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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/27398/2017

ACJC/42/2023 du 16.01.2023 sur JTBL/128/2022 ( OBL ) , CONFIRME

Normes : CO.6; CO.270a; CO.269d.al1; CO.269d.al3
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/27398/2017 ACJC/42/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 16 JANVIER 2023

 

Entre

F______, sise ______ [LU], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 23 février 2022, comparant par Me Pierre BANNA, avocat, rue Verdaine 15, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

 

et

 

Monsieur A______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par l'ASLOCA,
rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle il fait élection de domicile.

 

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/128/2022 du 23 février 2022, reçu par les parties le 25 février 2022, le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) a constaté que le loyer de l'appartement de 5 pièces n° 2______ situé au 2ème étage de l'immeuble sis avenue 1______ no. ______ à Genève s'élevait à 20'640 fr. par an dès le 1er janvier 2018 (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Par acte expédié le 28 mars 2022 à la Cour de justice, F______ (ci-après : la bailleresse) a formé appel contre ce jugement, concluant à son annulation et, cela fait, au déboutement de A______ (ci-après : le locataire) de toutes ses conclusions.

b. Dans sa réponse du 2 mai 2022, le locataire a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Par avis du 3 août 2022, la Cour a informé les parties de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. Le 25 novembre 1996, B______ CIE/C______ SA, en qualité de bailleresse, et E______ et A______, en qualité de locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement de 5 pièces n° 2______ situé au 2ème étage de l'immeuble sis no. ______ avenue 1______ à Genève.

Le bail a été conclu pour une durée initiale de douze mois, du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1997, et s'est renouvelé ensuite tacitement.

Le loyer annuel a été initialement fixé à 18'360 fr., soit 1'530 fr. mensuels. Les charges relatives au chauffage et à l'eau chaude ont été fixées annuellement à 1'500 fr., soit 125 fr. mensuels.

b. L'immeuble sis no. ______ avenue 1______ à Genève a été classé en catégorie 2 HLM de la loi générale sur le logement et la protection des locataires (LGL; RSG – I 4 05) pour une durée de 20 ans, soit jusqu'au 31 décembre 2017. A cette date, il est sorti du contrôle de l'Etat.

c. F______ est devenue propriétaire de l'immeuble à compter du 1er novembre 2014.

A une date indéterminée, A______ est devenu l'unique locataire de l'appartement.

d. Par avis de modification de loyer du 11 novembre 2014, le loyer annuel de l'appartement a été fixé à 24'360 fr., à compter du 1er janvier 2015.

e. Par courrier du 29 août 2016, F______ a informé le locataire que la sortie du contrôle de l'Etat de l'immeuble en cause entraînerait des modifications de son contrat de bail : les conditions générales pour les baux subventionnés seraient remplacées par des conditions générales s'appliquant aux loyers libres, l'échéance trimestrielle serait modifiée par une échéance annuelle et celle-ci serait fixée au 31 janvier de chaque année. Par ailleurs, le locataire avait droit à une baisse de loyer de 15.25%, résultant principalement de la baisse du taux hypothécaire observée les années précédentes, laquelle impactait le calcul de rendement net admissible de l'immeuble selon l'art. 269 CO.

Un avis de baisse de loyer (le terme "majoration" ayant été biffé et remplacé par "baisse") et d'autres modifications du bail était joint à ce courrier. Selon cet avis, le loyer annuel de l'appartement était fixé, dès le 1er janvier 2017, à 20'640 fr. Il était indiqué, sous la rubrique "Nouvelle échéance de bail", que le bail serait reconduit d'année en année, avec un préavis de résiliation de 3 mois, la prochaine échéance étant fixée au 31 janvier 2018. Sous la rubrique "Divers", il était encore indiqué : "Remplacement des conditions générales et règles et usages locatifs du canton de Genève applicables aux logements soumis LGL ou LGZD par les conditions générales (bail libre) de [la régie immobilière] D______ version 2008/Août 2010".

f. Par courrier du 28 septembre 2016, F______ a informé le locataire qu'une erreur s'était glissée dans son courrier du 29 août 2016, en ce sens que la sortie du contrôle des loyers par l'Etat était fixée non pas au 31 décembre 2016, mais au 31 décembre 2017. Aussi, la baisse de loyer de l'appartement serait applicable uniquement à partir du 1er janvier 2018.

Un nouvel avis de baisse de loyer et d'autres modifications du bail était joint à ce courrier, annulant et remplaçant celui du 29 août 2016, afin de rectifier cette erreur, les autres modifications étant inchangées (sous réserve de la prochaine échéance du bail, fixée au 31 janvier 2019).

Les parties s'accordent sur le fait que le locataire n'a pas réagi à réception de ce nouvel avis.

g. Par pli recommandé du 26 septembre 2017, le locataire a sollicité une baisse de loyer de 40% dès le 1er janvier 2018, sous déduction de la baisse de 15% d'ores et déjà octroyée.

h. Le 27 octobre 2017, F______ a répondu que cette demande de baisse de loyer était en l'état refusée, au motif que l'immeuble sortirait du régime HLM le 31 décembre 2017. Elle estimait la demande prématurée, dans la mesure où certains locataires de l'immeuble avaient contesté l'avis de modification de loyer du 11 novembre 2014 et qu'une procédure était en cours. Il convenait ainsi d'attendre que les juridictions administratives fixent le loyer subventionné pour les années 2015 à 2017, ce qui permettrait d'appréhender l'éventuelle évolution des bases de calcul des loyers dans l'immeuble depuis janvier 2015.

i. Le 23 novembre 2017, le locataire a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d'une requête par laquelle il sollicitait une baisse de loyer de 40% dès le 1er janvier 2018; il se fondait sur le rendement admissible de l'immeuble.

j. Vu l'échec de la tentative de conciliation, une autorisation de procéder a été délivrée au locataire le 30 avril 2018.

k. Par courrier du 3 mai 2018, parallèlement à la procédure, le locataire s'est étonné auprès de F______ de n'avoir pas encore reçu les nouveaux bulletins de versement tenant compte de la baisse de loyer de 15% accordée à compter du 1er janvier 2018. Cette baisse avait été acceptée à titre d'acompte et ne pouvait plus être retirée. Aussi, la bailleresse était priée de lui faire parvenir les nouveaux bulletins de versement ainsi que le trop-perçu de loyer depuis le 1er janvier 2018.

l. Le 7 mai 2018, F______ a répondu qu'elle ne donnerait pas une suite favorable à cette demande, estimant que le locataire avait refusé l'offre de baisse de loyer proposée le 28 septembre 2016, puisqu'il concluait en procédure à une baisse plus importante. Dans la mesure où, selon elle, une acceptation tacite ne pouvait être retenue, cette offre avait été refusée. En tant que de besoin, la bailleresse déclarait retirer l'offre de diminution de loyer que le locataire avait refusée à l'audience de conciliation du 30 avril 2018.

m. Par demande en baisse de loyer déposée le 29 mai 2018 devant le Tribunal, le locataire a conclu, principalement, à ce que le loyer annuel de l'appartement soit fixé à 14'604 fr. dès le 1er janvier 2018, sur la base du rendement admissible de l'immeuble, et, subsidiairement, à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'il acceptait que le loyer annuel soit fixé à 20'640 fr., sur la base de l'avis de baisse du 28 septembre 2016.

n. Par ordonnance du 29 août 2018, le Tribunal a ordonné la suspension de la procédure dans l'attente de l'issue d'une autre procédure pendante entre F______ et d'autres locataires de l'immeuble sis avenue 1______ no. ______ et portant sur la même problématique (procédure pilote; C/21994/2017). Dans le cadre de cette procédure pilote, la bailleresse a été condamnée à procéder à un calcul de rendement net suite à la sortie de l'immeuble du contrôle étatique.

Par arrêt du 28 octobre 2019, la Cour de justice a rendu son arrêt dans la cause pilote (ACJC/1562/2019), lequel a été confirmé par arrêt du Tribunal fédéral du 4 septembre 2020 (4A_582/2019).

o. Par courrier du 26 avril 2021, la procédure pilote étant terminée, le locataire a sollicité la reprise de la présente procédure.

Par ordonnance du 20 mai 2021, le Tribunal a ordonné la reprise de la procédure et fixé un délai à F______ pour répondre à la demande.

p. Le 4 juin 2021, le locataire a indiqué au Tribunal qu'au vu de la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de rendement admissible (ATF
147 III 14), parue suite à l'arrêt 4A_582/2019 rendu dans la cause pilote, il retirait ses conclusions principales et persistait dans ses conclusions subsidiaires en fixation du loyer à 20'640 fr. par an.

q. Dans sa réponse du 25 juin 2021, F______ a conclu au rejet de la demande. Préalablement, elle a conclu à l'irrecevabilité de la conclusion subsidiaire du locataire car non soumise à l'autorité de conciliation. Sur le fond, elle a fait valoir, en substance, que l'avis de baisse de loyer du 29 août 2016, annulé et remplacé par avis du 28 septembre 2016, constituait une offre transactionnelle que le locataire avait refusée en sollicitant une baisse de loyer plus importante.

r. Par écritures du 1er septembre 2021, le locataire a persisté dans ses conclusions. Il a allégué que l'avis officiel du 28 septembre 2016, qui n'avait fait l'objet d'aucune contestation de sa part, était entré en force.

s. Lors de l'audience du 23 décembre 2021, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions, ensuite de quoi la cause a été gardée à juger.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que la conclusion subsidiaire du locataire était recevable. Devant le juge conciliateur, A______ avait formulé une conclusion principale en baisse de loyer fondée sur le rendement admissible de l'immeuble, puis, devant le Tribunal, une conclusion subsidiaire fondée sur la baisse de loyer que la bailleresse lui avait notifiée le 28 septembre 2016. Les deux prétentions étaient connexes, puisqu'elles reposaient sur le même contrat de bail liant les mêmes parties; en outre, la conclusion principale et la conclusion subsidiaire reposaient sur un même complexe de fait, à savoir la fixation du loyer suite à la sortie de l'immeuble du contrôle de l'Etat.

Sur le fond, le Tribunal a retenu qu'en date du 29 août 2016, F______ avait notifié au locataire une baisse de loyer pour le 1er janvier 2017. Quand bien même cela n'était pas nécessaire, elle avait choisi de notifier cette baisse sur un avis officiel, lequel ne pouvait être considéré comme une simple offre. Le 28 septembre 2016, la bailleresse avait annulé et remplacé cet avis, indiquant au locataire que la baisse de loyer entrerait en vigueur seulement le 1er janvier 2018. L'avis mentionnait par ailleurs que les conditions générales applicables aux logements subventionnés étaient remplacées par les conditions générales applicables aux baux à loyer libre de [la régie immobilière] D______. L'avis indiquait encore qu'il pouvait être contesté par le locataire dans les 30 jours auprès de la Commission de conciliation. Il était établi que A______ n'avait pas contesté l'avis du 28 septembre 2016 dans les 30 jours suivant sa notification. Celui-ci était ainsi entré en force et ne pouvait plus être retiré. Lorsque le locataire avait introduit sa demande visant à obtenir une baisse de loyer plus importante, l'avis de baisse était déjà en force et aurait dû être appliqué par la bailleresse de facto, comme le locataire le lui avait demandé par lettre du 3 mai 2018. En conséquence, A______ était fondé à solliciter de la bailleresse qu'elle exécute le contrat, à savoir qu'elle applique un loyer annuel de 20'640 fr. s'agissant de son appartement, dès le 1er janvier 2018.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1). S'agissant d'un contrat de bail reconductible tacitement, soit de durée indéterminée (ATF 114 II 165 consid. 2b), la valeur litigieuse déterminante doit être calculée en fonction de la baisse de loyer requise, fixée annuellement et multipliée par vingt (art. 92 al. 2 CPC; ATF
139 III 209 consid. 1.2; 137 III 580 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4C_169/2002 du 16 octobre 2002).

En l'espèce, le Tribunal a constaté que le loyer annuel applicable à l'appartement s'élevait à 20'640 fr. De son côté, l'appelante soutient que le loyer annuel est resté fixé à 24'360 fr, soit une différence de 3'720 fr. par an. La valeur litigieuse s'élève donc à 74'400 fr. (3'720 fr. x 20), de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.4 Le présent litige est soumis à la procédure simplifiée (art. 243 al. 2 let. c CPC), dans la mesure où il relève de la protection contre les loyers abusifs (art. 269, 269a et 270 CO; ATF 142 III 690 consid. 3.1; 142 III 402 consid. 2; 142 III 336 consid. 5.2.4).

