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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2465/2021

DCSO/495/2021 du 16.12.2021 ( PLAINT ) , REJETE

Recours TF déposé le 04.01.2022, rendu le 10.08.2022, CONFIRME, 5A_1066/2021
Descripteurs : Paiement à l'Office; libération du poursuivi; consignation; séquestre
Normes : lp.12.al2; lp.9
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2465/2021-CS DCSO/495/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 16 DECEMBRE 2021

 

Plainte 17 LP (A/2465/2021-CS) formée en date du 20 juillet 2021 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Pierre Siegrist, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me SIEGRIST Pierre

Grand-Rue 17

1204 Genève.

- Caisse de prévoyance professionnelle B______

c/o Me CARRON Vincent

Schellenberg Wittmer SA

Rue des Alpes 15bis

Case postale 2088

1211 Genève 1.

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement du 19 juin 2019, le Tribunal de première instance a prononcé le divorce des époux C______ et A______ et ordonné le partage de leurs avoirs de prévoyance professionnelle, la B______ auprès de laquelle C______ était assuré étant condamnée à transférer la somme de 4'248'092 fr. 62 sur les deux comptes de libre passage de A______, de la manière suivante : la moitié, soit 2'214'046.31, sur le compte de la D______ compte d'épargne Libre passage IBAN 1______ et l'autre moitié, soit 2'214'046 fr. 31 sur le compte Elite fondation de libre passage auprès de E______ IBAN 2______.

b. Le 5 février 2020, A______ a fait notifier à la B______ un commandement de payer, poursuite n° 3______, portant sur la somme de 4'248'092 fr. 62, avec intérêts à 5% dès le 28 septembre 2019, due en vertu du jugement de divorce du 19 juin 2019. La B______ y a formé opposition le 12 février 2020.

c. Par requête du 8 mai 2020, A______ a requis la mainlevée définitive de cette opposition.

d. Par jugement JTPI/15158/2020 du 4 décembre 2020, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par la B______ au commandement de payer, poursuite n° 3______.

Par arrêt du 23 avril 2021, la Cour de justice a rejeté le recours de la B______ contre le jugement de mainlevée.

B. a. Entretemps, par arrêt AARP/188/2020 du 26 mai 2020, confirmé le 22 décembre 2020 par le Tribunal fédéral (causes 6B_815/2020, 6B_823/2020, 6B_826/2020 et 6B_831/2020), la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice a, notamment, reconnu C______ coupable de complicité de gestion déloyale, l'a condamné à une peine de deux ans de détention avec sursis pendant deux ans, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, l'a condamné, conjointement avec F______, à payer aux [établissements] G______ (ci-après : les G______) un montant de 20'460'487 fr. plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er novembre 2012, a prononcé à son encontre une créance compensatrice du même montant, allouée aux G______, a ordonné le maintien, en vue de l'exécution de ladite créance, de séquestres pénaux ordonnés sur certains de ses actifs et en a levé d'autres, parmi lesquels ceux portant sur sa prestation de sortie auprès de la B______.

b. Par ordonnance de séquestre prononcée le 22 janvier 2021 sur requête des G______ (séquestre n° 4______), le Tribunal de première instance a ordonné le séquestre, à hauteur de 20'460'487 fr. plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er novembre 2012, de divers actifs censés appartenir à C______, débiteur séquestré, parmi lesquels l'avoir de prévoyance deuxième pilier dont il bénéficiait auprès de la B______.

c. Le 22 janvier 2021, l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a exécuté le séquestre en adressant des avis ad hoc aux tiers en mains desquels des actifs étaient susceptibles d'être séquestrés, soit notamment la B______.

d. Par courrier du 11 février 2021, la B______ a indiqué à l'Office que la prestation de libre passage de C______ portait sur un montant total de 8'496'185 fr. 25, dont 4'248'092 fr. 31 devaient revenir à l'ex-épouse, conformément au jugement du Tribunal de première instance du 19 juin 2019. L'Office était invité à préciser si le séquestre n° 4______ englobait aussi la prestation de libre passage revenant à A______.

e. Le 23 février 2021, l'Office a établi le procès-verbal de séquestre, duquel il ressortait que le séquestre exécuté le 22 janvier 2021 avait porté en mains de la B______ sur les avoirs de prévoyance professionnelle (2ème pilier) dont bénéficiait C______, pour une valeur estimée à 8'738'284 fr. 27. A______ ayant revendiqué en être propriétaire à hauteur de 4'248'092 fr. 31, sur la base d'un jugement définitif et exécutoire, un délai de vingt jours était fixé au créancier et au débiteur pour ouvrir devant le juge civil action en contestation de la prétention du tiers revendiquant, faute de quoi cette prétention serait réputée admise.

f. Le 17 mars 2021, les G______ ont introduit devant le Tribunal de première instance une action en contestation de la revendication à l'encontre de A______.

C. a. Le 2 juillet 2021, la B______ a versé à l'Office la somme de 4'660'073 fr. en paiement de la poursuite n° 3______ engagée par A______.

b. Par courrier du 15 juillet 2021, l'Office a indiqué à A______ que le montant versé par la B______ correspondait au solde de la poursuite précitée en capital, frais et intérêts arrêtés au 31 juillet 2021. Il éteignait par conséquent la créance et libérait le débiteur au sens de l'art. 12 al. 2 LP. Ces fonds avaient été consignés auprès de la Trésorerie générale de l'Etat, conformément à l'art. 9 LP en tant qu'avoirs séquestrés dans la procédure de séquestre n° 4______ et ce jusqu'à droit connu dans l'action en contestation de la revendication engagée par les G______ à l'encontre de A______.

c. Par lettre du 20 juillet 2021, A______ a répondu qu'elle s'opposait à la consignation et invitait l'Office à retourner ce montant à la B______, qui ne saurait être libérée sous condition. Dans l'hypothèse où le versement de la B______ n'aurait pas été effectué sous condition, l'Office était mis en demeure de verser à A______ le montant de 4'660'073 fr., et ce dans les trois jours.

d. Par courrier du 21 juillet 2021, l'Office a exposé que la B______ n'avait pas assorti de conditions le versement de 4'660'073 fr. C'était en outre à raison que l'Office avait consigné ces fonds, dès lors qu'il ne lui appartenait pas d'examiner la question de la propriété de ces biens, une procédure civile étant pendante. Le procédé consistant à consigner des fonds encaissés dans une poursuite ordinaire, lorsque ceux-ci faisaient aussi l'objet d'un séquestre en cours, était correct.

D. a. Par acte posté le 20 juillet 2021, A______ a formé plainte contre la décision de l'Office du 15 juillet 2021. Elle a relevé que dans l'hypothèse où le versement de la B______ n'avait pas été effectué sous condition, l'Office était tenu de lui transférer le produit de la poursuite. En effet, sa créance reposait sur un jugement entré en force et le séquestre obtenu par les G______ ne concernait que les avoirs de C______ et non pas les siens.

b. Dans son rapport du 16 août 2021, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Le versement effectué par la B______ avait soldé la poursuite, de sorte que c'était à juste titre que la B______ avait été libérée. Par ailleurs, la somme versée faisant l'objet du séquestre obtenu par les G______, l'Office l'avait à bon droit consignée, dans l'attente de l'issue de la procédure en revendication opposant le créancier séquestrant à A______.

c. Dans ses déterminations, la B______ a notamment observé que A______ était au courant de l'existence du séquestre, la B______ en ayant fait état dans la procédure de mainlevée devant la Cour de justice. En soldant la poursuite en mains de l'Office, la B______ s'était valablement libérée.

d. A______ s'est déterminée en dernier lieu en date du 13 septembre 2021.

e. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP), soit la décision de consigner le paiement effectué par le poursuivi, et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 L'Office des poursuites est tenu de consigner les sommes dont il n'a pas emploi dans les trois jours (art. 9 LP).

Il est aussi tenu d'accepter les paiements faits pour le compte du créancier poursuivant (art. 12 al. 1 LP). Sur demande du poursuivi, il doit lui en donner quittance, une quittance erronée pouvant être contestée par la voie de la plainte à l'autorité de surveillance (ATF 114 III 49).

Lorsqu'un débiteur est poursuivi par plusieurs créanciers et qu'il fait un versement à l'office en faveur d'un ou de plusieurs créanciers déterminés, l'office doit s'en tenir aux instructions du débiteur (ATF 96 III 3 in JdT 1970 II 100 c. 2).

Le paiement en mains de l'Office du montant réclamé en poursuite, en capital, intérêts et frais, libère le poursuivi et entraîne l'extinction de la poursuite (art. 12 al. 2 LP). La dette est éteinte sans égard au fait que le montant ait été transmis ou non au créancier (ATF 116 III 56 in JdT 1993 II 34).

2.1.2 L'Office des poursuites n'est pas tenu d'accepter un paiement fait sous condition ou réserve, car un paiement en mains de l'office n'est libératoire au sens de l'art. 12 al. 2 LP que s'il est fait sans condition ni réserve, ou à des conditions acceptées par le créancier (ATF 74 III 23; RJN 1992, p. 242 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 7B.166/2003 du 14 août 2003, consid. 2; Emmel, Kommentar zum Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, N. 4 ad art. 12 LP). Si toutefois il le fait, il doit inviter le créancier à se déterminer sur la condition posée et, suivant la réponse, transmettre le montant au créancier ou le restituer au débiteur (ATF 74 III 23).

2.1.3 Le paiement en mains de l'Office, qui libère le poursuivi, confère au poursuivant une créance (de droit public) de recevoir de l'Office le paiement fait pour son compte (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, Lausanne 1999, no 18 ad art. 12 LP). Or, un séquestre peut parfaitement porter sur des biens en mains de l'Office (Gilliéron, Commentaire, no 17 ad art. 12 LP; Jaeger/Walder/Kull/Kottmann, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, Zurich 1997, no. 11 ad art. 271 LP). Dans la mesure où un séquestre peut porter sur une créance, il n'y a pas d'obstacle à ce que la créance qu'un créancier détient à l'encontre de l'Office en paiement du produit d'une saisie fasse à son tour l'objet d'une saisie ou d'un séquestre.

2.2 Conformément à l'art. 271 al. 1 et 272 al. 1 ch. 3 LP, seuls les biens du débiteur, soit les choses et droits qui lui appartiennent juridiquement, et pas seulement économiquement, peuvent être frappés par un séquestre (arrêt du Tribunal fédéral 5A_629/2011 du 26 avril 2012 consid. 5.1, publié in Pra 2013 (17) p. 146). Doivent à l'inverse être considérés comme biens de tiers tous ceux qui, en vertu des normes du droit civil, appartiennent à une personne physique ou morale autre que le débiteur; en principe, seule l'identité juridique est déterminante en matière d'exécution forcée (arrêts du Tribunal fédéral 5A_876/2015 du 22 avril 2016 consid. 4.2; 5A_873/2010 du 3 mai 2011 consid. 4.2.2, résumé in PJA 2012 p. 1634; 5A_654/2010 du 24 novembre 2011 consid. 7.3.1). C'est ainsi, notamment, que les valeurs qui appartiennent à titre fiduciaire à un tiers ne peuvent pas être séquestrées dans la poursuite dirigée contre le débiteur même si, économiquement, elles appartiennent à ce dernier (ATF 107 III 103 consid. 1; 106 III 186 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_629/2011 précité consid. 5.1). Le créancier doit rendre vraisemblable qu'il existe des biens appartenant au débiteur; par cette disposition, le législateur a codifié la jurisprudence selon laquelle le créancier doit rendre plausible la propriété du débiteur sur les biens à mettre sous main de justice (ATF 126 III 95 consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_697/2008 du 6 mai 2009 consid. 2.3). Si le juge admet le séquestre et qu'il le confirme sur opposition en considérant que les biens appartiennent vraisemblablement au débiteur, le tiers devra faire valoir ses droits dans la procédure de revendication, qui aboutira à une décision définitive sur la titularité des biens (art. 106-109 LP; arrêt du Tribunal fédéral 5A_925/2012 du 5 avril 2013 consid. 4.4).

2.3 En l'espèce, il sera d'emblée constaté que la plaignante, en qualité de tiers, n'a pas formé opposition au séquestre obtenu par les G______ au préjudice de son ex-époux, au motif qu'il aurait porté sur des actifs lui appartenant. Elle n'a pas non plus porté plainte auprès de la Chambre de surveillance contre le procès-verbal de séquestre établi par l'Office, dont il ressort que le séquestre était exécuté sur l'intégralité des avoirs de prévoyance détenus par le débiteur séquestré auprès de l'intimée, que la plaignante revendiquait en partie. Certes, la plaignante n'indique pas à quelle date elle a eu connaissance de l'ordonnance de séquestre et du procès-verbal de séquestre et le dossier ne permet pas de le déterminer. La plaignante ne soutient cependant pas qu'elle aurait réagi dans les délais utiles dès qu'elle aurait eu connaissance de ces décisions, la plainte dont est saisie la Chambre de céans n'étant pas dirigée contre le procès-verbal de séquestre mais bien contre la décision de l'Office de consigner les fonds versés par l'intimée. Il résulte d'ailleurs du dossier que l'intimée a mentionné l'existence du séquestre dans la procédure de mainlevée l'opposant à la plaignante (courriers de l'intimée à la Cour de justice du 28 janvier, du 8 février et du 28 avril 2021). Enfin, la plaignante est partie à la procédure de revendication initiée le 17 mars 2021 par le créancier séquestrant. Aussi, c'est dans le cadre de cette procédure que la plaignante pourra faire valoir ses droits sur les actifs séquestrés.

L'intimée a pour sa part versé à l'Office un montant de 4'660'073 fr., destiné à être imputé sur la poursuite n° 3______, intentée par la plaignante. Il s'agit d'un paiement au sens de l'art. 12 LP, lequel couvre, à teneur du dossier, le capital, les intérêts et les frais de poursuite. En tant qu'il solde la poursuite, ce paiement, effectué sans conditions, a libéré l'intimée et entraîné l'extinction de la poursuite (art. 12 al. 2 LP), sans égard au fait que cette somme n'ait pas été transmise à la plaignante.

Dans la mesure où le montant versé par l'intimée à l'Office est visé par le séquestre obtenu par les G______, c'est à juste titre que l'Office n'a pas versé cette somme sur les comptes de libre passage de la plaignante – ou à celle-ci directement la question n'étant pas déterminante aux fins de statuer sur l'issue de la plainte -, le montant étant consigné aussi longtemps que la procédure en revendication opposant le créancier séquestrant à la plaignante n'est pas terminée.

Eu égard à ce qui précède, la décision prise par l'Office est correcte et sera confirmée. Mal fondée, la plainte doit ainsi être rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 lit. a OELP) et il n'est pas alloué de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 20 juillet 2021 par A______ contre la décision de l'Office cantonal des poursuites du 15 juillet 2021 dans la poursuite n° 3______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.