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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/12383/2017

ACPR/421/2022 du 14.06.2022 sur OCL/341/2022 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);ASSISTANCE JUDICIAIRE
Normes : CPP.135; RAJ.16

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12383/2017 ACPR/421/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 14 juin 2022

 

Entre

A______, avocate, ______ [GE], comparant en personne,

recourante,

contre l'ordonnance de classement rendue le 22 mars 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 1er avril 2022, Me A______ recourt contre l'ordonnance du 22 mars 2022, notifiée le 24 suivant, à teneur de laquelle le Ministère public a fixé à CHF 10'564.55 l'indemnité pour son activité de défenseur d'office de B______.

Elle conclut, sous suite de frais, à l'annulation du point 6 de l'ordonnance querellée et à ce que l'indemnité due en sa faveur au titre de l'assistance judiciaire soit arrêtée à CHF 21'371.90, dont à déduire l'acompte de CHF 5'000.- versé le 6 décembre 2021.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Le 6 juin 2017, le Tribunal correctionnel, dans la P/1______/2014, a déclaré C______ coupable de gestion déloyale aggravée (art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP) et de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP) en raison d'infractions commises entre 2004 et 2014 au détriment de la société D______ SARL.

a.b. Dans le cadre de l'instruction de la procédure précitée, le prévenu a déclaré que B______, son ancienne épouse dont il était divorcé, avait joué un rôle décisif dans la commission des infractions, l'ayant mené à détourner plus de GBP 3 millions au préjudice de D______ SARL et avait bénéficié d'une grande partie des montants détournés.

b. Le 20 mai 2020, le Ministère public a ordonné l'ouverture d'une instruction pénale contre B______ pour instigation à gestion déloyale (art. 24 cum 158 CP), instigation à faux dans les titres (art. 24 cum 251 CP) et blanchiment d'argent (art. 305bis CP).

À la même date, Me A______ a été nommée en qualité de défenseur d'office de cette dernière.

c. La procédure se compose de 13 classeurs fédéraux, dont 7 de pièces bancaires de la P/1______/2014, lesquelles ont fait l'objet d'une ordonnance d'apport de pièces datée du 14 mai 2020. Le reste comprend notamment la plainte et les pièces déposées par D______ SARL, les différentes auditions de E______ dans la P/1______/2014, les rapports de la Brigade financière, la documentation relative à la détention provisoire ainsi que celle relative à la demande d'entraide judiciaire internationale en matière pénale, au séquestre des deux biens immobiliers appartenant à B______ en Angleterre et à la saisie de son compte bancaire.

d. Sur demande de Me A______, le Ministère public lui a transmis, par courrier du 14 décembre 2021, une nouvelle copie du dossier sur clé USB.

e. Par avis de prochaine clôture de l'instruction du 2 mars 2022, le Ministère public a informé les parties de son intention de rendre prochainement une ordonnance de classement et leur a octroyé un délai au 15 mars 2022 pour présenter leurs éventuelles réquisitions de preuves et, aux avocats plaidant au bénéfice de l'assistance juridique, pour fournir leur état de frais.

f. Dans le délai imparti, Me A______ a informé le Ministère public que sa mandante n'avait pas de réquisition de preuves à formuler et a transmis son état de frais pour l'activité déployée du 20 mai 2020 au 15 mars 2022, celui-ci comprenait les postes suivants :

- "Conférences avec la cliente" – 13 heures au total : 1 heure et 30 minutes le 29 mai 2020, 1 heure et 30 minutes le 3 juin 2020, 2 heures le 5 mai 2020, 5 heures le 22 septembre 2021 et 3 heures le 23 septembre 2021, toutes au tarif associée ;

- "Procédure" – 57 heures et 50 minutes au total, décomposé comme suit :

× "Etude de dossier" : 2 heures le 3 juin 2020, 2 heures le 21 juillet 2020, 38 heures entre le 1er et le 12 septembre 2021, 2 heures et 30 minutes le 14 septembre 2021, toutes au tarif associée ;

× "Consultation du dossier au MP" : 1 heure et 35 minutes le 15 septembre 2020 et 1 heure et 45 minutes le 13 septembre 2021, au tarif avocat-stagiaire ;

× "Etude de pièces remises par la cliente" : 1 heure et 30 minutes le 30 septembre 2020 au tarif associée ;

× "Etude de nouvelles pièces" : 1 heure le 19 novembre 2021 au tarif associée ;

× "Etude de pièces transmises par la cliente et établissement d'un chargé de pièces" : 1 heure et 30 minutes le 24 novembre 2021 au tarif associée ;

× "Renumérotation du dossier et étude de nouvelles pièces" : 6 heures du 4 au 6 janvier 2022 au tarif avocat-stagiaire ;

- "Audience" – 14 heures au total : 2 heures et 15 minutes le 20 mai 2020, 4 heures et 45 minutes le 5 juin 2020, 7 heures le 24 septembre 2021, toutes au tarif associée ;

- "Vacations" : 3 vacations associée et 2 vacations stagiaire ;

- "Forfait courriers et téléphone à 20%".

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère que la nature de la procédure, le nombre d'audiences et l'issue de la cause ne justifiaient pas une activité aussi conséquente (84 heures et 50 minutes) de la part du défenseur d'office. Il a ainsi retenu, à titre d'activités justifiées :

- 14 heures et 45 minutes d'activité pour le poste "audiences (cheffe d'étude)", soit la participation aux audiences du 20 mai 2020 (2 heures et 10 minutes), 5 juin 2020 (4 heures et 35 minutes) et 24 septembre 2021 (3 heures et 15 minutes [matin] et 4 heures et 45 minutes [après-midi]) ;

- 3 heures et 45 minutes d'activité pour le poste "consultation du dossier au greffe du Ministère public", soit les consultations du 16 juin 2020 (30 minutes – cheffe d'étude), du 15 septembre 2020 (1 heure et 30 minutes – avocate-stagiaire) et 13 septembre 2021 (1 heure et 45 minutes – avocate-stagiaire) ;

- 23 heures d'activité pour le poste "conférences avec la cliente et étude du dossier", soit les conférences du 29 mai 2020 (1 heure et 30 minutes – cheffe d'étude), du 3 juin 2020 (1 heure et 30 minutes – cheffe d'étude) et des 22 et 23 septembre 2021 (durée ramenée de 8 à 4 heures – cheffe d'étude), et 16 heures d'activité pour la prise de connaissance du dossier dans la mesure où l'activité de renumérotation du dossier ne pouvait pas être facturée comme activité découlant du mandat du défenseur d'office. La conférence du 5 mai 2020 ne pouvait pas être indemnisée car elle ne précédait aucune audience et que Me A______ n'avait pas encore été désignée comme défenseur d'office de la prévenue.

Ainsi, l'indemnité due au défenseur d'office était fixée à CHF 8'917.50, soit 4 heures et 15 minutes à CHF 110.-/h et 42 heures et 15 minutes à CHF 200.-/h, montant auquel s'ajoutait un forfait de 10% pour la correspondance et les appels téléphoniques (CHF 891.75) ainsi que la TVA au taux de 7.7% (CHF 755.30).

D. a. À l'appui de son recours, Me A______ conteste la réduction "de près de moitié" des heures d'activité et dénonce un abus du pouvoir d'appréciation du Ministère public.

S'agissant des audiences, l'heure mentionnée à la fin des procès-verbaux correspondait à la fin des auditions et non à la fin de l'audience "dans la mesure où les personnes entendues relisent ensuite le procès-verbal avant de le signer". En outre, le Ministère public avait omis d'indemniser les vacations liées aux audiences et aux consultations du dossier.

S'agissant de l'entretien du 5 juin 2020, il était patent que l'indication du "5.05.2020" dans l'état de frais relevait d'une erreur de plume. L'état de frais étant établi par ordre chronologique, la date du "5.05.2020" se situant entre celle du "3.06.2020" et du "22.09.2020" et une audience s'étant déroulée le 5 juin 2020, il était évident que la date exacte était celle du "5.06.2020". Le Ministère public n'avait d'ailleurs pas pu oublier qu'il avait mis la prévenue en liberté ce jour-là et qu'il avait fallu organiser son retour en Angleterre "puisqu'elle n'avait ni argent, ni billet d'avion, ni téléphone et qu'elle se trouvait avec deux grandes valises devant le Ministère public".