La maxime inquisitoire sociale ou simple est applicable (art. 247 al. 2 let. a CPC).

2. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir considéré, en violation des art. 269d, 270a et 270b CO, que l'avis officiel notifiant une baisse de loyer au locataire était entré en force et ne pouvait plus être contesté. En particulier, elle lui reproche d'avoir retenu qu'elle avait délibérément choisi de notifier la baisse de loyer litigieuse sur avis officiel. Ce faisant, le Tribunal avait méconnu le fait qu'elle se devait, conformément à l'art. 269d al. 3 CO, de communiquer au locataire les modifications du bail à la sortie du régime HLM - à savoir l'introduction de nouvelles conditions générales et la modification de l'échéance contractuelle - en faisant usage de la formule officielle. Selon elle, le Tribunal aurait dû opérer une distinction entre ces modifications (nécessitant qu'il soit fait usage d'une formule officielle), d'une part, et la baisse de loyer proposée (ne nécessitant pas qu'il soit fait usage d'une formule officielle), d'autre part. Les premières étaient entrées en force, faute d'avoir été contestées dans les 30 jours; la seconde avait été refusée par le locataire qui avait demandé à bénéficier d'une baisse de loyer plus importante.

La recevabilité de la conclusion subsidiaire du locataire n'est, à juste titre, plus litigieuse devant la Cour.

2.1
2.1.1
Aux termes de l'art. 269d CO, le bailleur peut en tout temps majorer le loyer pour le prochain terme de résiliation. L'avis de majoration du loyer, avec indication des motifs, doit parvenir au locataire dix jours au moins avant le début du délai de résiliation et être effectué au moyen d'une formule agréée par le canton (al. 1). Les majorations de loyer sont nulles lorsque : a. elles ne sont pas notifiées au moyen de la formule officielle; b. les motifs ne sont pas indiqués; c. elles sont assorties d'une résiliation ou d'une menace de résiliation (al. 2). Les al. 1 et 2 sont aussi applicables lorsque le bailleur envisage d'apporter unilatéralement au contrat d'autres modifications au détriment du locataire, par exemple en diminuant ses prestations ou en introduisant de nouveaux frais accessoires (al. 3).

L'art. 270a CO prévoit que le locataire peut contester le montant du loyer et en demander la diminution pour le prochain terme de résiliation, s'il a une raison d'admettre que la chose louée procure au bailleur un rendement excessif au sens des art. 269 et 269a, à cause d'une notable modification des bases de calcul, résultant en particulier d'une baisse des frais (al. 1). Le locataire doit adresser par écrit sa demande de diminution au bailleur, qui a un délai de 30 jours pour se déterminer. Si le bailleur ne donne pas suite à la demande, qu'il ne l'accepte que partiellement ou qu'il ne répond pas dans le délai prescrit, le locataire peut saisir l'autorité de conciliation dans un délai de 30 jours (al. 2). L'al. 2 n'est pas applicable lorsque le locataire qui conteste une augmentation de loyer en demande simultanément la diminution (al. 3).

Selon l'art. 270b CO, si le locataire estime qu'une majoration de loyer est abusive au sens des art. 269 et 269a, il peut la contester devant l'autorité de conciliation dans les 30 jours qui suivent l'avis de majoration (al. 1). L'al. 1 est aussi applicable lorsque le bailleur apporte unilatéralement au contrat d'autres modifications au détriment du locataire, par exemple en diminuant ses prestations ou en introduisant de nouveaux frais accessoires (al. 2).

2.1.2 Seules des augmentations de loyer ou des modifications du contrat au détriment du locataire peuvent être contestées devant l'autorité de conciliation (art. 269d al. 1 et 3 CO, art. 270b CO). Le locataire n'a donc pas la possibilité de contester un acte ne touchant pas au montant de son loyer et ne tombant pas sous le coup de l'art. 269d al. 3 CO, telle la mesure qui consiste à lui notifier une pseudo-majoration de loyer en compensation d'une baisse du taux hypothécaire. Par ailleurs, selon la jurisprudence, l'acceptation tacite d'une diminution de loyer signifiée par le bailleur ne prive pas le locataire du droit d'exiger, le cas échéant, une baisse plus étendue. Cette jurisprudence est fondée sur la considération que, si la réduction de loyer lui est notifiée sur formule officielle, le locataire n'est pas tenu de la contester s'il l'estime insuffisante; en effet, un avis favorable au locataire n'est pas, en tant que tel, soumis à contestation (ATF 126 III 124 consid. 2a; cf. infra consid. 2.1.3).

Constitue une modification unilatérale du contrat au sens des art. 269d al. 3 et 270b al. 2 CO la modification du préavis de résiliation, de l'échéance du bail, de sa durée ou de la période de tacite reconduction. Il en va de même de l'introduction de nouvelles conclusions générales au contrat (LACHAT/GROBET THORENS, Le bail à loyer, Lausanne 2019, pp. 709-710).

En vertu des art. 269d al. 3 CO et 19 al. 1 OBLF, la modification du contrat doit être notifiée au locataire sur la formule officielle, au même titre que le serait une hausse de loyer. A réception de l'avis officiel modifiant unilatéralement le contrat, le locataire peut résilier le bail, contester la modification ou l'accepter; l'absence de contestation équivaut à l'acceptation de la modification unilatérale du contrat (LACHAT/GROBET THORENS, op. cit., pp. 713-714).

2.1.3 Lorsque le bailleur accorde une diminution de loyer au locataire, ce qu'il peut faire sans observer aucune forme (art. 269d CO), il lui fait une offre avantageuse que le locataire accepte au sens de l'art. 6 CO s'il ne la refuse pas. L'acceptation tacite ne s'étend cependant pas au-delà de l'offre qui a été faite. En l'absence de circonstances particulières, elle ne saurait notamment être tenue pour l'expression de la volonté tacite du locataire de renoncer au droit de réclamer, le cas échéant, une diminution plus importante du montant du loyer. Une telle acceptation tacite contredirait d'abord le principe selon lequel seule une offre en tous points favorable à l'autre partie peut être acceptée tacitement par celle-ci et, également, le principe selon lequel la volonté fictive se limite à l'acceptation de l'avantage offert. Autant l'acceptation d'une prestation partielle n'a pas d'incidence sur le solde de la créance, autant le locataire, par l'acceptation tacite d'une simple offre de diminuer en partie un loyer abusif, ne renonce pas, de manière fictive ou présumée, à faire valoir le reste des droits que lui confère la loi. Cela vaut d'autant plus qu'en droit du bail, en règle générale, seul le bailleur dispose des bases de calcul du loyer et que le locataire ne peut supporter le risque de ne les obtenir qu'en partie. On ne peut donc partir de l'idée d'une modification du contrat liant les parties, dans le sens précité, que si celles-ci se sont mises d'accord, en commun et de leur plein gré, sur une nouvelle fixation du loyer, en envisageant également la question de son caractère abusif. En revanche, l'acceptation tacite, par le locataire, de l'offre du bailleur de réduire partiellement le loyer n'emporte pas renonciation par celui-là de réclamer à celui-ci une réduction plus importante (ATF 124 III 67 consid. 3a, JdT 1999 I 111, p. 114).

En dehors du principe de la confiance, la péremption d'un droit ne se produit que si la loi le prévoit expressément. Il en va ainsi, par exemple, d'une majoration de loyer non contestée (art. 270b al. 1 CO) ou d'une réserve de hausse de loyer qui n'est pas indiquée expressément (art. 18 OBLF), mais pas d'une demande de baisse de loyer supérieure à celle déjà octroyée par le bailleur. Indépendamment de la question de savoir si la diminution du loyer lui a été signifiée sur formule officielle ou non, le locataire n'a pas l'obligation de la contester s'il l'estime insuffisante. A cela s'ajoute qu'il n'est en général pas dans la situation de le faire, d'abord parce qu'un avis, qui lui est favorable, n'est pas soumis en tant que tel à contestation et ensuite, parce qu'en dehors d'une procédure de hausse (art. 270a al. 3 CO), le locataire ne peut prétendre à une baisse supplémentaire que lorsqu'il l'a préalablement demandée pour un terme de résiliation, en respectant le délai de congé (art. 270a CO). Si le locataire n'a pas eu la possibilité de contester, comme étant insuffisante, la diminution de loyer qui lui a été communiquée par le bailleur, parce qu'il n'avait pas lui-même introduit à temps une procédure en réduction du loyer, il n'a pas perdu pour autant son droit d'exiger par la suite une réduction plus étendue (ATF
124 III 67 consid. 3b, JdT 1999 I 111, p. 115).

