Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2453/2024

JTAPI/722/2024 du 22.07.2024 ( MC ) , CONFIRME PARTIELLEMENT

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.75.al1.leth; LEI.76.al1.letb; LEI.76.al1.letb.ch3; LEI.76.al1.letb.ch4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2453/2024 MC

JTAPI/722/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 juillet 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Francesco MODICA, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1985, est originaire de Tunisie. Démuni de document d'identité, il a été identifié par les autorités tunisiennes en janvier 2018.

2.             Le 22 mars 2019, l'intéressé a déposé en Suisse une demande d'asile, laquelle a fait l'objet d'une décision de rejet et de renvoi. L'exécution du renvoi n'étant alors pas exigible, M. A______ a été mis au bénéfice d'une admission provisoire, que le canton de Genève a été chargé de mettre en œuvre.

3.             Par décision du 23 février 2023, le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) a levé l'admission provisoire et imparti à M. A______ un délai de départ au 23 avril 2023. La demande de réexamen de cette décision a été rejetée par le SEM le 8 mai 2024. Cette décision a été confirmée par le Tribunal administratif fédéral le 3 juillet 2024.

Il était en substance rappelé, dans ce dernier jugement, que le SEM, en application de l'art. 83 al. 7 LEI, avait levé l'admission provisoire de l'intéressé, de sorte que la question de l'exigibilité de l'exécution de son renvoi, tout comme d'ailleurs celle de sa possibilité, n'avait plus à être examinée. Seule se posait la question de la licéité de la mesure de renvoi, que le SEM avait à juste titre examinée sous l'angle du seul motif à l'appui duquel un élément de preuve nouveau avait été présenté, soit l'état de santé de l'intéressé. Or, en l’espèce, l'état de santé de l'intéressé, à en admettre une quelconque évolution depuis la levée de l'admission provisoire, ne suffisait pas à faire obstacle à l'exécution de son renvoi sous l'angle de la licéité de cette mesure, le recourant se trouvant manifestement dans un état stable ne nécessitant aucun soin urgent. En outre, en l’absence d’éléments nouveaux, il n’y avait pas lieu de revenir sur l'appréciation du SEM selon laquelle il pourrait bénéficier en Tunisie d'un suivi psychologique adapté. Enfin, même si l'intéressé avait fait état de sa volonté de s’amender, il n’avait pas fourni d'éléments susceptibles de revoir l'examen fait par le SEM sous l’angle de la proportionnalité.

Dans sa décision du 8 mai 2024, le SEM a, pour sa part, retenu que l’exécution du renvoi de l’intéressé était licite, le certificat médical du 17 janvier 2024 n’étant pas de nature à modifier cette appréciation et un suivi psychiatrique et/ou médical de l’intéressé étant possible en Tunisie.

4.             Entre le 20 novembre 2014 et le 28 mars 2023, M. A______ a été condamné pas moins de dix-huit fois, notamment pour entrée illégale, séjour illégal, délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), actes d'ordre sexuel avec un enfant, violation de domicile, dommages à la propriété, vol (au sens de l'art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0) et recel (au sens de l'art. 160 ch.1 al. 1 CP). Trois procédures pénales, ouvertes pour vol et contravention à la LStup, sont par ailleurs en cours.

5.             Le 17 octobre 2023, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois.

6.             Par jugement du 20 octobre 2023, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal) – considérant, en substance, que la détention administrative n'apparaissait pas absolument nécessaire pour permettre aux autorités compétentes de conserver un contrôle sur M. A______ jusqu'au moment de l'exécution de son renvoi – a ordonné sa libération immédiate.

7.             Entendu par un collaborateur de l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) en date du 16 novembre 2023, M. A______ a notamment déclaré être opposé à son retour en Tunisie. Son attention a été attirée sur le fait que des mesures de contrainte en matière de droit des étrangers, en particulier une détention administrative, pourraient être prises à son encontre.

8.             Il ressort d’un rapport d'arrestation de M. A______ du 22 décembre 2023 que ce dernier n'entendait pas quitter la Suisse – où il voulait continuer à être soigné – et que sa mère vivait en Tunisie, tandis que l'un de ses frères vivait à B______ (Emirats Arabes Unis) et un autre à C______ (canton de Vaud).

9.             Le 5 avril 2024, l'intéressé a disparu du foyer de D______, ______[GE], qui l'hébergeait.

10.         Le 28 juin 2024, M. A______ a été interpellé à Lausanne et libéré le jour même.

11.         En raison de la disparition de M. A______, une demande d'inscription au RIPOL a été effectuée, le 9 juillet 2024, en vue de l'exécution de son renvoi.

12.         A nouveau interpellé dans le canton de Vaud le 18 juillet 2024, l'intéressé a été acheminé par Jail Train Street (JTS) le lendemain à Genève, où il a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

13.         Le 19 juillet 2024, à 14h05, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, en application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1, renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. h LEI,
ch. 3 et 4 LEI.

Selon les informations fournies par le SEM, après un entretien préalable entre le candidat au retour et l'ambassade de Tunisie, un laissez-passer pourrait être obtenu dès qu'une date de vol serait connue, moyennant un délai de quinze jours ouvrables.

Lors de son audition, l’intéressé a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Tunisie, en raison d’un traumatisme suite à un évènement qui s’y était déroulé. Il avait également peur de représailles et de retourner en prison.

14.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au tribunal le même jour.

15.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a indiqué n’être toujours pas d’accord de retourner en Tunisie car il ne savait pas ce qui lui arriverait là-bas. C’était l’inconnu. Il savait en revanche ce qui lui était arrivé là-bas par le passé. Son père venait de décéder en Tunisie. Depuis lors, sa mère était toute seule et il aimerait beaucoup être à ses côtés. Cela étant, il s’était renseigné quant à sa situation en Tunisie, et elle n’avait pas changé. Il était toujours sous enquête et son nom apparaissait toujours par rapport à son activité antérieure au sein de l’aviation. Il se rendait toutefois compte qu’il n’y avait plus d’option pour lui en Suisse et que toutes les portes étaient désormais fermées. Il ne souhaitait plus être un poids pour son frère qui vivait en Suisse et le soutenait jusqu’alors, ni d’ailleurs pour la société. Aujourd’hui, il pourrait donc envisager un retour en Tunisie.

La représentante du commissaire de police a expliqué qu’ils avaient fait une demande de certificat d’aptitude au vol pour M. A______ dès sa détention pour motif du droit des étrangers. Une réponse devrait leur parvenir rapidement car l’intéressé avait accepté de lever les médecins de leur secret médical le 16 novembre 2023. Il devrait être vu prochainement par ces derniers. L’intéressé ayant déjà été formellement identifié, un entretien préalable à l’ambassade de Tunisie à Berne n’était en principe plus nécessaire. Cela étant, ils ne pouvaient complètement l’exclure. Une fois l’aptitude au vol confirmée, ils procéderaient à la réservation d’un vol avec un délai de quinze jours, en vue de l’obtention d’un laissez-passer, et, au besoin, de la présentation de M. A______ à un entretien préalable.

Le conseil de M. A______ a versé à la procédure un chargé de pièces.

Sur question de son conseil, M. A______ a indiqué que si un billet d’avion était réservé en sa faveur, il était prêt à retourner en Tunisie. Maintenant, il savait que des personnes (son frère, sa belle-famille et les autorités suisses) étaient au courant s’il rentrait en Tunisie. Cela le rassurait par rapport à ce qui pourrait lui arriver. La vie et son intégration en Suisse étaient impossibles sans permis, moralement ça le tuait. Son frère allait se marier en août 2024 et sa mère, qu’il n’avait plus vue depuis quinze ans, viendrait en Suisse à cette occasion. Le 30 avril 2024, lorsqu’il s’était présenté à l’OCPM afin de tamponner son document d’aide d’urgence-contrôle en vue de renvoi, on l’avait fait attendre et ensuite la police était arrivée et lui avait dit considérer qu’il avait disparu dans la clandestinité. Ils l’avaient néanmoins laissé partir, car il n’y avait pas de place de détention administrative. Par la suite, il avait perdu ses papiers lui permettant de dormir à D______. Lorsqu’il avait été interpellé le 18 juillet 2024 dans le canton de Vaud, c’était parce qu’il ne savait pas qu’il fallait qu’il reste à Genève et s’y présente régulièrement aux autorités de ce canton.

La représentante du commissaire de police a expliqué que M. A______, dans sa situation, devait rester à disposition des autorités genevoises. Cela signifie qu’il devait retourner tous les jours au centre de D______. S’il avait perdu son document « aide d’urgence », il pouvait facilement en demander un autre, notamment par le biais de son conseil. L’intéressé était parfaitement informé de ces modalités.

Le conseil de M. A______ a précisé que son client avait en réalité perdu le document de contrôle. Quand il était allé à l’OCPM sur son conseil, afin de le refaire, la police avait été informée de sa présence et avait retenu qu’il avait disparu du foyer de D______.

Sur question de son conseil, M. A______ a expliqué qu’il n’était plus retourné dormir à D______ après le 5 avril 2024 en raison de problèmes de violence récurrents avec des kurdes, lesquels échangeaient régulièrement des coups entre eux. Ils dormaient à six dans la chambre et comme les chambres n’avaient pas de toit, ils recevaient parfois des projectiles. Suite à ces problèmes, deux personnes de sa chambre avaient été déplacées dans un autre foyer.

Sur question du conseil de M. A______, la représentante du commissaire de police a expliqué que si ce dernier était renvoyé en Tunisie par vol DEPU, il voyagerait comme un voyageur lambda et les autorités tunisiennes ne seraient pas informées de son arrivée. Tel serait en revanche le cas pour un renvoi par vol DEPA, vol par ailleurs nécessaire si un accompagnement médical devait être mis en place. Si M. A______ acceptait un départ volontaire, il pourrait être entré en matière sur l’octroi d’un viatique. Elle a plaidé et conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative tant sur le principe que sur la durée de trois mois requise.

Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu à l’annulation de l’ordre de mise en détention administrative de son client, celle-ci étant disproportionnée, et à sa mise en liberté immédiate. Subsidiairement, elle a conclu à ce que le tribunal prononce en lieu et place toute mesure de substitution qu’il jugerait utile, telle notamment une assignation chez son frère ou à un lieu de résidence, ou encore l’obligation de se présenter régulièrement auprès d’une autorité. Elle a encore relevé que la détention de son client à Favra n’était pas adaptée et que la durée de trois mois requise était excessive.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 18 juillet 2024 à 14h20.

3.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).

4.            L'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 lettre h LEI, permet d'ordonner la détention administrative d'un ressortissant étranger afin d'assurer l'exécution d'une décision de renvoi ou d'expulsion notifiée à celui-ci, lorsque la personne concernée a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de 3 ans (art. 10 al. 2 CP ; cf. ATA/295/2011 du 12 mai 2011, consid. 4).

5.            La détention administrative est aussi possible si des éléments concrets font craindre que ladite personne entende se soustraire à son refoulement, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI) ou si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI).

Ces deux dispositions décrivent toutes deux des comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition, de sorte que les deux éléments doivent être envisagés ensemble (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, un risque de fuite - c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités - existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2 ; 2C_658/2014 du 7 août 2014 consid. 1.2).

Lorsqu'il existe un risque de fuite, le juge de la détention administrative doit établir un pronostic en déterminant s'il existe des garanties que l'étranger prêtera son concours à l'exécution du refoulement, soit qu'il se conformera aux instructions de l'autorité et regagnera son pays d'origine le moment venu, c'est-à-dire lorsque les conditions seront réunies ; dans ce cadre, il dispose d'une certaine marge d'appréciation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3.3 ; 2C_806/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1 ; 2C_400/2009 du 16 juillet 2009 consid. 3.1).

6.            Comme toute mesure étatique, la détention administrative en matière de droit des étrangers doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. art. 5 al. 2 et 36 Cst. et art. 80 et 96 LEI ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées). Il convient en particulier d'examiner, en fonction de l'ensemble des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi ou d'une expulsion constitue une mesure appropriée et nécessaire (cf. art. 5 par. 1 let. f CEDH ; ATF 134 I 92 consid. 2.3 et 133 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 ; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 et 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1) et ne viole pas la règle de la proportionnalité au sens étroit, qui requiert l'existence d'un rapport adéquat et raisonnable entre la mesure choisie et le but poursuivi, à savoir l'exécution du renvoi ou de l'expulsion de la personne concernée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_765/2015 du 18 septembre 2015 consid. 5.3 ; 2C_334/2015 du 19 mai 2015 consid. 2.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 5.1 et les références citées ; cf. aussi ATF 130 II 425 consid. 5.2).

7.            En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision fédérale de renvoi prononcée par le SEM le 17 mai 2019 ainsi que d'une décision de levée de l'admission provisoire, laquelle a été confirmée par le SEM le 8 mai 2024 puis le TAF le 3 juillet 2024. Ces juridictions ont confirmé le caractère licite, possible et raisonnablement exigible du renvoi de l’intéressé en Tunisie.

Il a en outre été condamné à de multiples reprises notamment pour vol, infraction constitutive d'un crime. Trois procédures pénales, ouvertes pour vol et contravention à la LStup, sont par ailleurs en cours le concernant, l’une suite notamment à son interpellation le 28 juin 2024 dans le canton de Vaud alors qu’il fumait de la cocaïne, déclarant à cette occasion consommer 0,5 g par jour de ce produit.

Il n’a par ailleurs jamais collaboré à l'organisation de son départ de Suisse, répétant systématiquement son opposition à son renvoi, la dernière fois ce jour, en audience, avant de déclaré qu’il pourrait aujourd’hui envisager un retour en Tunisie puis d’indiquer que si un billet d’avion était réservé en sa faveur, il était prêt à retourner en Tunisie. Le 5 avril 2024, il a de plus quitté le foyer genevois qui l'hébergeait sans communiquer sa nouvelle adresse aux autorités, disparaissant ainsi dans la clandestinité durant plusieurs semaines, et il a fait l’objet de deux interpellations dans le canton de Vaud, en juin et juillet 2024, l’une notamment pour avoir fumé de la cocaïne dans la rue, produit qu’il consommerait à raison de 0,5g par jour, démontrant par son comportement, qu'il n’y avait aucune assurance qu’il resterait à disposition des autorités genevoises, s’il devait être remis en liberté. A cet égard, les explications fournies en audience n’emportent pas la conviction du tribunal. Si celles concernant sa visite à l’OCPM le 30 avril 2024 semblent crédibles, elles ne permettent en revanche pas d’expliquer pour quelle raison, il n’est plus allé dormir à D______ après le 5 avril 2024. Ses explications à ce sujet sont contradictoires puisqu’après avoir évoqué la perte du document aide d’urgence lui permettant d’accéder au site, il indique que c’est en raison des violences de ses compagnons de chambre kurdes qu’il n’y est plus retourné. Il existe dès lors de nombreux éléments concrets qui font craindre que, s'il était laissé en liberté, M. A______ se soustrairait à son refoulement de Suisse, laquelle mesure ne pourrait pas être mise en œuvre par les services concernés, faute de pouvoir localiser l'intéressé en temps utile.

Au vu de ce qui précède, les conditions de la mise en détention administrative de M. A______ s'avèrent réalisées.

L'assurance de son départ de Suisse répond par ailleurs à un intérêt public certain et, pour les motifs déjà évoqués ci-dessus, toute autre mesure moins incisive que la détention administrative serait vaine pour assurer sa présence au moment où il devra monter dans l'avion devant le reconduire dans son pays d'origine, étant de surcroit observé qu'à teneur du dossier, il ne dispose pas de moyens de subsistance ni d’un lieu de résidence stable, expliquant qu’il lui arrive de dormir dans la rue. Le tribunal relèvera encore qu’il a déclaré, lors de son interpellation du 30 juin 2024, consommer quotidiennement de la cocaïne, avec les conséquences que l’on sait en termes de troubles ou menace pour l’ordre et la sécurité publics. L’attestation de son frère, versée ce jour à la procédure, lequel s’est engagé à lui fournir un logement et de la nourriture dans l’attente de son renvoi, ne permet pas de parvenir à une autre solution.

8.            Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006).

9.            Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

10.        En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

11.        En l’espèce, l'autorité chargée du renvoi a agi avec diligence et célérité, dès lors qu'elle a débuté, dès l’interpellation de l’intéressé, les démarches utiles en vue de son refoulement, requérant un certificat d’aptitude au vol en sa faveur. Elle a pour le surplus expliqué qu’une réponse devrait leur parvenir rapidement, car l’intéressé avait accepté de lever les médecins de leur secret médical le 16 novembre 2023. Ensuite, ils pourraient réserver une date de vol avec un délai d’une quinzaine de jours ouvrables, aux fins d’obtenir un laissez-passer et, au besoin, présenter M. A______ à un entretien préalable.

S’agissant enfin de la durée de la détention décidée par le commissaire de police, elle respecte le cadre légal fixé par l'art. 79 al. 1 LEI. Néanmoins, au vu des indications données ce jour en audience par le commissaire de police, une détention de trois mois ne s'avère pas nécessaire, quand bien même il serait plus difficile de trouver des vols durant la période estivale. Cette durée sera dès lors réduite à deux mois, durée qui permettra au besoin à la police, si pour une raison ou une autre le renvoi de l’intéressé ne pouvait avoir lieu à l’occasion du premier vol réservé en sa faveur, de disposer du temps nécessaire pour en organiser un nouveau.

12.        M. A______ soutient que sa détention à Favra n’est pas adaptée.

13.        Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention de maintien ou de levée tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.

14.        A teneur de l’art. 81 al. 2 LEI, la détention a lieu dans un établissement servant à l’exécution de la détention en phase préparatoire, de la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion ou de la détention pour insoumission. Si ce n’est exceptionnellement pas possible, notamment pour des raisons de capacités, les étrangers doivent être détenus séparément des personnes en détention préventive ou purgeant une peine. La forme de la détention doit tenir compte des besoins des personnes à protéger, des mineurs non accompagnés et des familles accompagnées d’enfants (al. 3). En outre, les conditions de détention sont régies : a. pour les cas de renvois à destination d’un pays tiers: par les art. 16, al. 3, et 17 de la directive 2008/115/CE240; b. pour les cas liés à un transfert Dublin: par l’art. 28, al. 4, du règlement (UE) no 604/2013241 ( ) (al. 4).

15.        Si les conditions de détention ne respectent pas les exigences légales, il appartient au juge d'ordonner les mesures qui s'imposent ou – s'il n'est pas possible d'assurer une détention conforme à la loi dans les locaux de l'établissement de détention préventive – de faire transférer à bref délai le recourant dans d'autres locaux. Si la situation légale n'est pas rétablie dans un délai raisonnable, le recourant doit être libéré (ATF 122 II 299 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 5.2).

16.        La légalité de la détention administrative au sein de Favra, dans son principe, a été régulièrement confirmée par la chambre administrative, notamment le 2 mai 2023 (cf notamment ATA/514/2023 du 16 mai 2023).

17.        En l’espèce, M. A______ n’apporte aucune motivation à l’appui de son allégation. Rien ne justifie dès lors à ce stade sa mise en liberté pour ce motif ou son transfert au sein d’un autre établissement de détention administrative.

18.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______, mais pour une durée de deux mois.

19.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______ à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 18 juillet 2024 à 14h05 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 17 septembre 2024, inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le 22 juillet 2024

 

Le greffier