Le Ministère public avait réduit à tort la durée des entretiens des 22 et 23 septembre 2021 de 8 heures à 4 heures. La prévenue, qui ne parlait pas français et vivait en Angleterre, devait pouvoir prendre connaissance de toutes les pièces du dossier avant l'audience du 24 septembre 2021, laquelle était cruciale.

De plus, l'on ne pouvait exiger du défenseur d'office qu'il prenne connaissance d'un dossier constitué de 9 classeurs fédéraux en seulement 21 heures, qu'il ne prenne pas connaissance des pièces envoyées par sa mandante et qu'il se contente de prendre acte des rapports de police sans en vérifier la compatibilité avec les pièces bancaires produites. Aussi, il fallait déterminer si la prévenue avait réellement perçu l'argent détourné par son ex-époux et, pour ce faire, "il était essentiel de vérifier si les sommes figurant au débit des comptes de Monsieur F______ se retrouvaient au crédit des comptes de Madame B______".

La renumérotation du dossier était nécessaire car le Ministère public avait modifié la numérotation de la procédure.

Enfin, la diminution du forfait courriers/téléphones à 10% ne se justifiait pas dans la mesure où l'incarcération de B______ en Suisse avait nécessité de nombreux courriers, téléphones et courriels avec son avocat en Angleterre, ses filles et l'ambassade à Berne. De plus, tous les contacts avec la mandante avaient eu lieu par courriel ou téléphone, raison pour laquelle il n'y avait pas eu de conférence entre le 5 juin 2020 et le 22 septembre 2021.

b. Invité à se déterminer, le Ministère public conclut à l'admission partielle du recours et à ce que l'indemnité due à Me A______ soit arrêtée à CHF 11'287.25 TTC, soit CHF 9'527.50, auxquels s'ajoutent CHF 952.75 (forfait courriers/téléphones à 10%) et CHF 807.- (TVA).

Premièrement, lors de l'impression du procès-verbal définitif ayant fait l'objet d'une relecture par les parties, l'heure de fin était systématiquement mise à jour sur le document, ainsi les durées d'audiences retenues par la Ministère public étaient exactes.

Deuxièmement, au vu de l'erreur de plume et des explications fournies concernant la conférence client du 5 juin 2020, il se justifiait d'entrer en matière sur ce poste mais il devait être réduit d'une heure dans la mesure où une conférence client avait déjà eu lieu le 3 juin 2020 et que les démarches visant à l'organisation du voyage en Angleterre dépassaient le cadre du mandat. Ainsi, Me A______ devait être indemnisée à hauteur de CHF 200.- pour ce poste.

Troisièmement, le temps d'étude du dossier avait été réduit de 48 heure et 5 minutes à 21 heures seulement, durée adéquate et suffisante au vu du dossier et de sa complexité. En effet, sur les 57 heures et 50 minutes comptabilisées pour l'étude du dossier, 3 heures et 45 minutes avaient fait l'objet d'un poste d'indemnisation distinct intitulé "consultations de dossier" et les 6 heures comptabilisées pour la numérotation du dossier ne pouvaient pas être facturées comme découlant du mandat de Me A______ puisqu'elle aurait pu "obtenir gratuitement une nouvelle copie de la procédure auprès du Ministère public".

Quatrièmement, Me A______ devait effectivement être indemnisée pour les 5 vacations listées, soit un total de CHF 410.-.

Pour finir, le Ministère public avait retenu plus de 30 heures d'activité, raison pour laquelle le forfait de 10% devait être appliqué en conformité avec la pratique de ces dernières années.

c. Dans sa réplique, Me A______ maintient que l'heure de fin d'audience indiquée sur les procès-verbaux n'est pas systématiquement mise à jour après relecture des parties. Concernant les conférences des 22 et 23 septembre 2021, présenter à sa cliente les pièces figurant à la procédure et lui traduire les points essentiels était une démarche nécessaire dans le cadre de son mandat. Le fait de demander une nouvelle copie du dossier ne lui aurait pas permis de réduire le temps d'étude consacré au dossier dans la mesure où elle aurait dû "examiner le dossier pièce par pièce afin de trouver les nouvelles pièces figurant au dossier". Enfin, il ne lui était pas possible d'étudier l'entier du dossier en 21 heures "sauf à négliger [s]on travail".

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 135 al. 3 let. a et 393 al. 1 let.b CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_293/2012 du 21 février 2013 consid. 2) et émaner du défenseur d'office, qui a qualité pour recourir (art. 135 al. 3 let. a CPP).

2.             La recourante conteste la réduction du temps des audiences par l'autorité intimée.

En l'espèce, à teneur de l'état de frais produit par la recourante à l'autorité intimée, une durée totale de 14 heures était comptabilisée sous le poste "audience".

Dans la mesure où l'autorité intimée a indemnisé 14 heures et 45 minutes d'activités pour le poste "audience", soit 45 minutes de plus, la Chambre de céans peine à comprendre l'intérêt de cette dernière à remettre en cause cet aspect de la décision querellée.

Ce grief de la recourante sera ainsi écarté.

3.             La recourante se plaint de l'absence d'indemnisation des vacations liées aux audiences et aux consultations de dossier.

En l'occurrence, le Ministère public a admis que Me A______ devait effectivement être indemnisée pour les 5 vacations listées dans son état de frais, soit un total de CHF 410.-.

Partant, ce grief sera admis et la recourante indemnisée à hauteur de CHF 410.- pour le poste "vacations".

4.                  La recourante conteste l'absence d'indemnisation de l'entretien du 5 juin 2020 et la réduction du temps des entretiens des 22 et 23 septembre 2021.

4.1.                À teneur de l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, le tarif des avocats est édicté à l'art. 16 du Règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ; E 2 05.04).

Selon l’art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l’importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu. Les autorités cantonales jouissent d’une importante marge d’appréciation lorsqu’elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d’office (ATF 141 I 124 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_856/2014 du 10 juillet 2015 consid. 2.3).

4.2.                In casu, suite aux explications fournies par la recourante s'agissant de l'entretien du 5 juin 2020, l'autorité intimée a admis l'indemnisation de cet entretien à hauteur de moitié. Dans la mesure où la recourante s'est déjà vue indemnisée à hauteur d'une heure et 30 minutes pour la conférence client du 3 juin 2020, un nouvel entretien d'une heure le jour-même apparaît amplement suffisant pour préparer l'audience. De surcroît, il sera rappelé que le rôle du défenseur d'office ne s'étend pas à des démarches qui relèvent plutôt de l'assistance sociale ou du soutien de sorte que celles consécutives à l'audience et portant sur l'organisation du retour de la prévenue en Angleterre ne sauraient être comptabilisées sous le poste "entretien".

S'agissant des conférences des 22 et 23 septembre 2021, elles avaient pour but de préparer l'audience du 24 septembre 2021 par-devant le Ministère public, laquelle allait porter sur l'analyse des transactions financières intervenues entre la prévenue et son ex-époux et l'analyse de la documentation bancaire de la P/1______/2014. Il apparaissait donc justifié que le défenseur d'office prenne le temps d'analyser toutes les pièces avec sa mandante puisque c'est précisément sur celles-ci que l'audience allait porter et que le Ministère public allait la questionner. De plus, le dossier comportait deux rapports de la Brigade financière que l'avocate se devait d'expliciter à sa mandante, celle-ci n'étant pas de langue maternelle française. Dans la perspective où l'audience du 24 septembre 2021 allait être décisive pour la prévenue, deux entretiens avec son conseil d'office, d'une durée totale de 8 heures, n'apparaissent pas disproportionnés et auraient dû être indemnisés.

En vertu de ce qui précède, ce grief sera partiellement admis et l'indemnisation
de la recourante devra être complétée de CHF 1'000.- (soit 5 heures d'activité à CHF 200.-/h).

5.             La recourante reproche à l'autorité intimée de n'avoir pas pris en considération toutes les heures consacrées à l'étude du dossier.

5.1.                Le temps consacré à la procédure ne doit être pris en considération que dans la mesure où il apparaît raisonnablement nécessaire à l'accomplissement du mandat par un avocat expérimenté. On exige du défenseur d'office qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2020.48 du 15 décembre 2020 consid. 5.1.2.).

Ce qui est décisif pour arrêter la rémunération de l'avocat, c'est le nombre d'heures nécessaires pour assurer la défense d'office du prévenu (arrêt du Tribunal fédéral 2C_509/2007 du 19 novembre 2007 consid. 4). Pour fixer cette indemnité, l'autorité doit tenir compte de la nature et de l'importance de la cause, des difficultés particulières que celle-ci peut présenter en fait et en droit, du temps que l'avocat lui a consacré, de la qualité de son travail, du nombre des conférences, audiences et instances auxquelles il a pris part, du résultat obtenu ainsi que de la responsabilité assumée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_810/2010 du 25 mai 2011 consid. 2 et les références citées). Les autorités cantonales jouissent d'une importante marge d'appréciation lorsqu'elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d'office (ATF 141 I 124 consid. 3.2 p. 126 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_856/2014 du 10 juillet 2015 consid. 2.3 et les références citées).

Cependant, il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3).

5.2.                En l'espèce, le Ministère public a octroyé l'indemnisation de 16 heures d'activité au titre "étude du dossier" au lieu des 54 heures et 30 minutes réclamées par le défenseur d'office à ce titre.

Les 6 heures facturées pour la "renumérotation du dossier et [l']étude de nouvelles pièces" du 4 au 6 janvier 2022 n'étaient pas nécessaires vu la transmission par le Ministère public, le 14 décembre 2021, d'une copie du dossier sur clé USB, de sorte que le défenseur d'office était en possession d'un exemplaire à jour et qu'une renumérotation de son propre dossier papier n'apparaissait pas justifiée en l'état. Ainsi, c'est à juste titre que le Ministère public a refusé d'indemniser cette activité.

S'agissant des heures consacrées à l'étude du dossier, l'autorité intimée dans sa réplique estime avoir indemnisé 21 heures d'activité sur les 48 heures et 5 minutes [recte. 48 heures et 30 minutes] réclamées; or il apparaît qu'elle a indemnisé seulement 16 heures d'activité à ce titre dans sa décision querellée.

Cette durée n'apparaît pas suffisante au regard de la complexité de l'affaire, du volume du dossier et de la durée de l'instruction. Il y a lieu de rappeler que la prévenue a été en détention provisoire, qu'elle a ensuite fait l'objet de mesures de substitution, que ses biens immobiliers en Angleterre ont fait l'objet d'une procédure de séquestre et son compte bancaire d'une saisie. Tous les postes de l'état de frais sous la rubrique "Procédure" – à l'exception des consultations de dossier qui ont fait l'objet d'une indemnisation distincte dans la décision querellée et la renumérotation du dossier – étaient utiles à une défense efficace et devront être indemnisés dans leur intégralité sauf les 38 heures d'activité facturées entre le 1er et le 12 septembre 2021 en vue de l'audience du 24 septembre 2021, lesquelles apparaissent disproportionnées. En effet, ce poste sera ramené à 20 heures d'activité, durée nécessaire à la prise de connaissance – indispensable – des documents bancaires extraits de la P/1______/2014, des pièces bancaires de la prévenue et des différents rapports de la Brigade financière. De même, le défenseur d'office se devait de prendre connaissance des différentes auditions de C______ dans la mesure où la mise en prévention de sa mandante résultait principalement des déclarations de ce dernier. Ainsi, 30 heures et 30 minutes d'activité auraient dû être indemnisées pour "[l']étude du dossier" en lieu et place des 16 heures d'activité octroyées.

En vertu de ce qui précède, ce grief sera partiellement admis et l'indemnisation de la recourante complétée à hauteur de CHF 2'900.- (soit 14 heures et 30 minutes d'activité à CHF 200.-/h).

6.             La recourante critique enfin la décision querellée en tant que l'autorité intimée n'a pas appliqué le forfait "courriers/téléphones" usuel de 20%.

6.1.                Selon les instructions du pouvoir judiciaire du 17 décembre 2004 – disponibles sur le site Internet de l'État de Genève – les frais de courriers et de téléphones, c'est-à-dire les frais et le temps consacré à ces activités, sont pris en compte sur la base d'un forfait correspondant à 20% des heures d'activité dont l'autorité admet la nécessité (ACPR/19/2014 du 9 janvier 2014 ; ACPR/74/2013 du 5 mars 2013 ; ACPR/559/2012 du 14 décembre 2012), ou de 10% au-delà de 30 heures de travail.

Il n'en demeure pas moins que ce forfait doit pouvoir être adapté en fonction de la nature et de l'importance de l'activité réellement déployée par l'avocat, conformément à l'usage en matière d'assistance juridique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_165/2014 du 19 août 2014 consid. 3.5).

Lorsque le défenseur d'office entend remettre en question le forfait alloué pour la correspondance et les téléphones, il doit établir que la procédure a généré une correspondance et un nombre de téléphones particulièrement importants susceptibles d'excéder les heures de travail correspondantes au tarif horaire de CHF 200.-. En règle générale, il suffit que la somme allouée couvre les frais concrètement encourus, ainsi que le temps consacré à cette activité. L'autorité peut ainsi s'éloigner, sans arbitraire, du taux de 20% pour l'indemnisation forfaitaire, dans la mesure où les frais et l'activité sont couverts par un montant inférieur, l'aspect déterminant étant leur couverture (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.1 et 3.5.2).

Les entretiens avec la famille du prévenu ne sont en principe pas indemnisés car ne relevant pas de la défense (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.1.4.4 et 8.2.2.2 confirmé sur ce point par la décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.4; AARP/500/2013 du 28 octobre 2013).

6.2.       En l'occurrence, la recourante allègue que l'incarcération de sa mandante avait engendré de nombreux courriers et téléphones avec son avocat en Angleterre, ses filles et l'Ambassade à Berne et que tous les contacts avec sa mandante avaient eu lieu par courriel ou téléphone.

Toutefois, elle ne dit pas en quoi le forfait de 10% octroyé pour le poste "Courriers/téléphones" ne couvrirait pas les frais et le temps concrètement consacrés à cette activité in casu. Elle ne produit aucune pièce à l'appui de ses allégations qui permettraient de justifier l'ampleur de cette activité.

Du surcroît, il sera rappelé, à nouveau, que le rôle du défenseur d'office ne s'étend pas à des démarches qui relèvent plutôt de l'assistance sociale ou du soutien.

En l'absence d'éléments permettant de remettre en cause le fait que la somme allouée couvre les frais concrètement encourus, la décision du Ministère public visant à octroyer un forfait "courriers/téléphones" de 10% à la recourante apparaît pleinement justifiée dans la mesure où il a indemnisé plus de 30 heures d'activité.

Ce grief sera ainsi rejeté.

7.             Le recours doit, au vu des éléments qui précèdent, être admis partiellement et l'indemnisation octroyée par le Ministère public doit être complétée pour atteindre CHF 15'670.25, TVA incluse, soit un montant de CHF 13'227.5, auquel s'ajoute un forfait "courriers/téléphones" de 10% (CHF 1'322.75) ainsi que la TVA au taux de 7.7% (CHF 1'120.-).

8.             L'admission du recours, même partielle, ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

9.             Le conseil juridique gratuit a droit à des dépens lorsqu'il conteste avec succès une décision d'indemnisation (ATF 125 II 518 consid. 5 p. 520; arrêt du Tribunal fédéral 6B_439/2012 du 2 octobre 2012 consid. 2). Bien que la recourante ne sollicite aucune indemnité, un montant de CHF 300.-, TVA incluse, pour la rédaction du présent recours, lui sera accordé d'office et mis à la charge de l'État.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet partiellement le recours et modifie le chiffre 6 du dispositif de l'ordonnance du Ministère public du 22 mars 2022 comme suit :

Arrête à CHF 15'670.25, TVA incluse, l'indemnité totale due à Me A______ au titre de l'assistance judiciaire, dont à déduire l'acompte de CHF 5'000.- qui lui a été versé le 6 décembre 2021.

Laisse les frais du recours à la charge de l'État.

Alloue à Me A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 300.-, TVA incluse, pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).