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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/677/2025

JTAPI/246/2025 du 07.03.2025 ( MC ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/677/2025 MC

JTAPI/246/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 mars 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Guillaume DE CANDOLLE, avocat

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1995, est originaire de Gambie.

2.             Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné le 9 décembre 2021, par le Tribunal de police de la République et canton de Genève (ci-après : le TPEN), à une peine pécuniaire ferme de 90 jours-amende à CHF 10.- pour entrée illégale et séjour illégal par négligence (art. 115 al. 1 let. a et b al. 3 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), opposition aux actes de l'autorité (art. 286a du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP – RS 311.0)) et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEI), ainsi qu'à une amende de CHF 300.- pour contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

Il fait par ailleurs l'objet de quatre procédures pénales en cours, pour entrée et séjour illégaux, infraction à la LStup, non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée, empêchement d'accomplir un acte officiel et consommation de stupéfiants.

3.             Le 14 avril 2023, l'intéressé a fait l'objet d'une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève prise à son encontre par le commissaire de police, pour une durée de 18 mois, suite à son implication dans un trafic de cocaïne.

4.             Le 29 janvier 2025, M. A______, en possession d'un passeport gambien, ainsi que d'un titre de séjour espagnol valables, a été interpellé par la police genevoise dans le cadre d'un trafic de stupéfiants.

Il ressort du rapport d'arrestation du 29 janvier 2025, qu'il a vendu deux parachutes de cocaïne d'un poids total de 1,4 gr brut, contre la somme de CHF 120.- le jour de son arrestation, qu'il était en possession de 40,7 gr bruts de marijuana et de 6,2 gr bruts de cocaïne au moment de son interpellation, et qu'il détenait un total de 12,6 gr bruts de cocaïne, ainsi que 10,5 gr bruts de produit de coupage et 10 gr bruts de crack (cocaïne), découverts dans le logement qu'il occupait à B______(GE).

Lors de son audition, il a reconnu s'adonner au trafic de cocaïne et consommer de la cocaïne et de la marijuana. S'agissant de sa situation personnelle, il a déclaré n'avoir aucune attache particulière ni famille en Suisse et être démuni de moyens légaux de subsistance.

5.             Le 30 janvier 2025, il s'est vu notifier une décision de renvoi prononcée à son encontre par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OCPM) en application de l'art. 64 LEI, chargeant les services de police d'exécuter son renvoi.

6.             Par ordonnance pénale du 30 janvier 2025, le Ministère public l'a déclaré coupable de délit contre la loi sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c et d LStup) et d'entrée illégale et l'a condamné à une peine privative de liberté de 160 jours. Il l'a également condamné à une amende de CHF 500.- pour consommation de stupéfiants.

7.             Libéré par les autorités pénales le même jour, M. A______ a été remis en mains des services de police.

8.             Le 30 janvier 2025, à 20h15, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de six semaines.

Les démarches en vue de l'exécution de son renvoi en Espagne avaient été immédiatement entreprises.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Espagne. Il souhaitait aller à C______ où il avait sa famille.

Selon le procès-verbal du commissaire de police, la détention administrative pour des motifs de droit des étrangers a débuté à 20h00.

9.             Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

10.         Entendu le 3 février 2025 par le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il était d'accord de retourner en Espagne. Sur question de son conseil, il a précisé qu'il avait bien compris qu'il faisait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse ; il avait également compris que, selon les explications de la représentante du commissaire de police, une interdiction d'entrer en Suisse serait vraisemblablement prononcée à son encontre. Concernant l'ordonnance pénale du 30 janvier 2025, il ne l'avait pas encore contestée, mais il comptait le faire.

La représentante du commissaire de police a confirmé que la procédure de réadmission de M. A______ à destination de l'Espagne était en cours. La réponse des autorités de ce pays devrait leur parvenir rapidement, vraisemblablement le lendemain. Dès l'obtention de l'accord des autorités espagnoles, il serait procédé à la réservation d'une place à bord d'un avion devant raccompagner M. A______ en Espagne.

Sur question du conseil de M. A______, elle a encore précisé que le départ de ce dernier devrait pouvoir se concrétiser dans le délai d'une semaine dès réception de l'accord de réadmission.

Pour le surplus, elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention pris à l'encontre de M. A______ pour une durée de six semaines.

Le conseil de M. A______ ne s'est pas opposé au principe de la détention administrative. En revanche, il a conclu à la réduction de sa durée à trois semaines.

11.         Par jugement du 3 février 2025, le tribunal de céans a confirmé l’ordre de mise en détention du 30 janvier 2025 pris à l’encontre de M. A______ pour une durée de six semaines, soit jusqu’au 12 mars 2025 inclus (JTAPI/121/2025).

12.         Le 20 février 2025, le SEM a informé l’OCPM que la demande de réadmission de l'intéressé était toujours en cours et qu'une relance auprès des autorités espagnoles avait été envoyée.

13.         Un transfert serait organisé dès l'obtention de l'accord de la part des autorités espagnoles.

14.         Par requête motivée du 27 février 2025, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de six semaines.

15.         Lors de l’audience du 4 mars 2025, M. A______ a déclaré qu'il ne comprenait pas pourquoi il était là. Informé que la demande en vue sa réadmission en Espagne était encore en cours, il a indiqué qu'il ne le comprenait pas, car cette situation s'était déjà produite. La représentante du commissaire de police avait expliqué, le 3 février dernier, qu'ils obtiendraient une réponse de l'Espagne dans les 24 heures, mais au plus tard dans les sept jours. Or, cela faisait déjà cinq semaines qu'il était détenu.

La représentante de l'OCPM a produit copie du dernier échange de courriels du 3 mars 2025 entre dit office et le SEM, à teneur duquel, en substance, en l'absence de réponse des autorités espagnoles d'ici au 6 mars 2025, un nouveau rappel leur serait adressé. Au vu dossier, il était difficile de se prononcer s'agissant du délai dans lequel une réponse interviendrait, mais, dans tous les cas, le plus rapidement possible. Au vu de son expérience, elle était un peu surprise de cette absence de réponse, compte tenu en particulier des courriels de relance qui avaient été adressés à l'État requis. Les délais étaient en principe ceux qui avaient été rappelés lors de la dernière audience, tels qu'ils étaient prévus par l'accord de réadmission.

Sur question du tribunal, M. A______ a confirmé qu'il était toujours d'accord de retourner en Espagne. Il souhaitait obtenir un permis (papier bleu) afin qu'il puisse quitter la Suisse et rejoindre l'Espagne par ses propres moyens dans les 24 heures.

La représentante de l'OCPM a plaidé et conclu à la confirmation de la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de six semaines.

M. A______, par l'intermédiaire de son conseil, a plaidé et conclu au rejet de la demande de prolongation de la détention administrative et à sa mise en liberté immédiate.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour prolonger la détention administrative en vue de renvoi ou d'expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. e de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             S'il entend demander la prolongation de la détention en vue du renvoi, l'OCPM doit saisir le tribunal d'une requête écrite et motivée dans ce sens au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. d et 8 al. 4 LaLEtr).

3.             En l'occurrence, le 27 février 2025, le tribunal a été valablement saisi, dans le délai légal précité, d'une requête de l'OCPM tendant à la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de six semaines.

4.             Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 9 al. 4 LaLEtr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.

5.             La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).

6.             Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI). Concrètement, dans ces deux circonstances, la détention administrative peut donc atteindre dix-huit mois (cf. not. ATA/848/2014 du 31 octobre 2014 ; ATA/3/2013 du 3 janvier 2013 ; ATA/40/2012 du 19 janvier 2012 ; ATA/518/2011 du 23 août 2011).

7.             Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Elle doit non seulement apparaître proportionnée dans sa durée, envisagée dans son ensemble (ATF 145 II 313 consid. 3.5 ; 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1), mais il convient également d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si elle constitue une mesure appropriée et nécessaire en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 143 I 147 consid. 3.1 ; 142 I 135 consid. 4.1 ; 134 I 92 consid. 2.3 ; 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.4 ; 2C_263/2019 du 27 juin 2019 consid. 4.1 ; 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).

8.             Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

9.             La légalité de la détention a déjà été examinée et admise par le tribunal dans son jugement du 3 février 2025, entré en force, sans qu'un changement quelconque des circonstances pertinentes ne soit intervenu depuis. Par conséquent, sur ce point, il sera renvoyé aux motifs de ce jugement.

10.         En l'espèce, M. A______ est détenu administrativement depuis le 30 janvier 2025, soit depuis une durée largement inférieure à la durée maximale prévue par l'art. 79 al. 1 LEI, qui est de six mois.

11.         Les autorités suisses sont toujours dans l'attente de la réponse des autorités espagnoles concernant la réadmission de M. A______. La représentante de l'OCPM a expliqué à ce sujet que des courriels de relance ont été adressés aux autorités migratoires espagnoles les 20 février 2025 et 3 mars 2025, pièces à l'appui. Les autorités suisses ne peuvent, à ce stade, que patienter et relancer les autorités espagnoles, comme elles se sont d'ailleurs engagées à le faire, sachant qu'il est impossible de procéder au renvoi de M. A______ à destination de l'Espagne sans l'accord préalable des autorités de ce pays.

12.         Compte tenu de ce qui précède, le tribunal considère, qu'à ce stade, le principe de célérité est respecté.

13.         M. A______ prétend que la prolongation de la détention contreviendrait au principe de la proportionnalité et qu'il conviendrait de le libérer pour lui permettre de retourner Espagne par ses propres moyens, étant par ailleurs capable de financer son voyage.

14.         Il faut à cet égard rappeler que M. A______ n'est pas en mesure de quitter simplement la Suisse par ses propres moyens pour se rendre en Espagne. En effet, l'assurance de son départ effectif s'inscrit dans le cadre des obligations internationales de la Suisse, étant rappelé que les autorités suisses doivent s'assurer du fait que l'intéressé quittera effectivement le territoire helvétique et qu'il sera effectivement remis aux autorités de l'État de destination (cf. not. art. 8 par. 6 de la Directive sur le retour et 15f de l'ordonnance sur l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers du 11 août 1999 - OERE - RS 142.281).

Encore une fois, le retour en Espagne de ce dernier ne pourra intervenir que si et lorsque les autorités de cet État auront communiqué à leurs homologues suisses leur accord à la réadmission de M. A______ sur leur territoire.

Compte tenu de ce qui précède, le tribunal considère, qu'à ce stade, la détention administrative de M. A______ demeure la seule mesure apte à garantir l'exécution de son renvoi. Il appartiendra néanmoins aux autorités compétentes de poursuivre sans relâche les démarches utiles en vue de l'exécution de ce renvoi, étant rappelé que la détention administrative de l'intéressé sera immédiatement levée dès qu'il aura pris place à bord du vol à destination de l'Espagne sur lequel une place lui aura été réservée.

15.         Au vu de ce qui précède, la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ sera admise pour une durée de six semaines, soit jusqu'au 23 avril 2025 inclus.

16.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative de Monsieur A______ formée le 27 février 2025 par l’office cantonal de la population et des migrations ;

2.             prolonge la détention administrative de Monsieur A______ pour une durée de six semaines, soit jusqu'au 23 avril 2025 inclus ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière