incorporant les 17 actions de la SI J______ SA propriété de D______, soit des droits d'usage et/ou de jouissance liés à la détention de celui-ci.

- les objets séquestrés selon inventaire du 26 janvier 2012.

- le solde du compte de gestion de l'appartement sis [no.] ______, chemin 4______, [code postal] I______ [GE], soit environ CHF 106'728.- actuellement en mains des Services financiers du Pouvoir judiciaire.

- les loyers nets générés par la location dudit appartement.

Confirme l'ordonnance querellée pour le surplus.

Arrête les frais de la procédure de recours à CHF 4'000.-.

Les mets à la charge de A______ JSC à raison CHF 1'500.-, de B______ LTD à raison de CHF 1'00.- et de D______ à raison de CHF 1'000.-.

Les y condamne en tant que de besoin et laisse le solde à la charge de l'État.

Alloue à D______, pour ses frais de recours, une indemnité de CHF 675.- TTC.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, aux recourantes, soit pour elles leurs conseils, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Daniela CHIABUDINI et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/15968/2011

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

3'905.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

4'000.00