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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3609/2021

DCSO/233/2022 du 09.06.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Minimum vital; quotité saisissable du revenu; saisie de salaire; investigation de l'office
Normes : lp.91; lp.93
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3609/2021-CS DCSO/233/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 9 MAI 2022

 

Plainte 17 LP (A/3609/2021-CS) formée en date du 21 octobre 2021 par A______ SA, ______ [GE]

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______ SA

______

______.

- B______

______

______.

- C______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. A______ SA a requis, le 19 novembre 2019, la poursuite de B______ pour un montant de 3'250 fr. plus intérêt à 5 % l'an dès le 29 octobre 2019, à titre de remboursement d'un prêt de 4'000 fr. octroyé le 15 juillet 2019, selon reconnaissance de dette.

La poursuite porte le n° 1______.

b. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a rencontré des difficultés pour procéder à la notification du commandement de payer en raison de l'adresse incertaine de la débitrice, les indications fournies par la créancière s'étant révélée erronées. Elle a pu intervenir le 21 janvier 2020, après trois tentatives infructueuses.

c. En l'absence d'opposition, A______ SA a requis la continuation de la poursuite le 17 février 2020.

d. L'Office a envoyé un avis de saisie à la débitrice le 27 avril 2020 et l'a convoquée à trois reprises pour un interrogatoire, sans succès. La débitrice s'est finalement présentée à l'Office le 16 septembre 2020 après menace d'ouverture de son logement.

e. L'Office a émis en faveur de A______ SA, le 25 septembre 2020, un procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens n° 1______, pour un découvert de 3'630 fr. 65 (créance de 3'250 fr., intérêts de 146 fr. 70, frais de 233 fr. 94).

Cette décision mentionnait que la débitrice, célibataire, mère d'une fille âgée de 4 ans, vivait en collocation et assumait une participation au loyer de 700 fr. Elle travaillait à 50 % en qualité d'employée de maison chez une particulière, D______, haute fonctionnaire au sein d'une organisation internationale, et percevait un revenu mensuel net de 1'400 fr. (insaisissable en application de l'art. 93 LP), plus 300 fr. d'allocations familiales. Elle ne justifiait pas du paiement de ses primes d'assurance maladie – il ressort du procès-verbal d'interrogatoire que l'employeuse de la débitrice payait ses primes d'assurance maladie – et prenait ses repas à domicile. Elle ne disposait d'aucun véhicule et assumait des frais mensuels de transports publics de 70 fr.

f. A______ SA s'est adressée le 30 septembre 2020 par email à la Mission permanente de F______ auprès de l'ONU à Genève (ci-après la Mission F______), pour vérifier si B______ était bien titulaire d'une carte de légitimation l'autorisant à travailler en qualité de personnel de maison pour un diplomate ou un fonctionnaire international pour un salaire mensuel net de 1'400 fr., et si elle était soumise à l'ordonnance fédérale sur les domestiques privés (ci-après ODPr).

La Mission F______ a répondu le jour même que B______ était bien titulaire d'une carte de légitimation de type "F" en qualité de domestique auprès de D______.

g. A______ SA a contesté, auprès de l'Office, le 30 septembre 2020, la teneur du procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens du 25 septembre 2020, puisqu'au vu de son statut et de sa nationalité philippine, il était impossible que B______ ne réalise qu'un revenu limité à 1'400 fr. nets par mois si l'ODPr était respectée. En outre, A______ SA exposait que B______, bien que formellement domiciliée dans un appartement à la rue 7______ no. ______, sous-louait en réalité celui-ci, en tirait un revenu, et vivait en réalité en collocation avec sa sœur à la rue 8______ no. ______. En conclusion, A______ SA estimait que sa débitrice obtenait des revenus supérieurs à ceux déclarés à l'Office, ce qui pouvait être vérifié en investiguant ses transferts d'argent à l'étranger grâce à divers organismes actifs à Genève dans les transferts internationaux. Elle concluait par conséquent à ce que l'Office reconsidère sa décision d'émettre un acte de défaut de biens et complète ses investigations.

h. Parallèlement, A______ SA a poursuivi son enquête sur la situation professionnelle et administrative de B______ auprès de la Mission F______, qui lui a confirmé le 12 novembre 2020 que sa débitrice était déclarée comme domiciliée à la rue 8______ no. ______ et travaillait, à sa connaissance, à plein temps pour D______ aux conditions de l'ODPr. Elle devait donc percevoir une rémunération mensuelle minimale de 1'200 fr. plus une indemnité pour le logement et une indemnité pour la nourriture si ces prestations n'étaient pas fournies en nature par l'employeur.

i. A______ SA a relancé l'Office le 30 octobre 2020 en l'invitant à modifier la teneur de son procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens, sous la menace d'une plainte auprès de l'autorité de surveillance.

j. L'Office a répondu le 9 novembre 2020 qu'il avait enquêté sur les allégations de A______ SA concernant des gains tirés de la sous-location d'un appartement à la rue 7______ no. ______: B______ était inconnue de la bailleresse de cet immeuble et n'y louait ou sous-louait aucun appartement. Par ailleurs, les renseignements obtenus auprès de l'employeuse de la débitrice confirmaient qu'elle lui versait une rémunération nette de 1'400 fr. par mois, sans indemnité pour le logement ou la nourriture. L'Office persistait donc dans le procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens du 25 septembre 2020. En outre, il observait que même en tenant compte de la perception par la débitrice d'une indemnité pour le logement et pour la nourriture, ses revenus se situeraient toujours au-dessous du minimum vital.

k. L'Office a néanmoins convoqué une nouvelle fois B______ le 3 décembre 2020 pour vérifier et préciser ses déclarations. Il en est ressorti que la débitrice disposait d'une chambre chez son employeuse, dans laquelle elle avait vécu jusqu'à la naissance de sa fille; elle avait ensuite préféré loger chez sa sœur pour ne pas imposer l'enfant à son employeuse. Elle participait au loyer à concurrence de 555 fr. et non pas de 700 fr. comme indiqué initialement. S'agissant d'une adresse à la rue 7______ no. ______, elle y avait vécu deux ou trois ans en 2009 et 2010, mais n'avait plus aucun lien avec ce logement. La débitrice avait également corrigé ses premières déclarations selon lesquelles elle ne travaillait qu'à mi-temps pour D______; elle travaillait pour elle à plein temps et pouvait manger sur place. S'agissant de ses primes d'assurance maladie, elle confirmait que sa prime personnelle était payée par son employeuse et elle payait elle-même la prime de sa fille. La débitrice a déposé en mains de l'Office des copies de ses fiches de paie reflétant ces conditions de rémunération. Finalement, B______ a contesté envoyer de l'argent aux Philippines depuis la naissance de sa fille; elle destinait tout son argent à l'entretien de cette dernière.

L'Office a estimé, à l'issue de cette audition, que les quelques rectifications dans les déclarations de la débitrice ne modifiaient pas son appréciation ayant conduit à l'émission du procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens du 25 septembre 2020. Notamment, le fait qu'il y ait un doute sur l'obligation de l'employeuse de verser des indemnités de logement et de nourriture en plus de la rémunération nette en espèces était sans portée car la débitrice n'avait en tout état concrètement pas touché ces indemnités et elles ne pouvaient être retenues au titre de revenu hypothétique.

B. a. Par acte expédié le 16 novembre 2020 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ SA s'est plainte du fait que l'Office se satisfasse des déclarations de la débitrice sans les vérifier et n'investiguait pas les pistes qu'elle avait suggérées. Elle concluait au constat d'un déni de justice ou d'un retard injustifié dans le traitement de la poursuite.

b. Cette plainte a conduit à l'ouverture de la procédure A/9______/2020.

c. Dans ses observations du 7 décembre 2020, l'Office a persisté dans sa position antérieure, exposé la teneur de la dernière audition de la débitrice et confirmé les conclusions qu'il en avait tirées.

d. A______ SA a répliqué les 14 et 22 janvier 2021 en contestant la véracité des fiches de salaires remises par la débitrice et en demandant leur vérification par la Mission F______, car elles n'étaient pas conformes à l'ODPr. Elle a par ailleurs exigé que le calcul des revenus et charges de B______ soit repris avec le nouveau loyer déclaré et les indemnités pour logement et nourriture. Elle estimait que le revenu de la débitrice aurait dû s'élever à 3'565 fr. à l'instar de ce que gagnait une compatriote, selon un procès-verbal d'audition établi dans une poursuite conduite par l'Office des poursuites du district de G______ [VD].

A l'appui de ses répliques, elle a produit un échange de mails des 11 et 19 janvier 2021 entre elle et la Mission F______ dans lequel la première dénonçait les conditions contractuelles de rémunération de la débitrice et la seconde annonçait qu'elle allait prendre contact avec l'employeuse de B______.

e. Le greffe de la Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du 10 février 2021 que la cause était gardée à juger.

f. L'Office a informé la Chambre de surveillance par courrier du 17 février 2021 que, suite aux démarches de la plaignante auprès de la Mission F______, la débitrice avait repris contact avec lui pour déclarer qu'elle n'avait pas annoncé tous ses revenus lors des précédents entretiens; en plus de la rémunération de 1'400 fr. nets par mois, elle touchait une indemnité de 100 fr. pour les frais de transport et une indemnité de 1'000 fr. pour le logement; en outre, elle mangeait chez son employeuse; la débitrice avait déposé de nouvelles fiches de paie modifiées, mentionnant un total net versé de 2'500 fr. ("net salary in cash : 1'400 fr.; accommodation allowance : 1'000 fr.; food allowance : (provided in kind); travel costs (e.g. bus) : 100 fr.; total net salary for the month : 2'500 fr.") et mentionnant dans la rubrique remarque une valeur minimale de la nourriture en nature de 635 fr. Il avait donc annulé le procès-verbal de saisie valant acte de défaut de biens du 25 septembre 2020 et annonçait avoir établi un nouveau calcul de la quotité saisissable des gains de B______ :

Revenus de la famille :

- salaire net de B______ 2'500 fr.

(repris sans discussion de la fiche de paie)

Charges de la famille :

- Bases mensuelles d'entretien 1'750 fr.

(1'350 fr. pour une personne seule avec une personne à charge, 400 fr. pour l'enfant)

- Logement 555 fr.

- Assurance maladie B______ 0 fr.

- Assurance maladie fille 0 fr.

- Frais médicaux non couverts 0 fr.

- Repas à l'extérieur 0 fr.

- Transports 70 fr.

Total des charges incompressibles de la famille (minimum vital) 2'375 fr.

Quotité saisissable mensuelle

B______ : 2'500 fr. – 2'375 fr. = 125 fr.

g. Invitée par le greffe de la Chambre de surveillance à confirmer si elle maintenait sa plainte sur le vu du courrier du 17 février 2021 de l'Office, A______ SA a contesté, par courrier du 22 février 2021, le calcul de la quotité saisissable des revenus de B______, car il ne tenait pas compte du salaire en nature constitué par la nourriture fournie par l'employeur en 645 fr., le paiement par l'employeuse de la prime d'assurance maladie de la débitrice et le paiement intégral par l'employeur des primes d'assurances sociales et le paiement d'allocations familiales pour la fille de la débitrice.

h. l'Office a émis, le 12 avril 2021, un nouveau procès-verbal de saisie, poursuite n° 1______, série n° 2______ fondé sur la fiche de calcul de la quotité saisissable des gains de la débitrice ci-dessus, imposant à cette dernière une retenue de gain de 125 fr. par mois valable du 10 février 2021 au 10 février 2022. Il était précisé dans le procès-verbal de saisie qu'il annulait et remplaçait celui du 25 septembre 2020 et qu'aucune saisie n'était en cours. En outre, la saisie était effectuée non pas en mains de l'employeuse de la débitrice, haute fonctionnaire dans une organisation internationale jouissant de l'immunité d'exécution, mais en mains de la débitrice (saisie "extraterritoriale").

i. Par courrier du 23 avril 2021, A______ SA a informé la Chambre de surveillance de ce nouveau procès-verbal de saisie.

Elle stigmatisait également les fiches de paie fluctuantes produites par la débitrice à l'Office et craignait que la dernière version produite ne soit toujours pas conforme à la vérité, au vu des éléments fantaisistes qui la composaient.

j. Par décision DCSO/192/21 du 12 mai 2021, la Chambre de surveillance a déclaré irrecevable la plainte de A______ SA du 16 novembre 2020, ainsi que les griefs complémentaires développés dans ses écritures en réplique, au motif que ces actes n'avaient pas été formés dans le délai de dix jours suivant la notification du procès-verbal de saisie attaqué. Elle a également constaté d'office que le procès-verbal de saisie du 12 avril 2021 dans la série 2______ était nul et que le procès-verbal de saisie antérieur, valant acte de défaut de biens n° 1______, du 25 septembre 2020, était entré en force; l'Office avait en effet modifié la décision attaquée au-delà du délai prévu à l'art. 17 al. 4 LP.

C. a. A______ SA a requis une nouvelle poursuite contre B______, n° 3______, laquelle a participé à de nouvelles opérations de saisies, dans le cadre de la série n° 4______, qui concerne également deux poursuites de [l'assurance maladie] C______ (n° 5______ et 6______).

b. L'Office a établi le 4 octobre 2021 un nouveau procès-verbal de saisie du salaire de B______, à concurrence de 140 fr. par mois, portant sur le revenu de la débitrice du 11 février 2022 au 19 août 2021.

Il a calculé la quotité saisissable des revenus de la débitrice comme suit :

Revenus de la famille :

- salaire net de B______ 2'500 fr.

(repris de la fiche de paie)

Charges de la famille :

- Bases mensuelles d'entretien 1'750 fr.

(1'350 fr. pour une personne seule avec une personne à charge, 400 fr. pour l'enfant)

- Logement 500 fr.

- Assurance maladie B______ 0 fr.

- Assurance maladie fille 0 fr.

- Frais médicaux non couverts 0 fr.

- Repas à l'extérieur de l'enfant 108 fr.

- Transports 0 fr.

Total des charges incompressibles de la famille (minimum vital) 2'358 fr.

Quotité saisissable mensuelle

B______ : 2'500 fr. – 2'358 fr. = 142 fr.

c. A______ SA allègue avoir reçu le procès-verbal de saisie le 6 octobre 2021.

d. Elle a écrit le jour même à l'Office pour se plaindre du fait que le revenu mentionné dans le procès-verbal de saisie ne correspondait pas au revenu réel de la débitrice qui comprenait également des prestations en nature et la prise en charge des assurances sociales (AVS, LPP, LAMAL, LAA). Il n'était pas conforme au salaire mensuel minimal imposé par l'ODPr, soit 3'565 fr. Le calcul du minimum vital ne tenait pas compte des allocations familiales perçues par la débitrice pour sa fille (pourtant indiquées dans l'acte de défaut de biens n° 1______).

A______ SA invitait l'Office à rectifier le procès-verbal en ce sens ou de transmettre son courrier à la Chambre de surveillance pour valoir plainte.

e. L'Office a répondu le 12 octobre 2021 à A______ SA qu'il ne comprenait pas la motivation de la requête. Il avait notamment établi le gain de la débitrice sur la base des fiches de salaires qui lui avaient été remises. Il précisait que la débitrice payait mensuellement à l'Office le montant de la saisie et qu'il s'était avéré, après vérification, que la débitrice ne touchait pas d'allocations familiales pour sa fille.

f. L'Office n'a pas transmis à la Chambre de surveillance le courrier du 6 octobre 2021 de A______ SA pour valoir plainte.

D. a. Par acte déposé au greffe de la Chambre de surveillance le 20 octobre 2021, A______ SA a formé une plainte contre le procès-verbal de saisie pour "déni de justice". Elle reprenait en substance les arguments développés dans le courrier du 6 octobre 2021 à l'Office. Elle précisait qu'elle avait des doutes sur les constatations de l'Office s'agissant des allocations familiales en faveur de la fille de la débitrice car il avait soutenu des positions contradictoires dans deux documents. En outre, elle ne se faisait pas confiance aux certificats de salaire produits par la débitrice car elle avait été condamnée le 10 juin 2021 par le Ministère public pour fausses déclarations en raison de la production de fausses fiches de salaires dans la saisie précédente.

b. Cette plainte a conduit à l'ouverture de la présente procédure A/3609/2021.

c. Dans ses observations du 10 novembre 2021, l'Office a conclu à la recevabilité de la plainte et à son rejet.

Depuis le dépôt de la plainte, il avait procédé à deux nouvelles auditions de B______ et obtenu des extraits de son compte auprès de [la banque] E______, afin de confronter ses déclarations aux flux financiers établis par ces documents. Ces investigations avaient permis de confirmer que l'employeuse de la débitrice lui versait effectivement une rémunération en espèces de 2'500 fr. par mois. L'Office avait également obtenu la confirmation par les administrations concernées que la débitrice ne percevait pas d'allocations familiales pour sa fille.

d. Dans ses observations du 17 novembre 2021, C______ s'en est rapportée à la justice.

e. A______ SA a déposé les 6 et 17 décembre 2021 des répliques dans lesquelles elle évoquait l'existence d'une activité professionnelle non déclarée de la débitrice auprès d'un employeur à H______ (VD). Elle en voulait pour preuve les achats de billets de train documentés par les extraits bancaires de E______ et les constats de son administrateur qui avait suivi la débitrice lors de ses déplacements hebdomadaires dans le canton de Vaud. La plaignante soulignait également qu'il n'existait aucune preuve du paiement d'un loyer de 500 fr. pour son logement dans les extraits bancaires.

f. Le greffe de la Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du 20 décembre 2021 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al. 1), ainsi qu'en cas de déni de justice ou de retard à statuer (al. 3).

1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

Sous réserve de griefs devant conduire à la constatation de la nullité d'une mesure, invocables en tout temps (art. 22 al. 1 LP), l'intégralité des moyens et conclusions du plaignant doivent être à tout le moins sommairement exposés et motivés dans le délai de plainte, sous peine d'irrecevabilité. L'invocation de nouveaux moyens en cours de procédure n'est pas admise dans le cadre de l'examen d'une plainte au sens de l'article 17 LP (ATF 142 III 234 consid. 2.2; 126 III 30 consid. 1b;
114 III 5 consid. 3 = JdT 1990 II 80; arrêt 5A_237/2012 du 10 septembre 2012 consid. 2.2; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 32, 33 et 44 ad art. 17 LP).

La question de savoir si et dans quelle mesure l'enquête officielle menée par l'Office est défectueuse et son résultat inexact doit être examinée au regard des éléments qui ont été critiqués par le créancier dans une plainte déposée dans le délai de dix jours dès la communication du procès-verbal de saisie (ATF
127 III 572 consid. 3c, JdT 2001 II 78; 86 III 53 consid. 1, JdT 1961 II 12). De même, lorsque l'Office omet d'indiquer les éléments à la base du calcul de la quotité saisissable des revenus du débiteur et que le créancier entend contester cette dernière, plainte doit être déposée dans le délai de dix jours suivant la communication du procès-verbal; il s'agit en effet d'une contestation portant sur l'ampleur de la saisie si bien que le plaignant ne saurait faire correspondre le dies a quo du délai de l'art. 17 al. 2 LP avec la réception d'hypothétiques renseignements complémentaires, sous peine de forclusion (Jeandin / Sabeti, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 19 LP ad art. 112 LP et l'arrêt cité).

1.3 A teneur de l'art. 32 al. 2 LP, le délai, notamment de plainte, est réputé observé lorsqu'un office des poursuites ou un office des faillites incompétent est saisi en temps utile; cet office doit alors transmettre sans délai la communication à l'office compétent, respectivement à l'autorité de surveillance compétente. L'objectif poursuivi par le législateur consiste à protéger le justiciable contre les conséquences, pouvant aller jusqu'à la perte d'un droit, d'une erreur de sa part sur l'autorité compétente pour traiter son acte, ce dans un domaine où il n'est pas toujours aisé de déterminer l'autorité compétente à raison du lieu et de la matière (ATF 130 III 515 consid. 4; 100 III 8; Baeriswyl/Milani/Schmid, Kommentar SchKG, 4ème édition, Kren Kostkiewicz/Vock [éd.], n° 5 ad art. 32 LP). Il ne s'agit pas en revanche de donner aux parties le droit de déposer leur acte auprès de l'autorité – incompétente – de leur choix, lui laissant le soin de le faire suivre à l'autorité compétente. L'application de l'art. 32 al. 2 LP suppose au contraire que le déposant se soit trouvé dans l'erreur sur l'autorité qu'il devait saisir ou, autrement dit, qu'il ait cru de bonne foi adresser son acte à l'autorité compétente pour en connaître (Staehelin, Basler Kommentar SchKG Ergänzungsband, ad n° 6 b ad art. 32 LP; Baeriswyl/Milani/Schmid, op. cit., n° 16 ad art. 32 LP; arrêt du Tribunal fédéral 5A_421/2012 du 20 décembre 2012 consid. 3.1). Le fait pour un justiciable de s'adresser consciemment et volontairement à une autorité incompétente alors que l'autorité compétente lui est connue doit à cet égard être qualifié d'abus de droit (ATF 145 III 487 consid. 3.4.5). Il faut réserver le cas, admis par la jurisprudence, du plaignant qui s'adresse à l'Office en demandant la reconsidération d'une décision, dans le délai de plainte, et invite parallèlement l'Office, pour le cas où il refuserait d'entrer en matière sur la reconsidération, à transmettre l'acte à l'autorité de surveillance pour valoir plainte (parmi d'autres, DCSO/335/2015 du 15 octobre 2015).

1.4 En l'espèce, la plaignante a déposé, le jour même de la communication du procès-verbal de saisie, le 6 octobre 2021, une réclamation auprès de l'Office, dont elle demandait qu'elle soit considérée comme une plainte à transmettre à l'autorité de surveillance, s'il n'entrait pas en matière sur la réclamation.

Un tel acte doit être considéré comme une plainte valablement déposée au vu des principes exposés ci-dessus. Les griefs qu'il contient, de surcroît repris dans la confirmation de plainte déposée devant la Chambre de surveillance le 20 octobre 2021, sont donc recevables. L'Office ne s'oppose d'ailleurs pas à la recevabilité de la plainte dans sa teneur des 6 et 20 octobre 2021.

En revanche, les griefs développés ultérieurement dans les répliques de la plaignante sont irrecevables faute d'avoir été formés à temps. Il sera revenu ci-dessous (consid. 2.3) sur le sort à réserver aux informations contenues dans ces répliques.

2. La plaignante a fait grief à l'Office, dans sa réclamation / plainte du 6 octobre 2021 confirmée par sa plainte du 20 du même mois, d'avoir admis un revenu de 2'500 fr. incompatible avec les salaires minimaux imposés par l'ODPr, de ne pas avoir tenu compte fait qu'une partie du revenu de la débitrice était composée de prestations "en nature" (nourriture, frais de transport et logement, part employée des cotisations sociales, primes d'assurance-maladie) et de ne pas avoir mentionné les allocations familiales perçues pour la fille de la débitrice.

Elle a ensuite, dans le cadre de ses répliques, reproché à l'Office d'avoir retenu un loyer de 500 fr. qui n'était nullement documenté et allégué nouvellement que la débitrice aurait dissimulé des revenus tirés d'une activité non déclarée.

2.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital).

Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c; ATF 112 III 79 consid. 2) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (ci-après conférence des préposés; BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées chaque année par l'autorité de surveillance (ci-après : NI; publiées au recueil systématique des lois genevoises : RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles l'alimentation, les vêtements et le linge, les soins corporels, l'entretien du logement, les frais culturels, la téléphonie et la connectivité, l'éclairage, l'électricité, le gaz, les assurances privées, etc. (art. I NI; OCHSNER, Le minimum vital, op. cit., p. 128). D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI), les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI), les contributions d'entretien dues en vertu de la loi (art. II.5 NI) ou les frais de formation des enfants (art. II.6 NI), doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (OCHSNER, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 82 ad art. 93 LP). Les impôts ne sont pas pris en compte dans le calcul du minimum vital (art. III NI et jurisprudence citée).

Les revenus pris en considération sont les revenus réels du débiteur. L'Office ne peut en effet fixer le montant saisissable en se fondant sur un revenu hypothétique (ATF 115 III 103 consid. 1.c = JdT 1991 II 108; arrêt du Tribunal fédéral 5A_490/2012 du 23 novembre 2012 consid. 3; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, n° 17 ad art. 93 LP).

Dans le cadre tracé par les dispositions légales et les nombreux principes dégagés par la jurisprudence, l'Office dispose, dans la détermination du minimum vital du débiteur, d'un pouvoir d'appréciation étendu (art. 93 al. 1 LP; ATF 134 III 323 consid. 2; Ochsner, in Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 79 ad art. 93 LP), qui lui permet de prendre en considération aussi bien les intérêts des créanciers que ceux du débiteur (ATF 119 III 70 consid. 3b; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, n° 17 ad art. 93 LP).

2.1.2 Bien qu’à teneur de l'art. 91 al. 1 LP, le débiteur soit tenu d'indiquer tous les biens qui lui appartiennent, même ceux qui ne sont pas en sa possession, l'Office doit adopter un comportement actif et une position critique dans l'exécution de la saisie, de sorte qu'il ne peut s'en remettre, sans les vérifier, aux seules déclarations du débiteur quant à ses biens et revenus. Afin de pourvoir au meilleur désintéressement possible des créanciers, l'Office doit procéder avec diligence, autorité et souci de découvrir les droits patrimoniaux du poursuivi. Il est doté à cette fin de pouvoirs d'investigation et de coercition étendus. Il doit donc interroger le poursuivi sur la composition de son patrimoine, sans se contenter de vagues indications données par ce dernier, ni se borner à enregistrer ses déclarations. Il doit les vérifier en exigeant, et en obtenant, les justificatifs correspondants. Si le créancier mentionne des pistes concernant les biens saisissables du débiteur, l'Office doit les creuser (arrêt du Tribunal fédéral 7B.212/2002 du 27 novembre 2002; Gilliéron, Commentaire de la LP, n° 12 et ss ad art. 91 LP; ATF 83 III 63).

2.1.3 Les revenus du travail ne peuvent être saisis que pour une durée d'une année à compter de l'exécution de la saisie (art. 93 al. 2 LP). Si, durant ce délai, l'Office a connaissance d'une modification déterminante pour le montant de la saisie, il adapte l'ampleur de celle-ci aux nouvelles circonstances (art. 93 al. 3 LP). L'application de cette disposition suppose ainsi un changement dans la situation du poursuivi par rapport à celle qui existait – et qui avait été constatée par l'Office – au moment de la saisie (GILLIERON, Commentaire LP, n° 140 ad art. 93 LP).

Dès qu'il a connaissance de telles circonstances, par le débiteur ou d'une autre manière, l'Office doit immédiatement les élucider et, le cas échéant, rendre une nouvelle décision (arrêt du Tribunal fédéral 5A_675/2011 du 19 janvier 2012 consid. 3.2; WINKLER, op. cit., n° 83 ad art. 93 LP). Cette décision ne déploiera toutefois ses effets que pour le futur, la saisie antérieure continuant à s'appliquer jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle décision de l'Office (KREN KOSTKIEWICZ, KUKO SchKG, 2ème éd., 2014, n° 72 ad art. 93 LP).

Lorsqu'elle est saisie d'une plainte, l'autorité de surveillance vérifie uniquement si la retenue fixée par l'Office ou le calcul qu'il a effectué est conforme aux faits déterminant la quotité saisissable des revenus du débiteur, compte tenu des circonstances existant au moment de l'exécution de cette mesure (ATF 121 III 20 consid. 3, JdT 1997 II 163). Si le plaignant souhaite invoquer des faits nouveaux, il lui appartient de les faire valoir par la voie de la révision de la saisie auprès de l'Office et non par la voie de la plainte (art. 93 al. 3 LP; ATF 108 III 10; VONDER MÜHLL, Basler Kommentar SchKG I, n° 54 ad art. 93 LP; DCSO/243/2015 du 20 août 2015 consid. 2.2 et 2.3).

2.2 En l'espèce, les investigations de l'Office l'ont conduit à constater de manière suffisamment étayée que la débitrice touchait un montant mensuel de D______ de 2'500 fr. nets, lequel ressortait non seulement des dernières fiches de salaires et des dernières déclarations des intéressées, mais également des extraits bancaires de B______. Ce dernier élément permet ainsi de lever les éventuels doutes qui auraient encore pu planer sur la fiabilité des pièces et déclarations de D______ et B______.

Il s'agit de la rémunération mensuelle nette pertinente pour estimer la quotité saisissable des revenus du débiteur. En effet, il n'y a pas lieu de tenir compte du paiement ou du non-paiement des cotisations sociales par l'employeuse, le montant versé au travailleur étant réputé net des prélèvements sociaux, qu'ils soient acquittés ou non. Il n'appartient pas à l'Office de vérifier que les lois sociales en la matière ont été correctement appliquées par l'employeur.

S'agissant des primes d'assurance-maladie, elles n'ont pas été introduites dans les charges de la débitrice. Ceci compense leur éventuel paiement par l'employeur et il n'y a par conséquent pas lieu de considérer ce paiement comme un revenu, ainsi que le soutient la plaignante.

En ce qui a trait à des prestations fournies en nature qu'il conviendrait d'ajouter au salaire versé en espèces, la question ne se pose plus puisque l'employeuse de la débitrice lui verse désormais une rémunération en espèces de 2'500 fr. couvrant tous les postes qui étaient prétendument versés en "nature" auparavant. Ce grief n'est donc plus d'actualité pour le procès-verbal de saisie litigieux.

Finalement, la plaignante s'étonne que la rémunération nette versée à la débitrice ne corresponde pas au salaire minimal prévu par l'ODPr pour une activité à plein temps. A nouveau, il n'appartient pas à l'Office d'imposer le respect de cette ordonnance, mais uniquement de constater le revenu réel perçu par le débiteur et de ne conserver que ce montant dans le calcul de la quotité saisissable de ses gains. A cet égard, le montant de 2'500 fr. correspond au montant dont l'Office a pu établir l'existence conformément à ce qui a été retenu au début du présent considérant.

En définitive, tous les griefs développés par la plaignante dans ses actes des 6 et 20 octobre 2021 doivent être écartés et la plainte, dans la mesure de sa recevabilité, sera par conséquent rejetée.

2.3 Les griefs de la plaignante articulés dans ses répliques, irrecevables dans le cadre de la présente procédure (cf. supra 1.4), devront néanmoins faire l'objet de vérifications par l'Office dans la mesure où ils constituent des faits nouveaux par rapport à l'état de fait qu'il avait retenu à l'appui du procès-verbal de saisie attaqué.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

 

Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, la plainte de A______ SA des 6 et 20 octobre 2021 contre le procès-verbal de saisie du 4 octobre 2021, dans la série n° 4______.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et
Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.