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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/206/2024

JTAPI/905/2024 du 12.09.2024 ( LCI ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : FORÊT;ZONE FORESTIÈRE
Normes : LAT.18.al3; LAT.2c; LForêts.2; LForêts.11; LaLAT.23; LFo.17
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/206/2024 LCI

JTAPI/905/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 12 septembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me François BELLANGER, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ (ci-après : le propriétaire) est propriétaire de la parcelle n° 1______, feuille 2______, de la commune de B______ (ci-après : la commune), à l’adresse C______. Il en a hérité suite au décès son père, Monsieur D______, survenu en 2004.

2.             Cette parcelle est située pour partie en zone des bois et forêts et pour partie en zone agricole. Le bâtiment qui y est érigé se trouve exclusivement en zone des bois et forêts.

3.             Le 23 février1984, suite à l’intervention de la commune, le département des travaux publics (devenu depuis lors le département du territoire; ci-après : le département) s’est rendu sur la parcelle précitée et, selon rapport établi le même jour, a constaté qu’une ancienne dépendance était en cours de transformation et de rénovation sans autorisation. M. D______ projetait d’utiliser cette construction pour son logement. Elle se trouvait contre la lisière du bois et divers dépôts en jonchaient le sol. Deux cheminées sortaient en toiture, un nouvel avant-toit avait été construit sur la face sud et un couvert en bois adossé avait été remplacé par de la maçonnerie, à l’instar de la plupart des murs de façades. Ces interventions constituaient une violation de diverses dispositions de la loi sur les forêts. M. D______ avait déclaré qu'il pensait qu’une autorisation n’était pas nécessaire pour « rénover » une maison existante cadastrée et qu'il déposerait une demande dans ce sens.

4.             Le ______ 1984, le département a enregistré, sous le numéro 3______, la demande d’autorisation de construire déposée par le précité, portant sur la transformation du bâtiment en cause.

5.             Hormis la Commission des monuments, de la nature et des sites (ci‑après : CMNS) qui a émis un préavis défavorable, relevant qu’aucune construction n’avait été autorisée sur cette parcelle et que le département avait refusé deux demandes, respectivement en 1970 (dossier 4______) et en 1973 (dossier 5______), les instances consultées durant l’instruction de cette requête ont préavisé favorablement le projet ou ne s’y sont pas opposées.

6.             Par décision du ______ 1984, le département a accordé l’autorisation de construire 3______ à M. D______. Le permis d’occuper a ensuite été délivré le 17 décembre 1986.

7.             Par décision du ______ 2022 portant le n° DD 6______, entrée en force, le département a refusé d’accorder au propriétaire une autorisation de construire portant sur la « Transformation d’un bâtiment et d’un couvert, l’aménagement de deux logements, d’un garage à vélos et d’un local technique – aménagement de terrasses et de places de stationnement – installation d’une PAC » sur la parcelle considérée. Le projet n’était pas conforme aux art. 24c de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), 42 de l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1), 27C de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), 14 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10) et 9 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01).

Diverses instances consultées avaient émis des préavis négatifs :

La direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) avait estimé que les constructions existantes n’étaient pas conformes à la zone et qu’aucune dérogation n’était applicable. L’office de l'urbanisme (ci-après : OU) avait indiqué que la construction existante ne bénéficiait pas de la garantie de la situation acquise, au sens de l'art. 24c LAT, car elle avait été érigée après le 1er juillet 1972. La commune avait relevé que la parcelle était située en zone agricole et en zone des bois et forêt, et que les propriétaires n’étaient pas des exploitants agricoles. Enfin, l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN) avait considéré que les aménagements projetés n'étaient pas conformes à la zone et que l'art. 24c LAT n'était pas applicable, car aucune des constructions existantes ne se trouvait en zone agricole.

Par ailleurs, les bâtiments existants étaient des constructions non forestières, au sens de l'art. 14 al. 1 LForêts, et la construction existante n’avait été autorisée qu’en date du ______ 1984, dans le cadre de l’autorisation de construire 7______ [recte : 3______]. Une dérogation en application de l’art. 24c LAT ne s’appliquait pas à la zone des bois et forêts et les conditions n’en étaient de toute façon pas remplies.

8.             Par requête du ______ 2022, enregistrée sous le n° DD 8______, le propriétaire a sollicité auprès du département, par le biais de son mandataire, une autorisation de construire sur la parcelle considérée, portant sur la « Transformation d’une maison pour l’aménagement d’un logement et l’installation d’une PAC ». Se référant à sa précédente requête, il a notamment indiqué avoir pris en compte les préavis défavorables rendu dans le cadre de la demande d’autorisation DD 6______. « Selon l’art. 24c LAT », il avait revu le projet dans son ensemble, en s’appuyant sur l’autorisation accordée en 1984.

9.             Le projet a connu une deuxième version le ______ 2023.

10.         Dans le cadre de l’instruction de la requête, les instances suivantes ont notamment été consultées. Ainsi :

-          la direction de l’information du territoire, l’office cantonal de l’énergie, l’office cantonal de l’eau, le service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisant et l’office cantonal des transports ont chacun émis un préavis favorable, sous conditions, respectivement les 18, 22, 31 août, le 19 septembre, et le 1er décembre 2022 ;

-          le 22 septembre 2022, l’OU a préavisé favorablement le projet, avec dérogation, acceptant l’application de l’art. 27C LaLAT. Il a notamment relevé que la construction, qui avait été érigée après le 1er juillet 1972, ne bénéficiait pas de la garantie de la situation acquise (art. 24c LAT) et ne pouvait pas faire l'objet de transformations et d'agrandissements. Partant, seules les constructions et les aménagements, tels qu'ils figuraient sur les plans de la DD 3______ de 1984 pouvaient être conservés. Le projet conservait de manière stricte les surfaces habitables et les annexes autorisées en 1984. Dans la mesure où les modifications visaient en premier lieu une mise aux normes énergétiques et qu’elles répondaient ainsi à un intérêt public, le projet pouvait être exceptionnellement autorisé, dès lors que la construction avait été dûment autorisée ;

-          le 13 décembre 2022, après avoir demandé la production de pièces complémentaires le 30 août 2022 (version 2 des documents du dossier), la commission consultative de la diversité biologique (ci-après : CCDB) a émis un préavis favorable, avec dérogation, acceptant l’application de l’art. 11 al. 2 let. b LForêts, et à condition que les places de parc soient aménagées en matériaux perméables ;

-          le 14 décembre 2022, après avoir demandé le 12 septembre 2022 la production de pièces complémentaires (version 2 des documents du dossier), l’OCAN a émis un préavis favorable, avec dérogation, acceptant l’application de l’art. 11 al. 2 let. b LForêts, à condition que la surface en dur située à l’emplacement du petit couvert démoli soit restituée en pleine terre (COD-1), que les places de parc et les accès soient réalisés avec des matériaux perméables (COD-2) et que toutes les précautions nécessaires soient prises afin de protéger valablement les arbres maintenus à proximité des travaux (COD-3) ;

-          le 14 février 2023, la CMNS a préavisé favorablement le projet, avec dérogation, acceptant l’application de l’art. 11 LForêts ;

-          le 14 février 2023, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS), se référant au préavis précité, a émis un préavis favorable, avec dérogation ;

-          le 15 septembre 2022, la commune a émis un préavis défavorable. Sous la rubrique « DEF-1 », elle a indiqué : « Vu la localisation de la parcelle en zone agricole et en zone des bois et forêts, la commune émet un préavis défavorable sur ce projet de rénovation sachant également que les propriétaires ne sont pas des exploitants agricoles ».

L’analyse de ce document, a conduit l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) à retenir qu’il s’agissait d’un préavis favorable. Il a ainsi édité, le 26 septembre 2022, une copie de ce préavis sur laquelle il a mentionné, en rouge, avoir écarté l’élément qui figurait sous rubrique « DEF-1 », précisant que les positions de l’OAC indiquées en rouge « visent à clarifier les problèmes de formes dans les préavis ou à écarter les demandes qui ne sont pas justifiées par une base légale. Le contenu des préavis formulées par les instances consultées restent inchangés (en noir dans le texte) ».

La DAC s’est prononcée à quatre reprises, par le biais du même préaviseur :

Version 1 des documents du dossier :

-          le 18 août 2022 (document généré à cette date), elle a émis un préavis défavorable, relevant que les constructions concernées se situaient hors de la zone à bâtir et n’étaient pas conformes à l’affectation de la zone, que l’agrandissement du logement en zone des bois et forêts n’était pas justifié, que la buanderie et le local vélos devaient être comptabilisés dans les surfaces brutes de plancher (ci-après : SBP) et qu’il s’agissait d’un agrandissement par rapport à la DD 3______ ;

-          le 18 août 2022 (document généré le 26 septembre 2022), elle a émis un préavis favorable, avec dérogations, indiquant sous rubrique « DER-1 » : « Zone inconstructible » « Articles de lois mentionnés : - Loi d’application de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (L 1 30 Art. 27C) ».

Version 2 des documents du dossier :

-          les 21 juin et 19 octobre 2023, elle a émis des préavis défavorables, la première fois au motif que la construction avait été érigée après le 1er juillet 1972 sans autorisation de construire et la seconde fois au motif qu'elle avait été érigée de manière illégale sans autorisation de construire. Dans ces deux derniers préavis, il était en outre relevé que la construction ne bénéficiait donc pas de la garantie de la situation acquise selon l’art. 24c LAT et qu’elle ne pouvait pas faire l’objet de transformations ou d’amélioration du confort.

11.         Par décision du ______ 2023, le département a refusé de délivrer l’autorisation de construire DD 8______.

L’implantation de constructions à moins de 20 m de la lisière de la forêt, telle que projetée, était interdite (art. 23 al. 2 LaLAT ; art. 4 et 11 al. 1 LForêt). Le projet ne pouvait donc pas être autorisé par voie ordinaire. Une dérogation en application de l’art. 24c LAT, dont les conditions n’étaient pas remplies, n’était pas non plus envisageable. En effet, la maison avait été érigée sans autorisation de construire, qui plus est, après le 1er juillet 1972, excluant ainsi la garantie de la situation acquise. Ce point avait d’ailleurs été expressément relevé par la DAC dans son préavis défavorable du 19 octobre 2023 que le département faisait sien.

12.         Par acte du 15 janvier 2024, le propriétaire (ci-après : le recourant), sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à l’octroi de l’autorisation de construire requise, subsidiairement à ce que le département reprenne l’instruction de cette demande.

Le recourant a notamment retracé l’historique du dossier, relevant que le bâtiment en cause se situait hors de la zone du cadastre forestier, à plus de 10 m de la limite de la lisière de la forêt et que l’autorisation de construire 3______ avait été délivrée sur la base du plan visé ne varietur le ______ 1984 qui comprenait l’ensemble de la construction existante, de même que ses transformations.

Contrairement à la position du département, cette construction était régie par l’art. 11 al. 2 let. b LForêts et non pas par l’art. 24c LaLAT [recte : LAT]. En effet, il s’agissait d’une petite construction existante à caractère non forestier, dès lors qu’il s’agissait d'un bâtiment d'habitation, situé hors de la forêt, à plus de 10 mètres de la lisière de la forêt, dans la zone des bois et forêts.

En outre, la décision litigieuse retenait à tort que cette construction n’avait pas été autorisée et qu’elle avait été érigée illégalement, après le 1er juillet 1972.

S’il était certes admis que le bâtiment avait été construit illégalement avant 1983, il n’en demeurait pas moins qu’elle avait fait l’objet d’une régularisation, le département ayant délivré, en pleine connaissance de cause, l’autorisation de construire 3______, le ______ 1984. L’existence du caractère initialement illicite de la construction n’avait ainsi pas pu échapper au département, étant relevé que certaines des instances consultées lors de l’instruction du dossier s’étaient déclarées défavorables au projet, précisément pour ce motif. La décision de refus du ______ 2022 relevait d’ailleurs que la construction avait bien été autorisée (3______) et il convenait d’admettre que cette régularisation portait sur l’ensemble de l’objet, sauf à considérer que le département aurait autorisé une toiture sur une construction illégale, ce qui n’aurait pas de sens.

Même à admettre que le bâtiment en cause serait illicite, le recourant serait alors protégé par le principe de la bonne foi, compte tenu de l'écoulement du temps et de la « tolérance active », voire de la passivité des autorités qui avaient régularisé la situation en 1984 et n’avaient pris aucune autre mesure durant plus de quarante ans.

En outre, le 29 septembre 2023, le parlement avait adopté une modification de la LAT qui prévoyait l’introduction d’un nouvel art. 25 al. 5 LAT, stipulant que le : « droit au rétablissement de la situation conforme au droit se prescrit après 30 ans. Le délai est respecté lorsque l'autorité compétente intervient pour la première fois avant la fin de ce délai. Il n'y a pas de prescription si des biens de police, en particulier d'ordre public, la tranquillité, la sécurité ou la santé publics, sont mis en péril ». Le délai référendaire arrivait à échéance le 15 février 2024 et aucun référendum n’avait été lancé. Partant, cette modification entrerait prochainement en vigueur, ce qui garantirait le maintien de la maison existante qui ne pouvait être remis en cause.

La décision litigieuse était également infondée car elle faisait abstraction des dérogations applicables et plus particulièrement de l’art. 11 al. 2 let. b LForêts. Or, les travaux projetés conservaient l'emprise et la structure du bâtiment existant, ainsi que son affectation, soit un seul logement. De plus, le projet visait avant tout à assurer une meilleure habitabilité des pièces et à procéder à une mise aux normes énergétiques, avec la pose d'isolation et de panneaux solaires, de façon à rendre le bâtiment moins énergivore. La demande répondait ainsi à un intérêt public et n’en lésait aucun.

En outre, le département s’était fondé sur le préavis défavorable de la DAC du 19 octobre 2023 qui était juridiquement faux, car basé sur l'art. 24c LAT, et il n’avait pas pris pas en compte tous les préavis favorables qui admettaient expressément une dérogation à l'art. 11 al. 2 let. b LForêts. Dans cette mesure le refus du département était illégale, voire arbitraire.

Il violait également le principe de la proportionnalité car il portait une grave atteinte à l'intérêt public à l'assainissement d'un bâtiment énergivore ainsi qu’à l'intérêt privé du recourant à pouvoir mettre son habitat aux normes énergétiques actuelles, et n’était justifié par aucun intérêt public, comme en attestait tous les préavis positifs des services consultés.

13.         Dans ses observations du 25 mars 2024, le département a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours, s’en rapportant à justice s’agissant de sa recevabilité.

Il ressortait clairement du préavis de la commune du 15 septembre 2022 qu’elle était opposée au projet et le document édité le 26 septembre 2022 procédait d’une malheureuse erreur. Quant à la DAC qui avait rendu différents préavis, elle avait émis, en dernier lieu, un préavis défavorable le 19 octobre 2023.

Cela étant, tant l’art. 22 al. 1 LAT que l’art. 11 LForêts stipulaient qu’une autorisation de construire était nécessaire à l’édification d’une construction ou d’une installation en zone de bois et forêts et selon cette dernière disposition, l'implantation de constructions à moins de 20 m de la lisière de la forêt était interdite, sauf dérogations. Or, considérant les art. 13 et 14 LForêts, force était de constater que la parcelle en cause se trouvait non seulement hors de la zone à bâtir, mais également en surface inconstructible. Dans cette mesure et conformément à la doctrine et la jurisprudence, seul l’art. 24c LAT entrait en ligne de compte. Le département était néanmoins d’avis que cette disposition ne pouvait être mise en œuvre car le bâtiment avait été construit bien après le 1er juillet 1972, sur une surface qui était alors déjà inconstructible (aire forestière). Ainsi, malgré les divers préavis favorables, il n’avait eu d’autre choix que de refuser l’autorisation de construire sollicitée.

L’OU avait certes considéré que le projet pouvait être autorisé de manière exceptionnelle, dès lors que la mise aux normes énergétiques répondait à un intérêt public. Cela étant, il ressortait clairement de la jurisprudence que l’art. 24c LAT ne pouvait être interprété extensivement ou avec souplesse. Le principe de la proportionnalité n’avait ainsi pas été violé. Enfin, le département n’ayant pas exigé la démolition et l’évacuation du bâtiment, on ne voyait dans quelle mesure le principe de la bonne foi pouvait être invoqué.

14.         Le recourant a répliqué le 2 mai 2024, sous la plume de son conseil, persistant dans ses conclusions.

Les conditions d’octroi d’une dérogation en application des art. 24 ss LAT, applicables à tout projet de construction situé hors de la zone à bâtir, ne pouvaient être assimilées au cas particulier d’une surface forestière soumise à une réglementation fédérale spécifique. L'analyse du département, qui considérait que la parcelle en question était située en zone inconstructible, ne tenait pas compte des exigences majeures de l'aménagement du territoire, et plus précisément de l'attribution de la forêt à la zone de protection (art. 18 LAT). Le périmètre de l'aire forestière concerné constituait une autre zone d'affectation au sens des art. 18 LAT et 23 LaLAT, si bien que la question de l'octroi d'une dérogation devait d’abord être examinée sous l’angle de de cette réglementation spécifique qui permettait de situer la construction concernée en zone de bois et forêts. Or, selon la jurisprudence, lorsque des atteintes à la forêt étaient invoquées en lien avec la distance inappropriée des bâtiments projetés, le droit fédéral déduit de l’art. 17 loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (loi sur les forêts du 4 octobre 1991, LFo - RS 921.0) était « décisif » et le droit cantonal prévoyait la possibilité d’une dérogation au principe de l’interdiction de construire à moins de 20 m de la lisière de la forêt, après consultation de différentes instances (art. 11 al. 3 LForêts), dont l’OCAN et la CCDB. Or, ces derniers avaient préavisé favorablement le projet.

L'autorisation de construire litigieuse, qui portait sur la transformation intérieure de la maison existante, aurait dû être examinée sous l'angle de la dérogation spéciale de l’art. 11 LForêts, en lien avec la problématique de l’implantation du bâtiment, comme l’avaient fait les instances compétentes ayant préavisé favorablement le projet.

L’art. 24c LAT n’était donc pas applicable et il en allait de même de la jurisprudence citée par le département (ATA/233/2022) qui ne traitait pas d’une rénovation, d’une transformation partielle, d’un agrandissement mesuré ou d’une reconstruction sur une parcelle devenue inconstructible.

Par ailleurs, le projet prévoyait de conserver l'aspect extérieur de la construction, de sorte qu’il ne porterait aucune atteinte à l'intérêt public que constituait la protection des plantations forestières avoisinantes, ce que corroboraient les préavis positifs des instances compétentes qui n’avaient émis aucune réserve à cet égard. Dans cette mesure et eu égard aux intérêts privés du recourant, la décision litigieuse était disproportionnée.

Enfin, compte tenu de l'écoulement du temps depuis 1984 et en l'absence d'ordre de remise en état, le recourant pouvait de bonne foi penser « qu'il y avait des chances sérieuses de solliciter des transformations intérieures du bâtiment », dès lors qu’elles n’impactaient pas l'aire forestière.

15.         Le 23 mai 2024, le département a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

Non seulement il n’avait jamais contesté le fait que le bâtiment concerné se trouvait en zone de bois et forêts au sens de l’art. 23 al. 1 LaLAT, mais il avait également affirmé que les dispositions légales applicables à cette zone, soit les art. 11, 13 et 14 LForêts, permettaient clairement de comprendre que la partie de la parcelle qui se situait dans ladite zone se trouvait hors de la zone à bâtir et en surface inconstructible. Partant, seules les dérogations prévues aux art. 24 ss LAT étaient applicables et plus précisément l’art. 24c LAT. Cela étant, seules les constructions et installations érigées ou transformées légalement avant le 1er janvier 1972 entraient dans le champ d’application de cette disposition, condition qui n’était pas remplie en l’espèce.

16.         Le détail des pièces produites et des arguments des parties sera repris ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le recourant conteste le bien-fondé de la décision du département du ______ 2023, refusant de lui accorder l’autorisation de construire sollicitée afin de procéder à la transformation du bâtiment et à l’installation d’une PAC. Cela étant, il est admis que le bâtiment en cause se trouve sur la partie de la parcelle située en zone de bois et forêts au sens de l'art. 23 LaLAT), soit hors de la zone à bâtir, mais il soutient principalement que c'est exclusivement la législation fédérale et cantonale en matière de protection de la forêt qui devrait s'appliquer dans le cas d'espèce, à l'exclusion des dispositions de la LAT régissant les constructions autorisables à titre dérogatoire, en particulier l'art. 24C LAT.

4.             Selon l'article 14 LAT, les plans d'utilisation du sol dressés par les cantons délimitent les zones à bâtir, les zones agricoles et les zones à protéger. En dehors ou à l'intérieur de ces zones-cadre, les cantons peuvent prévoir d'autres zones d'affectation (art. 18 al. 1 LAT).

À teneur de l’art. 18 al. 3 LAT, l’aire forestière est définie et protégée par la législation fédérale. La doctrine retient qu'elle se situe hors de la zone à bâtir (Rudolf MUGGLI, in Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN, Commentaire pratique LAT : Construire hors zone à bâtir, 2017, n. 30 ad remarques préliminaires art. 24 à 24e et 37a LAT).

5.             Sur le plan cantonal, la LaLAT distingue, selon sa systématique, les zones ordinaires (Titre III chap. III) et plusieurs autres types de zones (Titre III chap. IV et suivants). Les zones ordinaires sont elles-mêmes de différents types et comprennent plusieurs catégories de zones à bâtir (Section 1), la zone agricole (Section 2), les zones de gravières et de décharges (Section 2A), les zones de hameau (Section 3), les zones des bois et forêts (Section 4), etc. Selon l'art. 23 LaLAT, la zone des bois et forêt comprend la surface forestière du canton, telle que déterminée par la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (al. 1). Cette loi définit les possibilités de construction dans ladite zone (al. 2).

6.             À teneur de l'art. 2 de la LForêts, sont considérés comme forêts les peuplements boisés présentant toutes les caractéristiques qualitatives d'une forêt, exerçant une fonction forestière et répondant à un certain nombre de critères énumérés par cette disposition légale.

7.             Eu égard à ce qui précède, il convient de distinguer, d'une part, la zone des bois et forêts en tant que zone d'affectation au sens de l'art. 23 LaLAT et, d'autre part, la forêt elle-même, telle que définie par la législation fédérale et par l'art. 2 LForêts. La différence tient au fait que la forêt elle-même n'occupe pas nécessairement entièrement le périmètre d'une zone de bois et forêts.

La conséquence de cette distinction concerne le régime juridique applicable à un projet de construction, selon qu'il se situe à l'intérieur de la forêt, ou à l'extérieur de cette dernière mais néanmoins en zone des bois et forêts. Dans le premier cas, outre les dispositions spécifiques de la LForêts, le projet est soumis aux conditions de l'art. 11 LFo, qui prescrit la manière dont s'appliquent les dispositions de la LAT relatives aux autorisations de construire ordinaires ou exceptionnelles. Dans le second cas, on se situe en dehors du champ d'application de la LFo et la question relative à la possibilité d'ériger une construction s'analyse en premier lieu sous l'angle des dispositions dérogatoires de la LAT et de la LaLAT applicables aux constructions prévues en dehors de la zone à bâtir.

8.             Dans la présente espèce, à teneur du Système d'information du territoire genevois (SITG), le bâtiment litigieux est certes entièrement inscrit à l'intérieur de la zone des bois et forêts, mais néanmoins à l'extérieur du cadastre forestier, c'est-à-dire en dehors de la forêt, comme le montrent d'ailleurs les photographies aériennes également disponibles sur le SITG.

Par conséquent, contrairement à ce que soutient le recourant, le projet litigieux n'est pas soumis à la LForêts, sinon sous l'angle de son art. 11 qui réglemente les constructions situées à proximité de la forêt. Le recourant lui-même ne semble d'ailleurs pas contester que le projet litigieux se situe en dehors de la forêt, puisqu'il invoque précisément les art. 17 LFo et 11 LForêts qui concernent les constructions situées à proximité de cette dernière.

9.             Comme indiqué plus haut, il en résulte que ce sont avant tout les dispositions de la LAT relatives aux constructions situées en dehors de la zone à bâtir qui s'appliquent, l'art. 11 LForêts ne trouvant pour sa part application, en tant qu'il pose des conditions spécifiques relatives à la protection de la forêt, que pour autant que le projet concerné soit autorisable sous l'angle de la LAT.

10.         À teneur de l’art. 24c LAT, hors de la zone à bâtir, les constructions et installations qui peuvent être utilisées conformément à leur destination mais qui ne sont plus conformes à l’affectation de la zone bénéficient en principe de la garantie de la situation acquise (al. 1). L’autorité compétente peut autoriser la rénovation de telles constructions et installations, leur transformation partielle, leur agrandissement mesuré ou leur reconstruction, pour autant que les bâtiments aient été érigés ou transformés légalement (al. 2). Les modifications apportées à l’aspect extérieur du bâtiment doivent être nécessaires à un usage d’habitation répondant aux normes usuelles ou à un assainissement énergétique ou encore viser à une meilleure intégration dans le paysage (al. 4). Dans tous les cas, les exigences majeures de l’aménagement du territoire doivent être remplies (al. 5).

11.         Pour prétendre à une dérogation au titre des art. 24 à 24e et 37a LAT, le projet en question doit notamment se trouver hors de la zone à bâtir, qui, comme vu plus haut comprend notamment l’aire forestière, être non conforme à l’affectation de la zone de non bâtir concernée et répondre aux critères spécifiques à l’une des situations visées aux art. 24 à 24e ou 37a LAT (Rudolf MUGGLI op. cit. n. 30 et n. 32 ad remarques préliminaires art. 24 à 24e et 37a LAT).

12.         Le champ d'application de l'art. 24c LAT est restreint aux constructions et installations qui ont été érigées ou transformées conformément au droit matériel en vigueur à l'époque, mais qui sont devenues contraires à l'affectation de la zone à la suite d'une modification de la législation ou des plans d'aménagement (cf. art. 41 OAT). La date déterminante est en principe celle du 1er juillet 1972, date de l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 8 octobre 1971 sur la protection des eaux contre la pollution, qui a introduit le principe de la séparation du territoire bâti et non bâti (ATF 129 II 396 consid. 4.2.1; arrêts 1C_491/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.1 ; 1C_162/2019 du 25 novembre 2019 consid. 3.1 et les références citées). L’art. 41 al. 1 OAT précise qu’il s’agit de constructions et installations « érigées ou transformées légalement avant l’attribution du bien-fonds à un territoire non constructible au sens du droit fédéral ». Les possibilités offertes par l'art. 24c LAT ne peuvent être utilisées qu'une seule fois (arrêt du Tribunal fédéral 1C_347/2014 du 16 janvier 2015 consid. 3.5).

Cette disposition ne s’applique donc pas aux constructions ayant toujours été contraires à l’affectation de la zone, mais ayant été érigées après l’introduction, le 1er juillet 1972, de la séparation entre territoire constructible et non constructible (Rudolf MUGGLI in Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN, Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 2010, n. 17 ad. art. 24 LAT).

13.         L’art. 24c LAT ne s’applique pas non plus aux constructions qui sont transformées ou érigées illégalement, même si le rétablissement de l’état conforme au droit n’a pas pu être effectué pour des raisons de proportionnalité, de prescription ou de péremption. Le fait qu’une construction illicite en zone agricole a été tolérée pendant longtemps par les autorités et que le propriétaire est dès lors protégé dans sa bonne foi, empêche également l’application de l’art. 24c LAT et s’oppose tout au plus à une remise en état des lieux (arrêt du Tribunal fédéral 1C_486/2015 du 24 mai 2016 consid. 2.1.1 et les références citées).

Si, dans le cas d’une construction formellement et matériellement contraire au droit, l’autorité renonce à rétablir l’état conforme au droit, cela ne change rien au caractère illégal de la construction, qui ne peut dès lors être modifiée au titre de l’art. 24c LAT (Rudolf MUGGLI, in Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN, Commentaire pratique LAT : Construire hors zone à bâtir, 2017, n. 15 ad art. 24c LAT).

14.         En l’espèce, force est de constater que les critères précités dégagés par la jurisprudence et la doctrine ne sont pas remplis. En effet, il ressort du dossier que le bâtiment en cause, qui ne figure pas sur les photographies aériennes de 1972 mais qui est visible sur celles de 1983, aurait été construit, selon le recourant en 1981 ou en 1982. En tout état, le bâtiment a non seulement été érigé après l'entrée en vigueur, le 1er juillet 1972, de la loi fédérale du 8 octobre 1971 sur la protection des eaux contre la pollution, mais il a aussi toujours été contraire à l’affectation de la zone dans laquelle il se trouvait, sans que l'autorisation délivrée en 1984 n'y change quoi que ce soit. Contrairement à ce que prévoit l'art. 24c LAT, il n’est ainsi pas devenu contraire à l'affectation de la zone à la suite d'une modification de la législation ou des plans d'aménagement.

Pour ces motifs, c’est à juste titre que le département a refusé de délivrer une autorisation de construire dérogatoire, en application de l’art. 24c LAT.

15.         Le recourant invoque une violation du principe de la bonne foi. Il soutient que, même en admettant que le bâtiment en cause serait illicite - ce qu’il conteste compte tenu de sa régularisation lors de l’octroi de l’autorisation de construire en 1984 - il serait protégé par le principe de la bonne foi. Le département n’avait en effet pris aucune mesure à son encontre durant plus de quarante ans. De plus, le nouvel
art. 25 al. 5 LAT appelé à entrer en vigueur prochainement en vigueur garantirait le maintien de ce bâtiment qui ne pourrait être remis en cause. En outre, compte tenu de l’écoulement du temps et de l’absence d’ordre de remise en état, il pouvait penser de bonne foi qu’il avait « des chances sérieuses » d’obtenir l’autorisation de procéder à des transformations intérieures.

16.         Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_341/2019 du 24 août 2020 consid. 7.1).

À certaines conditions, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_626/2019 du 8 octobre 2020 consid. 3.1 ; 2C_136/2018 du 24 septembre 2018 consid. 3.2). Conformément au principe de la confiance, qui s'applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l'administration doivent recevoir le sens que l'administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu'il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 1P.292/2004 du 29 juillet 2004 consid. 2.1 ; ATA/1299/2019 du 27 août 2019 consid. 3d).

17.         Le droit à la protection de la bonne foi peut également être invoqué en présence simplement d'un comportement de l'administration, notamment en cas de silence de l'autorité dans une situation de fait contraire au droit, susceptible d'éveiller chez l'administré une attente ou une espérance légitime (ATF 129 II 361 consid. 7.1). Entre autres conditions, l'autorité doit être intervenue à l'égard du citoyen dans une situation concrète et celui-ci doit avoir pris, en se fondant sur les promesses ou le comportement de l'administration, des dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir de préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 9C_628/2017 du 9 mai 2018 consid. 2.2).

La précision que l'attente ou l'espérance doit être « légitime » est une autre façon de dire que l'administré doit avoir eu des raisons sérieuses d'interpréter comme il l'a fait le comportement de l'administration et d'en tirer les conséquences qu'il en a tirées. Tel n'est notamment pas le cas s'il apparaît, au vu des circonstances, qu'il devait raisonnablement avoir des doutes sur la signification du comportement en cause et se renseigner à ce sujet auprès de l'autorité (ATF 134 I 199 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2015 du 6 août 2015 consid. 5.1).

18.         Le principe de la confiance est toutefois un élément à prendre en considération et non un facteur donnant en tant que tel naissance à un droit (arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 193 n. 569 et les références citées).

19.         Lorsque des constructions ou des installations illicites sont réalisées en dehors de la zone à bâtir, le droit fédéral exige en principe que soit rétabli un état conforme au droit. Le principe de la séparation de l'espace bâti et non bâti, qui préserve différents intérêts publics, est de rang constitutionnel; il fait partie intégrante de la notion d'utilisation mesurée du sol de l'art. 75 al. 1 Cst. (ATF 147 II 309 consid 5.5; arrêts 1C_582/2021 du 21 février 2023 consid. 6.1; 1C_533/2021 du 19 janvier 2023 consid. 5; cf. art. 14 al. 2, 16 al. 1, 22 al. 2 let. a et 24 ss LAT). Cette séparation doit par conséquent, en dehors des exceptions prévues par la loi, demeurer d'application stricte. Si des constructions illégales, contraires au droit de l'aménagement du territoire, sont indéfiniment tolérées en dehors de la zone constructible, le principe de la séparation du bâti et du non bâti est remis en question et un comportement contraire au droit s'en trouve récompensé. S'ajoute à cela que la remise en état poursuit encore d'autres intérêts publics, à savoir la limitation du nombre et des dimensions des constructions en zone agricole (ATF 132 II 21 consid. 6.4) ainsi que le respect du principe de l'égalité de traitement devant la loi (arrêts 1C_189/2022 du 13 janvier 2022 consid. 2.2; 1C_8/2022 du 5 décembre 2022 consid. 4.1).

20.         À l'inverse de ce qui prévaut pour les zones à bâtir, l'obligation de rétablir un état conforme au droit ne s'éteint pas après 30 ans s'agissant de bâtiments et installations érigés illégalement en dehors de la zone à bâtir (ATF 147 II 309 consid. 4 et 5). En particulier, s'il peut certes être tenu compte de situations exceptionnelles par le biais de solutions spécifiques, notamment par la fixation d'un délai de remise en état plus long, une utilisation illégale, qui contrevient au principe fondamental en matière d'aménagement du territoire de la séparation du territoire bâti et non bâti, ne doit pas se poursuivre indéfiniment sur la base du simple écoulement du temps
(ATF 147 II 309 consid. 5.5 et 5.6).

21.         En l’espèce, il convient tout d’abord de relever que la décision litigieuse ne remet nullement en cause l’existence du bâtiment concerné par le projet. Cela étant, on ne voit pas en vertu de quels règle ou principe l’écoulement du temps et l’absence d’ordre de remise en état seraient des critères de nature à laisser entendre au recourant qu’il serait autorisé à procéder à des transformations à l’intérieur dudit bâtiment. L’écoulement du temps n’est ainsi pas un critère pertinent dans ce contexte. Au demeurant, le département n’a à aucun moment donné une quelconque assurance au recourant quant à l’octroi d’une quelconque autorisation de construire et l'on ne voit pas non plus, au demeurant, quelles dispositions spécifiques le recourant aurait prises en vertu du comportement de l'autorité intimée, telles qu'il ne pourrait y renoncer sans subir un préjudice.

Il ne peut ainsi être reproché à l’autorité intimée d’avoir violé le principe de la bonne foi.

22.         Le recourant fait également grief au département d’avoir violé le principe de la proportionnalité, au motif que la décision litigieuse portait une grave atteinte à l’intérêt public à l’assainissement d’un bâtiment énergivore et à son intérêt privé à une mise aux normes énergétiques de son habitat. De plus, le projet prévoyait de conserver l’aspect extérieur du bâtiment, de sorte qu’il ne porterait aucune atteinte à l’intérêt public à la protection des plantations forestières, ce que corroboraient les préavis positifs des instances spécialisées.

23.         Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive. En outre, ce principe interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 145 I 297 consid. 2.4.3.1 et les références citées).

Traditionnellement, ledit principe se compose des règles d’aptitude - qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; ATA/1145/2023 du 17 octobre 2023 consid. 7.3).

24.         L'autorité peut renoncer à un ordre de démolition, conformément au principe de la proportionnalité, si les dérogations à la règle sont mineures, si l'intérêt public lésé n'est pas de nature à justifier le dommage que la démolition causerait au maître de l'ouvrage, si celui-ci pouvait de bonne foi se croire autorisé à construire ou encore s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (ATF 132 II 21 consid. 6; 123 II 248 consid. 3a/bb). Celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit s'attendre à ce que celle-ci se préoccupe plus de rétablir une situation conforme au droit que d'éviter les inconvénients qui en découlent pour lui (ATF 123 II 248 consid. 4a; arrêt 1C_189/2022 du 13 janvier 2023 consid. 2.2).

25.         En l’espèce, les arguments que le recourant oppose à la décision de refus ne sont pas pertinents dans le cadre d'un refus d'autorisation de construire, dès lors que cette décision a pour seul objectif d'examiner si le projet concerné est conforme au droit des constructions ou non, l'autorité n'ayant, dans ce cadre, aucune marge d'appréciation pour autoriser une construction contraire à l'art. 24c LAT.

De plus, il convient de souligner que l’autorité intimée n’a pas prononcé d’ordre de remise en état, mesure qui poursuivrait in casu l’intérêt public au respect de la séparation de l'espace bâti et non bâti. Dans ces circonstances, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir tenu compte des intérêts privés du recourant.

Ce grief sera ainsi écarté.

26.         Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision entreprise confirmée.

27.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 15 janvier 2024 par Monsieur A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Patrick BLASER et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière