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Décisions | Chambre civile

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CR/33/2011

ACJC/1367/2012 (3) du 28.09.2012 ( OCR ) , RENVOYE

Descripteurs : ; ENTRAIDE JUDICIAIRE CIVILE ; PARTIE À LA PROCÉDURE
Résumé : 1. La procédure devant le juge requis de le'ntraide judiciaire civile n'est pas de nature contentieuse ni même juridictionnelle. L'entraide internationale suit les règles de droit administratif. Les plaideurs à la procédure principale ne disposent pas de l'instance d'entraide comme d'un procès civil régi par la maxime des débats; ils n'y participent pas comme des parties au sens plein du terme et n'ont pas nécessairement la possibilité d'assister aux actes individuels d'entraide (consid. 5.2).
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

CR/33/2011 ACJC/1367/2012

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 28 SEPTEMBRE 2012

 

 

X ______, domiciliée ______ recourante contre l'absence de décision du Tribunal de première instance, comparant par Me Pascal Tourette, avocat, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

 

 


EN FAIT

A. Dans le cadre d'un litige en matière successorale opposant X ______ à sa sœur en Espagne, le Tribunal de première instance no ______ de A ______ a saisi le Ministère public de Genève d'une demande d'entraide judiciaire en matière civile visant à obtenir certains documents de la BANQUE Y ______ SA (ci-après : la Banque) à Genève, dont le siège principal est à Zurich.

Cette demande d'entraide a été transmise le 24 mai 2011 par le Ministère public au Tribunal de première instance de Genève (no de cause CR/33/2011).

B. Le Tribunal a adressé plusieurs courriers à la Banque aux fins d'obtenir les documents sollicités, sans succès. Il a ainsi contacté la Banque le 27 juin 2011, puis le 30 août 2011 et le 14 février 2012, ses deux premiers courriers étant demeurés sans réponse. Par courrier du 23 février 2012, la Banque a sollicité une prolongation du délai octroyé pour se déterminer sur la requête jusqu'au 15 mars 2012.

C. X ______, par l'intermédiaire de son conseil genevois, s'est adressée à plusieurs reprises au Tribunal afin de connaître l'état d'avancement de la procédure, d'être reconnue comme partie à celle-ci et qu'une décision sujette à recours soit rendue. Le Tribunal l'a tenue informée de ses démarches; il lui a en outre indiqué par courrier qu'elle n'était pas partie à la demande d'entraide et qu'elle ne pouvait dès lors avoir accès au dossier.

D. Par acte du 28 février 2012 déposé au greffe de la Cour de justice, X ______ a formé un recours pour retard injustifié. Elle a conclu à ce que soient constatés la violation du principe de célérité et le retard injustifié du Tribunal de première instance. Elle a en outre sollicité qu'il soit ordonné au Tribunal de condamner la BANQUE Y ______ SA à fournir l'information requise par commission rogatoire, sous la menace de l'art. 292 CP, dans un délai de 5 jours après la notification du dispositif du jugement de la Cour, et que la qualité de partie et l'accès au dossier lui soient accordés.

E. Par arrêt du 11 mai 2012 (ACJC/649/2012), la Cour a notamment constaté le retard injustifié du Tribunal à statuer sur l'exécution de la commission rogatoire et renvoyé la cause au Tribunal pour décisions dans le sens des considérants.

Le Tribunal a en particulier été invité à statuer à bref délai sur la requête d'entraide, soit en prononçant son exécution et en ordonnant à la Banque de produire les documents sollicités, soit en refusant de faire droit à la requête.

Le Tribunal était également invité à rendre une décision sur la qualité de partie de X ______.

F. a. Dans l'intervalle, par courrier du 5 mars 2012, le Tribunal de première instance a informé le juge espagnol avoir accepté la demande de prolongation de délai sollicitée par la Banque. Il indiquait qu'il reprendrait contact avec le Tribunal espagnol à l'échéance du délai imparti.

b. Par courrier du même jour, le Tribunal a informé le conseil de X ______ que les parties au litige à l'étranger n'étaient pas parties à la demande d'entraide faite en Suisse.

c. Par courrier du 8 mars 2012, la Banque s'est opposée à la remise des documents sollicités. Elle s'est référée à deux actions en reddition de comptes introduites par X ______ contre la Banque en 2008 et 2009, à l'issue desquelles X ______ avait obtenu certains renseignements. Elle a pour le surplus invoqué le secret bancaire.

d. Par courrier du 20 mars 2012, le Tribunal a informé le juge espagnol que la Banque avait refusé de donner les informations sollicitées.

e. Par courrier du 24 mai 2012, le Tribunal a avisé le juge espagnol que, dans la mesure où la commission rogatoire n'avait pas pu aboutir, il archivait la commission rogatoire sollicitée.

f. Par courrier du 8 juin 2012, qui n'indique pas les voies de recours, le Tribunal a informé le conseil de X ______ qu'il avait procédé à la clôture du dossier. Il indiquait que lorsque la Cour avait rendu son arrêt le 11 mai 2012, elle n'était pas en possession des courriers adressés dans le cadre de la commission rogatoire après le 23 février 2012. Le Tribunal laissait le soin à X ______ d'interpeller le Tribunal espagnol compétent pour le surplus.

G. a. Le 19 juin 2012, X ______ a formé un nouveau recours devant la Cour de justice pour déni de justice, subsidiairement contre la décision du Tribunal du 8 juin 2012. Elle a conclu à ce que la qualité de partie ainsi que l'accès au dossier lui soient accordés, à ce qu'il soit ordonné au Tribunal de rendre une ordonnance formelle condamnant la Banque à fournir l'information requise par commission rogatoire, ce dans un bref délai, et à ce qu'il soit ordonné au Tribunal de procéder à une pesée des intérêts conformément à l'art. 166 al. 2 CPC pour le cas où la Banque invoquerait son droit de refuser de collaborer et de rendre une décision à ce sujet. Subsidiairement, X ______ demande qu'il soit ordonné au Tribunal de lui accorder la qualité de partie, ainsi que l'accès au dossier dans le cadre de la commission rogatoire et persiste dans ses conclusions concernant l'obtention d'une décision formelle et la pesée des intérêts pour le surplus. Plus subsidiairement encore, X ______ sollicite qu'il soit ordonné au Tribunal de rendre une décision formelle sur la qualité de partie et sur l'accès au dossier et persiste dans ses conclusions concernant l'obtention d'une décision formelle et la pesée des intérêts pour le surplus.

Elle a produit seize pièces à l'appui de son recours.

b. Dans ses observations du 29 juin 2012, le Tribunal a notamment fait valoir que le recours de X ______ devait être rejeté, "étant donné qu'il avait pleinement exécuté la commission rogatoire […]".

Il a en outre indiqué avoir rendu une décision sur la qualité de partie, laquelle était conforme à la jurisprudence de la Cour.

c. Dans son courrier du 4 juillet 2012, X ______ a répondu aux arguments du Tribunal. Elle a produit des pièces nouvelles, à savoir un courrier du conseil espagnol de X ______ et une décision du juge espagnol, selon lesquels la procédure espagnole est toujours en cours et le juge espagnol demeure dans l'attente d'une décision du Tribunal de première instance conformément à l'arrêt de la Cour du 11 mai 2012.

H. L'argumentation de la recourante et du Tribunal devant la Cour sera examinée dans la mesure utile à la solution du litige.

EN DROIT

1. 1.1. Selon l'art. 319 let. c CPC, le recours est recevable contre le retard injustifié du Tribunal. Le retard injustifié couvre l'hypothèse d'une absence de décision, constitutive d'un déni de justice matériel (JEANDIN, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 27 ad art. 320 CPC). Il peut être formé en tout temps (art. 321 al. 4 CPC).

Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.2. Comme exposé dans le cadre de son précédent arrêt du 11 mai 2012 dans la même cause, la recourante dispose de la qualité pour recourir contre l'absence de décision du Tribunal et il y a lieu d'entrer en matière sur son recours (art. 319 let. c et 321 al. 4 CPC; cf. ACJC/649/2012 du 11 mai 2012 consid. 2).

A titre subsidiaire, à considérer que le courrier du 8 juin 2012 adressé par le Tribunal à la recourante constitue une décision au sens formel, le présent recours, introduit moins de dix jours après réception dudit courrier par le conseil de la recourante, serait également recevable.

2. Dans son arrêt du 11 mai 2012, la Cour a constaté que le Tribunal avait tardé de manière injustifiée à statuer sur l'exécution ou le refus d'exécuter la commission rogatoire, de sorte qu'il avait violé le principe de célérité. La Cour a renvoyé la cause au Tribunal, en l'invitant à statuer à bref délai sur la requête d'entraide, soit en prononçant son exécution et en ordonnant à la Banque de produire les documents sollicités, soit en refusant de faire droit à la requête.

Le Tribunal a également été invité à rendre une décision concernant la qualité de partie de la recourante et l'accès au dossier.

Or, à ce jour, force est de constater que le Tribunal ne s'est pas conformé à cet arrêt, puisqu'il n'a rendu aucune décision formelle sur la demande d'entraide.

3. Le Tribunal soutient que l'arrêt de la Cour a été rendu sur un état de fait incomplet, dans la mesure où il avait indiqué à la recourante par courrier du 5 mars 2012 qu'elle n'était pas partie à la procédure et avait transmis les déterminations de la Banque aux autorités espagnoles le 20 mars 2012.

Or, en premier lieu, la Cour a tenu compte des faits pertinents jusqu'à la date du dépôt du recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles étant irrecevables dans le cadre d'un recours (art. 326 CPC). Elle n'a donc pas statué sur un état de fait incomplet en ne prenant pas en considération les faits survenus après le dépôt du recours.

De plus, on ne voit pas en quoi les courriers cités par le Tribunal seraient pertinents pour modifier l'issue du litige. En effet, ces correspondances constituent de simples courriers; le Tribunal ne soutient d'ailleurs pas, à juste titre, qu'il s'agirait de décisions formelles sujettes à recours, lesquels auraient rendu le recours sans objet.

Pour le surplus, l'arrêt de la Cour était clair : le Tribunal devait statuer sur la requête d'entraide, soit en prononçant son exécution et en ordonnant à la Banque de produire les documents sollicités, soit en refusant de faire droit à la requête.

4. La recourante demande l'exécution de la commission rogatoire par une décision formelle.

Le Tribunal indique avoir procédé à l'exécution de la commission rogatoire par les courriers adressés à la Banque. Cette dernière ayant refusé de collaborer, "une ordonnance formelle ne modifierait en rien cet état de fait".

4.1. Les règles du CPC sont applicables dans le cadre de la présente procédure d'entraide, puisque l'acte d'entraide judiciaire litigieux doit être exécuté en Suisse selon le droit de procédure civile y applicable (cf. ACJC/649/2012 du 11 mai 2012 consid. 1 et référence citées; art. 9 CLaH 70 [RS.0.274.132]; art. 11a al. 1 LDIP).

4.2. En l'espèce, le Tribunal a adressé plusieurs courriers à la Banque, dans lesquels il lui demandait de se déterminer au sujet de la commission rogatoire. Le Tribunal a ainsi invité la Banque à lui faire connaître les raisons éventuelles d'un refus de collaborer ou à produire les documents visés par la commission rogatoire, conformément à l'art. 161 CPC. A la suite de l'invocation par la Banque du secret bancaire, le Tribunal a informé les autorités espagnoles du refus de collaborer de la Banque.

Or, il est manifeste que ces courriers ne constituent pas des décisions formelles sujettes à recours, et que le Tribunal n'a à aucun moment statué sur la demande d'entraide ni "procédé à l'exécution de la commission rogatoire". A réception de la détermination de la Banque, le Tribunal ne pouvait se contenter d'en informer les autorités espagnoles et de clôturer le dossier. Il lui appartenait au contraire de rendre une décision, soit en prononçant l'exécution de la commission rogatoire et en ordonnant à la Banque de produire les documents sollicités - nonobstant le refus de collaborer de cette dernière -, soit en refusant de faire droit à la requête, en exposant les motifs de sa décision.

Pour cette raison déjà, il y a lieu de renvoyer une nouvelle fois la cause au Tribunal de première instance, en l'invitant à statuer sur la requête d'entraide conformément à ce qui précède.

4.3. Pour le surplus, le Tribunal estime ne pas être en mesure de procéder à la pesée des intérêts commandée par l'art. 166 al. 2 CPC.

L'art. 11 CLaH 70 dispose que la commission rogatoire n'est pas exécutée pour autant que la personne qu'elle vise invoque une dispense ou une interdiction de déposer, établies soit par la loi de l'Etat requis (let. a), soit par la loi de l'Etat requérant (let. b).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une banque qui n'est pas partie à la procédure opposant les parties à l'étranger et appelée à fournir des renseignements et documents dans le cadre de ce litige ne peut invoquer que son droit de refuser de témoigner selon l'art. 11 CLaH 70; elle n'a en revanche pas qualité pour faire valoir les droits qui appartiennent en réalité à son client (arrêt du Tribunal fédéral 5P.423/2006 du 12 février 2007 consid. 3, rendu dans le cadre de l'art. 88 aOJ; cf. ég. arrêts du Tribunal fédéral 4A_399/2007 du 4 décembre 2007 consid. 4; 5A_262/2010 du 31 mai 2012 consid. 5.1).

Selon l'art. 166 al. 2 CPC, tout tiers, titulaire d'autres droits de garder le secret qui sont protégés par la loi, peut refuser de collaborer s'il rend vraisemblable que l'intérêt à garder le secret l'emporte sur l'intérêt à la manifestation de la vérité.

L'art. 166 al. 2 CPC s'applique notamment au banquier (art. 47 LB; JEANDIN, op. cit., n. 25 ad art. 166 CPC et n. 20 ad art. 163 CPC).

Cette disposition inverse le mécanisme mis en œuvre par l'art. 166 al. 1 CPC - qui fondamentalement et sous réserve d'exceptions instaure un droit en faveur du tiers de refuser de collaborer - dans la mesure où le tiers concerné ne peut en principe pas opposer au tribunal son obligation de discrétion, sauf à rendre vraisemblable que l'intérêt à garder le secret l'emporte sur l'intérêt à la manifestation de la vérité (JEANDIN, in Code de procédure civile commenté, Bâle 2011, n. 24 ad art. 166 CPC et références citées).

Selon le Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale (FF 2006 p. 1057 ss, p. 185), auquel renvoie le Message relatif au code de procédure civile suisse (CPC; FF 2006 p. 6841 ss, p. 6929), l'admissibilité du droit de refuser de témoigner dépend donc d'une pesée d'intérêts. En dépit de cette réglementation, il convient de ne pas s'écarter de la doctrine et de la jurisprudence qui - de manière quasi unanime - considèrent qu'il ne faut pas accorder le droit de refuser de témoigner lorsque l'obligation de garder le secret porte sur des données de nature essentiellement économique : à l'avenir, également, il importe de s'opposer, par principe, à ce que le secret bancaire au sens de l'art. 47 LB, notamment, fondent un droit de refuser de témoigner.

L'art. 167 CPC prévoit en outre certaines sanctions en cas de refus injustifié de collaborer du tiers.

En revanche, dans le cadre d'une demande d'entraide, il appartient au juge requérant de fixer l'étendue des renseignements que doit fournir la banque dans le cas particulier et, à réception, de prendre les mesures nécessaires à la sauvegarde d'éventuels secrets d'affaires (arrêt du Tribunal fédéral 5P.423/2006 du 12 février 2007 consid. 5.3.2). Les faits qui ont conduit l'autorité étrangère à réclamer les documents à la banque ne peuvent être revus par le juge suisse selon
l'art. 12 CLaH 70 (arrêt du Tribunal fédéral 5P.423/2006 précité consid. 5.3.3).

4.4. En l'espèce, le Tribunal a d'ores et déjà rendu la Banque attentive à son droit de refuser de collaborer et lui a permis de faire valoir ses arguments. Contrairement à ce que soutient le Tribunal, il doit maintenant statuer sur l'exécution de la commission rogatoire, en procédant à la pesée d'intérêts commandée par l'art. 166 al. 2 CPC. Il n'a pour ce faire pas besoin de connaître toutes les circonstances du cas d'espèce, ni les motifs ayant conduit le juge espagnol à demander les documents sollicités. Il devra uniquement examiner si la Banque, par les motifs invoqués à l'appui de son refus de collaborer, a rendu vraisemblable que son intérêt à garder le secret l'emportait sur l'intérêt à la manifestation de la vérité. Il n'appartient toutefois pas à la Cour de procéder à cette pesée des intérêts, pour la première fois, dans le cadre du recours.

Afin de respecter le principe du double degré de juridiction, le Tribunal devra se déterminer sur l'exécution de la présente commission rogatoire. Dans ce cadre, soit il considérera que le refus de collaborer de la Banque est injustifié, auquel cas il prononcera l'exécution de la commission rogatoire et ordonnera à la Banque de produire les documents sollicités, le cas échéant en assortissant sa décision des mesures de l'art. 167 CPC, soit il rejettera la demande d'entraide. Le Tribunal devra motiver sa décision et l'assortir de la mention de la voie de recours prévue par la loi.

Compte tenu des circonstances, un délai de trente jours sera imparti au Tribunal pour traiter de la présente cause, dès la communication de la présente décision (art. 327 al. 4 CPC).

5. La recourante demande à être reconnue comme partie à la procédure d'entraide et à avoir accès au dossier.

Bien que le Tribunal, contrairement à ce qu'il soutient, n'ait pas rendu de décision formelle en la matière, il s'est déjà exprimé sur ce point dans un courrier adressé à la recourante et dans ses observations dans le cadre du présent recours. La Cour statuera donc directement sur cette question et renoncera à renvoyer une nouvelle fois la cause au Tribunal pour qu'il prenne une décision formelle.

5.1. La Suisse et l'Espagne sont signataires de la Convention de la Haye sur l'obtention de preuves à l'étranger en matière civile ou commerciale du 18 mars 1970 (CLaH 70).

Aux termes de l'art. 1 de la Convention, en matière civile ou commerciale, l'autorité judiciaire d'un Etat contractant peut, conformément aux dispositions de sa législation, demander par commission rogatoire à l'autorité compétente d'un autre Etat contractant de faire tout acte d'instruction, ainsi que d'autres actes judiciaires.

La commission rogatoire contient les indications suivantes : l'autorité requérante et, si possible, l'autorité requise, l'identité et l'adresse des parties et, le cas échéant, de leurs représentants, la nature et l'objet de l'instance et un exposé sommaire des faits, les actes d'instruction ou autres actes judiciaires à accomplir, et les documents ou autres objets à examiner (art. 3 CLaH 70).

L'autorité requérante est, si elle le demande, informée de la date et du lieu où il sera procédé à la mesure sollicitée, afin que les parties intéressées et, le cas échéant, leurs représentants puissent y assister. Cette communication est adressée directement auxdites parties ou à leurs représentants, lorsque l'autorité requérante en a fait la demande (art. 7 CLaH 70).

La communication n'est pas automatique : elle ne doit être faite que si l'autorité requérante l'a demandée. La demande peut être contenue dans la commission rogatoire elle-même ou dans un document qui accompagne celle-ci, ou enfin transmise séparément (cf. ACJC/1453/2011 du 8 novembre 2011 consid. 2.2; Rapport explicatif de la Convention de M. Philip W. AMRAM, p. 11).

5.2. L'entraide judiciaire constitue un acte de coopération internationale et ressort au droit public (Laurent LEVY, L'entraide judiciaire civile in Colloque : l'entraide judiciaire internationale en matière pénale, civile, administrative et fiscale, Genève, 1986, p. 84).

La procédure devant le juge requis n'est pas de nature contentieuse ni même juridictionnelle. L'entraide internationale suit les règles de droit administratif. Les plaideurs à la procédure principale ne disposent pas de l'instance d'entraide comme d'un procès civil régi par la maxime des débats; ils n'y participent pas comme des parties au sens plein du terme et n'ont pas nécessairement la possibilité d'assister aux actes individuels d'entraide (cf. ACJC/1453/2011 du 8 novembre 2011 consid. 2.2; Décision du 23 septembre 1957 du Conseil fédéral in JAAC 27, p. 14 et Laurent LEVY, op. cit., p. 84).

5.3. En l'espèce, la recourante est partie au litige actuellement pendant devant les autorités espagnoles. Le juge espagnol a sollicité l'aide de la Suisse pour obtenir des documents en mains d'un tiers. Seule l'autorité requérante peut solliciter de l'autorité requise d'être informée de la date et du lieu où il sera procédé à la mesure sollicitée, afin que les parties intéressées puissent assister aux audiences. L'autorité requérante n'a pas formé une telle demande; au demeurant, s'agissant de la remise de documents, il n'y a pas d'audience à laquelle la recourante aurait pu participer. Par ailleurs, les parties au litige à l'étranger ne sont pas des parties à la demande d'entraide faite en Suisse (cf. ACJC/1453/2011 du 8 novembre 2011 consid. 2.3).

Dès lors, la recourante n'est pas partie à la présente procédure d'entraide civile internationale (CR/33/2011) et ne peut par conséquent avoir accès au dossier.

6. Aucun frais, de quelque nature que ce soit, ne sera prélevé concernant la présente décision (art. 14 CLaH 70). La recourante gardera donc à sa charge ses dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par X ______ contre l'absence de décision du Tribunal de première instance dans la cause CR/33/2011 et subsidiairement contre la "décision" du Tribunal du 8 juin 2012.

Au fond :

Dit que X ______ n'a pas la qualité de partie à la procédure d'entraide judiciaire CR/33/2011 et qu'elle ne peut avoir accès au dossier.

En tant que de besoin, annule la "décision" du Tribunal du 8 juin 2012.

Renvoie la cause au Tribunal et l'invite à rendre une décision sur l'exécution de la commission rogatoire, dans le sens des considérants.

Lui impartit à cet effet un délai de 30 jours dès la communication de la présente décision.

Dit qu'il n'est prélevé aucun frais concernant la présente décision.

Dit que X ______ garde à sa charge ses dépens.

Siégeant :

Monsieur Jean-Marc STRUBIN, président; Madame Elena SAMPEDRO et Monsieur Grégory BOVEY, juges; Madame Barbara SPECKER, greffière.

 

Le président :

Jean-Marc STRUBIN

 

La greffière :

Barbara SPECKER

 


Indication des voies de recours :

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.