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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2934/2024

JTAPI/176/2025 du 14.02.2025 ( LCR ) , ADMIS

Descripteurs : RETRAIT DE PERMIS;ANTÉCÉDENT;NOTIFICATION DE LA DÉCISION
Normes : LCR.16.letc
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2934/2024 LCR

JTAPI/176/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 14 février 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Julien BEKER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ est né le ______ 1990 à Genève.

2.             Selon le registre informatisé Calvin de l’office cantonal de la population et des migrations, il est parti habiter aux États-Unis (______) le 20 septembre 2010, est revenu en Suisse (______) le 5 septembre 2011, est reparti aux États-Unis (______) 17 août 2012, est revenu à Genève le 23 mai 2013 pour repartir une nouvelle fois aux États-Unis (______) le 12 juillet 2013.

Depuis le 7 avril 2020, il est domicilié à ______ (GE).

3.             Par courrier du 25 octobre 2022, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a informé M. A______ que le véhicule immatriculé GE 1______ dont il avait la charge avait été contrôlé le 16 septembre 2022 à 18h04 sur l’avenue de Châtelaine à une vitesse de 81 km/h alors que la vitesse était limitée 50 km/h, soit un dépassement de 26 km/h après déduction de 5 km/h de tolérance.

4.             Par courrier du 6 janvier 2023, M. A______, par l’intermédiaire de son conseil, a notamment transmis à l’OCV un formulaire de reconnaissance d’infraction dans lequel il reconnaissait avoir été le conducteur de sa voiture au moment de l’infraction du 16 septembre 2022.

5.             Le 19 mars 2024, l’OCV a informé M. A______ de l’ouverture d’une procédure administrative à son encontre suite à l’infraction du 16 septembre 2022.

Au vu de ses antécédents, il lui proposait le suivi, avec une voiture uniquement, d’un cours d’éducation routière : un délai de deux mois lui était accordé pour le suivre.

Par ailleurs, un délai de quinze jours lui était octroyé pour transmettre ses observations sur l’infraction commise.

6.             M. A______ a transmis ses observations par courriel du 26 mars 2024.

Il allait s’inscrire à un cours de conduite au plus vite.

Il s’excusait pour l’infraction commise et demandait à pouvoir bénéficier d’un avertissement et non d’un retrait de permis. Il avait commis l’infraction le jour où il avait reçu son permis de conduire après un retrait d’un mois. Il s’agissait également de sa première journée de conduite avec sa nouvelle voiture pour laquelle il s’habituait encore à la vitesse. Il avait emprunté une route différente de celle qu’il prenait d’habitude et en regardant le « head-up display » sur la fenêtre de la voiture qui lui indiquait la limite de vitesse et la vitesse à laquelle il roulait, il avait vu 80 km/h comme limite de vitesse ; cela lui avait paru étrange mais il avait décidé stupidement de faire confiance à sa voiture.

Il se retrouvait aujourd’hui dans une situation compliquée, étant au chômage depuis novembre 2022 ; un retrait de son permis l’empêcherait de faire ses trajets pour ses entretiens et sa fiancée, avec qui il vivait, était également au chômage et n’avait pas de permis de conduire.

7.             M. A______ s’est inscrit à un cours d’éducation routière pour le 24 juin 2024.

8.             Par décision du 8 juillet 2024, l’OCV a retiré le permis de conduire de M. A______ pour une durée de quatorze mois, retenant un dépassement de la vitesse autorisée de 26 km/h, marge de sécurité déduite, le 16 septembre 2022 à 18h04 à l’avenue de Châtelaine au volant d’une voiture de tourisme.

Il ne pouvait pas justifier d’une bonne réputation, le système d’information relatif à l’admission à la circulation (SIAC) faisant apparaitre un retrait du permis de conduire prononcé par décision du 14 juin 2022 pour une durée d’un mois en raison d’une infraction moyennement grave, mesure dont l’exécution avait pris fin le 15 septembre 2022 et d’une interdiction de faire usage du permis de conduire étranger sur le territoire suisse prononcée par décision du 14 février 2019 pour une durée d’un mois, en raison d’une infraction moyennement grave, mesure dont l’exécution avait pris fin le 17 mai 2019.

Il s’agissait d’une infraction grave aux règles de la circulation routière et, après un telle infraction, le permis était retiré pour une durée de douze mois au minimum si, au cours des cinq années précédentes, le permis avait été retiré une fois en raison d’une infraction grave ou deux reprises en raison d’infractions moyennement graves.

Il ne justifiait enfin pas d’un besoin professionnel de conduire des véhicules à moteur.

Compte tenu de l’ensemble des circonstances et notamment de la proximité de la récidive, il prononçait une mesure qui s’écartait du minimum légal.

9.             Par acte du 9 septembre 2024, M. A______ (ci-après : le recourant), sous la plume de son conseil, a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance
(ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant principalement à son annulation et à ce que la cause soit renvoyée à l’OCV pour nouvelle décision en réduisant la durée du retrait minimum à six mois, subsidiairement à douze mois, sous suite de frais et dépens.

De 2012 à 2020, il avait été domicilié aux États-Unis, ______[USA]. Le 15 septembre 2018, la voiture immatriculée GE 1______, détenue par Madame B______ s’était faite contrôler avec un dépassement de vitesse de 21 km/h à proximité du quai Gustave-Ador 18 à Genève. Le courrier du 18 octobre 2018 que l’OCV lui avait adressé aux États-Unis ne lui était jamais parvenu. Il n’avait jamais reçu l’ordonnance pénale rendue le 19 décembre 2018 par le service des contraventions le condamnant à une amende. Aucun rappel ne lui avait jamais été envoyé en lien avec cette amende. Il n’avait par ailleurs jamais reçu la décision de l’OCV du 14 février 2019 lui faisant interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse du 18 avril 2019 au 17 mai 2019 et le condamnant à un émolument de CHF 165.-. En amont de cette décision, l’OCV ne l’avait jamais invité à lui faire part de ses observations relatives au dépassement de vitesse du 15 septembre 2018.

Le 27 août 2020, à son retour en Suisse, il avait échangé son permis de conduire étranger sans qu’aucune remarque ne lui ait été faite en relation avec le dépassement de vitesse du 18 [recte 15] septembre 2018, la décision du 14 avril 2019 ou le paiement d’un émolument.

Le 16 septembre 2022, il avait effectivement dépassé de 26 km/h la vitesse autorisée à l’avenue de Châtelaine. Il avait été condamné par ordonnance pénale du Ministère public du 16 juin 2023 à une peine pécuniaire de 30 jours-amende et à une amende de CHF 720.- pour violation grave des règles de la circulation routière. Dans cette ordonnance pénale, le Ministère public avait souligné l’absence d’antécédents. Ce n’était qu’une année plus tard, soit le 19 mars 2024, qu’il avait été informé de l’ouverture d’une procédure administrative à son encontre : l’OCV lui avait alors proposé de suivre un cours d’éducation routière, lequel était finalement prévu pour le 9 septembre 2024.

Il découlait de ce qui précédait qu’il ne savait pas qu’une décision avait été rendue à son encontre le 14 février 2019 avant de recevoir la décision du 8 juillet 2024. Dès lors, il ne se justifiait pas de prendre en compte cet antécédent puisqu’au moment de la commission de l’infraction, il n’était pas au courant de celle du 15 septembre 2018. Il en résultait que l’autorité intimée avait fait une mauvaise interprétation des faits. Ainsi, elle aurait dû appliquer l’art. 16c al. 2 let b de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01): seule la décision de retrait du permis de conduire du 14 juin 2022 aurait dû être prise en considération par l’autorité intimée à titre d’antécédents dans la fixation de la durée du retrait de permis de conduire.

Par ailleurs, lors des infractions des 16 décembre 2021 et 16 septembre 2022, il roulait sur des grands axes et sortait d’une zone 60 km/h. L’OCV aurait ainsi dû prendre en considération les circonstances de l’infraction et considérer que l’atteinte à la sécurité routière était moindre. De plus, il n’avait pas retenu le fait qu’il pensait de bonne foi qu’il pouvait rouler à 80 km/h. Il n’avait pas non plus retenu qu’il s’était inscrit au cours d’éducation routière et qu’il avait ainsi accepté de suivre une formation complémentaire ciblée pour influencer positivement sa conduite. Ces éléments auraient dû être pris en considération par l’autorité intimée dans la fixation de la durée du retrait.

Si l’autorité avait correctement pris en considération les circonstances du cas d’espèce et avait appliqué le principe de proportionnalité, elle aurait conclu qu’il ne se justifiait pas de s’écarter du minimum légal.

Il convenait enfin de prendre en considération la durée de deux ans séparant la date de l’infraction et la décision attaquée.

10.         Par écritures du 11 novembre 2024, l’OCV a persisté dans les termes de sa décision du 8 juillet 2024. Il a produit son dossier.

Il ressortait du système d’information SIAC que le recourant avait fait l’objet d’une interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse prononcé par décision du 14 février 2019 pour une durée d’un mois, en raison d’une infraction moyennement grave, mesure exécutée du 18 avril 2019 au 17 mai 2019, dates incluses. À cet égard, il convenait de souligner que ladite décision avait été expédiée par courrier recommandé au recourant à l’adresse Flat 13E, Ocean Drive, 22149 Key Biscayne-Florida, et que cette dernière ne lui était jamais revenue en retour par la Poste suisse. Il en était de même du courrier de rappel expédié le 29 avril 2019. Le recourant avait également fait l’objet d’un retrait de son permis de conduire suisse prononcé par décision du 14 juin 2022 pour une durée d’un mois, en raison d’une infraction moyennement grave, mesure exécutée du 16 août 2022 au 15 septembre 2022, dates incluses.

De plus, compte tenu de la proximité de la récidive du recourant, il avait effectivement décidé de s’écarter du minimum légal applicable en prononçant une durée de retrait fixé à quatorze mois, conformément à la pratique commune instaurée par le « Groupe de travail latin des mesures administratives dans son catalogue ».

À cet égard, il convenait de préciser qu’il serait disposé à réduire cette durée d’un mois, soit à treize mois, à condition que le recourant fournisse l’attestation de participation au cours du 9 septembre 2024 dispensé par le TCS. En effet, en l’état du dossier, il ne disposait que de la facture émise pour ledit cours, ce qui ne signifiait pas que le recourant avait bel et bien participé au cours.

11.         Le recourant a répliqué le 20 décembre 2024, persistant dans ses conclusions.

L’examen des pièces produites par l’OCV révélait que ni le suivi postal de l’envoi de la décision du 14 février 2019 ni celui du rappel supposément envoyé le 29 avril 2019 n’avaient été fournis en tant que preuve à l’appui de sa détermination. En l’absence de tels documents, rien ne permettait de démontrer qu’il avait effectivement eu connaissance de la décision rendue à son encontre le 14 février 2019. Partant, il n’avait jamais eu la possibilité de se déterminer à l’époque sur la décision rendue à son encontre le 14 février 2019, ce qui constituait une violation de son droit d’être entendu. Dès lors, l’OCV ne pouvait prendre en considération cette décision comme antécédent et seule la décision de retrait du permis de conduire du 14 juin 2022 aurait dû être retenue comme antécédent dans la fixation de la durée du retrait actuel.

12.         Le 24 janvier 2025, l’OCV a transmis une copie de la facture émise le 14 février 2019 ainsi que le rappel établi le 29 avril 2019 au nom du recourant. Il avait mandaté la Poste suisse afin qu’elle puisse transmettre le relevé « Track and Trace » de ces deux envois.

13.         Par courrier du 10 février 2025, l’OCV a transmis copie de la réponse de la Poste suisse de laquelle il ressortait qu’il n’était plus possible de retracer les deux envois au vu de leur ancienneté.

Il maintenait les termes de sa décision du 8 juillet 2024.

14.         Le dossier transmis par l’OCV contient notamment une décision d’interdiction de faire usage du permis de conduire étranger sur le territoire suisse datée du 14 févier 2019, adressé à « Monsieur A______, ______[USA]» sans mention du type d’envoi, une facture n° 2______ portant la même adresse et la même date relative à un émolument de CHF 165.- libellé « Interdiction usage permis étranger », à nouveau sans mention du type d’envoi et un duplicata du rappel de ladite facture, mentionnant toujours la même adresse et portant un numéro de recommandé.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), en soi non réalisée dans le cas d'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_107/2016 du 28 juillet 2016 consid. 9).

4.             Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives seront repris et discutés dans la mesure utile (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_72/2017 du 14 septembre 2017 consid. 4.1 ; 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités), étant rappelé que, saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office et que s'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; cf. not. ATA/1024/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1 et les références citées ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b; cf. aussi ATF 140 III 86 consid. 2 ; 138 II 331 consid. 1.3 ; 137 II 313 consid. 1.4).

5.             La procédure administrative est régie essentiellement par la maxime inquisitoire, selon laquelle l'autorité définit les faits pertinents et les preuves nécessaires, qu'elle ordonne et apprécie d'office; cette maxime doit cependant être relativisée par son corollaire, à savoir le devoir des parties de collaborer à l'établissement des faits (art. 22 LPA ; ATF 128 II 139 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 8C_96/2020 du 15 octobre 2020 consid. 9.2.2). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuve (arrêts du Tribunal fédéral 9C_619/2021 du 12 septembre 2022 consid. 5.1.2 ; 9C_476/2021 du 30 juin 2022 consid. 5.2.1 et les références citées). La jurisprudence considère que ce devoir de collaboration est spécialement élevé s'agissant de faits que la partie connaît mieux que quiconque (cf. ATF 133 III 507 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_588/2020 consid. 3.1 ; 1C_426/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.3).

6.             Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).

7.             Par ailleurs, en procédure administrative, tant fédérale que cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4b et les arrêts cités).

8.             Le recourant fait valoir qu’il n’a jamais reçu la décision d’interdiction de conduire en Suisse que l’OCV indique lui avoir notifiée par décision du 14 février 2019, envoyé par courrier recommandé, selon les dires de l’OCV, directement à son adresse aux  États-Unis. Dès lors, cette interdiction ne pouvait être prise en considération comme un antécédent dans le cadre de la décision de retrait de son permis de conduire querellée.

9.             Lorsque la procédure prévue par la loi fédérale sur les amendes d’ordre du 24 juin 1970 (LAO - RS 741.03) n’est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 LCR).

10.         Pour déterminer la durée et s’il y a lieu de prononcer un retrait d’admonestation, la LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves (art. 16a à 16c LCR).

11.         Commet en particulier une infraction grave, selon l’art. 16c al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d’autrui ou en prend le risque.

La qualification du cas grave au sens de cette disposition correspond à celle de l’art. 90 al. 2 LCR (cf. ATF 132 II 234 consid. 3 ; 123 II 37 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 6B.264/2007 du 19 septembre 2007 consid. 3.1 ; 6A.80/2004 du 31 janvier 2005 consid. 3.1 ; ATA/392/2010 du 8 juin 2010 consid. 6 ; ATA/456/2009 du 15 septembre 2009 consid. 8c).

12.         De jurisprudence constante, les limitations de vitesse, telles qu’elles résultent de la loi ou de la signalisation routière, valent comme limites au-delà desquelles la sécurité de la route est compromise. Elles indiquent aux conducteurs les seuils à partir desquels le danger est assurément présent. Leur respect est donc essentiel à la sécurité du trafic. En la matière, la jurisprudence a été amenée à fixer des règles précises afin d’assurer l’égalité de traitement entre conducteurs. Ainsi, les seuils fixés par la jurisprudence pour distinguer le cas de peu de gravité, le cas de moyenne gravité et le cas grave tiennent compte de la nature particulière du danger représenté pour les autres usagers de la route selon que l’excès de vitesse est commis sur une autoroute, sur une semi-autoroute, sur une sortie d’autoroute, etc. (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_216/2009 du 14 septembre 2009 consid. 5.2; 1C_83/2008 du 16 octobre 2008 et les références citées).

Le cas est objectivement grave, c’est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes ou encore à la bonne réputation du conducteur, en cas de dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l’intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités et sur les semi-autoroutes dont les chaussées, dans les deux directions, ne sont pas séparées et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes (ATF 132 II 234 consid. 3.2).

13.         Après une infraction grave, le permis d’élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour six mois au minimum si, au cours des cinq années précédentes, le permis a été retiré une fois en raison d’une infraction moyennement grave (art. 16c al. 2 let. b LCR) et pour douze mois au minimum si, au cours des cinq années précédentes, le permis a été retiré une fois en raison d’une infraction grave ou à deux reprises en raison d’infractions moyennement graves art. 16c al. 2 let. c LCR);

14.         En vertu du principe de la souveraineté territoriale, tous les documents autres que de « simples communications sans effet juridique » (par quoi il faut entendre des lettres à caractère purement informatif ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_685/2023 du 23 avril 2024) doivent être notifiés par la voie diplomatique ou consulaire, sauf si une convention internationale signée par les deux pays en dispose autrement.

Une notification irrégulière ne peut entraîner aucun préjudice pour les parties (art. 47 LPA ;  arrêt du Tribunal fédéral 2C_1010/2020 du 26 février 2021 consid. 4.3).

15.         En l’espèce, aucune convention portant sur la notification des décisions administratives n’a été signée entre la Suisse et les États-Unis. La notification de la décision du 14 février 2019 aurait dont dû se faire par la voie diplomatique.

Par ailleurs - même en considérant que l’OCV aurait été habilité à notifier sa décision du 14 février 2019 directement au recourant à son adresse de domicile aux États-Unis - il ressort des pièces du dossier que l’OCV n’est pas parvenu à prouver à satisfaction de droit qu’il aurait effectivement adressé sa décision du 14 février 2019 au recourant, alors domicilié aux États-Unis et que ce dernier l’aurait reçue. En effet, la décision ne porte nulle part la mention qu’elle aurait été envoyée par courrier recommandé, - ce qui est par contre le cas de la décision du 8 juillet 2024 qui indique le numéro de recommandé – et aucune preuve d’envoi n’a pu être produite, malgré les recherches réalisées par la Poste à ce sujet.

Le tribunal relèvera également que l’OCV n’a pas adressé au recourant, avant l’envoi de la décision du 14 février 2019, de courrier lui permettant de se déterminer sur cette infraction.

Il en découle que la décision du 14 février 2019 n’a jamais été dûment notifiée au recourant. Dès lors, l’OCV ne pouvait retenir, dans le cadre de sa décision de retrait du permis de conduire du recourant du 8 juillet 2024, que ce dernier avait fait l’objet d’une interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse par décision du 14 février 2019 d’une durée d’un mois en raison d’une infraction moyennement grave, mesure dont l’exécution aurait pris fin le 15 mai 2019 comme un antécédent entrainant l’application de l’art. 16c al. 2 let. c LCR. Seule l’application de l’art. 16c al. 2 let. b LCR pouvait donc entrer en ligne de compte pour déterminer la durée du retrait du permis de conduire suite à une infraction grave avec un seul antécédent consistant en un retrait du permis de conduire suite à une infraction moyennement grave le 16 juin 2022.

16.         Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et le dossier renvoyé à l’OCV pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

17.         Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). L’avance de frais de CHF 500.- versée par le recourant lui sera restituée.

Par ailleurs, une indemnité de procédure de CHF 1’200.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l'office cantonal des véhicules, sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 9 septembre 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 8 juillet 2024 ;

2.             l'admet ;

3.             renonce à percevoir un émolument et ordonne la restitution à Monsieur A______ de l’avance de frais de CHF 500.- ;

4.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l'office cantonal des véhicules, à verser à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1’200.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière