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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4207/2024

JTAPI/1292/2024 du 20.12.2024 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.75.al1.letc; LEI.76.al1.letb.ch1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4207/2024 MC

JTAPI/1292/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 décembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Betsalel ASSOULINE, avocat

 

contre

 

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1990, originaire du Maroc, a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève du 23 février 2015 pour rixe (art. 133 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP ; RS 311.0), ainsi que, par jugement du Tribunal correctionnel de Genève du 2 mai 2016, pour dommages à la propriété (commission répétée ; art. 144 al. 1 CP), violation de domicile (tentative ; art. 186 CP cum art. 22 al. 1 CP), violation de domicile (commission répétée ; art. 186 CP), vol par métier (commission répétée ; art. 139 ch. 2 CP), entrée illégale au sens de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) (commission répétée).

2.             Il fait par ailleurs l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse, prononcée sous son identité de A______, par le secrétariat d’Etat aux migrations (ci-après : SEM) du 25 septembre 2018, notifiée le 25 novembre 2021 et valable jusqu’au 24 septembre 2025, ainsi que d’une expulsion pénale de Suisse d’une durée de cinq ans prononcée le 15 août 2022 par arrêt de la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice de Genève (ci-après : CPAR), cette juridiction l’ayant en outre reconnu coupable, sous l'alias de B______, de vol et tentative de vol, injure, dommages à la propriété, violation de domicile et faux dans les certificats étrangers.

3.             L’injonction d’exécuter cet arrêt a été émise sous le nom de A______.

4.             Le 17 décembre 2024, démuni de document d'identité valable, prétendant s’appeler B______ et être né en Algérie, M. A______ a été arrêté à la suite d’un contrôle d’identité effectué par l'office fédéral de la douane et de la sécurité aux frontières (ci-après : OFDF).

5.             Du contrôle, il est ressorti qu’il séjournait illégalement sur le territoire helvétique et qu’il faisait également l'objet d'une mesure d'expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans, selon l'arrêt du 15 août 2022 émanant de la CPR, étant précisé que

6.             Lors du contrôle des effets personnels de M. A______, « connu pour de multiples cambriolages », il est apparu qu'il était en possession de divers objets pouvant servir à des actes délictueux (couteau, tournevis, cutter, disque pour meuleuse et gants).

7.             La suite de la procédure a été reprise par la police et M. A______ a été acheminé au poste où il a été auditionné.

8.             M. A______ a reconnu qu’il savait faire l’objet d'une expulsion du territoire Suisse, ainsi que d’une interdiction d'entrée toutes deux dûment notifiées. Il revenait de chez une amie aux C______ (Suisse) et se rendait chez lui, en France voisine, à D______. Il habitait au numéro ______[GE]. Il travaillait dans le bâtiment en France. Il utilisait les outils trouvés en sa possession pour « bricoler ». Il n’avait pas pensé à les déposer chez lui avant de venir en Suisse. Il avait « commencé à mettre de l'argent de côté pour préparer [son] retour en Algérie ». Il y pensait « de plus en plus », mais ne souhaitait toutefois pas prendre l'engagement de contacter dans les dix jours l’ambassade ou le consulat de son pays d'origine afin de rendre possible son retour. Toute sa famille habitait en Algérie.

9.             Sur requête de la Brigade migration et retour (ci-après : BMR), l’OFDF a indiqué que l’intéressé était totalement inconnu en France.

10.         Le 18 décembre 2024, le Ministère public a condamné M. A______ par ordonnance pénale pour infractions à la LEI et pour rupture de ban (art. 291 CP), puis l’a remis en mains des services de police.

11.         Le 18 décembre 2024, à 16h25, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, retenant comme motif de cette détention, notamment, qu'il avait franchi la frontière malgré une interdiction d'entrée et une expulsion, et qu'il avait été condamné pour vol, infraction constitutive de crime. Un vol pour le Maroc était en cours d’organisation, l’intéressé ayant été identifié par les autorités de ce pays le 26 juin 2023 comme étant citoyen marocain.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Maroc, expliquant qu'il suivait actuellement un traitement mécidal pour des douleurs à l'estomac.

12.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

13.         Lors de l'audience du 20 décembre 2024 devant le tribunal, M. A______ a précisé qu’il ne s’appelait pas A______ mais B______, originaire d’Algérie. Il a précisé que l’identité de A______ découlait d’un faux permis de conduire qu’il avait présenté à la police à la fin de l’année 2021. D’ailleurs les autorités policières n’avaient pas retrouvé trace d’une personne s’appelant A______ en France où il vivait. Il avait par ailleurs signalé lors de son audition par le commissaire de police, qu’un renvoi forcé pourrait mal finir, étant donné qu’il avait une fragilité au niveau du radius droit. Sur question de son conseil, il était actuellement en traitement médical car il avait une infection bactérienne au niveau de l’estomac. Ce traitement avait été interrompu lors de son interpellation et il fallait à présent le reprendre à zéro. S’il n’agissait pas, il serait question d’une opération chirurgicale. Il avait également suivi des traitements psychiatriques et avait connu des problèmes de santé (malaises) lors de son incarcération à Champ-Dollon. Il s’agissait de traitements médicaux qu’il avait suivis en Suisse. Son conseil a plaidé et conclu à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement à ce qu’il fasse l’objet d’une assignation territoriale et plus subsidiairement encore à la réduction de la durée de la détention administrative à un mois et demi au maximum.

La représentante du commissaire de police a indiqué que M. A______ avait sauf erreur passé ce matin un examen médical dont les résultats n’étaient pas encore connus, afin d’évaluer son aptitude médicale au retour. C’est à ce moment-là que le niveau de vol pourrait être déterminé. Elle a plaidé et conclu au maintien l’ordre de mise en détention administrative tant sur le principe que sur la durée.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 18 décembre 2024 à 16h00.

3.            A teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, en lien avec l'art. 75 al. 1 LEI, lorsqu'une décision de renvoi de première instance ou une expulsion pénale au sens des art. 66a ou 66abis CP a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée lorsqu'elle franchit la frontière malgré une interdiction d'entrer en Suisse et ne peut pas être renvoyée immédiatement (let. c) ou lorsqu’elle a été condamnée pour crime (let. h).

4.            Comme cela ressort du texte même de l'art. 76 al. 1 LEI et de la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la détention administrative n'implique pas que la décision de renvoi soit définitive et exécutoire (cf. not. ATF 130 II 377 consid. 1 ; 129 II 1 consid. 2 ; 122 II 148 consid. 1 ; 121 II 59 consid. 2a).

5.            Il découle de la jurisprudence qu'une décision d'expulsion pénale au sens des art. 66a ou 66abis CP vaut comme interdiction d'entrée pour la durée prononcée par le juge pénal (ATA/179/2018 du 27 février 2018 consid. 4).

6.            En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une mesure d'expulsion pénale prononcée par la CPAR le 15 août 2022 et valable pour une durée de cinq ans. Il est par ailleurs revenu en Suisse, depuis la France, alors qu'il était à la fois sous le coup d'une interdiction d'entrée en Suisse prononcée le 25 septembre 2018 et valable jusqu'au 24 septembre 2025, et de l'expulsion pénale susmentionnée. Par conséquent, sur le principe, les conditions d'une détention au sens des dispositions légales susmentionnées sont réalisées. À titre superfétatoire, le tribunal constatera que ces conditions légales sont également réalisées, au sens de ces dispositions, dans la mesure où le précité a été condamné pour vol, infraction constitutive de crime, par arrêt de la CPAR du 15 août 2022.

7.             Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

8.             Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

9.             Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

10.        Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

11.        En l'occurrence, dans la mesure où M. A______ n'a visiblement eu aucun égard pour les deux décisions qui l'empêchaient cumulativement de revenir en Suisse, il n'y a pas lieu d'attendre de sa part qu'il se soumette à l'expulsion judiciaire dont il fait l'objet, sans chercher à disparaître dans la clandestinité. Par conséquent, la détention administrative apparaît comme le seul moyen apte à assurer l'exécution de cette expulsion.

S’agissant de ses problèmes de santé, il n’appartient pas au tribunal d’examiner s’ils sont susceptibles de remettre en cause l’exigibilité de son renvoi, étant relevé que pour l’heure, aucun élément ne l’indique. En particulier, le fait qu’il suive un traitement médical, vraisemblablement sous la forme d’antibiotiques, ne constitue pas à priori un empêchement de retourner dans son pays d’origine, cas échéant muni d’une réserve de médicaments devant lui permettre de poursuivre le traitement en cours. Quant à la perspective d’une intervention chirurgicale, il ne s’agit, à ce stade, que d’une simple hypothèse, outre le fait que l’on ne saurait à priori partir de l’idée que cette intervention ne pourrait pas être pratiquée au Maroc.

Il existe par ailleurs un intérêt public important à pouvoir procéder à l’expulsion judiciaire de M. A______, compte tenu de la menace qu’il représente pour l’ordre et la sécurité publics.

Les autorités chargées de cette expulsion n’ont pas tardé dans les démarches que cela supposait et ont ainsi respecté leur devoir de célérité.

Enfin, quant à la durée de la détention, fixée à trois mois, elle n’apparaît pas à priori disproportionnée, compte tenu des délais exigés par les différentes étapes du retour au Maroc, dont en particulier le délai pour la délivrance d’un laissez-passer, puis le délai minimum de six semaines qui doit séparer la date de délivrance de ce document et la date d’un vol à destination du Maroc, conformément aux accords conclus entre ce pays et la Suisse.

12.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

13.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 18 décembre 2024 à 16h25 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 17 mars 2025 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière