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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1080/2024

DCSO/530/2024 du 07.11.2024 ( PLAINT ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1080/2024-CS DCSO/530/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 7 NOVEMBRE 2024

 

Plainte 17 LP (A/1080/2024-CS) formée en date du 28 mars 2024 par A______, représenté par Me Olivier WEHRLI, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 11 novembre 2024
à :

- A______

c/o Me WEHRLI Olivier

Poncet Turrettini

Rue de Hesse 8

Case postale

1211 Genève 4.

- CAISSE DE COMPENSATION B______

Service juridique

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. La société C______ SARL, inscrite le ______ 2006 au Registre du commerce de Genève, et ayant pour but l'exploitation d'une entreprise de nettoyage, a eu pour associé gérant A______, domicilié à Genève.

Elle a été déclarée en faillite le 14 octobre 2008.

b. L'Office cantonal des assurances sociales (ci-après OCAS) a rendu le 18 mars 2011 une décision en réparation du dommage subi dans le cadre de la faillite de C______ SARL à l'encontre de A______, condamnant ce dernier à lui verser la somme de 80'000 fr.

Sur recours de l'intéressé, cette décision a été confirmée par arrêt du 8 octobre 2013 de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice.

b. A______ n'ayant que partiellement réglé ce montant, l'OCAS a requis sa poursuite pour un solde dû de 60'600 fr.

c. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a notifié en mains de A______, le 26 janvier 2023, un commandement de payer, poursuite n° 1______, auquel il a fait opposition sur le champ.

Le commandement de payer mentionnait l'adresse du débiteur au chemin 2______ no. ______, [code postal] D______ (GE), et une adresse de notification au chemin 3______ no. ______, [code postal] E______ (GE).

Cette dernière adresse correspond au siège de la société F______ SA, active dans la confection de housses et de tapis pour voitures et travaux de garnissage de véhicules, dont A______ est administrateur président depuis avril 2016 et au sein de laquelle il travaille.

B. a. Par acte expédié le 13 novembre 2023 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre le commandement de payer, concluant à son annulation, au motif qu'il n'y avait pas de for de poursuite à Genève car il était domicilié en France (cause n° A/4______/2023).

b. Par décision DCSO/519/23 du 23 novembre 2023, la Chambre de surveillance a déclaré la plainte irrecevable au motif qu'elle avait été déposée plus de dix jours après la notification du commandement de payer et que l'absence de for de poursuite au stade de la notification du commandement de payer n'était pas un motif de nullité de la poursuite invocable en tout temps.

C. a. L'OCAS a déposé le 14 août 2023 auprès du Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal) une requête en mainlevée de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 1______, assignant A______ à l'adresse chemin 2______ no. ______, [code postal] D______.

b. Le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée de l'opposition par jugement JTPI/1809/2024.

c. Requis par l'OCAS de continuer la poursuite, l'Office a notifié le 19 mars 2024 un avis de saisie à A______, au chemin 3______ no. ______, [code postal] E______, et convoqué ce dernier pour le 6 juin 2024.

D. a. Par acte déposé au greffe universel le 28 mars 2024, à l'attention de la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte contre l'avis de saisie, concluant à l'annulation de la poursuite, au motif qu'il n'y avait pas de for de poursuite à Genève. Il a affirmé être domicilié rue 5______ no. ______, [code postal] G______ (France).

b. Dans ses observations du 6 mai 2024, l'Office s'en est rapporté à justice,

c. Invitée à se déterminer, la B______ n'a pas déposé d'observations.

d. Dans une réplique du 22 mai 2024, le plaignant a exposé avoir annoncé son départ de Genève au fisc, mais pas à l'OCPM, ce qu'il avait fait depuis lors.

e. La Chambre de surveillance a informé les parties par avis du 24 mai 2024 que la cause était gardée à juger.

E. a. Il ressort des données de l'Office cantonal de la population et des migrations que A______ s'est installé à Genève, chemin 2______ no. ______ à D______, en 2010, en provenance du canton de Vaud. Il n'a pas annoncé son départ de Genève depuis lors. En revanche, son dossier fait l'objet d'une annotation selon laquelle il serait sans domicile connu depuis 2013.

b. A______ a été inscrit au Registre du commerce en qualité d'administrateur unique de F______ SA avec la mention d'un domicile à D______ jusqu'en avril 2016. Il est depuis lors inscrit en qualité d'administrateur président, titulaire de la signature individuelle, domicilié à H______ (sic, recte G______), France.

c. Le bordereau d'impôt du plaignant pour les revenus 2021, établi en 2022 par la direction générale des finances publiques du Centre des finances publiques SIP I______, mentionne une adresse de l'intéressé rue 5______ no. ______, [code postal] G______ (France).

d. Une attestation établie par le maire de la commune de G______ le 17 mai 2024 confirme que le plaignant est officiellement domicilié dans la commune depuis le 1er juin 2017, au no. ______ rue 5______.

 

 

 

 

 

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 La compétence de l'office des poursuites est en principe acquise si le domicile du débiteur, qui correspond au for ordinaire de la poursuite (art. 46 LP), se trouve dans son ressort. Si ce n'est pas le cas, la compétence territoriale de l'office des poursuites saisi peut découler de l'un des fors spéciaux limitativement prévus par les art. 48 à 52 LP. Les débiteurs domiciliés à l'étranger peuvent ainsi être poursuivis en Suisse, notamment, s'ils y possèdent un établissement stable (art. 50 al. 1 LP) ou s'ils ont élu domicile en Suisse pour l'exécution de l'obligation faisant l'objet de la poursuite (art. 50 al. 2 LP). S'il lui apparaît que sa compétence territoriale ne résulte ni de l'art. 46 LP ni de l'un des fors spéciaux prévus par les art. 48 à 52 LP, l'office des poursuites saisi doit rejeter la réquisition de poursuite (décision de la Chambre de surveillance DCSO/247/2020 du 6 août 2020 consid. 2.1).

2.1.2 Le for ordinaire de la poursuite est au domicile du débiteur (art. 46 al. 1 LP), au moment de la notification du commandement de payer (arrêt du Tribunal fédéral 5A_5/2009 du 9 juillet 2009 consid. 3). Le domicile est déterminé selon les critères prévus par l'art. 23 al. 1 CC. Une personne physique a ainsi son domicile au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir, ce qui suppose qu'elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts personnels et professionnels. L'intention de la personne concernée doit se manifester de façon objective et reconnaissable pour les tiers (ATF 125 III 100 consid. 3; 120 III 7 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 7B.241/2003 du 8 janvier 2004 consid. 4; décision de la Chambre de surveillance DCSO/322/2020 du 17 septembre 2020 consid. 2.1.1).

Les documents administratifs tels que permis de circulation, permis de conduire, papiers d'identité, attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales, ou encore les indications figurant dans des décisions judiciaires ou des publications officielles ne sont pas déterminants à eux seuls. Ils constituent certes des indices sérieux de l'existence du domicile mais ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 136 II 405 consid. 4.3; 125 III 100 consid. 3; 120 III 7 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_539/2022 du 13 septembre 2022 consid. 4.1.1; 5A_419/2020 du 16 avril 2021 consid. 2.2; 5A_680/2020 du 8 décembre 2020 consid. 5.1.1; 5A_542/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1.3; décision de la Chambre de surveillance DCSO/322/2020 du 17 septembre 2020 consid. 2.1.1.).

2.1.3 L'art. 24 al. 1 CC, selon lequel toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau, n'est pas applicable en matière de poursuite pour dettes : le débiteur qui quitte son domicile suisse sans s'en créer un nouveau ne peut plus être poursuivi qu'à l'un des fors spéciaux prévus par les art. 48 à 52 LP (ATF 119 III 54 consid. 2a). Toutefois, si le débiteur n'a plus en Suisse ni domicile ni lieu de séjour et que son lieu de séjour étranger est inconnu, la poursuite doit être possible au lieu de son dernier domicile en Suisse. La loi connaît en effet la notion de "for fictif" au dernier domicile connu pour le cas où un débiteur se soustrait à la poursuite par la fuite (art. 54 LP); ce for, prévu pour la faillite, s’applique également au débiteur en fuite qui n’est pas soumis à la faillite. En effet, si le débiteur qui avait constitué un domicile en Suisse ne s'y trouve plus, sans avoir donné connaissance de son nouveau lieu de séjour, le créancier ne saurait se voir imposer l'obligation d'établir lui-même si le débiteur a vraiment constitué un nouveau domicile à l'étranger et où se trouve ce domicile : c'est au débiteur qu'il appartient de rapporter la preuve de son nouveau domicile. Ainsi, l'office doit donner suite à une réquisition de poursuite lorsqu'il n'existe aucune circonstance excluant la permanence du domicile suisse (ATF 120 III 110 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 7B.241/2005 du 6 mars 2006 consid. 3.1 et 3.2; DCSO/73/2019 du 8 février 2019; Stoffel, Chabloz, Poursuite pour dettes et exécution spéciale, 2016, p. 92, n° 112).

2.1.4 L'art. 50 al. 1 LP prévoit que le débiteur domicilié à l'étranger qui possède un établissement en Suisse peut y être poursuivi pour les dettes de celui-ci. Le for spécial prévu par cette disposition ne dépend pas d'une inscription au registre du commerce mais est subordonné seulement à l'existence d'un établissement en Suisse du débiteur domicilié à l'étranger (ATF 114 III 6 consid.; 98 Ib 100
consid. 3; Schmid, in BAK SchKG I, 2ème éd. 2010, n. 9 ad art. 50 LP; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n. 29 ss ad art. 50 LP).

La notion d'établissement s'entend de tout lieu d'opérations où le débiteur exerce de façon non transitoire une activité économique avec des moyens humains, des biens et des services (Schüpbach, in CR-LP, 2005, n. 8 ad art. 50 LP). L’établissement en Suisse auquel l’art. 50 al. 1 LP fait référence peut être soit un établissement principal, notamment pour des débiteurs domiciliés à l’étranger dans une zone frontalière mais exploitant en Suisse une entreprise, soit un établissement secondaire (ATF 114 III 6; Schmid, op. cit., n. 9 ad art. 50; Gilliéron, op. cit., n. 12 et 29 ss ad art. 50). Il n'a pas de personnalité juridique propre : c'est le débiteur domicilié à l'étranger qui demeure propriétaire, respectivement titulaire, des actifs affectés à son exploitation et débiteur des dettes nées de celle-ci (Gilliéron, op. cit., n. 36 et 39 ad art. 50 LP; Schüpbach, op. cit., n° 10 et 15 ad art. 50 LP).

La société à responsabilité limitée sise à Genève dont le débiteur est associé gérant ne peut être qualifiée d'établissement de ce dernier au sens de l'art. 50 al. 1 LP, quand bien même elle appartiendrait économiquement au débiteur. Elle jouit d'une personnalité juridique propre et distincte; son patrimoine ne se confond juridiquement pas avec celui du débiteur. Ayant son siège à Genève, elle peut y faire l'objet de poursuites au for ordinaire de l'art. 46 al. 2 LP. Quant à son associé gérant, l'activité qu'il déploie à Genève en qualité d'organe, elle ne satisfait pas aux critères exigés par la jurisprudence pour retenir l'existence d'un établissement : au même titre que celle d'un employé, l'activité de l'organe d'une société est en effet dépourvue de caractère propre car exercée pour le seul compte de la personne morale, dont il exprime la volonté et qu'il oblige par ses actes (art. 55 al. 1 et 2 CC; DCSO/182/2018 rendue le 15 mars 2018 dans la cause A/4096/2017)

2.2 En l'espèce, le débiteur a établi, au moyen de plusieurs documents officiels, avoir déménagé depuis plusieurs années de Genève à G______ en France. Il n'a plus de domicile à Genève et son domicile à l'étranger est déterminé. S'il est atteignable par des actes de poursuite à Genève, c'est sur son lieu de travail et non à son domicile. Il n'y a donc pas de for ordinaire de poursuite à Genève. Il n'y a pas non plus de for "fictif" puisque le débiteur a un domicile connu à l'étranger. Finalement, le for de l'établissement à Genève n'est pas réalisé : la société anonyme dont le plaignant est administrateur et vraisemblablement animateur ne peut constituer un établissement au sens de l'art. 50 LP, car il s'agit d'une entité juridique indépendante du débiteur; de surcroît, la créance en poursuite est sans lien avec la société F______ SA.

Le plaignant parvient ainsi à établir qu'il n'existe aucun for ordinaire ou spécial de poursuite à Genève, de sorte que la poursuite n° 1______ doit être annulée.

3. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 28 mars 2024 par A______ contre la poursuite n° 1______.

Au fond :

L'admet et annule la poursuite susvisée.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.