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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4100/2024

JTAPI/311/2025 du 25.03.2025 ( LCR ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : EXPERTISE;ALCOOLÉMIE;CAPACITÉ DE CONDUIRE
Normes : LCR.15d.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4100/2024 LCR

JTAPI/311/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 mars 2025

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Serguei LAKOUTINE, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1975, est titulaire du permis de conduire suisse pour la catégorie B depuis le 30 mars 2017. Elle est également titulaire d’un permis de conduire ukrainien depuis le 10 juin 2003.

2.             Il ressort du rapport de renseignements établi par la police le 21 janvier 2025 que le 28 novembre 2024, à 01h47, alors que Mme A______ circulait au volant du véhicule

3.             Le 25 avril 2023, une décision d’avertissement à son égard a été prononcée par l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV). Mme A______ n’avait pas voué l’attention nécessaire à la route et à la circulation en manipulant son téléphone portable le 16 mars 2023 à 16h00, alors qu'elle circulait au volant de la voiture de tourisme immatriculée GE 1______, sur le boulevard Emile-Jacques-Dalcroze, en direction du rond-point de Rive.

Sur le plan administratif, au sens de l’art. 16a al. 1 let. a de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), cet évènement constituait une infraction légère aux règles de la circulation routière. Compte tenu de son absence d’antécédent et en application des dispositions légales en vigueur, notamment l’art. 16a al. 3 LCR, il ne lui était adressé qu’un avertissement et il était mis à sa charge un émolument de CHF 125.- représentant les frais de dossier qui étaient dus indépendamment de l’amende. Les données relatives à cet avertissement seraient inscrites dans le système d’information relatif à la circulation (ci-après : SIAC).

4.             Il ressort du rapport établi par la police, le 21 janvier 2025, que le 28 novembre 2024, à 01h47, Mme A______ a été impliquée dans un accident avec dégâts matériels. Alors qu'elle circulait à la rue Henri-Blanvalet, à la hauteur du n°16, en direction de la Mairie, l'intéressée avait entamé une manœuvre afin de prendre un stationnement situé sur la gauche de la chaussée. Lors de cette marche arrière, sans précaution, elle avait percuté, avec l’arrière de son véhicule, l’avant du motocycle de Monsieur B______, correctement stationné, le faisant tomber au sol. Son ami, Monsieur C______, était passager avant du véhicule au moment des faits. Sur les lieux de l'accident, l'éthylotest pratiqué sur l'intéressée avait révélé un taux d'alcoolémie de 0.82 mg/l. Après que les policiers leur avaient expliqué la suite de la procédure, M. C______ avait refusé de laisser partir Mme A______ avec les services de police.

Mme A______ a été acheminée à la brigade routière et accident (ci-après : BRA) pour la suite de la procédure. Il était en outre précisé que cette dernière n’avait pas cessé de vociférer dans le véhicule de service. Elle avait ensuite refusé de se soumettre à l’éthylomètre, ainsi qu’à la prise de sang. Elle avait par ailleurs refusé de répondre à toutes les questions des policiers. Elle avait souhaité qu’il soit fait appel à son avocat, Maître D______, lequel avait été contacté téléphoniquement, en vain.

Nanti des faits susmentionnés, le commissaire de service avait ordonné la prise de contact avec le procureur de permanence, lequel, informé à 03h30, avait ordonné la mise en attente de l’audition de la précitée afin que son taux d’alcoolémie diminue et avait renoncé à la prise de sang. A 05h00, Mme A______ n’avait pas souhaité prendre connaissance de ses droits et ne les avait pas signés. De ce fait, elle n’avait pas été auditionnée sur les faits qui lui étaient reprochés.

Le 4 décembre 2024, un témoin de l’accident avait été auditionné en qualité de personne appelée à donner des renseignements. Il ressortait de son audition qu’il confirmait le déroulement de l’accident comme mentionné ci-dessus.

5.             Suite à l’accident du 28 novembre 2024, la police avait, le jour même, saisi le permis de conduire de Mme A______ et lui avait signifié une interdiction de circuler. Cette dernière avait refusé de signer le document.

6.             Par décision du 29 novembre 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours, prise en application des art. 30 de l’ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51) et 15d al. 1 let. a LCR, l'OCV a retiré le permis de conduire de Mme A______ à titre préventif pour une durée indéterminée et lui a ordonné de se soumettre à une expertise réalisée par un médecin de niveau 4 afin d’évaluer son aptitude à la conduite.

L'infraction retenue était une conduite en état d'ébriété en présentant un taux d'alcool qualifié, soit avec une concentration d'alcool de 0.82 mg/l à l'éthylomètre [éthylotest] et heurt d’un motocycle correctement stationné, le 28 novembre 2024, à 01h47, sur la rue Henri-Blanvalet en direction de l’avenue Pictet-de-Rochemont, au volant d’une voiture. Vu l’importance du taux d’alcool avec lequel elle avait conduit, l’examen du dossier incitait l’autorité à concevoir des doutes quant à son aptitude à la conduite. Elle ne pouvait justifier d’une bonne réputation, le SIAC faisant apparaître un avertissement prononcé par décision du 25 avril 2023.

Une décision finale serait prise lorsque les questions relatives à son aptitude à conduire auraient été élucidées ou dans un délai de six mois, en cas de non-soumission à l’examen imposé.

7.             Par acte du 10 décembre 2024, Mme A______ (ci-après : la recourante), sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) concluant, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif au recours, principalement, à l’annulation de la décision précitée et, subsidiairement, au renvoi du dossier à l’autorité intimée pour une nouvelle décision dans le sens des considérants.

Elle se plaignait tout d’abord d’une constatation inexacte et incomplète des faits pertinents, ainsi que de leur appréciation arbitraire et de la violation de son droit d’être entendue. Elle avait été contrôlée par la police le 28 novembre à 01h47. Le 29 novembre 2024 déjà, une décision de retrait de permis de conduire à titre préventif avait été préparée par l’autorité intimée et envoyée à la recourante, qui l’avait reçue le 30 novembre 2024 à son domicile. Aucune possibilité de s’exprimer ne lui avait été donnée, en violation manifeste de son droit d’être entendue. Par ailleurs, les faits n’étaient pas suffisamment établis, car l’autorité intimée n’avait pas précisé et analysé de manière suffisante et diligente les circonstances du contrôle par la police et n’avait pas pris en compte la situation de la recourante. En effet, l’autorité intimée n’avait pas pris en compte le fait que la recourante possédait un permis de conduire depuis 2000, qu'il s’agissait d’abord d’un permis de conduire ukrainien, son pays d’origine, puis d’un permis de conduire suisse qui lui avait été octroyé après avoir réussi des tests de conduite conformément à la législation. De la sorte, depuis l’obtention de son permis de conduire, et en tout cas depuis son arrivée en Suisse en 2005, elle avait fait l’objet d’une seule infraction à la LCR, à savoir un avertissement en date du 25 avril 2023. En outre, son casier judiciaire était vierge.

Ainsi, l’autorité intimée avait passé sous silence ces faits et les avait appréciés de manière arbitraire, en considérant que la recourante ne pouvait justifier d’une bonne réputation.

En outre, l’autorité intimée avait également constaté arbitrairement qu’il y avait des doutes sérieux quant à son aptitude à conduire des véhicules à moteur. Comme seul fondement et justification, elle avait indiqué « l’importance du taux d’alcool avec lequel vous avez conduit ». Or, le taux de 0.82 mg/l était certes plus élevés que le taux d’alcoolémie autorisé par la loi, mais ne justifiait pas une telle mesure. Le taux en question devait entraîner un retrait de permis d’au minimum trois mois selon la législation en vigueur, ce qui était indiscutable et non contesté. Ce qui était contesté était l’appréciation arbitraire des faits par l’autorité intimée dans le cas d’espèce au motif qu'une décision de retrait du permis de conduire pour une durée indéterminée à titre préventif avait été prise sur la seule base d’un taux d’alcool qualifié. L’autorité intimée n’avait pas pris en compte la conduite de la recourante depuis 19 ans en Suisse avec un seul avertissement, pour un excès de vitesse et non pour conduite en état d'ébriété.

Elle n’avait pas non plus pris en compte les circonstances concrètes lors du contrôle : il n’y avait eu aucun accident, aucun blessé, il était presque deux heures du matin et il s’agissait d’une soirée festive entre amis dans un quartier animé de la ville. Elle n’avait pas été contrôlée positive à l’alcool à huit heures du matin en amenant ses enfants à l’école de E______ (GE), ce qui aurait pu soulever des questions légitimes quant à ses habitudes de consommation d’alcool. Elle avait violé la loi et ne se cherchait pas d'excuses. Son permis de conduire devait lui être retiré, mais, compte tenu de ce qui précédait, un retrait minimal de trois mois paraissait justifié dans le cas d’espèce.

Ainsi, le retrait à titre préventif pour une durée indéterminée était manifestement arbitraire et disproportionné. Il en allait de même pour l'expertise par un médecin de niveau 4, qui ne se justifiait pas et était par ailleurs longue et couteuse au vu du dossier.

Elle n’avait aucun historique connu de dépendances, ou des contrôles antérieurs liés à l’alcool ou aux drogues. Il n’existait aucun indice sérieux et objectif quant à une incapacité de conduire des véhicules à moteur.

Par conséquent, l’autorité intimée avait violé la loi et abusé de son pouvoir d’appréciation dans le cas d’espèce.

8.             Le 11 décembre 2024, le tribunal a imparti à l’OCV un délai au 23 décembre 2024 pour se déterminer quant à la restitution de l’effet suspensif attachée au recours. Un délai au 10 février 2025 lui était également imparti pour communiquer ses observations et produire son dossier.

9.             Par courrier du 12 décembre 2024, Mme A______, sous la plume de son conseil, a adressé à l'OCV, une attestation établie le 11 décembre 2024 par son médecin traitant, la Doctoresse F______.

A teneur de cette attestation, la Dre F______ n'avait pas de notion ou de signes d’abus d’alcool chronique chez sa patiente. Le dosage du CDT récent montrait des valeurs dans la norme, étant précisé qu'un test positif aurait indiqué une consommation chronique de plus de 60 gr d'alcool par jour pendant au moins deux semaines, ce qui n'était pas le cas chez la patiente.

Ainsi, cette attestation confirmait son absence de dépendance à l’alcool. Elle sollicitait dès lors la levée provisoire du retrait.

En outre, elle se disait prête à retirer son recours, si l'autorité annulait le retrait de permis à titre préventif à durée indéterminée et qu'elle prononçait, en lieu et place, un retrait d’au minimum trois mois, vu l’infraction grave qui avait été commise, selon la loi. Elle demandait également à ce que l’expertise avec un médecin de niveau 4 soit annulée.

10.         Le 12 décembre 2024, Mme A______, sous la plume de son conseil, a transmis au tribunal l’attestation médicale précitée.

11.         Par correspondance du 18 décembre 2024, l’OCV a informé la recourante de ce qu'il avait été décidé, au vu du certificat médical établi par la Dre F______, de lui restituer son permis de conduire à titre provisoire. Ainsi, dès le 20 décembre 2024, elle était à nouveau en droit de faire usage de son permis, jusqu'à la réalisation de l'expertise visant à évaluer son aptitude à la conduite, laquelle devait impérativement être mise en œuvre dans le délai initialement accordé dans sa décision du 29 novembre 2024, laquelle était maintenue.

Passé le délai précité, dans l'éventualité où les questions relatives à l'aptitude à la conduite de la recourante n'auraient pas été élucidées, l'autorité serait dans l'obligation de la présumer inapte à la conduite et, partant, de lui retirer son permis pour une durée indéterminée.

12.         Par courrier du même jour, l'OCV a transmis au tribunal copie de son courrier à la recourante. Le délai au 23 décembre 2024 qui lui avait été octroyé pour se déterminer quant à la restitution de l’effet suspensif était ainsi devenu sans objet. Pour le surplus, il maintenait les termes de sa décision et transmettrait les pièces du dossier, ainsi que ses déterminations dans le deuxième délai qui lui avait été imparti au 10 février 2025.

13.         Dans ses observations du 6 février 2025, l’OCV a conclu au rejet du recours et a produit son dossier.

Compte tenu du taux relevé dans le cas d’espèce, il n’avait pas d’autre choix que de mettre en œuvre une expertise afin de lever tout doute sur l’éventualité d’une dépendance à l’alcool et sur l’aptitude à la conduite de la recourante. Il n’appartenait ni à la recourante, ni au tribunal, à ce stade, de se déterminer sur la question de l’aptitude à la conduite de la précitée, à laquelle seule l’expertise ordonnée devait répondre. La prise en considération de tous les éléments plaidant pour ou contre cette aptitude aurait en effet lieu à l’issue de cette procédure. La seule question qui se posait à ce stade revenait en effet à savoir s’il existait ou non des doutes quant à cette aptitude, susceptibles de justifier la mise en œuvre d’une telle expertise.

Or, il n’était pas contesté que la recourante avait conduit un véhicule en état d’ébriété, en présentant un taux d’alcool qualifié, ce qui fondait en soi un sérieux soupçon préalable que son aptitude à la conduite pourrait être réduite, de sorte qu’elle devait se soumettre à une enquête, comme l’exigeait l’art. 15d al. 1 let. a LCR. Il n’avait pas de marge de manœuvre à cet égard.

Le grief de violation du droit d’être entendue invoqué par la recourante devait être rejeté dès lors qu’il avait prononcé une mesure de sécurité dans les dix jours à compter de la saisie du permis de conduire de celle-ci conformément à l’art. 30 al. 2 de l’OAC. De surcroît, l’art. 43 let. d de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10) prévoyait que le droit d’être entendu pouvait être limité, voire supprimé, lorsque cela était justifié lorsqu’il y avait péril en la demeure, tel qu’un intérêt public prépondérant, comme en l’espèce. Enfin, la possibilité de contester la décision litigieuse par voie de recours permettait, en l’espèce, de remédier aux conséquences d’une prétendue violation de ce droit.

En conséquence, il estimait avoir correctement appliqué le droit, raison pour laquelle il maintenait les termes de sa décision du 29 novembre 2024 et concluait au rejet du recours, frais et dépens à la charge de la recourante.

14.         Dans le délai imparti, la recourante n’a pas répliqué.

15.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l'espèce (art. 61 al. 2 LPA).

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2).

Saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office. S'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; cf. ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a ;ATA/585/2015 du 9 juin 2015 ; ATA/285/2013 du 7 mai 2013), de sorte qu'il peut admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (cf. ATF 135 III 397 consid. 1.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_540/2013 du 5 décembre 2013 consid. 3 ; 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 2.1)

4.             Dans un premier grief, la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue au motif que l'OCV ne lui a jamais donné la possibilité de se déterminer sur la mesure qu'il s'apprêtait à prendre, soit celle de lui faire passer une expertise auprès d’un médecin de niveau 4 afin de déterminer son aptitude à la conduite.

5.             Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. − RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à leur détriment, de produire des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à leurs offres de preuves pertinentes ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; ATF 142 II 218 consid. 2.3).

6.             Le droit d’être entendu implique aussi l’obligation, pour l’autorité, de motiver sa décision afin que le destinataire puisse la comprendre, l’attaquer utilement s’il y a lieu et afin que l’autorité de recours puisse exercer son contrôle. L’autorité doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidé et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. Elle n’est pas tenue de discuter tous les arguments soulevés, mais peut se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige. La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision. Savoir si la motivation présentée est convaincante est une question distincte de celle du droit à une décision motivée. Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l’autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_762/2020 du 17 mars 2021 consid. 2.1 et les références citées ; 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 ; ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 6b).

7.             Une violation du droit d’être entendu peut être réparée lorsque la partie lésée a la possibilité de s’exprimer devant une autorité de recours jouissant d’un plein pouvoir d’examen, pour autant que celle-ci dispose du même pouvoir d’examen que l’autorité inférieure. Si une telle réparation dépend de la gravité et de l’étendue de l’atteinte portée au droit d’être entendu et doit rester l’exception, elle peut cependant se justifier même en présence d’un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure. En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; ATA/782/2022 du 9 août 2022 consid. 2b ; ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 6c et les références citées).

8.             En l'espèce, la décision querellée mentionne les bases légales applicables (art. 30 OAC et 15d al. 1 let. a LCR) et les faits pertinents sur lesquels elle se fonde. Le tribunal retient en outre que, contrairement à ce que soutient la recourante, l'OCV était fondé à subordonner la recourante à une expertise au sens de l’art. 30 OAC, sans l’entendre préalablement. En effet, au vu du taux d’alcool constaté lors de son arrestation par la police le 29 novembre 2024, l’expertise apparaissait comme la seule mesure d’instruction permettant d’établir son aptitude à la conduite et de lever tout doute quant à une possible dépendance à l’alcool.

9.             Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que le droit d’être entendue de la recourante, lequel aurait d’ailleurs été, en tout état, réparé devant le tribunal de céans, n’a pas été violé.

10.         Dans un second grief, la recourante demande à ce que l’expertise soit annulée et qu’un retrait du permis de conduire d’une durée minimale de trois mois soit prononcée à son encontre en lieu et place du retrait du permis de conduire à titre préventif à durée indéterminée.

11.         Au préalable, le tribunal relèvera que, puisque le permis de conduire de la recourante lui a été restitué provisoirement, le litige sera circonscrit à la seule la question de savoir s'il existait des doutes suffisants quant à son aptitude à la conduite, susceptibles de justifier la mise en œuvre d'une expertise.

12.         Selon l'art. 14 al. 1 et 2 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l'aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite, à savoir en particulier posséder les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b) et ne souffrir d'aucune dépendance l'empêchant de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c).

Si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l'objet d'une enquête dans les cas énumérés de manière non exhaustive à l'art. 15d al. 1 let. a à e LCR (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1).

L'art. 15d al. 1 let. a LCR prévoit que si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l'objet d'une enquête, notamment en cas après une conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool dans le sang de 1,6 gr ‰ ou plus ou un taux d'alcool dans l'haleine de 0,8 milligramme ou plus par litre d'air expiré.

13.         Un examen d'aptitude est en particulier ordonné, selon l'art. 15d al. 1 let. a LCR, lorsqu'un conducteur a circulé en étant pris de boisson avec un taux d'alcool dans le sang de 1,6 g pour mille ou plus ou un taux d'alcool dans l'haleine de 0,8 mg ou plus par litre d'air expiré et ce, sans exigence de facteurs additionnels (Cédric MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire, n. 10.3.1 p. 74). Des concentrations aussi élevées sont l'indice d'un problème de consommation abusive, voire d'addiction (Message du Conseil fédéral du 20 octobre 2010 concernant Via sicura, le programme d'action de la Confédération visant à renforcer la sécurité routière, in FF 2010 p. 7755 et les auteurs cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016k du 22 février 2017 consid. 2.1.1 ; 1C_331/2016 du 29 août 2016 consid. 5).

Lorsque l'alcoolémie relevée est supérieure à ces valeurs au moment des faits, l'autorité n'a pas d'autre choix que de mettre en œuvre une expertise afin de lever tout doute sur l'éventualité d'une dépendance à l'alcool et sur l'aptitude à la conduite de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_331/2016 du 29 août 2016 consid. 5 ; cf. aussi ATA/390/2018 du 24 avril 2018 consid. 4).

14.         Selon l'art. 5a OAC, les examens relevant de la médecine du trafic visés dans cette ordonnance peuvent être réalisés seulement sous la responsabilité de médecins reconnus (al. 1). Les examens relevant de la psychologie du trafic visés dans cette ordonnance peuvent être réalisés seulement sous la responsabilité de psychologues reconnus (al. 2).

Le médecin qui procède à l'examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite doit avoir obtenu une reconnaissance de niveau 4 dans les cas visés à l'art. 15d al. 1 let. a et b LCR (art. 28a al. 2 OAC).

15.         En l’espèce, l'art. 15d al. 1 LCR rappelé ci-dessus implique qu'avec un taux d'alcoolémie de 0.82 mg/l lors du contrôle du 28 novembre 2024, la recourante doit obligatoirement être soumise à une expertise sur son aptitude à la conduite des véhicules à moteur puisque cette disposition prévoit obligatoirement la mise en œuvre d'une expertise après une conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool dans l'haleine à partir de 0.8 mg/l par litre d'air expiré. Ni l'autorité intimée ni le tribunal de céans n'ont à cet égard la moindre marge de manœuvre.

Pour les mêmes raisons, un retrait du permis de conduire d’une durée de trois mois ne peut pas être prononcé.

16.         Par conséquent, c’est à juste titre que la décision attaquée prévoit l’obligation pour la recourante de se soumettre à un contrôle de son aptitude à conduire.

17.         Au vu de ce qui précède, en tant que le permis de conduire a été restitué à la recourante à titre provisoire conformément à ses conclusions, le recours sera partiellement admis, et la décision querellée prononçant le retrait du permis de conduire de la recourante à titre préventif confirmée pour le surplus.

18.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 400.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 10 décembre 2024 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 29 novembre 2024 ;

2.             l'admet partiellement au sens des considérants ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 400.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 100.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière