Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/659/2025 du 16.06.2025 ( MC ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 16 juin 2025
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Charles ARCHINARD, avocat, avec élection de domicile
contre
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Monsieur A______, né le ______ 1992 et originaire du Nigeria, est connu des services de police et de la justice suisse, notamment pour des infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).
2. M. A______, né le ______ 1992 et originaire du Nigeria, a été interpellé par les services de police le 23 mai 2025, dans le cadre de l'opération DAMOCLES visant à déstabiliser le trafic de stupéfiants. Il ressort du rapport d'arrestation établi le même jour que la police a observé un échange de drogue entre l'intéressé et un autre individu, ce dernier l'ayant mis en cause pour la vente de 3 pilules d'ecstasy contre la somme de EUR 40.-. L'intéressé a également été mis en cause pour la vente d'une pilule d'ecstasy à une automobiliste stationnée à l'intersection de la rue de la Coulouvrenière contre la somme de CHF 20.-.
Lors de son audition, l'intéressé a refusé de répondre aux questions qui lui ont été posées, sur conseil de son avocate.
Prévenu d’infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) (trafic de stupéfiants) et à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) (séjour illégal), M. A______ a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police.
3. Le 24 mai 2025, l’intéressé, après avoir été entendu par le procureur, a été condamné, par ordonnance pénale du Ministère public, en référence aux éléments de son arrestation.
4. Le 24 mai 2025 à 11h50, en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans l’ensemble du territoire du canton de Genève pour une durée de douze mois.
5. Le 3 juin 2025, M. A______, par l’intermédiaire de son conseil, a formé opposition contre cette décision devant Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).
6. M. A______ a été dûment convoqué pour l'audience.
7. Lors de l'audience du 13 juin 2025, M. A______ a expliqué que son opposition résultait du fait qu’il contestait son implication dans la vente de plusieurs pilules d’ecstasy à la date du 23 mai 2025. En réalité, il n’en avait vendue aucune. Il s’était apprêté à en vendre une pour CHF 20.- à une automobiliste qui était dans sa voiture, mais la police était intervenue juste avant qu’il ne reçoive cet argent, après qu’il lui ait donné la pilule. A côté de cela, il n’avait eu ce jour-là qu’une seule autre pilule d’ecstasy qu’avait déjà consommé pour son propre usage. Il avait à Genève de la famille et des amis. Sur question du tribunal, il était arrivé à Genève pour la première fois lors de sa première arrestation en avril 2024. Il était arrivé le matin même. Il ne comprenait pas à quoi correspondait sa déclaration à cette occasion, selon laquelle il était déjà venu en Suisse environ 1 mois auparavant. Il a expliqué à ce sujet qu’il n’avait aucun logement à Genève et qu’il vivait et travaillait en France. Par conséquent, il ne restait jamais à Genève lorsqu’il y venait en visite, ce qu’il faisait par exemple à l’occasion d’une fête ou pour voir des amis. Pour être plus précis, il n’avait jamais séjourné à Genève deux ou trois jours d’affilée. Il venait pour l’occasion qui expliquait sa venue et il repartait tout de suite. Sur question du tribunal de savoir qui étaient à Genève les membres de sa famille, il a expliqué qu’il s’agissait en fait de personnes très proches avec lesquelles il avait grandi au Nigéria et qu’il considérait par conséquent comme des membres de sa famille ou comme ses propres frères ou sœurs. Il n’avait qu’une sœur de sang et qui vivait au Nigéria et c’était pour ça que ces proches comptaient pour lui comme s’ils étaient de sa famille. Il n’avait pas toujours travaillé proche de la frontière suisse, il lui arrivait de travailler un peu partout, notamment à ______ (France). Il ne se souvenait pas en quelle année il était arrivé la première fois dans un lieu situé à proximité de la frontière suisse. Sur question du représentant du commissaire de police, il n’avait jamais été titulaire d’un passeport nigérian. Il avait été titulaire d’un titre de séjour en Italie qui était à présent échu. Quant à sa situation en France, il était sur le point de se marier dans les trois prochains mois et il espérait par conséquent disposer d’un titre de séjour dans ce pays. Il a confirmé qu’il travaillait sur appel et qu’il n’avait pas de source de revenu fixe.
8. Le représentant du commissaire de police a produit à l'audience des rapports d'arrestation rédigés par la police genevoise les 8 avril, 3 août et 14 septembre 2024, ainsi que le 11 janvier 2025, pour des interpellations qui avaient eu lieu le même jour et qui impliquaient à chaque fois M. A______ et d'autres personnes. Hormis le 3 août 2024, ces interpellations avaient eu lieu respectivement à l'avenue de la Jonction (la première fois) et dans le secteur de la rue de la Coulouvrenière (les deux dernières fois), dans le cadre de patrouilles effectuées par les forces de l'ordre.
Il ressort de l'extrait du casier judiciaire de M. A______ que suite à ces quatre arrestations, il a fait l'objet de poursuites pénales actuellement toujours en cours, impliquant essentiellement des infractions relatives au séjour illégal de l'intéressé en Suisse.
9. De son côté, le conseil de M. A______ a produit l'opposition formée par ce dernier à l'ordonnance pénale du 24 mai 2024.
10. Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu à la réduction de la durée de la mesure d’interdiction de pénétrer dans le canton de Genève prise à l’encontre de son mandant le 24 mai 2025 à six mois.
11. Le représentant du commissaire de police a plaidé et conclu au rejet de l'opposition et à la confirmation de la mesure d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois.
1. Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner sur opposition la légalité et l’adéquation de l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prononcée par le commissaire de police à l'encontre d'un ressortissant étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. L'opposition ayant été formée dans le délai de dix jours courant dès la notification de la mesure querellée, elle est recevable sous l'angle de l'art. 8 al. 1 LaLEtr.
3. Statuant ce jour, le tribunal respecte en outre le délai de vingt jours que lui impose l'art. 9 al. 1 let. b LaLEtr.
4. Selon l'art. 74 al. 1 LEI, qui a repris l'art. 13e de l'ancienne loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE- RS 142.20 ; cf. message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les étrangers du 8 mars 2002 in FF 2002 3469, p. 3570), l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée dans les cas suivants :
a. l'étranger n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants ;
b. l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire ;
c. l'exécution du renvoi ou de l'expulsion a été reportée (art. 69 al. 3 LEI).
5. Conformément à l'art. 74 al. 2 LEI, la compétence d'ordonner ces mesures incombe au canton qui exécute le renvoi ou l'expulsion ; s'agissant de personnes séjournant dans un centre d'enregistrement ou dans un centre spécifique au sens de l'art. 26 al. 1bis de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31), cette compétence ressortit au canton sur le territoire duquel se trouve le centre ; l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée peut aussi être prononcée par le canton dans lequel est située cette région.
De son côté, l'art. 6 al. 3 LaLEtr précise que l'étranger peut être contraint à ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment suite à une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommage à la propriété ou pour une infraction à la LStup.
6. Les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée répondent à deux préoccupations. Elles permettent d'intervenir pour protéger la sécurité et l'ordre publics - plus particulièrement dans les domaines qui ne peuvent guère être couverts par le droit pénal - à l'encontre de ressortissants étrangers dont le départ ne peut pas être exigé en raison d'une demande d'asile pendante ou de l'absence de titre de voyage. En outre, elles peuvent être ordonnées à l'égard d'étrangers dont le renvoi est durablement entravé et pour lesquels il est nécessaire de les tenir éloignés d'un endroit déterminé ou de pouvoir les surveiller (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 rendu sous l'égide de l'art. 13 aLSEE, remplacé par l'art. 74 al. 1 LEI - cf. supra).
7. L'étranger est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire s'il n'observe pas les mesures qui lui sont imposées dans ce cadre (cf. art. 119 LEI).
8. Les mesures prévues par l'art. 74 al. 1 LEI visent à prévenir les atteintes à la sécurité et à l'ordre publics plutôt qu'à sanctionner un comportement déterminé de ressortissants étrangers dont le départ ne peut pas être exigé en raison d'une demande d'asile pendante ou de l'absence de titre de voyage (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2a).
D'après la jurisprudence, le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie même une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1 ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 2.2). En outre, de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 ; 2A.148/2003 du 30 mai 2003 consid. 3.3). Les étrangers qui sont mêlés au commerce des stupéfiants doivent s'attendre à faire l'objet de mesures d'éloignement, la protection de la collectivité publique face au développement du marché de la drogue présentant incontestablement un intérêt public prépondérant justifiant l'éloignement d'un étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_530/2007 du 21 novembre 2007 consid. 5).
Même si la simple présence en des lieux où se pratique le commerce de la drogue ne suffit pas à fonder un soupçon de menace à l'ordre et à la sécurité publics, tel est le cas lorsque la personne concernée est en contact répété avec le milieu de la drogue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1).
Le Tribunal fédéral a du reste confirmé une telle mesure visant un recourant qui avait essentiellement été condamné pour de simples contraventions à la LStup (arrêt du Tribunal fédéral 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.3 ; cf. aussi ATA/45/2014 du 27 janvier 2014).
Une mesure d'éloignement au sens de l'art. 74 al. 1 LEI est ainsi applicable non seulement dans le cas de participation du trafic de drogues dures, mais également de drogues dites douces, tels que la marijuana (ATA/1357/2024 du 19 novembre 2024 consid. 3.5 et 3.6 ; ATA/1102/2024 du 19 septembre 2024 consid. 4.7 ; ATA/133/2023 du 8 février 2023) ou l'ecstasy (ATA/323/2020 du 7 avril 2020 ; JTAPI/756/2020 du 3 juillet 2020).
9. A l'instar de l'art. 13e aLSEE, l'art. 74 al. 1 LEI constitue par ailleurs une clause générale permettant de prendre des mesures également à l'encontre d'étrangers qui ont gravement violé les prescriptions de police des étrangers qui tendent à garantir l'ordre public en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3a et la référence citée cum FF 2002 3469, 3570).
10. Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent respecter le principe de la proportionnalité énoncé à l'art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.- RS 101) (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4), lequel se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/3019/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).
Pour être conforme au principe de la proportionnalité, une restriction d'un droit fondamental, en l'occurrence la liberté de mouvement, doit être apte à atteindre le but visé, ce qui ne peut être obtenu par une mesure moins incisive. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4 : arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1).
Les mesures d'assignation à un lieu de séjour et l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée doivent ainsi être nécessaires et suffisantes pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés ; les moyens doivent être proportionnés au but poursuivi, au regard notamment de la délimitation géographique et de la durée de la mesure (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2002 consid. 2c).
Le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles ; elles ne peuvent en outre pas être ordonnées pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c). Cela étant, le périmètre d'interdiction peut inclure l'ensemble du territoire d'une ville (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.2 ; 2A.647/2006 du 12 février 2007 consid. 3.3 pour les villes d'Olten et de Soleure ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 4.2 pour la ville de Berne).
Les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement. S'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle, le seuil pour ordonner les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée n'a pas été placé très haut. Pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics, il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police. Des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue suffisent, de même que la violation grossière des règles classiques de la cohabitation sociale (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 et la référence citée ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2b et les références citées ; ATA/45/2014 du 27 janvier 2014 ; ATA/778/2012 du 14 novembre 2012).
11. Dans un jugement récent (JTAPI/1260/2024 du 19 décembre 2024), le tribunal est revenu sur un jugement plus ancien (JTAPI/68/2024 du 29 janvier 2024) dans lequel il avait passé en revue la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice (CJCA) rendue en 2023, constatant que certains cas de très peu de gravité, c'est-à-dire n'impliquant qu'une seule condamnation pour un vol d'importance relative ou pour le trafic de quelques grammes de drogues dures, faisaient l'objet, de la part du commissaire de police, d'interdictions territoriales pour une durée de six mois, tandis que le même type de situation pouvait parfois faire l'objet d'interdictions territoriales pour une durée de douze mois. Des cas plus graves, impliquant deux ou trois, voire plusieurs condamnations pénales, ainsi que des situations dans lesquelles des interdictions territoriales avaient déjà été prononcées une première fois (et dans certains cas violées) avaient, quant à eux, fait parfois l'objet d'interdictions territoriales pour des durées de douze à dix-huit mois, et non pas systématiquement pour des durées de vingt-quatre mois.
Dans le même jugement susmentionné du 29 janvier 2024, le tribunal avait également rappelé qu'il avait récemment réduit de dix-huit à six mois une mesure d'éloignement du territoire du canton de Genève prise à l'encontre d'une personne condamnée à une seule reprise en Suisse, pour faux dans les certificats et infractions contre la LEI, et contre laquelle deux autres procédures pénales étaient en cours, dont l'une concernait une infraction contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) (JTAPI/1453/2023 du 21 décembre 2023), ce jugement n'ayant pas fait l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative. Par conséquent, le tribunal, dans l'affaire objet du JTAPI/68/2024, avait à nouveau réduit de douze à six mois la durée de l'interdiction territoriale, constatant que l'on avait affaire à des troubles de très peu de gravité contre l'ordre public liés au vol d'une faible somme d'argent (CHF 60.-) et d'un téléphone portable usagé, ainsi qu'à l'obtention d'un prestation d'assurance sociale que le Tribunal de police avait qualifiée de peu de gravité. Sur recours du commissaire de police, la chambre administrative a confirmé ce jugement en relevant que "Cette réduction permet de tenir dûment compte des particularités du cas d’espèce. Contrairement aux exemples que cite le recourant, l’intimé n’a pas participé à un trafic de drogues ni acquis des stupéfiants pour sa propre consommation, soit des infractions susceptibles de porter une atteinte importante à la sécurité et l’ordre publics" (ATA/232/2024 du 20 février 2024 consid. 3.5).
Dans le JTAPI/1960/2024 cité plus haut, comme dans quelques autres jugements antérieurs, le tribunal a considéré qu'il résultait de ce dernier considérant que la chambre administrative entendait établir une différence de traitement, quant à la durée d'une mesure d'interdiction de pénétrer sur le territoire du canton de Genève, selon que la personne concernée a commis une infraction telle qu'un vol de peu d'importance ou selon qu'elle a participé à un trafic de stupéfiants. Le tribunal a donc, dans le cas d'espèce, réduit de 18 à six mois la durée de l'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève, la personne concernée ayant été condamnée suite à plusieurs vols commis sur une période d'environ une semaine, dont la valeur n'avait pas été déterminée, ainsi que pour utilisations frauduleuses de cartes bancaires pour un montant total de CHF 158.-. A cela s'ajoutait une tentative d'utilisation frauduleuse de carte bancaire pour CHF 300.-, la transaction ayant échoué. Sur recours du commissaire de police, la chambre administrative a cependant annulé ce jugement, ajoutant aux éléments pénaux retenus par le tribunal le fait que l'intéressé avait admis avoir des antécédents pénaux en France, et a fixé la durée de l'interdiction à douze mois (ATA/68/2025 du 16 janvier 2025).
Enfin, dans un arrêt récent (ATA/519/2025 du 8 mai 2025), la chambre administrative a confirmé une interdiction territoriale d'une durée de 12 mois sur l'ensemble du canton de Genève à l'encontre d'une personne qui avait déjà fait l'objet d'une telle interdiction pour une durée de six mois en raison de sa participation à la vente de marijuana et qui, près de deux ans et demi plus tard, avait fait l'objet de deux contrôles de police successifs, à deux mois d'intervalle, dans des secteurs connus pour être le théâtre de trafic de stupéfiants.
12. En l'espèce, M. A______ ne conteste pas sur le principe la légalité de la mesure litigieuse, dont le tribunal constatera simplement qu'elles répondent aux conditions de l'art. 74 al. 1 LEI. En effet, le précité est dépourvu d'autorisation de séjour et a troublé l'ordre public en raison des faits pour lesquels il a été arrêté le 23 mai 2025, lesquels, même s'ils font actuellement uniquement l'objet d'une poursuite pénale, suffisent néanmoins pour fonder un soupçon raisonnable concernant la participation de M. A______ au trafic de stupéfiants. Ces soupçons découlent non seulement des circonstances décrites dans le rapport d'arrestation du 24 mai 2025, mais également, comme l'a relevé le représentant du commissaire de police lors de l'audience, du fait que le précité a déjà été arrêté à trois reprises à Genève dans des lieux connus pour être le théâtre du trafic de rue (avenue de la Jonction et rue de la Coulouvrenière).
M. A______ ayant rappelé que l'ecstasy doit être considérée comme une drogue douce (ATF 125 IV 90 consid. 3d), cette considération ne modifie pas ce qui précède, au vu de la jurisprudence mentionnée plus haut, selon laquelle la participation au trafic d'une telle drogue trouble l'ordre et la sécurité publique et peut justifier une mesure fondée sur l'art. 74 al. 1 LEI.
13. S'agissant de l'étendue géographique et de la durée de la mesure litigieuse, la chambre administrative, dans l'ATA/519/2025 du 8 mai 2025 cité plus haut, a confirmé une interdiction d'une durée de 12 mois valable pour l'ensemble du territoire cantonal à l'encontre d'une personne dont la seule infraction, lors de deux arrestations rapprochées, relevait de la LEI, dès lors qu'elle avait déjà fait l'objet, environ deux ans et demi plus tôt, d'une interdiction de périmètre pour une durée de six mois en raison de sa participation à de la vente de marijuana. Hormis le fait qu'en l'espèce, M. A______ n'a encore jamais fait l'objet d'une mesure d'interdiction au sens de l'art. 74 al. 1 LEI, sa situation est comparable à celle traitée par la chambre administrative, l'ordre de commission des infractions (pour l'instant soupçonnées) étant simplement inversé. Comme l'a relevé le représentant du commissaire de police lors de l'audience du 13 juin 2025, cette autorité-ci a pleinement appliqué le principe de proportionnalité lors des quatre premières arrestations de l'intéressé, puisqu'elle n'avait jusqu'alors pas prononcé de mesure d'interdiction de périmètre, nonobstant le fait que lors de trois de ses arrestations, il s'était trouvé dans un périmètre notoirement connu pour être le théâtre du trafic de stupéfiants. En ne prononçant finalement une interdiction de périmètre que lors de sa cinquième arrestation, qui inclut un soupçon de trafic de stupéfiant portant sur des pilules d'ecstasy, le commissaire de police était dès lors fondé à prendre en considération l'ensemble des circonstances et à prononcer une mesure valable pour l'ensemble du territoire cantonal et d'une durée de 12 mois.
14. S'agissant des motifs qui s'opposeraient selon M. A______ à une telle durée et justifieraient qu'elle soit limitée à un maximum de six mois, force est de constater tout d'abord que le précité n'a absolument pas rendu vraisemblable la présence dans le canton de Genève de personnes dont il serait particulièrement proche, au point qu'il les considérerait comme des membres de sa famille. À plus forte raison, il n'a pas non plus rendu vraisemblable que ces personnes séjourneraient légalement dans le canton de Genève ou qu'elles y seraient du moins déclarées auprès de l'office cantonal de la population et des migrations, au bénéfice d'une tolérance. À défaut, il s'agirait de personnes en séjour clandestin, dont il n'y aurait pas de raison de considérer qu'elles constitueraient pour M. A______ un rattachement légitime dans le canton de Genève. Le précité n'a pas non plus explicité les raisons qui empêcheraient d'envisager que ces personnes lui rendent visite en France voisine.
15. M. A______ n'ayant déclaré aucun autre rattachement avec le canton de Genève, il n'y a pas lieu de réduire la durée de la mesure querellée.
16. Partant, le tribunal confirmera l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise à l'encontre de M. A______ pour une durée de douze mois.
17. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
18. Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable l'opposition formée le 3 juin 2025 par Monsieur A______ contre la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 24 mai 2025 pour une durée de douze mois ;
2. la rejette ;
3. confirme la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 24 mai 2025 à l'encontre de Monsieur A______ pour une durée de douze mois ;
4. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;
5. dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.
Au nom du Tribunal :
Le président
Olivier BINDSCHEDLER TORNARE
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.
| Genève, le |
| La greffière |