Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/28727/2017

ACJC/804/2023 du 19.06.2023 sur JTBL/1057/2021 ( OBL ) , JUGE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/28727/2017 ACJC/804/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 19 JUIN 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 3 mai 2022, comparant par Me Christian TAMISIER, avocat, rue Saint-Léger 8, 1205 Genève, en l’Etude duquel il fait élection de domicile,

 

et

Madame B______, c/o C______ [régie immobilière], ______, intimée, comparant par Me Bénédict FONTANET, avocat, Grand-Rue 25, 1204 Genève, en l’Etude duquel elle fait élection de domicile.

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/1057/2021 du 3 mai 2022, reçu par les parties le 4 mai 2022, le Tribunal des baux et loyers a déclaré valable le congé notifié le 7 novembre 2017 à A______ pour le 31 janvier 2019, en lien avec les locaux commerciaux au rez-de-chaussée de l’immeuble sis avenue 1______ no. ______, à Genève, ainsi que le dépôt et les places de parking (ch. 1 du dispositif), a octroyé à l’intéressé une unique prolongation de bail de quatre ans échéant au 31 janvier 2023 (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B. a. Par acte déposé le 3 juin 2022 à la Cour de justice, A______ forme appel contre ce jugement, dont il sollicite l'annulation. Il conclut, cela fait, à ce que la Cour annule le congé et, subsidiairement, à ce qu’une prolongation de bail de six ans lui soit octroyée.

b. Dans sa réponse du 8 juillet 2022, B______ conclut à la confirmation du jugement entrepris. Elle produit une pièce nouvelle, soit une capture d’écran du site internet « SAD-Consultation » de l’État de Genève datée du 7 juillet 2022.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Les parties ont été avisées le 26 janvier 2023 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ et E______ sont respectivement usufruitière et nue-propriétaire de la parcelle n° 2______ sise au no. ______ avenue 1______, à Genève.

b. Selon le plan d’affectation cantonal, ladite parcelle est située en 3ème zone ordinaire, dévolue « aux grandes maisons affectées à l'habitation, au commerce et aux activités du secteur tertiaire ».

c. L’immeuble sis sur cette parcelle se compose, en surface, uniquement d’un rez-de-chaussée abritant des locaux commerciaux et, en sous-sol, d’un parking souterrain.

d. Sur la majeure partie des biens-fonds avoisinants, il est érigé, en surface, des immeubles d’habitations de plusieurs étages, au bénéfice de servitudes grevant la parcelle précitée et restreignant les possibilités de bâtir, notamment par des droits de jour et vue, ainsi que des limitations de hauteur des constructions.

e. Par contrat du 16 juillet 1997 conclu avec B______, bailleresse, A______, locataire, a pris à bail une surface commerciale d’environ 22 m2 au rez-de-chaussée de l’immeuble concerné, à l’usage d’un atelier.

f. Un nouveau contrat a été signé le 8 janvier 2003 entre les parties, étendant la surface de location au rez-de-chaussée à environ 95 m2, ainsi que l’ajout de quatre places de parc (nos 58 à 61), situées devant l’immeuble, et d’un dépôt au sous-sol, de 18 m2 environ. La destination des locaux était désormais celle d’un garage de réparation automobile.

Le contrat a été conclu pour une durée initiale de cinq ans, du 1er février 2003 au 31 janvier 2008, renouvelable ensuite tacitement pour la même période, sauf résiliation signifiée six mois avant l’échéance.

g. En dernier lieu, soit le 1er juin 2018, le loyer mensuel a été fixé à 4'286 fr. par mois.

h. Parallèlement à l’exploitation de son garage, le locataire s’est vu confier par la régie en charge de l’immeuble l’entretien des zones communes, des entrées, du parking et des abords du bâtiment. Il exerce également une activité de formateur d’adultes en qualité d’indépendant.

i. B______ et E______ ont déclaré que, depuis 2007 à tout le moins, elles souhaitaient entreprendre des travaux sur l'immeuble, lequel était vétuste et rencontrait des problèmes de carbonatation de la dalle de béton.

j. A ce titre, plusieurs projets avaient été présentés aux voisins de la parcelle concernée, comprenant notamment une surélévation de l’immeuble et la construction de logements. Un des projets consistait en la réalisation d’appartements dans un immeuble de trois ou quatre étages au maximum, moyennant l'accord de toutes les copropriétés des parcelles adjacentes, ce qui n’avait été obtenu, en raison des servitudes existantes. Deux autres projets (DD 3______ et 4______), dont l’envergure est inconnue, ont fait l’objet de refus d’entrée en matière du département compétent, respectivement en novembre 2015 et mars 2016.

k. A la suite de ces refus, un autre projet a été élaboré, portant sur un immeuble comportant des logements sociaux, afin de bénéficier du soutien de la Ville de Genève. Des discussions ont eu lieu à ce propos à compter de 2015 avec cette dernière et le canton, afin d'élaborer un projet répondant à toutes les exigences légales de ces deux collectivités. Le Conseiller administratif alors en charge du Département des constructions et de l'aménagement de la Ville de Genève, a confirmé le 1er septembre 2015 son accord pour le projet de construction.

Ces discussions ont abouti à l'élaboration d’un ultime projet faisant l'objet de la demande d'autorisation de construire déposée en mai 2016 par E______ auprès du département compétent et enregistrée sous la référence DD 5______. La demande portait sur la réalisation d'un immeuble mixte, sur plus de trois étages en surface, comportant également des logements sociaux, à destination principalement d'habitations, de commerces et de bureaux. Ce projet nécessitait la démolition de la dalle en béton du parking, dont la vétusté entraînait des infiltrations d'eau, afin de réaliser les fondations du futur bâtiment.

l. Dans le courant de l'année 2016, la bailleresse a entrepris, en vain, des démarches amiables auprès des différents propriétaires des parcelles voisines, dans le but d'obtenir une renonciation de leur part aux servitudes présentes.

m. Le 5 septembre 2017, l’Office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) s'est adressé à plusieurs propriétaires voisins aux fins de procéder à la radiation, respectivement à la réadaptation de certaines servitudes, afin de pouvoir réaliser le projet de construction précité.

Dans son courrier, il a indiqué qu'en cas de réponse négative des propriétaires voisins ou d'absence de réponse, il proposerait au Conseil d'État de faire usage de l'art. 3 al. 1 let. a de la Loi sur l'expropriation (LEx-GE), lequel permettait notamment au Grand Conseil de déclarer d'utilité publique la réalisation d'un immeuble de logements et d'autoriser le Conseil d’État à décréter la radiation ou la constitution, par voie d'expropriation si nécessaire, des servitudes qui empêchent ou sont nécessaires à la réalisation du bâtiment, au profit de la propriétaire de la parcelle concernée.

n. Le 6 octobre 2017, plusieurs propriétaires voisins ont manifesté dans une lettre commune adressée aux autorités leur opposition à toute expropriation des servitudes existantes, contestant notamment que la LEx-GE soit applicable en zone ordinaire de construction et estimant disproportionnés les mesures d’expropriation envisagées. Ils accusaient le projet de construction de n’être pas abouti et de présenter des risques pour la sécurité, notamment d’incendie, ainsi que pour leur santé, en raison de la présence d’un garage depuis de nombreuses années. L’utilisation de produits toxiques par ce dernier imposait selon eux des mesures d’assainissement avant le démarrage d’un chantier de construction.

o. Dans le courant du mois de novembre 2017, un projet de loi déclarant d'utilité publique la réalisation d'un bâtiment comportant des logements de catégorie HLM, à édifier sur la parcelle en cause, a été élaboré par l'OCLPF, prévoyant que le Conseil d'État pouvait décréter, au profit de la bailleresse, l'expropriation des servitudes empêchant la construction des logements, ainsi que la constitution des servitudes nécessaires à la réalisation dudit bâtiment.

p. Le 7 novembre 2017, au moyen de la formule officielle agréée par le canton, la bailleresse a résilié de manière ordinaire le bail du locataire pour la prochaine échéance contractuelle, soit le 31 janvier 2019.

A l'appui de son congé, elle a exposé avoir l'intention de procéder à des travaux de rénovation/transformation et de surélévation de l'immeuble, lesquels, très importantes, rendraient impossible l'occupation des locaux loués. Elle s'est déclarée disposée à aider le locataire à trouver des locaux de remplacement

q. Le locataire a contesté le congé le 8 décembre 2017 auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers et, à la suite de l’échec de la conciliation, a porté l’affaire le 4 décembre 2019 devant le Tribunal des baux et loyers. Il a conclu à l’annulation du congé et, subsidiairement, à l’octroi d’une prolongation de bail de six ans.

Dans sa réponse du 14 février 2020, la bailleresse a conclu au déboutement du locataire de toutes ses conclusions.

r. Le 3 avril 2018, le Département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (aujourd’hui : Département du territoire) a accordé à E______ la mise au bénéfice provisoire de la Loi générale sur le logement et la protection des locataires (LGL) pour l'immeuble à construire.

s. Les baux des places de parc situées à côté du bâtiment concerné ont également été résiliés pour le 30 juin 2018, afin de permettre l'aménagement des installations de chantier, le nombre de places devant, à terme, être réduit.

t. Par acte du 12 décembre 2018, B______ et E______ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance contre la décision du Conseil d’État relative à l'abandon de la procédure d'expropriation.

Le recours a finalement été retiré le 23 septembre 2020 par les intéressées.

u. Le 10 avril 2019, le Département du territoire a délivré à la bailleresse l'autorisation de construire relative à la procédure DD 5______, l'autorisant à construire un immeuble mixte de logements HLM et libres, commerces et bureaux, ainsi que la transformation du parking existant.

v. Le 27 mai 2019, plusieurs voisins de la parcelle concernée ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance.

La bailleresse a déclaré le 19 mars 2021 que, par jugement du 3 septembre 2020, le Tribunal administratif avait annulé l'autorisation de construire DD 5______. Ledit jugement n’a pas été produit à la procédure.

w. A la suite de cette annulation, un nouveau projet a été déposée par la bailleresse le 14 juin 2021 (DD 6______), prévoyant la démolition partielle du garage pour la construction de nouveaux locaux commerciaux au rez-de-chaussée, le réaménagement du sous-sol et l’abattage d’arbres; le gabarit de l’immeuble existant n’étant pas modifié. Les propriétaires ont déclaré qu’un contrat de bail avait déjà été signé avec l’enseigne F______, afin d’occuper la nouvelle surface commerciale.

x. Le Tribunal a procédé à l’interrogatoire des parties et à l’audition d’un témoin.

A______ a déclaré qu’il ne subsistait désormais que deux garages automobiles dans le quartier et que sa clientèle provenait des environs. Depuis l’annonce de la résiliation de son bail, il avait recherché sans succès un local dans lequel installer son garage, soit reprendre un commerce existant, dans la mesure où aucun ne correspondait dans le quartier de G______. Le garage employait deux personnes et, de son côté, il travaillait toujours personnellement pour le garage à hauteur de 30% ou 40% environ, dans des tâches essentiellement administratives. Il exerçait également une activité de formateur d’adulte, en qualité d’indépendant, à hauteur de 50% et 60%. Le chiffre d’affaires annuel du garage avoisinait les 400'000 fr., étant précisé qu’il était alors en progression. Au niveau de ses revenus, le garage lui procurait un salaire de 3'000 fr. par mois, tandis que son activité de formateur d’adulte, en qualité d’indépendant, lui permettait de réaliser un chiffre d’affaires d’un peu moins de 100'000 fr. par an. Son investissement dans les locaux consistait essentiellement en l’achat de matériel. Aucune rénovation des locaux n’avait été entreprise par la bailleresse depuis son emménagement et, de son côté, il n’avait pas fait de travaux mais avait assuré l’entretien de ceux-ci. Aucun local de remplacement ne lui avait été proposé par la bailleresse, malgré sa volonté affichée de l’aider lors de l’annonce de la résiliation. Avant celle-ci, il n’avait jamais reçu d’information sur le projet de construction de la bailleresse, même si des rumeurs circulaient dans le quartier.

B______ a déclaré que les places de parc en sous-sol n’étaient plus viables, en raison des restrictions de circulation, ce qui entrainait de plus en plus de places vacantes. Elle souhaitait dès lors diversifier l’activité pour que l’exploitation de l’immeuble soit acceptable. Le projet ayant motivé le congé comportait ainsi des logements sociaux et elle avait travaillé sur celui-ci de concert avec les autorités, avant que celles-ci ne fassent volteface au dernier moment. Le bâtiment actuel se dégradait de plus en plus et elle devait assurer sa pérennité. Il fallait démolir le bâtiment, de sorte que le départ des locataires était nécessaire. Elle avait toujours l’intention de démolir l’immeuble et avait pour objectif de commencer les travaux début 2022. Actuellement l’immeuble était occupé par deux locataires, dont A______. Les places de parc étaient louées par des habitants du quartier. Le bâtiment actuel tombait en ruine, malgré plusieurs travaux effectués il y a plus de 30 ans.

y. Entendu en qualité de témoin le 2 juillet 2021, H______, architecte en charge du projet ayant donné lieu au congé, a déclaré que les travaux envisagés étaient impossibles avec le maintien du locataire, car il était nécessaire de démolir l’immeuble. À la suite de l’échec du projet, une nouvelle demande d’autorisation de construire, publié dans la FAO le ______ 2021, était en cours d’instruction. Il était toujours nécessaire de démolir la dalle du parking. Il ignorait si les copropriétés voisines comptaient s’opposer au projet. L’immeuble était situé en zone 2 selon le plan directeur cantonal et un Plan d’utilisation du sol (PUS) existait. Il n’était pas nécessaire de prendre des contacts politiques préalables pour le nouveau projet, car le gabarit existant de l’immeuble n’était pas modifié. Celui-ci devait améliorer la situation existante sous l'angle de l'esthétique et du traitement paysager des surfaces et des accès et réduire la circulation puisqu'il devait y avoir moitié moins de voitures. En outre, les livraisons de F______ devaient se faire dans un tunnel privé, pour éviter les désagréments liés aux livraisons. Les baux avaient été résiliés pour démolir l'immeuble. Les travaux envisagés étaient impossibles avec le maintien des locataires en place. Beaucoup de voisins louaient des places dans le parking existant et l'idée était de maintenir leurs places, de sorte qu'ils auraient la priorité lors de la remise en location.

La chaufferie de l'immeuble n'était plus conforme et les propriétaires avaient des autorisations provisoires pour la maintenir, compte tenu du projet à venir. En cas d'abandon du projet, il faudrait changer la chaufferie de l'immeuble. Les travaux devaient durer 18 mois. Le témoin ne pensait pas qu'un entretien régulier aurait modifié l'état actuel de l'immeuble, en particulier quant à la question de l'étanchéité de la toiture, sur laquelle il y avait 60 cm de terre végétale. En outre, la carbonatation de la dalle de béton nécessitait un traitement en profondeur. L'immeuble n'avait pas fait l'objet de travaux de rénovation mais uniquement de travaux d'entretien.

z. Les parties ont plaidé par écrit le 8 octobre 2021 et dupliqué le 5 novembre 2021, persistant dans leurs conclusions respectives.

aa. Par jugement non motivé du 21 décembre 2021, le Tribunal a validé le congé et octroyé à A______ une unique prolongation de bail de quatre ans. Ce dernier a sollicité le 23 décembre 2021 la motivation du jugement. Le 3 mai 2022, le Tribunal a rendu son jugement.

EN DROIT

1.             L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1). La détermination de la valeur litigieuse suit les mêmes règles que pour la procédure devant le Tribunal fédéral (Rétornaz in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 363; Spühler, Basler Kommentar, Schweizeriche Zivilprozessordnung, 3e éd., 2017, n. 9 ad art. 308 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

1.1 En l'espèce, le loyer annuel du logement, charges comprises, s'élève à 51'432 fr.

En prenant en compte une période de protection de trois ans, la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr. (51'432 fr. × 3 ans = 154'296 fr.), de sorte que la voie de l’appel est ouverte.

1.2 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2.             Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (Jeandin, CR-CPC, op. cit., n. 6 ad art. 317 CPC).

2.1 L’intimée a produit une pièce nouvelle, à savoir une capture d’écran actualisée au 7 juillet 2022 du site internet de l’État de Genève, en lien avec le suivi administratif du projet de construction DD 6______, déposé le 21 juin 2021.

2.2 La recevabilité de cette pièce, en lien avec un projet de construction postérieur au congé, peut demeurer indécise, car celle-ci n’est pas déterminante pour l’issue du litige, comme il le sera ci-après.

3.             L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir retenu de manière imprécise et inexacte certains faits.

3.1 A teneur de l’art. 310 let. b CPC, l’appel peut être formé pour une constatation inexacte de faits. L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit. En particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus.

Que la cause soit soumise à la maxime des débats ou à la maxime inquisitoire, il incombe au recourant de motiver son appel (art. 311 al. 1 CPC), c'est-à-dire de démontrer le caractère erroné de la motivation attaquée ou de l’état de fait constaté. Pour satisfaire à cette exigence, il ne lui suffit pas de renvoyer aux moyens soulevés en première instance, ni de se livrer à des critiques toutes générales de la décision attaquée. Sa motivation doit être suffisamment explicite pour que l'instance d'appel puisse la comprendre aisément, ce qui suppose une désignation précise des passages de la décision que le recourant attaque et des pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

3.2 En l’espèce, dans un premier temps, dans la rubrique « en fait » de son écriture, l’appelant présente de manière toute générale sur plus de six pages sa propre version des faits, sans indiquer, de manière précise, quels considérants ou éléments de fait retenus par les premiers juges il entend remettre en question.

Une telle manière de procéder ne respecte pas le devoir de motivation et ne permet pas à la Cour de déterminer quels éléments retenus dans le jugement devrait être modifiés ou rectifiés. Faute de motivation suffisante, le grief est irrecevable.

3.3 En second lieu, dans sa partie « en droit » et en lien avec d’autres griefs relatifs au fond du litige, l’appelant critique l’état de fait retenu par les premiers juges, en citant cette fois-ci les éléments factuels contenus dans le jugement qu’il entend critiquer et les éléments qui justifieraient, selon lui, de s’écarter de l’état de fait retenu. De telles critiques, motivées, sont recevables et seront ainsi abordées ci-après – dans la mesure utile – en lien avec chacun de ses griefs au fond.

4.             Sur le fond, dans un premier grief, l’appelant reproche au Tribunal d’avoir validé le congé, estimant le projet de construction de l’intimée insuffisamment abouti et impossible à réaliser.

4.1 Selon la jurisprudence, chaque partie est en principe libre de résilier un bail de durée indéterminée pour la prochaine échéance convenue, en respectant le délai de congé prévu. La résiliation ordinaire du bail ne suppose ainsi pas l'existence d'un motif de résiliation particulier (cf. art. 266a al. 1 CO; ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1).

4.1.1 Le bailleur est donc libre, en principe, de résilier le bail, notamment, dans le but d'adapter la manière d'exploiter son bien selon ce qu'il juge le plus conforme à ses intérêts (ATF 136 III 190 consid. 3), soit notamment pour effectuer des travaux de transformation, de rénovation ou d'assainissement (ATF 142 III 91 consid. 3.2.2 et 3.2.3; 140 III 496 consid. 4.1; Colombini, « Pratique récente en matière de résiliation de bail » in 19e Séminaire sur le droit du bail, 2016, n. 128; Lachat et alii, Le bail à loyer, 2019, p. 964), pour des motifs économiques (arrêts du Tribunal fédéral 4A_19/2016 précité consid. 4.2; 4A_475/2015 du 19 mai 2016 consid. 4.1 et 4.3) ou, encore, pour utiliser les locaux lui-même ou pour ses proches parents ou alliés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.3 et 4.5; 4A_18/2016 du 26 août 2016 consid. 3.3 et 4).

4.1.2 La seule limite à la liberté contractuelle réside, lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, dans les règles de la bonne foi : le congé qui y contrevient est alors annulable (art. 271 al. 1 et 271a CO). La protection ainsi assurée procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC).

De manière générale, un congé est contraire aux règles de la bonne foi lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection et qu'il apparaît ainsi purement chicanier ou consacrant une disproportion crasse entre l'intérêt du preneur au maintien du contrat et celui du bailleur à y mettre fin (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1).

4.1.3 Un congé donné par le bailleur pour procéder à des travaux de rénovation est considéré comme contraire à la bonne foi si le bailleur ne dispose pas d'un projet suffisamment mûr et élaboré qui permette de constater, concrètement, que la présence du locataire pendant la durée des travaux entraverait leur exécution, autrement dit s'il est nécessaire qu'il quitte les locaux (ATF 142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.2.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_435/2021 précité consid. 3.1.3; 4A_491/2018 précité consid. 2.1.2).

Pour qu'il soit possible d'apprécier concrètement si les travaux nécessitent le départ du locataire, il faut que le projet de rénovation du bailleur soit suffisamment mûr et élaboré déjà au moment de la notification du congé. À elle seule, la ferme intention générale du bailleur de transformer son immeuble n'est pas suffisante (ATF
140 III 496 précité consid. 4.2.2).

Le juge doit pouvoir se convaincre avec certitude qu'il est nécessaire que le locataire quitte les locaux, parce que sa présence est propre à entraîner des complications, des coûts supplémentaires ou une prolongation de la durée des travaux (arrêts du Tribunal fédéral 4A_491/2018 précité consid. 2.1.2; 4A_200/2017 précité consid. 4.2.2). Il n'est toutefois pas nécessaire que le locataire puisse déjà estimer la nécessité de son départ dans le délai de 30 jours de l'art. 273 al. 1 CO (ATF 148 III 215 consid. 3.1.3).

La résiliation doit être considérée également comme abusive s'il apparaît que la présence du locataire n'occasionnerait pas de complications ou de retards dans les travaux, ou seulement de manière négligeable, par exemple en cas de réfection des peintures ou de travaux extérieurs tels qu'une rénovation de la façade ou un agrandissement d'un balcon (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 135 III 112 consid. 4.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_703/2016 du 24 mai 2017 consid. 4.2; 4A_491/2018 précité consid. 2.1.2).

En revanche, la résiliation donnée pour procéder à une rénovation comportant notamment des modifications dans la distribution des locaux, le remplacement des cuisines, des salles de bains et de l'ensemble des conduites et le renouvellement des sols et revêtements muraux n'est pas abusive, car ces travaux sont de nature à entraîner un accroissement des difficultés, du coût et de la durée de la rénovation. Elle est valable même si le locataire se déclare prêt à rester dans les locaux pendant de pareils travaux et à s'accommoder des inconvénients qui en résulteront (ATF 135 III 112 consid. 4.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_200/2017 précité consid. 3.1.3.1 et 4A_583/2014 du 23 janvier 2015 consid. 2.1.1).

4.1.4 La résiliation en vue de travaux est également contraire à la bonne foi si le projet du bailleur est manifestement incompatible – ou objectivement impossible – avec les règles du droit public, au point qu’il est certain qu’il ne sera pas autorisé (ATF 140 III 496 consid. 4.1 et 4.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_609/2021 du 5 juillet 2022, consid. 4.2).

Il n’est cependant pas nécessaire que le bailleur ait déjà obtenu une autorisation de construire, ni même qu’il ait déposé les documents dont elle dépend (ATF
142 III 91 consid. 3.2.1; 140 III 496 consid. 4.1; Colombini, op. cit., n. 138; contra : Lachat, op. cit. p. 964). Il s’agit de pronostiquer si, au moment où le congé a été donné, l’autorisation des travaux envisagés paraissait de toute évidence exclue, une probabilité non négligeable de refus n’étant pas suffisante. Autrement dit, il faut que le projet soit déjà, à ce moment-là, manifestement incompatible avec les règles du droit public (ATF 140 III 496 consid. 4.1).

4.1.5 Des événements survenus postérieurement, tel le refus d’octroi du permis de construire, ne sont pas susceptibles d’influer sur cette qualification, car un congé valable lors de sa notification ne peut pas devenir invalide par la suite. Des événements postérieurs au congé peuvent, tout au plus, permettre d’apprécier le degré d’impossibilité du projet tel qu’il existait à la date de la notification du congé (arrêt du Tribunal fédéral 4A_609/2021 précité consid. 4.2).

De la même manière, un bailleur qui n’a entrepris aucune démarche ou ne dispose d’aucun document attestant de la réalité de son projet de rénovation lors de la notification du congé ne peut plus guérir le vice en résultant, en dressant – après coup – un dossier suffisamment mûr et élaboré (Conod, « Congé rénovation » in Newsletter Bail.ch, octobre 2014, p. 3).

4.1.6 Un congé n’est pas déjà contraire à la bonne foi si le projet initial doit être modifié pour pouvoir être approuvé par les autorités administratives. De même, il n’est pas possible de déduire de nombreuses oppositions formulées contre un projet de construction que celui-ci est impossible, le propriétaire possédant, en effet, la faculté de corriger son dossier lors de la mise aux enquêtes (Colombini, op. cit. n. 141; arrêt du Tribunal fédéral 4A_609/2021 précité, consid. 4.2).

En revanche, un pronostic défavorable quant à la faisabilité du projet peut constituer un indice que le motif invoqué à l’appui du congé n’est qu’un prétexte (Colombini, op. cit. n. 139).

4.1.7 Bien que critiqué par une partie de la doctrine, qui relève le caractère très difficile de la preuve à rapporter pour le locataire (cf. Lachat, op. cit., p. 965), le degré de preuve requis n’est ainsi ni la simple vraisemblance (Glaubhaftmachung), ni la vraisemblance prépondérante (überwiegende Wahrscheinlichkeit; sur ces deux notions : ATF 130 II 321 consid. 3.3; 133 III 81 consid. 4.2.2) mais la preuve stricte (strikter Beweis ou voller Beweis; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2), de laquelle il ne doit subsister plus aucun doute sérieux ou que celui-ci apparait, tout au plus, léger (cf. Bohnet/Jeannin, « Le fardeau de la preuve en droit du bail » in 19e Séminaire sur le droit du bail, 2016, n. 11). L’impossibilité de réaliser le projet de construction doit ainsi apparaître, pour le juge, proche de la certitude.

La preuve de l’impossibilité objective du projet incombe au locataire (ATF
140 III 496 consid. 4.1; Colombini, op. cit. n. 138; Lachat, op. cit., p. 964 et 965).

4.2 En l’espèce, le contrat de bail a été résilié le 7 novembre 2017 pour sa prochaine échéance contractuelle du 31 janvier 2019, au motif d’une rénovation et transformation des locaux, ainsi qu’une surélévation de l'immeuble.

4.2.1 Conformément à la jurisprudence précitée, il convient ainsi de déterminer rétrospectivement si, au moment du congé, le projet était suffisamment mûr et élaboré et, dans l’affirmative, si celui-ci n’était pas manifestement impossible à réaliser.

Contrairement à ce que soutient l’intimée dans sa réponse à l’appel et contrairement également à la motivation subsidiaire retenue par les premiers juges, le nouveau projet de construction déposé le 21 juin 2021 – soit plus de six ans après la notification du congé – n’est pas déterminant pour la résolution du cas, étant trop éloigné temporellement de celui-ci et ne pouvant, cas échéant, réparer les éventuelles lacunes, au regard du droit du bail, existantes au moment de la notification du congé.

4.2.2 Dans le cas présent, sur la question d’un projet de construction suffisamment abouti, il ressort de la procédure qu’au moment du congé, l’intimée avait déjà déposé, en mai 2016, un projet de construction et des plans auprès du département compétent. Des discussions avaient également eu lieu avec la commune et le canton, qui ont abouti à l’élaboration d’un projet de loi, prévoyant notamment l’expropriation de certaines servitudes grevant la parcelle concernée, afin de permettre la réalisation des logements sociaux prévus dans le nouvel immeuble projeté. De tels éléments dénotent un projet suffisamment élaboré au moment du congé, étant relevé que la jurisprudence n’exige pas qu’une demande d’autorisation de construire et des plans soient déjà déposés à ce moment-là, ce qui est pourtant le cas ici.

Contrairement à ce que soutient l’appelant et conformément à la jurisprudence, le fait que le projet initial déposé ait été retouché après le congé, à la demande des autorités compétentes, n’est pas propre à dénier le caractère suffisamment concret de celui lors de la notification du congé.

4.2.3 Sur la question de la faisabilité du projet, il convient de rappeler que la jurisprudence fait preuve d’une certaine rigueur, en sollicitant, pour l’annulation du congé, que le projet de construction soit « objectivement impossible » ou, « de toute évidence », contraire aux règles de droit public.

Ainsi, contrairement à ce que soutient l’appelant, l’existence d’oppositions au projet de construction, indépendamment de leur nombre, ne suffit pas pour démontrer l’impossibilité, ces dernières pouvant cas échéant être rejetées par décision de justice. Quant à la question des servitudes, l’existence de celles-ci à elles seules ne suffit pas, dans le cas présent, pour admettre une impossibilité, étant en particulier relevé que l’intimée possédait – lors de la notification du congé – le soutien des autorités cantonales et communales, disposées à user de la Loi sur l’expropriation pour cause d’utilité publique (LEx-GE) pour lever les servitudes problématiques en question, voire à en créer de nouvelles, nécessaires pour la réalisation du projet.

Bien que l’appelant fasse valoir que les autorités précitées n’auraient pas été en mesure d’obtenir l’expropriation des servitudes sur la base de cette loi, cette impossibilité n’apparaît pas manifeste (cf. art. 2 al. 1 LEx-GE, qui prévoit l’expropriation des « droits réels immobiliers », reprenant ainsi la teneur de l’art. 5 de la Loi fédérale sur l’expropriation (LEx), qui permettrait, au regard du Message du Conseil fédéral, l’expropriation d’une « servitude foncière indésirable » (cf. FF 1926 II 1, p. 13 in fine) ou l’art. 8 LEx-GE, prévoyant l’expropriation par la constitution de nouvelles servitudes). La loi ou la jurisprudence ne semblent ainsi pas empêcher une telle pratique d’expropriation. L’appelant ne cite d’ailleurs aucune jurisprudence en ce sens et la simple référence à un courrier d’opposition de quelques propriétaires voisins à la parcelle en cause ne fournit pas, comme il le prétend, le degré de certitude requis à ce propos.

Quant à l’existence de projets antérieurs au congé, de précédents refus d’autorisation de construire peuvent, à certains égards, constituer des indices de l’impossibilité, en particulier si le projet à l’appui du congé s’avère très proche ou identique à ceux précédemment refusés. Toutefois, contrairement à ce que soutient l’appelant, dans la mesure où l’on ignore en l’espèce les raisons qui ont conduit aux refus d’entrer en matière en lien avec les projets antérieurs, de même que le détail des projets en question, il n’est pas possible d’effectuer la comparaison. De même, lesdits projets antérieurs ne bénéficiaient pas, alors, du soutien des autorités communales et cantonales, notamment en matière d’expropriation, de sorte que la situation n’est pas comparable au cas présent.

Enfin, s’agissant de la décision du 3 septembre 2020 rendue par le Tribunal administratif de première instance, lequel a annulé l’autorisation de construire à l’origine du congé litigieux, bien que rendue postérieurement à celui-ci, celle-ci aurait pu permettre d’apprécier le degré d’impossibilité du projet querellé. Toutefois, ledit jugement n’a pas été produit à la procédure – et il ne ressort pas qu’il aurait été sollicité par l’appelant – de sorte que l’on ignore les motifs qui ont conduit à l’annulation du projet en cause, ce qui ne permet ainsi pas d’apprécier le degré d’impossibilité présent lors du congé. L’existence d’un tel jugement, à elle seule, ne suffit en effet pas pour conclure à l’impossibilité objective du projet lors de sa notification au locataire (cf. ATF 148 III 215 consid. 3.2.2 déjà cité), ceci à tout le moins au regard du degré de preuve requis par la jurisprudence, même si un tel fait constitue un indice important en ce sens.

En définitive, au regard de l’ensemble des éléments en présence, il n’appert pas de manière manifestement objective ou certaine que le projet aurait été impossible à réaliser lors de la notification du congé.

4.2.4 Le grief du locataire est en conséquence infondée. La décision en tant qu’elle valide le congé sera confirmée.

5.             Dans un dernier grief, l’appelant reproche au Tribunal de lui avoir accordé une prolongation de bail de quatre ans uniquement, en violation de l’art. 272 CO. La durée d’occupation des locaux (25 ans), les démarches entreprises pour la recherche de nouveaux locaux, les difficultés des recherches liées à la nature de son commerce, les conséquences pénibles pour sa famille – son fils étant salarié du garage en question – et l’absence d’urgence, en raison du nouveau projet de construction déposé par l’intimée, devait conduire à une prolongation de bail de six ans.

5.1 Selon l'art. 272 al. 1 CO, le locataire peut demander la prolongation du bail lorsque la fin du contrat aurait pour lui ou sa famille des conséquences pénibles sans que les intérêts du bailleur le justifient. Pour trancher la question, le juge doit procéder à une pesée des intérêts en présence, en prenant en considération notamment les critères énumérés à l'alinéa 2 de cette disposition. Lorsqu'il s'agit de locaux commerciaux, la durée maximale de la prolongation est de six ans; dans cette limite, le juge peut accorder une ou deux prolongations (art. 272b al. 1 CO).

5.1.1 Lorsqu'il doit se prononcer sur l'octroi d'une prolongation de bail, le juge apprécie librement, selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), s'il y a lieu de prolonger le bail et, dans l'affirmative, pour quelle durée.

Il doit procéder à la pesée des intérêts en présence et tenir compte du but de la prolongation, consistant à donner du temps au locataire pour trouver des locaux de remplacement (ATF 125 III 226 consid. 4b) ou à tout le moins pour adoucir les conséquences pénibles résultant d'une extinction du contrat (ATF 116 II 446 consid. 3b).

Il lui incombe de prendre en considération tous les éléments du cas particulier, tels que la durée du bail, la situation personnelle et financière de chaque partie, leur comportement, de même que la situation sur le marché locatif local (ATF
125 III 226 consid. 4b; 136 III 190 consid. 6 et les arrêts cités).

Il peut tenir compte du délai qui s'est écoulé entre le moment de la résiliation et celui où elle devait prendre effet, ainsi que du fait que le locataire n'a pas entrepris de démarches sérieuses pour trouver une solution de remplacement (ATF
125 III 226 consid. 4c; arrêt du Tribunal fédéral 4C_425/2004 du 9 mars 2005 consid. 3.4, SJ 2005 I p. 397).

5.1.2 Le choix entre une ou deux prolongations doit permettre au juge de choisir la solution la plus adaptée aux circonstances (arrêts du Tribunal fédéral 4A_105/2009 du 5 juin 2009 consid. 3.1 avec référence au Message du Conseil fédéral; 4A_386/2014 du 11 novembre 2014 consid. 4.3.1); il peut donc, dans la pesée des intérêts des deux parties, décider d'accorder une première prolongation du bail ou une prolongation définitive et, cas échéant, en fixer la durée. Il n'y a pas de priorité de l'une de ces solutions par rapport à l'autre (arrêts du Tribunal fédéral 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 5.1; 4A_105/2009 précité consid. 3.2; 4A_386/2014 précité consid. 4.3.1).

5.2 En l’espèce, en faveur du l’appelant, il convient de considérer la longue période paisible de location de vingt ans, les difficultés liées à la particularité de l’activité commerciale déployée, un garage automobile, qui nécessite des locaux spécifiques difficiles à retrouver sur le marché locatif urbain actuel, ainsi que les conséquences économiques d’une fin de bail, que cela soit pour l’appelant lui-même ou les salariés de l’établissement. Quant à la recherche de nouveaux locaux, force est cependant de constater qu’aucun élément de preuve n’a été versé à la procédure par l’appelant sur l’intensité de celle-ci. Cette dernière sera, en conséquence, considérée comme faible.

Quant à l’intimée, elle a déclaré s’opposer à toute augmentation de la durée de prolongation accordée par les premiers juges, motif pris de ce que sa nouvelle demande d’autorisation de construire serait sur le point d’aboutir. Toutefois, au regard de l’historique en cause, c’est-à-dire des nombreux refus en lien avec les précédentes demandes d’autorisation de construire et l’opposition systématique des voisins, l’optimisme de celle-ci peut être relativisé. Quant à la prétendue urgence d’entreprendre des travaux pour des motifs de sécurité, aucun élément à la procédure ne révèle, de manière concrète, un éventuel danger relatif à l’immeuble, l’intimée ne le prétendant d’ailleurs pas dans ses écritures.

Au regard de ce qui précède, les éléments avancés par l’appelant à l’appui d’une prolongation possèdent plus de poids que ceux avancés par la bailleresse, laquelle n’a, à ce jour, pas obtenu les autorisations de construire nécessaires à son nouveau projet de construction. Enfin, la difficulté pour l’appelant de retrouver des locaux commerciaux à destination d’un garage automobile dans le marché locatif urbain actuel n’a pas été prise en compte de manière suffisante par les premiers juges dans la durée de prolongation accordée.

Il se justifie ainsi d’octroyer à l’appelant une unique prolongation de bail de quatre ans et six mois, échéant au 31 juillet 2023.

5.3 Le grief du locataire serait admis dans cette mesure et le chiffre 2 du dispositif du jugement attaqué modifié en conséquence

6.             A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 3 juin 2022 par A______ contre le jugement JTBL/1057/2021 rendu le 3 mai 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/28727/2017.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif du jugement attaqué et statuant à nouveau :

Octroie à A______ une unique prolongation de bail de quatre ans et six mois, échéant au 31 juillet 2023.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRYBARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Grégoire CHAMBAZ et Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.