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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1465/2025

JTAPI/499/2025 du 12.05.2025 ( MC ) , REJETE

REJETE par ATA/611/2025

Descripteurs : INTERDICTION DE PÉNÉTRER DANS UNE ZONE;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);PROPORTIONNALITÉ
Normes : LEI.74
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1465/2025 MC

JTAPI/499/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 12 mai 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate, avec élection de domicile

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


EN FAIT

1.            Monsieur A______, né le ______ 1974, est originaire du Sénégal.

2.            À teneur de l'extrait du casier judicaire suisse de l'intéressé, dans sa teneur au 17 avril 2025, il a été condamné :

-          le 19 mars 2015, par ordonnance pénale du Ministère public de Genève, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.-, avec sursis à l'exécution de la peine et délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 300.-, pour exercice illicite de la prostitution (art. 199 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)), infraction à l'art.115 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 ((LEI - RS 142.20) (entrée et séjour illégaux sans être au bénéfice d'un passeport valable et dépourvu d'autorisation en bonne et due forme des autorités compétentes, démuni de moyens de subsistance), délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) (détention et consommation de cocaïne) ;

-          le 20 janvier 2017, par ordonnance pénale du Ministère public de Genève, à une peine pécuniaire de 40 jours-amende, à CHF 10.-, sans sursis, ainsi qu'à une amende de CHF 200.-, pour exercice illicite de la prostitution (art. 199 CP), infraction à l'art. 115 LEI (séjour illégal), délit et contravention contre la LStup ;

-          le 13 février 2018, par ordonnance pénale du Ministère public de Genève, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende, à CHF 30.-, pour entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI) ;

-          le 12 décembre 2019, par ordonnance pénale du Ministère public de Genève, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 10.-, pour entrée illégale ;

-          le 16 février 2023, par le Tribunal de police de Genève, à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 20.-, avec sursis exécutoire et délai d'épreuve de trois ans, pour conduite d’un véhicule automobile en étant dans l'incapacité de conduire au sens de la loi fédérale sur la circulation routière.

3.            Il fait par ailleurs l'objet de cinq procédures pénales en cours, notamment pour non-respect d'une assignation ou interdiction de pénétrer dans une région déterminée, infractions à la LEI et à la LStup.

4.            Il a en outre fait l'objet de deux interdictions d'entrée en Suisse et au Liechtenstein prononcées à son encontre par le Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM), la première, valable du 13 juin 2018 au 12 juin 2020 et la deuxième, du 18 mai 2015 au 14 mai 2018, notifiée le 3 août 2018, mesure qu'il a violée à tout le moins à deux reprises, soit les 12 février 2018 et 11 décembre 2019 ; il a notamment été condamné en raison de ces faits par ordonnances pénales du Ministère public des 13 février 2018 et 12 décembre 2019.

5.            Le 9 octobre 2023, M. A______, porteur de son titre de séjour biométrique espagnol, valable jusqu'au 2 avril 2024, a été arrêté par les services de police, dans le quartier des B______, alors qu'il était en possession d'une trottinette électrique qui avait été volée entre le 31 août et le 1er septembre 2023, plainte pénale ayant été déposée par son propriétaire le 4 septembre 2023.

6.            Après avoir été conduit au poste de police, l'intéressé a indiqué qu'il avait acheté la trottinette en question en pièces détachées à un homme, vers la rue de Berne, entre le 1er et le 5 août 2023. Il l'avait acquise contre la somme de CHF 200.-. Il ignorait toutefois qu'elle avait été volée. Il a précisé avoir mis le moteur de son ancienne trottinette sur celle qu'il avait acquise et dont la provenance était litigieuse. Il n'avait aucune autorisation de séjour en Suisse, dont il ne voulait pas être expulsé, car il voulait continuer à voir ses amis.

7.            Sur ordre du commissaire de police, M. A______, prévenu de recel (art. 160 CP), a été mis à disposition du Ministère public, lequel, par ordonnance pénale du 10 octobre 2023, l’a condamné pour les faits ayant conduit à son arrestation, à une peine pécuniaire de 45 jours-amende, puis remis en liberté.

8.            Le même jour, par décision exécutoire nonobstant recours, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi immédiat de Suisse de M. A______.

9.            Le 10 octobre 2023, en application de l'art. 74 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI –RS 142.20), le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de pénétrer sur le territoire du canton de Genève pour une durée de douze mois.

10.        Par jugement du 31 octobre 2023, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal) a confirmé la mesure précitée.

11.        Le 16 avril 2025, M. A______ a été interpellé par les services de police genevois pour avoir vendu une boulette de cocaïne d'un poids brut de 1.1 gr à un ressortissant africain contre la somme de CHF 50.-, consommé des stupéfiants et être entré illégalement sur le territoire helvétique.

12.        Il ressort du rapport d'arrestation du 16 avril 2025 que M. A______ a été, dans un premier temps, mis en cause par son acheteur, lequel a également été interpellé, avant que ce dernier ne se rétracte et déclare que M. A______, qu'il a expliqué connaître depuis cinq ans, lui avait remis gratuitement la boulette de cocaïne.

13.        Auditionné par la police le jour-même, M. A______ a contesté avoir vendu de la cocaïne. Il a cependant admis avoir acheté 0.5 gr de cocaïne et avoir consommé cette drogue avec son ami. Il savait faire l'objet d'une décision de renvoi de Suisse. Son avocat avait cependant fait annuler cette décision, ce que ce dernier lui avait d'ailleurs confirmé la veille de son arrestation. Il a également reconnu consommer régulièrement de la cocaïne, à raison de 3 à 4 gr par semaine et dépenser environ CHF 200.- par mois pour son vice. Il se trouvait en Suisse depuis 27 ans. Il était domicilié à C______, avec son épouse et leurs deux enfants mineurs. Il y travaillait en tant que mécanicien dans un garage pour un revenu mensuel d'EUR 1'480.-. Il n'avait ni famille ni attache en Suisse.

14.        Le 17 avril 2025, l'intéressé a été entendu par le Ministère public genevois et condamné par ordonnance pénale, à une peine privative de liberté de 60 jours, ainsi qu'à une amende de CHF 500.-, pour infractions contre la LStup (vente et consommation) et entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI), renonciation à révoquer le sursis accordé le 16 février 2023 par le Tribunal de police de Genève et prolongation du délai d'épreuve d'un an.

15.        Le 17 avril 2025, à 15h35, en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (interdiction d'accès à l’ensemble du territoire genevois pour une durée de 24 mois).

16.        M. A______, sous la plume de son conseil, a formé opposition contre cette décision par courrier du 28 avril 2025 adressé au tribunal.

17.        M. A______ a été dûment convoqué pour l'audience de ce jour devant le tribunal.

18.        Lors de l'audience de ce jour, M. A______ a confirmé son opposition. Cela faisait 21 ans qu'il était entre C______ et Genève. Il avait toute sa famille et ses amis à Genève. Sur question du tribunal, il a précisé que c'étaient ses cousins qui vivaient à Genève. Il vivait entre C______ et D______ avec son épouse et leurs deux enfants âgés de cinq et huit ans. Ses enfants étaient scolarisés à C______. Il travaillait à C______ en qualité de mécanicien et percevait un salaire mensuel brut de EUR 1’480.-. Son épouse travaillait également à C______ au sein du service entretien de la mairie.

Sur question du tribunal, il a expliqué venir à Genève pour faire plaisir à ses enfants en les amenant au parc de E______. Par ailleurs, le soir, lorsqu'il voulait sortir en boîte, il était obligé de venir à Genève. Il a ajouté qu'il avait besoin de se rendre à Genève pour les fêtes religieuses ou aller à l’ambassade sénégalaise.