2.2 En l'espèce, l'appelante a notifié la baisse de loyer litigieuse sur avis officiel du 28 septembre 2016, celui-ci ayant annulé et remplacé l'avis du 29 août 2016. Elle critique, à cet égard, l'appréciation du Tribunal, selon laquelle cette notification sur avis officiel relèverait d'un choix personnel. L'appelante soutient avoir été contrainte d'agir de la sorte du fait qu'elle entendait, par ce même avis, communiquer au locataire l'introduction de nouvelles conditions générales applicables au contrat. L'échéance annuelle du bail s'en trouvant modifiée, cette modification devait être notifiée au locataire par le biais de la formule officielle, conformément à l'art. 269d al. 1 et 3 CO.

Cet argument n'est pas concluant. En effet, l'appelante demeurait libre de notifier ces modifications sur formule officielle et de communiquer la baisse de loyer à l'intimé dans un courrier séparé. Ayant décidé de notifier la baisse litigieuse sur avis officiel du 28 septembre 2016, l'appelante doit se voir opposer le fait que cet avis est réputé avoir été accepté par l'intimé, dans son intégralité, faute d'avoir été contesté dans les 30 jours.

Quoi qu'il en soit, une baisse de loyer peut, comme en l'espèce, être octroyée unilatéralement par la bailleresse, sur formule officielle ou non, sans que le locataire - réputé l'accepter tacitement (art. 6 CO) - ne soit tenu d'y réagir. En revanche, conformément à la jurisprudence citée supra, l'acceptation tacite du locataire concernant cette baisse ne signifie pas qu'il renonce à une éventuelle prétention ultérieure en diminution d'un loyer abusif au sens de l'art. 270a CO. Le locataire demeure libre, s'il considère la baisse octroyée comme étant insuffisante, d'en solliciter une plus importante par la suite.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, il ne ressort nullement du dossier que le locataire aurait, suite à l'audience de conciliation, expressément refusé la baisse de loyer communiquée le 28 septembre 2016. Il résulte à l'inverse de ses courriers des 26 septembre 2017 et 3 mai 2018 (cf. supra EN FAIT, let. C.g et C.k) que l'intimé a accepté cette baisse de loyer à titre d'acompte, dans l'attente que le Tribunal statue sur ses prétentions visant à l'octroi d'une baisse plus substantielle (n'ayant pas eu la possibilité, à réception de l'avis du 28 septembre 2016, de solliciter de baisse plus étendue, faute d'avoir introduit à temps une procédure en réduction de loyer selon l'art. 270a CO). Il a ainsi manifesté son accord avec la baisse octroyée avant que la bailleresse ne déclare formellement la retirer par courrier du 7 mai 2018. Le fait que le locataire ne s'est pas immédiatement manifesté auprès de la bailleresse pour réclamer de nouveaux bulletins de versement (tenant compte d'un loyer réduit de 15%) ne change rien à ce qui précède. Au surplus, la Cour ne discerne pas d'abus de droit de la part du locataire à exiger de la bailleresse qu'elle applique la baisse de loyer à laquelle elle a elle-même consenti.

En définitive, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que la réduction de loyer octroyée par la bailleresse devait être appliquée.

Au vu des motifs qui précèdent, l'appel sera rejeté.

3. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (art. 116 al. 1 CPC; ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 28 mars 2022 par F______ contre le jugement JTBL/128/2022 rendu le 23 février 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/27398/2017.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Nevena PULJIC et
Monsieur Stéphane PENET, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure à 15'000 fr.