Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/1073/2025

JTAPI/331/2025 du 01.04.2025 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;PROCÉDURE ÉCRITE;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.79a
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1073/2025 MC

JTAPI/331/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 1er avril 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Gabriele SEMAH, avocat

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Le prétendument dénommé Monsieur A______, né le ______ 1996 et originaire d'Algérie, mais démuni de tout document d'identité, s'est vu notifier par le commissaire de police, le 12 juin 2024, une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois.

2.             Par jugement du 18 mars 2025, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a déclaré M. A______ coupable de brigandage (art. 140 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)), de vol (art. 139 ch. 1 CP), de vol d'importance mineure, d'entrée illégale et de consommation de stupéfiants, et l'a condamné à une peine privative de liberté de 22 mois et 10 jours (sous déduction de 281 jours de détention avant jugement), avec sursis partiel (peine prononcée sans sursis à raison de 6 mois). Simultanément, l'autorité de jugement a ordonné l'expulsion de Suisse de l'intéressé pour une durée de cinq ans ainsi que sa libération immédiate.

3.             L'intéressé a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

4.             Les démarches visant à informer le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) de la situation de l'intéressé en Suisse et à charger ladite autorité fédérale d'examiner la possibilité d'engager une procédure Dublin sont en cours d'organisation.

5.             Il ressort du dossier ainsi que des déclarations de M. A______ que celui-ci n'a aucun lieu de résidence fixe en Suisse, où il n'a par ailleurs aucune attache particulière, ni source légale de revenu.

6.             Le 18 mars 2025 à 17h10 le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de sept semaines sur la base de l'art. 76a al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

7.             Par requête du 25 mars 2025, reçue par le tribunal le 28 suivant, M. A______ a sollicité du tribunal l’examen de la légalité et de l’adéquation de sa détention administrative.

8.             Le 28 mars 2025, le commissaire de police, sur demande du tribunal, a transmis son dossier et ses observations. Figure au dossier, notamment, un extrait du fichier Eurodac mentionnant qu'une demande d'asile avait été déposée par M. A______ à B______ (Slovénie) le 9 mars 2022.

9.             Dans le délai imparti pour sa détermination, le conseil de M. A______ a indiqué que son mandant acceptait de retourner en Slovénie dans l'éventualité d'une procédure Dublin.

10.         Le commissaire de police s'est déterminé à son tour par courriel du 31 mars 2025, renvoyant en substance aux motifs de sa décision.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.            Selon l'art. 80a al. 3 LEI, la légalité et l'adéquation de la détention ordonnée dans le cadre d'une procédure Dublin sont examinées, sur demande de la personne détenue, par une autorité judiciaire au terme d'une procédure écrite. Cet examen pouvant être demandé à tout moment.

3.            La LaLEtr, qui n'a pas été mise à jour suite à l'adoption et l'entrée en vigueur des art. 76a et 80a LEI, ne définit pas la compétence et ne détermine pas la procédure applicable dans les cas de figure envisagés par ces dispositions. Il ne fait néanmoins pas de doute que la compétence du tribunal est donnée s'agissant des demandes formées par les personnes détenues sur la base de l'art. 76a LEI (cf. not. JTAPI/817/2021 du 20 août 2021 confirmé par ATA/903/2021 du 3 septembre 2021; JTAPI/1004/2020 du 19 novembre 2020 confirmé par ATA/1252/2020 du 8 décembre 2020 ; JTAPI/803/2019 du 6 septembre 2019).

4.            En l’espèce, M. A______ a demandé par acte motivé du 25 mars 2025 reçu par le tribunal le 28 suivant, que ce dernier contrôle la légalité et l'adéquation de sa détention.

5.            Le tribunal peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

6.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).

7.            Selon l’art. 28 ch. 2 du Règlement Dublin III, les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément audit règlement lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d’une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées. À teneur du ch. 3 du même article, le placement en rétention est d’une durée aussi brève que possible et ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnablement nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises avec toute la diligence voulue jusqu’à l’exécution du transfert au titre du présent règlement.

8.            Lorsqu’une personne est placée en rétention en vertu du présent article, le délai de présentation d’une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge ne dépasse pas un mois à compter de l’introduction de la demande. L’État membre qui mène la procédure conformément au présent règlement demande dans ce cas une réponse urgente. Cette réponse est donnée dans un délai de deux semaines à partir de la réception de la requête. L’absence de réponse à l’expiration de ce délai de deux semaines équivaut à l’acceptation de la requête et entraîne l’obligation de prendre ou de reprendre en charge la personne, y compris l’obligation d’assurer la bonne organisation de son arrivée.

9.            Lorsqu’une personne est placée en rétention en vertu du présent article, son transfert de l’État membre requérant vers l’État membre responsable est effectué dès qu’il est matériellement possible et au plus tard dans un délai de six semaines à compter de l’acceptation implicite ou explicite par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou à compter du moment où le recours ou la révision n’a plus d’effet suspensif conformément à l’art. 27, paragraphe 3 (ch.3).

10.        À teneur de l'art. 76a al. 1 LEI, afin d'assurer son renvoi dans l'État Dublin responsable, l'autorité compétente peut mettre l'étranger en détention sur la base d'une évaluation individuelle lorsque les conditions suivantes sont remplies : des éléments concrets font craindre que l'étranger concerné n'entende se soustraire au renvoi (let. a), la détention est proportionnée (let. b) et d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être appliquées de manière efficace (art. 28 par. 2 du règlement [UE] n° 604/2013) (let. c).

11.        Selon l'art. 76a al. 2 LEI, les éléments concrets suivants font craindre que l'étranger entende se soustraire à l'exécution du renvoi : son comportement en Suisse ou à l'étranger permet de conclure qu'il refuse d'obtempérer aux instructions des autorités (let. b), il quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l'art. 74 (let d), qu’il a été condamné pour crime (let. h).

12.        Les motifs énumérés, de manière exhaustive, à l'art. 76a al. 2 LEI correspondent en principe à ceux déjà retenus aux art. 75 et 76 LEI (Gregor CHATTON/ Laurent MERZ in Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, n° 2.5 ad art. 76a, p. 808).

13.        Par crime, au sens de l'art. 76a al. 2 let. h LEI, il faut entendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (cf. art. 10 al. 2 CP; ATA/295/2011 du 12 mai 2011 consid. 4 relatif à l'art. 75 al. 1 let. h LEI, dont la teneur est identique).

14.        Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit dans tous les cas respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 76a al. 1 let. b et c LEtr ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Il convient en particulier d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi constitue une mesure appropriée et nécessaire (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 134 I 92 consid. 2.3 et 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 et 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. ATF 130 II 425 consid. 5.2).

15.        Selon l'art. 76a al. 3 let. a LEI, à compter du moment où la détention a été ordonnée, l'étranger peut être placé ou maintenu en détention pour une durée maximale de sept semaines pendant la préparation de la décision relative à la responsabilité du traitement de la demande d'asile ; les démarches y afférentes comprennent l'établissement de la demande de reprise en charge adressée à un autre État Dublin, le délai d'attente de la réponse à la demande ou de son acceptation tacite, la rédaction de la décision et sa notification.

16.        En l’occurrence, toutes les conditions légales de la détention au sens de l'art. 76a LEI sont réalisées, ce que M. A______ ne conteste d'ailleurs pas. En particulier, il faut relever qu'il a déposé une demande d'asile en Slovénie, qui se trouve donc être le pays responsable au sens des accords Dublin, ce qui ouvre en soi la possibilité d'une détention au sens de l'art. 28 du Règlement Dublin III rappelé plus haut, ainsi qu'au sens de l'art. 76a LEI. La condition prévue par l'al.1 let. a de cette dernière disposition, en particulier, est réalisée, par renvoi de l'art. 76a al. 2 let. h LEI, du fait que M. A______ a été condamné pour brigandage et vol, infractions constitutives de crime. En outre, compte tenu de l'importance de l'atteinte portée par M. A______ à l'ordre et la sécurité publics, sa détention est en soi proportionnée, l'intérêt public à son éloignement de Suisse l'emportant sur son intérêt privé à ce que sa liberté ne soit pas entravée. Enfin, aucune autre mesure moins incisive que sa détention ne paraît propre à assurer son expulsion de Suisse, vu l'important doute que son comportement entraîne sur sa capacité à se soumettre aux injonctions des autorités.

17.        Il apparait également que la détention administrative demeurera conforme sous l’angle de l’art. 76a al. 3 let. c LEI, le moment venu, le délai de sept semaines de l’art. 76a al. 3 let. a n’étant largement pas échu en l’espèce et la décision du SEM devant être notifiée ces prochains jours au plus tard, notification qui permettra aux autorités de passer à la phase du transfert proprement dit dans l’Etat Dublin responsable.

18.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative litigieux dont les conditions sont remplies.

19.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 18 mars 2025 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de sept semaines, soit jusqu'au 5 mai 2025 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière