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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1296/2024

JTAPI/1068/2024 du 31.10.2024 ( LCI ) , IRRECEVABLE

ADMIS par ATA/622/2025

Descripteurs : CONDITION DE RECEVABILITÉ
Normes : LPA.65.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1296/2024 LCI

JTAPI/1068/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 31 octobre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Guillaume FRANCIOLI, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Messieurs A______ et B______ , agriculteurs, sont copropriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune de C______ (ci-après: la commune). Le premier est également propriétaire de la parcelle voisine n° 2______.

Ces parcelles sont situées dans le quartier des D______, en zone de développement 3, zone de fond agricole, entre la route de la E______ et le chemin des F______. Un plan localisé de quartier (ci-après: PLQ) est en cours d'élaboration et prévoit la construction d'immeubles et d'espaces publics sur celles-ci.

2.             Le 7 juin 2021, le canton, avec les communes concernées et la Fondation pour les terrains industriels de Genève (ci-après: FTI), s'est doté d'une feuille de route pour analyser les demandes d'utilisations temporaires dans le périmètre des D______ et les impacts paysagers/fonctionnels qui en découlaient. Selon ce document, en principe, en l'absence de PLQ adopté pour la zone de développement 3, plus aucune autorisation ne serait délivrée pour des utilisations temporaires.

3.             Le 29 juin 2021, MM. A______ et B______ ont conclu un contrat de bail à loyer avec le département des infrastructures, soit pour lui l'office cantonal du génie civil, avec un terme prévu au 31 décembre 2023, portant sur la location d'une partie de la parcelle n° 1______ afin de permettre un stockage des terres liées aux travaux de l'extension du tram ______.

4.             Le 24 septembre 2021, suite à une dénonciation, le département du territoire (ci-après: le département) a interpellé MM. A______ et B______ ainsi que l'entreprise D______ concernant plusieurs éléments constructifs qui étaient présents sur la parcelle n° 1______. Il s'agissait d'une zone de dépôt et l'aménagement d'un parking au nord ainsi que de l'aménagement d'un parking en enrobée et de la construction d'une base de vie en containers au sud. Un délai de dix jours leur était imparti pour se déterminer. Un dossier d'infraction a été ouvert sous le numéro I -22______.

5.             Par courrier du 5 octobre 2021, MM. A______ et B______ ont informé le département que la parcelle était louée par l'État pour les travaux relatifs à l'extension du tram et qu'ils en avaient informé les personnes concernées.

6.             Par courriel du 11 janvier 2021, sur sollicitation du département, l'office cantonal du génie civil a confirmé qu'une partie de la parcelle n° 1______ était louée par lui pour la réalisation de la 1ère étape de l'extension tram. Une copie du contrat de bail daté du 29 juin 2021, portant sur la location de surfaces de terrain, selon le plan d'emprise No 4______, lesquelles étaient destinées à du stockage de terre lié aux travaux du tram, ainsi que le plan d'emprise précité étaient joints.

Ce plan distinguait quatre surfaces et comportait notamment les durées d'utilisation prévues pour les surfaces S1, S2 et S3 dans le cadre du projet de tram. Les surfaces S2 et S3 étaient utilisées comme installations de chantier et la surface S1 comme lieu de stockage provisoire de terre. Les surfaces S1 et S2 seraient rendues à l'agriculture à la fin du chantier du tram, soit fin 2023. La surface S4 restait sous l'entière responsabilité des propriétaires et n'était pas utilisée par le chantier du tram.

7.             Le 3 mai 2022, un collaborateur du département a effectué un constat sur la parcelle n° 3______ duquel il ressort qu'une zone de dépôt de matériel et la construction d'un dépôt en bois et en containers au nord de la parcelle a été aménagée, que plusieurs containers ont été entreposés et qu'un couvert à voitures et une clôture bâchée avaient été installés. Une procédure d'infraction a été ouverte (I-23______).

8.             Le 13 mai 2022, prenant note de leurs observations, le département a ordonné à MM. A______ et B______ de déposer une requête d'autorisation de construire concernant l'aménagement d'une zone de dépôt clôturée et l'aménagement d'un parking clôturé au nord de la parcelle n° 1______ (S4). S'ils ne souhaitaient pas tenter de régulariser la situation, il leur était loisible de procéder à la mise en conformité des lieux dans le même délai. Il était également précisé que la surface S4 n'était pas comprise dans le contrat de bail conclu avec l'État et qu'elle restait donc sous leur responsabilité.

Un délai prolongé à la fin du mois d'août 2022 leur a été imparti pour ce faire.

9.             Par décision du ______ 2022, adressée à M. B______, le département a ordonné de rétablir une situation conforme au droit d'ici au 29 août 2022 en procédant à l'enlèvement des éléments constaté le 3 mai 2022 sur la parcelle n° 3______ et à la remise en état du terrain naturel.

10.         Le 24 août 2022, M. A______ a déposé une demande d'autorisation de construire pour tenter de régulariser les éléments constatés sur les parcelles nos  10_____ et 2______ (I-22______ et I-23______). Cette demande a été enregistrée sous la référence DD 6______.

11.         Lors de son instruction, plusieurs instances de préavis ont été sollicitées, notamment:

-                 le 18 juillet 2023, l'office de l'urbanisme (ci-après: OU) a préavisé défavorablement le projet, estimant qu'au regard des informations transmises par le requérant, la nature et le volume du matériel stocké apparaissaient sans rapport avec son activité agricole. De plus, le possible déménagement de l'exploitation, invoquée par le requérant, pour justifier le stockage de matériel de construction lui appartenant, n'avait pas de traduction formelle puisqu'aucune demande d'autorisation de construire n'avait été déposée en ce sens depuis 2017, date à laquelle cette possibilité avait été évoquée.

Le projet était localisé en zone de développement 3, dans un périmètre couvert par un projet de PLQ en cours d'élaboration, lequel prévoyait que les parcelles accueilleraient des immeubles et des espaces publics à terme.

Face à des utilisations temporaires répétées dans le périmètre du grand projet et des impacts paysager/fonctionnels qui en découlaient, le canton s'était doté le 7 juin 2021 d'une feuille de route pour analyser et traiter ces demandes d'autorisation d'occupation temporaires des parcelles des D______ en distinguant les implantations en zone industrielle et artisanale (ci-après: ZDIA) des implantations en zone de développement 3. En principe, en l'absence de PLQ sur la zone de développement 3, plus aucune autorisation n'avait vocation à être délivrée pour des utilisations temporaires, et ce malgré des autorisations délivrées en dérogation à titre exceptionnel avant 2021, invoquées par le requérant. L'utilisation des parties au nord des parcelles nos 10_____ et 2______ n'avaient pas non plus fait l'objet d'une quelconque autorisation par le passé, notamment via la DD 7______, qui excluait ces parties nord de la demande. Ainsi, l'usage proposé à titre provisoire, soit le stockage de matériel de chantier, la cabane de chantier, les camionnettes etc., sans lien avec l'activité agricole, dérogeait à cette zone et à la feuille de route précitée ;

-                 le 3 août 2023, l'office cantonal de la nature et de l'agriculture (ci-après: OCAN) a émis un préavis défavorable. Le projet consistait en l'aménagement d'une surface de dépôt de matériel pour une durée provisoire. Bien que la parcelle fut située en zone de développement, la zone de fond agricole s'appliquait tant que le PLQ n'était pas en force. Les aménagements projetés n'étaient pas conformes à la zone, faute d'informations tangibles de la part du requérant sur le projet agricole à H______ ;

-                 le 7 août 2023, le service de géologie, sols et déchets (ci-après: GESDEC) a rendu un préavis défavorable. Le projet constituait une atteinte portée au sol non admissible, puisque le requérant n'avait pas démontré que ce projet n'avait pas d'impact durable sur la fertilité des sols. Les sols naturels imperméabilisés devaient être restitués ;

-                 le 31 août 2023, la commune a préavisé défavorablement le projet. L'étalement du stock ne répondait pas aux objectifs d'une utilisation rationnelle du sol. Le stokage de matériel de chantier et le stationnement de camionnettes semblait disproportionné au regard des besoins strictement liés à l'activité agricole. La proposition était contraire aux objectifs défendus jusqu'à ce jour pour un développement qualitatif de ce secteur, en particulier en lien avec le développement de la zone de développement 3 (morphologies et activités à forte valeur ajoutée). De plus, la zone de stockage pouvait dégrader la qualité du sol voué à accueillir les espaces publics plantés, dans le cadre du futur PLQ. D'autre part, l'utilisation du foncier, même temporaire, pouvait entrer en contradiction avec le besoin de stockage de ces terres le temps des chantiers des D______. Une résolution votée le 2 février 2021 lui demandait de préaviser défavorablement ce type d'installation;

-                 le 1er septembre 2023, l'office cantonal des transports (ci-après: OCT) a préavisé favorablement le projet, sous conditions.

12.         Par décision du ______ 2023, le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire sollicitée.

13.         Vu ce refus, par décision du ______ 2023, le département a ordonné à M. B______ la remise en conformité au droit de la parcelle n° 3______, en procédant à la suppression de la zone de dépôt de matériel, du dépôt en bois et en containers au nord de la parcelle ainsi que des containers, du couvert à voitures, de la clôture bâchée et à la remise en état du terrain naturel. Une amende de CHF 2'000.- a été en outre infligée.

14.         Par décisions séparées du ______ 2023, le département a ordonné à MM A______ et B______ de rétablir une situation conforme au droit en procédant à la suppression, à l'évacuation et à la démolition de la zone de dépôt au nord de la parcelle n° 1______, y compris les clôtures et le parking au nord de la parcelle, et de procéder à la remise en état du terrain naturel. Une amende de CHF 1'000.- a en outre été infligée à chacun.

15.         Par acte du 30 octobre 2023, sous la plume de leur conseil, MM. A______ et B______ ont formé recours contre le refus d'autorisation de construire du ______ 2023 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal), concluant à son annulation et à ce que l'autorisation de construire leur soit délivrée, subsidiairement au renvoi du dossier au département, le tout sous suite de frais et dépens. La procédure a été enregistrée sous le numéro de cause A/12_____.

La situation transitoire qui couvrait le périmètre des D______ était à prendre en considération. Bien que la parcelle n° 3______ se trouvait actuellement en zone agricole, sa destination et son affectation finale dépendrait de l'adoption du PLQ, et qui était au stade de l'enquête technique. Une fois cet acte adopté, la parcelle serait affectée à la zone à bâtir.

Le territoire des D______ représentait une zone vaste, utilisée en majeure partie à des fins agricoles, mais à l'aube de développements urbains importants. Le secteur apparaissait comme une zone hybride, car l'affectation agricole était entravée d'aménagements de chantier et de parking, bien qu'une grande partie de ce territoire restait affectée pour l'heure à la zone agricole. La décision querellée ne concernait qu'une très petite portion du territoire des D______, et visait une utilisation temporaire et transitoire. L'entreposage de leur matériel était d'une importance fondamentale pour leurs activités futures. La condition de l'implantation imposée négativement était remplie, au regard des conditions factuelles et territoriales de la zone. Les raisons qui les avaient poussé à stocker ce matériel sur ces portions de la parcelle n'avaient pas de lien avec leur confort personnel, en attendant leur déménagement de 2025 à H______. Il ne fallait pas perdre de vue que le développement du quartier des D______ avait été rendu possible grâce à la mise à disposition de leurs parcelles. D'abord dans le cadre du projet privé ______ (DD 8______), de grande envergure, dans le cadre duquel les parcelles avaient servi à l'entreposage du matériel et des déchets de chantier durant toute sa construction et bénéficiaient d'une autorisation de construire à cet effet (DD 7______). Puis en raison du contrat de location conclu avec l'office cantonal du génie civil pour l'utilisation de la parcelle n° 1______, et pour lequel l'État avait obtenu une autorisation de construire. Les clauses du contrat de bail conclu avec l'État, notamment celle permettant au besoin d'allouer des surfaces supplémentaires au locataire, les avaient poussé à concentrer l'entreposage de leur matériel sur une fraction réduite de leurs terrains. En outre, le contrat prévoyait qu'à l'échéance de celui-ci, l'État serait responsable de la remise en état du terrain, de sorte qu'il fallait comprendre de cette clause qu'ils s'étaient engagés à ne pas procéder à une remise en état avant l'échéance du bail. Il existait ainsi une contradiction entre l'ordre de remise en état et les droits et obligations découlant du rapport contractuel.

La feuille de route du 7 juin 2021 n'avait pas de force légale. Elle servait uniquement à uniformiser la réflexion au sujet du développement des D______. Par ailleurs, l'aménagement litigieux aidait au développement de la zone de développement 3 et du projet des D______. Le projet ne prétéritait pas la végétation existante utilisable dans le cadre de projet futur. La qualité des sols était préservée dès lors qu'il s'agissait d'une installation temporaire, jusqu'en 2025 au plus tard. L'installation ne produisait aucune pollution ni aucune activité. Il s'agissait d'installations stables et non motorisées qui n'émettaient ni bruit ni odeurs ni désagréments visuels comptent tenu des travaux environnants.

Le courrier du ______ 2022 du département avait été notifié à tort à M. B______. En plus, la date de la dernière décision de remise en état indiquait le ______ 2022 et non le ______ 2023.

16.         Par acte du 13 novembre 2023, MM. A______ et B______ ont recouru contre la décision du ______ 2023 auprès du tribunal ordonnant la remise en état de leur parcelle n° 1______ et infligeant une amende administrative de CHF 1000.- à chacun d'eux. Ils ont conclu à titre préalable à ce que la suspension de la procédure soit ordonnée jusqu'à droit jugé sur le recours dans le cadre de la procédure A/13_____, à titre principal, à l'annulation de la décision précitée et, subsidiairement, au renvoi de la cause au département pour nouvelle décision, le tout sous suite de frais et dépens. La procédure a été enregistrée sous le numéro de cause A/14_____.

17.         Par décision du ______ 2023 (DITAI______) le tribunal a ordonné la jonction des causes A/13_____ et A/14_____ sous la cause A/13_____.

18.         Par courrier du 1er février 2024, M. B______ a informé le département qu'il n'était pas propriétaire de la parcelle n° 3______ et a demandé que la nullité de la décision du ______ 2023 fut confirmée.

19.         Par courrier du 16 février 2024, s'excusant de l'erreur d'adressage, le département a annulé les décisions du ______ 2022 et du ______ 2023.

20.         Le même jour, le département a imparti un délai de dix jours à M. A______ pour se déterminer sur les éléments constatés sur la parcelle n° 3______.

21.         Le 23 février 2024, M. A______ a sollicité la suspension de la procédure d'infraction I-23______ vu la procédure A/12_____ pendante devant le tribunal de céans.

22.         Par décision du ______ 2024, le département a ordonné à M. A______ la remise en état de la parcelle n° 3______ (I-23______) et lui a infligé une amende administrative de CHF 2'000.-.

23.         Le 17 avril 2023, M. A______ a formé recours contre la décision du ______ 2024 auprès du tribunal. La procédure a été enregistrée sous le numéro de cause A/1296/2024. Il a conclu à son annulation et à la jonction de cette procédure avec la procédure A/12_____, sous suite de frais et dépens.

Le recours dépendait des suites données au recours déposé le 30 octobre 2023 contre le refus d'autorisation de construire DD 6______, ainsi qu'au recours déposé le ______ 2024 contre la décision de remise en état ainsi que l'amende administrative y afférente.

24.         Le 3 mai 2024, le département s'est opposé à la jonction de la procédure avec la procédure A/12_____, dans la mesure où cette dernière était bien plus avancée par devant le tribunal, les échanges d'écritures étant terminés depuis peu, alors que l'instruction de la présente procédure commençait à peine. Cet état d'avancement avait aussi pour conséquence d'écarter les risques qu'une décision contradictoire ne fut rendue, ce d'autant que les causes A/12_____ et A/1296/2024 étaient traitées par la même chambre.

La suspension ne se justifiait pas au vu des éléments précités. Le recourant sollicitait uniquement que l'ordre de remise en état fut suspendu jusqu’à droit connu sur la DD 6______, si la présente cause devait être jugée avant le recours relatif au refus d'autorisation de construire. Or, vu l'avancement de la procédure A/12_____, il y avait peu de risque que cela se réalisa.

25.         Le 14 juin 2024, le département a transmis ses observations, concluant à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

L'acte de recours ne comportait aucune motivation, de sorte qu'il était impossible de se déterminer sur les raisons pour lesquelles la décision litigieuse était contestée. La partie « En droit » du recours se limitait à la question de la jonction des procédures, à laquelle il s'était opposé par courrier du 3 mai 2024 et n'avait à ce jour pas été admise par le tribunal. Il ne répondait ainsi pas aux conditions de recevabilité de l'art. 65 LPA.

26.         Le 22 juillet 2024, le recourant a répliqué.

L'art. 65 LPA était de nature peu formaliste. L'exigence de motivation avait pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l'objet du litige et de donner l'occasion de répondre aux griefs soulevés à la partie intimée. Une brève motivation était suffisante.

En l'occurrence, le complexe de faits et les conclusions dans la présente cause étaient identiques à ceux présentés dans les recours joints sous la procédure A/13______. Les parcelles nos 1______ et 2______ étaient situées dans le futur quartier des D______ et avaient été inspectée par le département, lequel avait considéré qu'elles comportaient des irrégularités, ce qui avait donné lieu à une seule et unique demande de régularisation (DD 6______). Ces parcelles avaient toujours été traitées conjointement et par les mêmes personnes. En arguant que l'autorité intimée et le tribunal n'étaient pas en mesure de se déterminer sur le recours, le département faisait preuve de mauvaise foi. Il avait également produit le mémoire de recours contre la décision du ______ 2023 à l'appui de son recours du 17 avril 2024. Il était ainsi évident que le département et le tribunal de céans avaient une connaissance approfondie et détaillée des faits liés à la présente cause. Prononcer l'irrecevabilité du recours serait ainsi constitutif de formalisme excessif.

En vertu du principe de la maxime d'office, le tribunal devait prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui avaient été versées au dossier. Partant, les causes A/12_____ et A/1296/2024 étant traitées par la même chambre du tribunal, il devait se référer au recours du ______ 2023 (A/12_____) et à sa motivation, produit en annexe au présent recours.

La seule raison qui expliquait le rejet de la jonction découlait du manque de diligence et les irrégularités formelles dont avait fait preuve le département dans la notification des décisions en lien avec les procédures I-22______ et I-23______. Si celles-ci avaient été notifiées régulièrement, les causes auraient été jointes.

Malgré les irrégularités liées à la décision I-23______, cette dernière lui avait été notifiée alors même que le tribunal était toujours saisi de la cause A/12_____ liée au refus d'autorisation de construire. De plus, les conditions d'un ordre de remise en état n'étaient pas remplies. La parcelle litigieuse se trouvait dans le futur périmètre des D______, soumis à un plan localisé de quartier (ci-après: PLQ) qui transformerait la zone en en à bâtir. L'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit s'opposait à la remise en état immédiate de la parcelle.

S'agissant de l'amende, il renvoyait aux mémoires de recours du 30 octobre 2023 et du 23 novembre 2023.

27.         Le 15 août 2024, le département a dupliqué.

Aucun grief n'était exposé dans le cadre du recours. Il n'était ainsi pas en mesure de répondre aux griefs formulés. Il n'appartenait ni au département ni au tribunal d'imaginer au regard des faits avancés, des conclusions prises ou d'une éventuelle procédure parallèle quels griefs pourraient potentiellement être invoqués dans le cas d'espèce et développer ses observations sur la base de suppositions, ce d'autant que le recourant était représenté par un avocat. Le fait qu'une brève motivation pût être suffisante ne signifiait pas qu'aucune motivation serait possible. Le prononcé de l'irrecevabilité du recours ne serait ainsi pas constitutif de formalisme excessif.

Les prétendus efforts considérables déployés pour justifier sa position dans le cadre de la présente procédure ne démontraient pas une quelconque violation des principes d'équité et de bonne administration au regard de l'absence d'invocation du moindre grief. La maxime d'office ne permettait pas de palier à un défaut de toute motivation, mais uniquement à servir au traitement des griefs soulevés.

Le recourant avait eu connaissance du défaut de notification de la décision litigieuse déjà au moment de son recours dans le cadre de la procédure A/12_____. Il aurait parfaitement pu le mentionner à l'autorité dès ce moment afin qu'une nouvelle décision fut rendue plus rapidement au bon destinataire. Il avait ainsi assumé le risque que la seconde décision fut différée dans le temps et que les causes fussent traitées de manière disjointe.

Le recourant ne formulait de griefs qu'au stade de la réplique, ce qui était tardif conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Si, par impossible, le tribunal de céans ne devait pas considérer le recours irrecevable, la remise en état était fondée, les installations et constructions n'étant pas conformes à la zone et ne pouvaient pas être autorisées. Les conditions d'un ordre de remise en état étaient remplies. Dans la mesure où il n'y avait pour l'heure pas de PLQ en force, c'était la zone agricole qui s'appliquait. L'intérêt public au rétablissement d'une situation conforme au droit l'emportait sur l'intérêt privé du recourant au maintien des objets en cause. Il existait un intérêt public indéniable, de rang constitutionnel, à la préservation de la zone agricole et à la séparation entre espace bâti et non-bâti. Il y avait également un intérêt important à limiter le nombre et les dimensions des constructions en zone agricole ainsi qu'au respect du principe d'égalité devant la loi.

L'irrégularité de la décision I-23______ ne présentait plus de sens vu le jugement du tribunal du ______ 2024 (JTAPI/5_____) rendu dans la cause A/12_____.

Le recourant contestait le bien-fondé de l'amende au motif qu'une amende lui avait déjà été infligée. Or, cette amende lui avait été adressée pour l'infraction constatée sur la parcelle n° 1______ et non pour celle sur la parcelle n° 3______. La lecture des décisions I-22______ et I-23______ suffisait à démontrer que les faits sanctionnés n'étaient pas les mêmes. Aucune violation du principe ne bis in idem n'était ainsi à constater. L'amende était donc fondée et proportionnée au regard de la nature de l'infraction et son montant modeste.

28.         Le 2 septembre 2024, le recourant a transmis des observations spontanées.

L'acte de recours du 15 mars 2024 n'était pas exempt de toute motivation. Par souci d'économie de procédure, il avait choisi de s'en tenir à une brève motivation concluant à la jonction de la présente cause avec la procédure principale, vu leur connexité. Faisant preuve de bonne foi à l'égard des autorités, il avait estimé que la jonction ne serait pas refusée.

29.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             L’art. 65 al. 1 LPA prévoit que l’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. Par ailleurs, l’art. 65 al. 2 LPA indique que l’acte de recours doit également contenir l’exposé des motifs ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, la juridiction saisie impartie un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d’irrecevabilité.

3.             Pour satisfaire à ces exigences, le recourant doit discuter les motifs de la décision entreprise et indiquer précisément en quoi et pourquoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 133 II 249 consid. 1.4.2 ; 133 IV 286 consid. 1.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_152/2019 du 26 juin 2019 consid. 2 ; ATA/934/ 2019 du 21 mai 2019 consid. 12; ATA/1300/2018 du 4 décembre 2018 consid. 2). En particulier, la motivation doit se rapporter à l'objet du litige tel qu'il est circonscrit par la décision attaquée (cf. ATF 139 IV 1 consid. 4.3 ; 133 IV 119 consid. 6.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_313/2019 du 24 juillet 2019 consid. 6.2) et le recourant doit se référer à des motifs qui entrent dans le pouvoir d'examen de l'autorité de recours (ATA/99/2012 du 21 février 2012 consid. 4 ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2000, p. 387).

4.             L’exigence de motivation de l’art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l’objet du litige qui lui est soumis et de donner l’occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre (ATA/1/2007 du 9 janvier 2007 consid. 5 ; ATA/775/2005 du 15 novembre 2005 consid. 1 ; ATA/179/2001 du 13 mars 2001). Elle signifie que le recourant doit expliquer en quoi et pourquoi il s’en prend à la décision litigieuse (ATA 171/2022 du 17 février 2022 consid. 2 ; ATA/23/2006 du 17 janvier 2006 consid. 2). Il ne suffit par exemple pas d’affirmer qu’une amende administrative est injustifiée sans expliquer la raison de ce grief, ou de reprocher simplement à une décision de constituer un excès du pouvoir d’appréciation de l’autorité qui l’a rendue (ATA/23/2006 du 17 janvier 2006 consid. 2). La motivation doit être en relation avec l’objet du litige et le recourant doit se référer à des motifs qui entrent dans le pouvoir d’examen de l’autorité de recours (BOVAY, Procédure administrative, 2000, p. 387). Le Tribunal fédéral a pour sa part confirmé qu’il faut pouvoir déduire de l’acte de recours sur quels points et pour quelles raisons la décision entreprise est contestée, ce que le recourant demande et sur quels faits il entend se fonder. Une brève motivation est suffisante à condition toutefois que les motifs avancés se rapportent à l’objet de la contestation (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.143/2005 du 21 avril 2005). Encore faut-il que cette motivation soit topique, à savoir qu’il appartient au recourant de prendre position par rapport au jugement (ou à la décision) attaqué et d’expliquer en quoi et pourquoi il s’en prend à ceux-ci (ATF 131 II 470, consid. 1.3 p. 475 [ég. rendu à propos de l’ancienne LOJ] ; Arrêt du Tribunal fédéral I 13403 du 24 février 2004 ; ACOM/6/2006 du 15 février 2006). Enfin, la simple allégation que la décision attaquée serait erronée est insuffisante, la motivation devant être en relation avec l’objet du litige. Ce n’est que si les conclusions ou la motivation existent, sans avoir la clarté nécessaire, que l’autorité doit impartir un délai de correction au recourant (B. BOVAY, op. cit. p. 388).

Cette exigence est considérée comme remplie lorsque les motifs du recours, sans énoncer de conclusions formelles, permettent de comprendre aisément ce que le recourant désire (ATA/239/2013 du 16 avril 2013).

5.             Il serait contraire au texte même de la loi de renoncer à ces exigences minimales (ATA/720/2018 du 10 juillet 2018 et les références citées).

6.             En outre, la juridiction saisie peut se montrer plus exigeante au regard de ces prescriptions de forme lorsque le recourant est assisté d'un avocat ou d'un autre mandataire professionnellement qualifié que s'il agit en personne (ATA/771/2012 du 13 novembre 2012 consid. 3).

7.             Le formalisme excessif, prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 II 244 consid. 2.4.2 ; 130 V 177 consid. 5.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1).

8.             L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/902/2015 du 1er septembre 2015 consid. 3b). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b et les arrêts cités).

9.             En l'espèce, l'objet du litige porte sur la décision du ______ 2024 visant l'ordre de remise en état de la parcelle n° 10_____ et l'amende administrative prononcée en sus.

Il sera d'emblée relevé que si le tribunal de céans connait certes les éléments de fait en lien avec la procédure A/12______, il est également lié par les règles de la procédure administrative, à l'instar de l'art. 65 LPA. S'il est vrai que cette norme doit être interprétée avec une certaine souplesse, elle ne saurait toutefois être vidée de toute sa substance au risque pour le tribunal de céans de verser dans l'arbitraire. Il convient donc d'examiner si les conditions minimales posées par cette norme, en particulier en lien avec la motivation des conclusions, sont remplies.

En l'occurrence, l'acte de recours du 17 avril 2023 contient les conclusions du recourant, à savoir la jonction de la procédure avec celle inscrite sous la référence A/12_____ et l'annulation de la décision du ______ 2024.

Sous l'angle de la motivation, il serait faux d'affirmer que le recours n'en comporte aucune. En effet, dans sa partie « En droit », le recourant développe un grief en lien avec sa conclusion préalable relative à jonction des procédures A/12_____ et A/1296/2024. Or, en l'occurrence, cette question a déjà été tranchée dans le cadre du jugement du ______ 2024 dans la cause A/12_____ (JTAPI 5_____), le tribunal ayant rejeté la demande de jonction en raison de l'écart trop important dans l'avancement des procédures de recours (art. 70 al. 2 LPA). Il n'est ainsi pas nécessaire d'examiner à nouveau cette conclusion préalable.

En revanche, dans son acte de recours du 17 avril 2023, le recourant ne soulève aucun grief au sujet de sa conclusion principale relative à l'annulation de la décision du ______ 2024 ordonnant la remise en état de la parcelle n° 10_____ et lui infligeant une amende administrative.

Bien qu'il allègue que son développement relatif à sa demande de jonction des procédures devrait être lu comme une reprise implicite de l'argumentation produite dans le cadre des recours liés à la cause A/12_____, seule la question du refus de régularisation était également en rapport avec la parcelle n° 10_____. Or, dans le cadre du jugement JTAPI/5______ précité, le tribunal de céans a déjà examiné en détail et tranché la question du refus de régularisation de la parcelle n° 10_____. En revanche, les recours joints sous la cause A/12_____ ne contenaient aucun argument relatif à la remise en état de la parcelle n° 10_____ ou à l'amende administrative qui lui est liée. Le recourant perd de vue que les deux ordres de remise en état prononcés par le département ainsi que les amendes administratives concernent deux parcelles certes voisines mais néanmoins distinctes, avec des irrégularités différentes, ce qui justifiait une argumentation propre et indépendante. Au demeurant, il sera relevé qu'un recourant ne peut pas, de bonne foi, partir du principe qu'une cause sera jointe à une autre, vu la formulation potestative de l'art. 70 al. 1 LPA et la marge d'appréciation accordée au juge administratif.

Par ailleurs, son argumentation subséquente, formulée au stade de la réplique, ne saurait être interprétée comme un simple complément au recours sur cet aspect, à l'image d'un nouvel argument développé pour appuyer une motivation initiale. En effet, l'argumentation développée subséquemment, outre le fait d'être très succincte – le recourant se limitant à exposer très brièvement, en quelques lignes, en quoi les conditions jurisprudentielles justifiant le prononcé d'un ordre de remise en état ne seraient pas remplies –, ne vient pas étoffer ou appuyer une quelconque argumentation précédente, mais constitue la première forme de motivation du recours quant à sa conclusion principale. Concernant l'amende administrative litigieuse, il se contente de renvoyer aux écritures produites dans le cadre de la procédure A/12______. Or, ces procédures concernaient l'amende administrative en lien avec les irrégularités constatées sur la parcelle n° 11_____, dont le recourant est copropriétaire. Bien qu'il conteste au stade de la réplique l'amende infligée en lien avec la parcelle n° 10_____, il n'expose cependant en rien en quoi cette amende serait injustifiée ou disproportionnée par rapport à la situation.

Dans cette mesure, le tribunal parvient à la conclusion que le recours n'a été motivé qu'en lien avec la conclusion préalable du recourant, mais que ce dernier n'a apporté aucune motivation, même brève, en lien avec sa conclusion principale, soit l'objet même du litige, à savoir l'annulation de l'ordre de remise en état de sa parcelle n° 10_____ et de l'amende administrative y afférente dans son acte de recours.

10.         Dans ces conditions, le recours sera déclaré irrecevable pour défaut de motivation.

11.         Vu l’issue du recours, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Le solde de l'avance de frais de CHF 400.- lui sera restitué. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 17 avril 2024 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2024 ;

2.             met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 500.- ;

3.             ordonne la restitution à Monsieur A______ du solde de l’avance de frais de CHF 400.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière