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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2515/2023

DCSO/112/2024 du 19.03.2024 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2515/2023-CS DCSO/112/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU MARDI 19 MARS 2024

 

Plainte 17 LP (A/2515/2023-CS) formée en date du 4 août 2023 par A______, représenté par Me Jean-Marie CRETTAZ, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 20 mars 2024
à :

-       A______

c/o Me CRETTAZ Jean-Marie

Boulevard des Philosophes 17

Case postale 89

1211 Genève 4.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Les époux A______ et B______ ont tous deux atteint l'âge de la retraite et sont bénéficiaires de rentes AVS de, respectivement, 1'965 fr. et 1'316 fr. par mois. B______ perçoit également une rente de prévoyance professionnelle de 440 fr. 40 par mois. A______ déploie toujours une activité d'architecte indépendant.

b. A______ fait l'objet de poursuites. Des saisies de ses gains d'indépendant ont été décidées par l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office), dans le cadre des séries n° 1______, 2______ et n° 3______.

c. Dans le cadre de la série n° 2______, l'Office a notifié à A______, le 3 mars 2023, un avis de saisie de ses gains à hauteur de 2'153 fr. par mois.

L'Office a établi le 17 avril 2023 un procès-verbal de saisie des revenus de A______ au profit des quatre créanciers qui composaient cette série, pour un solde total dû de 20'225 fr. 55. Il confirmait la saisie à hauteur de 2'153 fr. par mois, du 6 mars 2023 au 6 mars 2024, en se fondant sur les informations réunies dans le cadre de la saisie précédente, série n° 1______. L'Office a effectué le calcul suivant de la quotité saisissable des gains du débiteur :

Revenus de la famille :

- Rente AVS du débiteur 1'965 fr.

- Revenu d'indépendant du débiteur 2'900 fr.

- Rente AVS de l'épouse du débiteur 1'316 fr.

- Rente de prévoyance professionnelle de l'épouse du débiteur 440 fr. 40

Total des revenus de la famille 6'621 fr. 40

Dont part réalisée par le débiteur : 4'865 fr. (73,47 %)

Dont part réalisée par l'épouse du débiteur : 1'756 fr. 40 (26,53 %)

Charges de la famille :

- Bases mensuelles d'entretien pour un couple 1'700 fr.

- Logement 1'900 fr.

- Assurance maladie débiteur et épouse (impayée) 0 fr.

- Transports (2 x 45 fr.) 90 fr.

Total des charges incompressibles de la famille (minimum vital) 3'690 fr.

Dont le 73,45 % imputé au débiteur : 2'711 fr. 19

Dont le 26,53 % imputé à l'épouse du débiteur : 978 fr. 81

Quotités saisissables mensuelles

Débiteur : gain saisissable de 2'900 fr. – solde du minimum vital non couvert par le revenu insaisissable de 746 fr. 19 (part du minimum vital du ménage à charge du débiteur 2'711 fr. 19
– 1'965 fr. de rente AVS du débiteur insaisissable) = 2'153 fr. 81

Epouse du débiteur : 440 fr. (part maximale saisissable des revenus de l'épouse du débiteur, la rente AVS étant insaisissable)

d. L'Office a avisé le débiteur, le 8 juin 2023, de l'exécution d'une nouvelle saisie de ses gains d'indépendant, série n° 3______. Il renonçait à le convoquer pour une audition, une telle mesure d'instruction ayant été récemment conduite dans le cadre de la série n° 2______. Le débiteur était néanmoins invité à se présenter à l'Office en cas de modification de sa situation, ce qu'il n'a pas fait.

e. L'Office a notifié le 10 juillet 2023 à A______ un avis de confirmation de saisie dans le cadre de cette nouvelle série, à hauteur de 2'153 fr. par mois.

f. Il a encore notifié le 11 juillet 2023 au débiteur un avis de participation d'un nouveau débiteur à la série n° 3______.

g. L'Office a établi le 21 août 2023 le procès-verbal confirmant la saisie des gains d'indépendant de A______ à hauteur de 2'153 fr. par mois, du 7 mars 2024 au 10 juillet 2024, dans le cadre de la série n° 3______ qui regroupait deux créanciers pour un solde total dû de 1'224 fr. 90. Le calcul de la quotité saisissable des gains du débiteur était intégralement repris du procès-verbal de saisie, série n° 2______, du 17 avril 2023.

h. Le débiteur n'a jamais versé le montant de la saisie de 2'153 fr. par mois à l'Office.

B. a.a Par acte expédié le 4 août 2023 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a conclu à l'annulation de l'avis de saisie du 10 juillet 2023, série n° 3______, et au constat qu'il n'était pas saisissable.

En substance, le plaignant ne comprenait pas comment l'Office était parvenu à un revenu net de son activité indépendante de 2'900 fr. par mois.

Il expliquait qu'il déployait son activité d'architecte indépendant au travers de deux structures distinctes : une entreprise individuelle pour les petits mandats et la société C______ SARL pour les mandats de plus grande envergure. Actuellement il ne travaillait plus que sur de petits mandats dans le cadre de l'entreprise individuelle. Son activité était très réduite, notamment suite à la crise sanitaire du COVID-19.

a.b Le débiteur a produit à l'appui de la plainte les comptes 2020 à 2022 de son entreprise individuelle et les comptes 2020-2021 de la société C______ SARL. Il a également produit des extraits de ses comptes bancaires de janvier 2022 à juin 2023, l'un auprès de [la banque] D______, dévolu à ses affaires personnelles et à son entreprise individuelle, et l'autre auprès de [la banque] E______, dévolu à l'activité de la société C______ SARL.

Il ressort des comptes de son entreprise individuelle un chiffre d'affaires annuel de 99'104 fr. 25 en 2020, 91'875 fr. 48 en 2021 et de 88'785 fr. 25 en 2022. Ces exercices se sont soldés par des pertes de respectivement 34'038 fr. 47, 25'877 fr. 17 et 39'793 fr. 80 en raison de certaines charges particulièrement lourdes, notamment des frais de sous-traitance (45'000 fr. en 2022, 25'000 fr. en 2021 et 20'000 fr. en 2020), des frais administratifs et juridiques (25'000 fr. par an en 2022 et 2021 et de 50'000 fr. par an en 2020) et des frais de véhicule (comprenant les frais relatifs au véhicule, à l'essence, et à l'assurance-RC; 9'938 fr. en 2022, 5'998 fr. en 2021 et 7'905 fr. en 2020). Pour le surplus, les charges courantes se composent (chiffres arrondis ou moyennes si fluctuation d'un exercice à l'autre) de charges salariales (2'864 fr.), d'un loyer pour les locaux (22'980 fr.), d'un loyer pour un parking (2'210 fr.), d'une assurance-RC architecte (1'450 fr.), de primes SUVA (43 fr.), de diverses assurances bureaux, commerce et protection juridique (1'221 fr.), des taxes de services (1'665 fr.), des frais d'électricité (3'800 fr.), de téléphone (1'500 fr.), postaux (600 fr.), de maintenance technique, de fourniture de bureau et de copie (7'800 fr.), d'abonnement, cotisations, achats de livres et documentation (900 fr.), soit un total annuel de l'ordre de 47'000 fr. correspondant à un montant mensuel moyen de 3'916 fr.

Le plaignant allègue que la société C______ SARL est confrontée à de grandes difficultés et n'a plus d'activité. Le compte d'exploitation pour 2020 et 2021 fait état d'un chiffre d'affaires nul. Les charges sont essentiellement composées d'honoraires juridiques et de frais judiciaires (56'000 fr. en 2021 et 80'000 fr. en 2020), expliquant en grande partie les pertes de 80'662 fr. 13 en 2021 et de 107'722 fr. en 2020. Il figure à l'actif du bilan un poste "débiteurs clients" de 636'381 fr., intégralement balancé au passif par une provision pour factures contestées d'un même montant.

Un loyer de l'ordre de 1'900 fr. par mois pour des locaux professionnels, est intégré dans la comptabilité de C______ SARL et dans celle de l'entreprise individuelle du plaignant. Selon les pièces produites, ce montant n'est toutefois payé qu'une seule fois au débit du compte de E______. Ce dernier est alimenté régulièrement par le plaignant et une autre entité, F______ SARL, en vue de payer ce loyer, étant précisé que les mouvements relatifs audit loyer sont quasiment les seuls sur ce compte.

Le compte auprès de E______ a enregistré un crédit COVID-19 cas de rigueur de la part de l'Etat de Genève de 7'043 fr. le 8 novembre 2022. D______ a par ailleurs octroyé au plaignant le 4 mai 2020 un prêt COVID-19 d'un montant de l'ordre de 20'000 qui a été dénoncé au remboursement intégral le 20 juillet 2023, faute de paiement des mensualités.

Le compte auprès de D______ présentait, début 2022, un solde de l'ordre de 45'000 fr. qui n'a cessé de diminuer depuis lors, pour atteindre un solde négatif en été 2023. Il a enregistré des crédits que l'on peut rattacher à l'activité professionnelle du plaignant à hauteur de 70'996 fr. en 2022, soit 5'916 fr. par mois en moyenne, et de 6'550 fr. entre janvier et juin 2023, soit environ 1'100 fr. par mois.

a.c Sur la base de ces documents, le plaignant ne procédait à aucun calcul, ni n'alléguait aucun chiffre précis des revenus tirés de son activité indépendante, ni des charges effectivement acquittées.

Il reprochait à l'Office d'avoir estimé ses revenus sur la seule base de ses déclarations lors de son audition du 6 mars 2023. S'il avait évoqué un revenu mensuel de 2'900 fr., il s'agissait d'un chiffre brut qui ne tenait pas compte de ses charges; celles-ci déduites, il ne réalisait aucun bénéfice net.

Il faisait également grief à l'Office ne pas avoir intégré dans son calcul le fait qu'il devait rembourser un prêt COVID-19.

b. Dans ses observations du 4 septembre 2023, l'Office a préalablement exposé avoir modifié le montant des saisies de gains du plaignant par avis du 4 septembre 2023, afin de tenir compte d'une erreur de retranscription du montant de la rente AVS du débiteur. Il a fixé les saisies à 1'904 fr. par mois pour les séries n° 2______ et n° 3______, selon le calcul suivant :

Revenus de la famille :

- Rente AVS du débiteur 1'654 fr.

- Revenu d'indépendant du débiteur 2'900 fr.

- Rente AVS de l'épouse du débiteur 1'349 fr.

- Rente de prévoyance professionnelle de l'épouse du débiteur 440 fr. 40

Total des revenus de la famille 6'343 fr. 40

Dont part réalisée par le débiteur : 4'554 fr. (71,79 %)

Dont part réalisée par l'épouse du débiteur : 1'789 fr. 40 (28,21 %)

Charges de la famille :

- Bases mensuelles d'entretien pour un couple 1'700 fr.

- Logement 1'900 fr.

- Assurance maladie débiteur et épouse (impayée) 0 fr.

- Transports (2 x 45 fr.) 90 fr.

Total des charges incompressibles de la famille (minimum vital) 3'690 fr.

Dont le 71,79 % imputé au débiteur : 2'649 fr. 09

Dont le 26,53 % imputé à l'épouse du débiteur : 1'040 fr. 91

Quotités saisissables mensuelles

Débiteur : gain saisissable de 2'900 fr. – solde du minimum vital non couvert par le revenu insaisissable de 995 fr. 09 (part du minimum vital du ménage à charge du débiteur 2'649 fr. 09
– 1'654 fr. de rente AVS du débiteur insaisissable) = 1'904 fr. 91

Epouse du débiteur : 440 fr. (part maximale saisissable des revenus de l'épouse du débiteur, la rente AVS étant insaisissable)

L'Office n'avait en revanche pas modifié le montant des revenus d'indépendant du plaignant, considérant qu'il les avait correctement estimés compte tenu des éléments qu'il avait pu réunir. Le chiffre de 2'900 fr. par mois qu'il avait retenu découlait d'une estimation émise par ce dernier lui-même, lors de son audition du 6 mars 2023; l'Office précisait que, si le procès-verbal d'audition mentionnait de manière erronée le montant de 3'000 fr., le montant évoqué lors de l'audition étant bien de 2'900 fr.; en outre, il avait été clair entre les interlocuteurs, le 6 mars 2023, que le montant évoqué était net et non pas brut. Pour le surplus, l'Office admettait ne pas s'être fondé sur les comptes de 2020 fournis lors de l'audition par le débiteur car ils étaient trop anciens pour être pertinents.

S'agissant des éléments nouveaux apportés par la plainte, l'Office exposait avoir tenté de comprendre le lien entre les comptes 2022 et les décomptes bancaires 2022, sans parvenir à aucune concordance, de sorte que la situation du débiteur n'avait pas été rendu plus claire par les pièces nouvelles produites. Il observait que les décomptes bancaires du plaignant présentaient des crédits de 40'095 fr. 30 entre août 2022 et février 2023, correspondant au chiffre d'affaires de son activité indépendante, soit 6'682 fr. 55 par mois. En prenant une période plus large, de juin 2022 à juin 2023, le chiffre d'affaires moyen s'élevait à 5'000 fr. par mois toujours à teneur des extraits du compte de D______. Un tel chiffre d'affaires devait générer un revenu net de l'ordre de celui retenu, quelles que soient les charges professionnelles.

Enfin, l'Office ne comprenait pas les raisons pour lesquelles le plaignant évoquait un ou des prêts COVID-19 – dont des traces apparaissaient bien dans les pièces produites à l'appui de la plainte – car il n'en tirait aucune conclusion en lien avec ses revenus ou ses charges.

En définitive, l'Office concluait au rejet de la plainte dans la mesure de sa recevabilité. Il était néanmoins disposé à revoir le calcul de la quotité saisissable des revenus du débiteur si ce dernier produisait un décompte précis et justifié par pièces de ses revenus et de ses charges acquittées.

c. Les parties ont été informées par avis du 6 septembre 2023 que la cause était gardée à juger, sous réserve de mesures d'instruction qu'ordonnerait la Chambre de surveillance.

d. Le plaignant a déposé une réplique spontanée le 18 septembre 2023 dans laquelle il affirmait ne pas se rappeler avoir évoqué un résultat mensuel net de 2'900 fr. lors de son audition par l'Office. En outre, il ne voyait pas pourquoi il avait dû déposer des pièces, si l'Office entendait se limiter à retenir ses déclarations du 6 mars 2023, sans les confronter aux documents fournis. Le plaignant reprochait à l'Office de ne pas avoir au moins déduit de son chiffre d'affaires reconstitué pour les mois de septembre 2022 à février 2023 ses charges professionnelles telles que le loyer de ses locaux professionnels, son assurance-RC, ses charges sociales, ses frais de téléphone, d'électricité et de matériel.


 

EN DROIT

1.             1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 al. 1 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire. L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).

1.1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP).

Lorsque le débiteur entend se plaindre d'une saisie prétendument contraire aux art. 92 et 93 LP, le délai de dix jours prévu par l'art. 17 al. 2 LP commence à courir avec la communication du procès-verbal de saisie (ATF 107 III 7 consid. 2), avec pour conséquence qu'il ne peut en principe être entré en matière sur une plainte déposée avant cette communication (en ce sens : Jent-Sorensen, in BSK SchKG I, 2010, n. 19 ad art. 112 LP et Zondler, in Kommentar SchKG, 2017, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], n. 4 ad art. 114 LP). C'est sous la réserve d'une saisie portant une atteinte flagrante au minimum vital du débiteur et de ses proches ou si la mise sous mains de justice met le poursuivi ou ses proches dans une situation absolument intolérable, les privant des objets indispensables au vivre et au coucher, laquelle est nulle au sens de l'art. 22 al. 1 LP (ATF 117 III 39; 114 III 78 consid. 3; décisions de la Chambre de surveillance DCSO/180/2018 du 15 mars 2018; DCSO/394/2015 du 17 décembre 2015; DCSO/513/2007 du 8 novembre 2007).

1.2 En l'espèce, le plaignant a attaqué l'avis de saisie 10 juillet 2023. La recevabilité de la plainte, vraisemblablement prématurée, est par conséquent discutable. La question souffre toutefois de rester ouverte, l'enjeu de la plainte étant une atteinte au minimum vital conduisant à la nullité de la mesure attaquée, invocable en tout temps, si une telle atteinte devait être avérée. En outre, l'Office ne s'oppose pas formellement à la recevabilité de la plainte et le procès-verbal de saisie a été établi depuis lors de sorte que la Chambre de céans est en mesure de statuer sur une mesure en bonne et due forme.

2. 2.1 En cas de plainte, l'office peut procéder à un nouvel examen de la décision attaquée et la modifier jusqu’à l’envoi à l'autorité de surveillance de sa réponse à la plainte; si l'office prend une nouvelle mesure, il la notifie sans délai aux parties et en donne connaissance à l’autorité de surveillance (art. 17 al. 4 LP).

Si l'office a reconsidéré sa décision alors qu'une plainte était pendante, l'autorité de surveillance déclarera la plainte sans objet si le plaignant a obtenu le plein des conclusions formulées dans la plainte par la nouvelle décision de l'office. Si tel n'est pas le cas, l'autorité de surveillance reste saisie dans la mesure où le plaignant n'a pas obtenu satisfaction par la nouvelle décision de l'office (ATF 126 III 85, SJ 2000 I 449; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 60, 61, 64 à 66 ad art. 17 LP).

2.2 En l'occurrence, l'Office a rendu une nouvelle décision dans le délai fixé pour ses observations. Elle ne fait toutefois pas droit aux griefs soulevés par le plaignant, puisqu'elle se limite à corriger le montant de la rente AVS du débiteur que l'Office avait mal retranscrit dans son calcul du minimum vital. L'objet de la plainte reste ainsi intact en dépit de la nouvelle décision rendue par l'Office.

Il convient ainsi d'entrer en matière sur le grief du plaignant qui reproche à l'Office d'avoir retenu à son détriment un revenu net saisissable tiré de son activité indépendante de 2'900 fr. par mois.

3. 3.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital).

3.1.2 Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c; ATF 112 III 79 consid. 2) – l'office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (ci-après conférence des préposés; BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées chaque année par l'autorité de surveillance (ci-après : NI; publiées au recueil systématique des lois genevoises : RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

3.1.3 Les revenus pris en considération sont les revenus réels du débiteur. L'office ne peut en effet fixer le montant saisissable en se fondant sur un revenu hypothétique (ATF 115 III 103 consid. 1.c = JdT 1991 II 108; arrêt du Tribunal fédéral 5A_490/2012 du 23 novembre 2012 consid. 3; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, n° 17 ad art. 93 LP).

. Bien qu’à teneur de l'art. 91 al. 1 LP, le débiteur soit tenu d'indiquer tous les biens qui lui appartiennent, même ceux qui ne sont pas en sa possession, l'office doit adopter un comportement actif et une position critique dans l'exécution de la saisie, de sorte qu'il ne peut s'en remettre, sans les vérifier, aux seules déclarations du débiteur quant à ses biens et revenus. Afin de pourvoir au meilleur désintéressement possible des créanciers, l'office doit procéder avec diligence, autorité et souci de découvrir les droits patrimoniaux du poursuivi. Il est doté à cette fin de pouvoirs d'investigation et de coercition étendus (Gilliéron, Commentaire de la LP, n. 12 ad art. 91 LP). Il doit donc interroger le poursuivi sur la composition de son patrimoine, sans se contenter de vagues indications données par ce dernier, ni se borner à enregistrer ses déclarations. Il doit les vérifier en exigeant, et en obtenant, les justificatifs correspondants. Les investigations doivent être particulièrement poussées lorsque le débiteur est indépendant; elles devront notamment porter sur le genre d'activité, la nature et le volume des affaires; l'office estime le montant du revenu en ordonnant d'office les enquêtes nécessaires et en prenant tous les renseignements jugés utiles; il peut en outre se faire remettre la comptabilité et tous les documents concernant l'exploitation du débiteur, qui est tenu de fournir les renseignements exigés. Lorsque l'instruction menée par l'office n'a révélé aucun élément certain, il faut tenir compte des indices à disposition. Si le débiteur ne tient pas de comptabilité régulière ou que les éléments comptables fournis ne sont pas fiables, le produit de son activité indépendante doit être déterminé par comparaison avec d'autres activités semblables, au besoin par appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_976/2018 du 27 mars 2019; arrêt du Tribunal fédéral 7B.212/2002 du 27 novembre 2002; ATF 126 III 89; 121 III 20, JdT 1997 II 163; 120 III 16, JdT 1996 II 179; 83 III 63; Ochsner, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n. 25ss et 82 ss ad art. 93 LP et les références citées; Mathey, La saisie de salaire et de revenu, thèse Lausanne 1989, p. 188 ch. 394, p. 191 ch. 402 ss et p. 195 ch. 414 avec les références de jurisprudence).

3.2 En l'espèce, l'Office a ordonné une saisie de gain en se fondant, en substance, sur les seules déclarations du débiteur lors de son audition du 6 mars 2023, sans tenir compte des pièces comptables que le débiteur lui avait remises.

Ces dernières, datant de 2020, ont été considérées comme anciennes et non pertinentes par l'Office, ce qui ne saurait lui être reproché. Le choix de l'Office de ne retenir que le montant admis par le débiteur n'était ainsi pas criticable, faute d'éléments comptables récents, complets et crédibles remis par ce dernier.

Dans la plainte du 4 août 2023, le plaignant a reproché à l'Office d'avoir retenu le montant net de 2'900 fr. net, alors que ce montant devait s'entendre brut; il convenait donc d'en déduire ses charges professionnelles. Il n'a donc pas soutenu, dans cet acte, ne pas avoir évoqué le montant de 2'900 fr. mais uniquement une mésentente sur la nature de ce montant. Il n'a par ailleurs procédé à aucun calcul du montant de son revenu net, se limitant à renvoyer aux comptes et extraits bancaires produits à l'appui de la plainte, plus récents que ceux fournis à l'Office. Dans le cadre de sa réplique du 18 septembre 2023, le plaignant a modifié son exposé des faits en prétendant ne pas se rappeler avoir articulé le montant de 2'900 fr. à titre de revenu – brut ou net – lors de son audition par l'Office et a renvoyé aux pièces produites pour soutenir qu'il ne réalisait en réalité aucun revenu. Les contradictions entre la plainte et la réplique du plaignant convainquent la Chambre de céans qu'il a bien articulé cette estimation de ses revenus nets lors de son interrogatoire, étant précisé que l'on ne comprendrait pas pourquoi l'Office aurait inventé de telles circonstances ou mentirait à leur propos.

En tout état, les pièces produites par le plaignant devant la Chambre de céans n'emportent pas la conviction quant au montant de ses revenus et de ses charges pour les motifs qui suivent.

En 2022, le plaignant a déclaré un chiffre d'affaires de son entreprise individuelle de 88'785 fr. composé d'honoraires. Le compte auprès de D______ permet de justifier des crédits liés à cette activité de 70'996 fr. (à l'exclusion de la rente AVS et de prestations d'assurance-maladie également versées sur ce compte). Des revenus déclarés de l'ordre de 18'000 fr. n'ont donc pas transité par le compte D______, ce qui permet de mettre en doute que le relevé de compte de D______ soit le reflet exhaustif de l'activité indépendante du plaignant.

Le loyer des locaux professionnels du plaignant est reporté en plein à la fois dans les comptes de sa société et dans ceux de sa raison individuelle, alors qu'il n'est payé qu'au débit du compte de la première. Il semblerait par ailleurs que les locaux soient partagés avec des tiers qui versent une participation correspondant à la moitié du loyer. La charge de loyer figurant dans les comptes du plaignant et de sa société est par conséquent vraisemblablement exagérée.

Les frais de de véhicule figurant dans les charges de l'entreprise individuelle sont très élevés pour une activité prétendument réduite depuis la pandémie de COVID-19 et incluent certainement également l'usage privé du ou des véhicules concernés.

Les frais administratifs et juridiques figurant tant dans les comptes de l'entreprise individuelle que dans ceux de la société du plaignant sont exorbitants et inexpliqués. Le bilan de C______ SARL permet certes de comprendre que cette société est confrontée à un important litige de recouvrement de factures et a dû provisionner un montant de plus de 600'000 fr. à ce titre. Si ce litige peut expliquer les frais judiciaires et honoraires importants comptabilisés dans les charges de la société, il ne justifie a priori pas de tels frais dans la comptabilité de l'entreprise individuelle. En tous les cas, ni le compte de E______, ni le compte de D______ ne font état de débits en faveur d'un tribunal ou d'un avocat pour de telles sommes, ce qui accrédite le fait que les deux extraits de comptes versés à la procédure ne représentent pas l'entier des flux financiers de l'entreprise individuelle et de la société du plaignant ou que les charges comptabilisées sont artificielles.

Il existe par conséquent des indices que les comptes et les pièces produits par le plaignant ne sont pas le reflet de la réalité et ne permettent pas de soutenir qu'il ne tire aucun revenu de son entreprise individuelle.

En l'état, le chiffre d'affaires documenté par le compte de D______, sous déduction de charges raisonnables, permet de soutenir le modeste revenu net de l'ordre de 2'900 fr. retenu par l'Office en 2022.

Dans de telles circonstances, il aurait appartenu au plaignant d'établir, sur la base de comptes et de pièces justificatives récents et concordants, que son activité professionnelle ne génère réellement aucun revenu net depuis plus de trois ans et ne devrait pas en générer à l'avenir – ce qui permet de s'interroger sur les raisons de maintenir durablement une telle activité.

Il découle de ce qui précède que les griefs du plaignant ne sont pas fondés et que la plainte sera rejetée.

4. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte du 4 août 2023 de A______ contre le procès-verbal de saisie du 21 août 2023, série n° 2______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur
Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.