Il savait avoir de nombreux antécédents et s'en excusait. Cela étant, il avait formé opposition à l’ordonnance pénale rendue à son encontre le 17 avril 2025 par courrier du 28 avril 2025. La dernière mesure d’interdiction d’entrer en Suisse avait par ailleurs pris fin en 2020. Il était titulaire d'un permis de séjour espagnol valable.

Le 16 avril 2025, il était venu à Genève vers 18h30 pour y voir son ami F______, avec qui il avait prévu de regarder un match de foot dans un bar. Pour ne pas dépenser trop d’argent en alcool, ils étaient d’abord allés dans un parc où ils avaient consommé un gramme de cocaïne. Sur question du tribunal quant à sa consommation de cocaïne, il a expliqué en consommer quand il sortait ou lorsqu'il avait quelque chose d’exceptionnel. Lorsqu'il travaillait, il ne consommait pas. Les inspecteurs de police le connaissaient très bien, il venait en Suisse depuis 21 ans. Il était quelqu'un de bien éduqué, mais, parfois, il était rattrapé par sa jeunesse.

Sur questions de son conseil, il a précisé que lorsqu'il participait à des fêtes religieuses à Genève ou qu'il voyait ses cousins ou d’autres membres de sa communauté, c’était au G______. L’ambassade du Sénégal se trouvait par ailleurs à proximité de Balexert.

Il avait payé toutes les amendes auxquelles il avait été condamné, car il souhaitait être en règle en Suisse. Il avait obtenu un arrangement de paiement avec le service des contraventions, dont il remettait copie au tribunal.

Sur questions de la représentante du commissaire de police, il a indiqué qu'il n'avait pas de titre de séjour en France, mais que son titre de séjour espagnol l'autorisait à vivre et à travailler en France ; il savait pas ailleurs faire l'objet d'une décision de renvoi de Suisse qui n'avait pas encore été exécutée, raison pour laquelle il était allé en France.

À l'appui de ses déclarations, il a produit copies :

-          de l'arrangement de paiement conclu avec le service des contraventions le 24 avril 2025 ;

-          d'un récépissé postal d'un montant de CHF 140.- payé le 5 mai 2025 à l'office de poste du Mont-Blanc, 1200 Genève1 1 ;

-          de son passeport sénégalais n°1______, délivré le ______ 2024 et valable jusqu'au 25 mars 2029 ;

-          du courriel de son conseil du 28 avril 2025 par lequel il a formé opposition à l'ordonnance pénale rendue à son encontre le 17 avril 2025.

M. A______, par l'intermédiaire de son conseil, ne contestait pas l'interdiction dans son principe, mais a conclu à la réduction de son périmètre au seul centre-ville de Genève, ainsi qu’à la réduction de sa durée, laquelle était laissée à l’appréciation du tribunal, celle-ci devant toutefois être clémente au vu des circonstances.

La représentante du commissaire de police a conclu à la confirmation de l’interdiction territoriale prononcée, tant s’agissant de sa durée que de son étendue.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner sur opposition la légalité et l’adéquation de l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prononcée par le commissaire de police à l'encontre d'un ressortissant étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             L'opposition ayant été formée dans le délai de dix jours courant dès la notification de la mesure querellée, elle est recevable sous l'angle de l'art. 8 al. 1 LaLEtr.

3.             Statuant ce jour, le tribunal respecte en outre le délai de vingt jours que lui impose l'art. 9 al. 1 let. b LaLEtr.

4.             Selon l'art. 74 al. 1 LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou de ne pas pénétrer dans une région déterminée dans les cas suivants :

a. l'étranger n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants ;

b. l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire ;

c. l'exécution du renvoi ou de l'expulsion a été reportée (art. 69 al. 3 LEI).

5.             Conformément à l'art. 74 al. 2 LEI, la compétence d'ordonner ces mesures incombe au canton qui exécute le renvoi ou l'expulsion.

6.             De son côté, l'art. 6 al. 3 LaLEtr précise que l'étranger peut être contraint à ne pas quitter le territoire qui lui est assigné ou à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment suite à une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommage à la propriété ou pour une infraction à la LStup.

7.             Les mesures d'assignation d'un lieu de séjour et d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée répondent à deux préoccupations. Elles permettent d'intervenir pour protéger la sécurité et l'ordre publics - plus particulièrement dans les domaines qui ne peuvent guère être couverts par le droit pénal - à l'encontre de ressortissants étrangers dont le départ ne peut pas être exigé en raison d'une demande d'asile pendante ou de l'absence de titre de voyage. En outre, elles peuvent être ordonnées à l'égard d'étrangers dont le renvoi est durablement entravé et pour lesquels il est nécessaire de les tenir éloignés d'un endroit déterminé ou de pouvoir les surveiller (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 rendu sous l'égide de
l'art. 13 aLSEE, remplacé par l'art. 74 al. 1 LEI - cf. supra).

8.             L'étranger est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire s'il n'observe pas les mesures qui lui sont imposées dans ce cadre (cf. art. 119 LEI).

9.             Les mesures prévues par l'art. 74 al. 1 LEI visent à prévenir les atteintes à la sécurité et à l'ordre publics plutôt qu'à sanctionner un comportement déterminé de ressortissants étrangers dont le départ ne peut pas être exigé en raison d'une demande d'asile pendante ou de l'absence de titre de voyage (arrêt du Tribunal fédéral 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 2a).

10.         D'après la jurisprudence, le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie même une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1 ; 2A.347/2003 du 24 novembre 2003 consid. 2.2). En outre, de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3 ; 2A.148/2003 du 30 mai 2003 consid. 3.3). Les étrangers qui sont mêlés au commerce des stupéfiants doivent s'attendre à faire l'objet de mesures d'éloignement, la protection de la collectivité publique face au développement du marché de la drogue présentant incontestablement un intérêt public prépondérant justifiant l'éloignement d'un étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_530/2007 du 21 novembre 2007 consid. 5).

11.         La jurisprudence considère qu'une condamnation pénale n'a pas besoin d'être définitive pour fonder au moins l'existence de soupçons d'une infraction, lesquels sont suffisants dans le cadre de l'application de l'art. 74 LEI.

12.         En l'espèce, le principe de l'interdiction territoriale prononcée par le commissaire de police n’est, à juste titre, pas remis en cause par l’intéressé qui fait l'objet d'une décision de renvoi du territoire helvétique prononcée à son encontre le 10 octobre 2023 et n’est, a fortiori, titulaire d’aucune autorisation de courte durée, de séjour ou d’établissement qui l’autoriserait à demeurer en Suisse et qu’il a par ailleurs des antécédents nombreux en lien avec les stupéfiants. Les conditions des art. 74 al. 1 let. a LEI et 6 al. 3 LaLEtr sont donc réunies.

13.         Les mesures interdisant de pénétrer dans une région déterminée doivent respecter le principe de la proportionnalité énoncé à l’art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101).

Elles doivent être nécessaires et suffisantes pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4). En particulier, la délimitation géographique et la durée de la mesure doivent être prises en considération en fonction du but poursuivi. En matière d'interdiction de pénétrer sur une partie du territoire, le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles. Elles ne peuvent en outre pas être ordonnées pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c).

14.         L'art. 74 LEI ne précise pas la durée de la mesure. Celle-ci doit répondre au principe de proportionnalité, à savoir être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3). Elle ne peut pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3).

Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (cf. not. arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.2 ; ATA/1371/2020 du 30 décembre 2020 consid. 5); vers le haut, des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2 ; ATA/1347/2018 du 13 décembre 2018 consid. 6), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.

15.         La chambre administrative de la Cour de justice a récemment confirmé une première mesure d’interdiction territoriale pour une durée de 18 mois prononcée contre un étranger condamné à six reprises en 2019 et 2025 pour infractions à la LStup et à d’autres reprises pour infractions à la LEI. Sa dernière condamnation, par ordonnance pénale du 23 janvier 2025, portait sur la vente de 3 gr de cocaïne au total (ATA/247/2025 du 11 mars 2025).

Elle a confirmé une interdiction territoriale de douze mois dans le canton de Genève à l’encontre d’une personne sans antécédents, interpellée et condamnée par le Ministère public pour avoir vendu une boulette de cocaïne, l’intéressé n’ayant aucune ressource financière ni aucun intérêt à venir dans le canton (ATA/655/2021 du 23 juin 2021 ; ATA/802/2019 du 17 avril 2019).

Elle a enfin confirmé des interdictions territoriales pour une durée de 18 mois prononcées contre un étranger interpellé en flagrant délit de vente de deux boulettes de cocaïne et auparavant condamné deux fois et arrêté une fois pour trafic de stupéfiants (ATA/2577/2022 du 15 septembre 2022) ou un étranger sans titre, travail, lieu de séjour précis ni attaches à Genève, condamné plusieurs fois pour infractions à la LEI et la LStup (ATA/536/2022 du 20 mai 2022).

16.      En l’espèce, le tribunal retient que M. A______ n'a pas de liens avérés avec Genève. Il est en effet établi que son centre de vie se trouve en France, entre C______ et D______, où il réside avec son épouse et leurs deux enfants mineurs et travaille en qualité de mécanicien. Par ailleurs, même à retenir qu'il entretiendrait des relations avec ses cousins résidant à Genève et qu'il participerait à des fêtes religieuses qui seraient organisées dans la commune de H______, ce qui n'est pas démontré, cela ne saurait justifier de la nécessité de se rendre dans le canton, rien ne s'opposant à ce que ses cousins et/ou d'autres membres de sa communauté lui rendent visite en France.

L'on relèvera encore que M. A______ n'a pas été interpellé à la sortie d'un rassemblement religieux ou avec des membres de sa famille et/ou communauté, mais dans le quartier des B______, où il a admis s'être rendu pour boire de l'alcool, regarder un match de football et, à tout le moins, consommer de la cocaïne.

Dans ces conditions, il n'est pas déraisonnable de penser que sa présence à Genève résulte d'une volonté de commettre ou de permettre la commission d’activités délictuelles, voire criminelles, telles que le trafic de stupéfiants ou à tout le moins la consommation de stupéfiants, et qu'il pourrait encore être amené à en commettre, M. A______ ayant admis être consommateur régulier de cocaïne lors de son audition par la police, drogue qu'il explique consommer lorsqu'il se rend à Genève dans le but de sortir en discothèque notamment.

Au vu de ce qui précède, le périmètre de la mesure, qui apparaît conforme à la jurisprudence et adapté aux circonstances, sera donc confirmé.

Enfin, la durée de la mesure, de 24 mois, apparaît conforme à la jurisprudence rappelée ci-dessus et adaptée aux circonstances du cas d'espèce, étant rappelé que l’intéressé n’a pas respecté la première mesure de durée inférieure prononcée à son encontre le 10 octobre 2023 et qu'il a, depuis son prononcé, été condamné à quatre reprises par l'autorité de poursuite pénale, notamment le 7 mai 2024, bien que dites condamnations ne soient, à ce jour, pas entrées en force.

17.         Partant, le tribunal confirmera l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise à l'encontre de M. A______ pour une durée de 24 mois.

18.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

19.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 28 avril 2025 par Monsieur A______ contre la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 17 avril 2025 pour une durée de 24 mois ;

2.             la rejette ;

3.             confirme la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 17 avril 2025 à l'encontre de Monsieur A______ pour une durée de 24 mois ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier