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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3962/2023

JTAPI/668/2024 du 01.07.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3962/2023

JTAPI/668/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 1er juillet 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Andrea VON FLÜE, avocat, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1979, est ressortissant des Philippines.

2.             En 1996, il a épousé dans ce pays Madame B______. Trois enfants sont issus de leur union : C______, D______ et E______ nés respectivement les ______ 1998, ______ 2003 et ______ 2010. Ils sont tous ressortissants philippins.

3.             M. A______ est entré en Suisse le 21 août 2006 sur l’autorisation de l’office du travail du canton de Valais, qui lui a délivré, le 29 septembre 2006, une autorisation de séjour de courte durée (permis L) lui permettant la prise d’un emploi de cuisinier de spécialités asiatiques auprès de la société F______ SA. Le 19 août 2008, cette autorité l’a mis au bénéfice d’une autorisation de séjour (permis B) concernant uniquement cette activité auprès de cet employeur. Cette autorisation a été renouvelée jusqu’au 20 août 2015.

4.             Le 4 août 2009, le représentant des époux a notamment indiqué à l’administration communale de G______ (VS) que ces derniers partiraient en vacances aux Philippines durant quinze jours.

5.             En 2015, les époux se sont séparés.

6.             Le 1er mai 2015, M. A______ a annoncé son départ du canton du Valais et son arrivée dans le canton de Genève.

7.             Le 15 octobre 2015, M. A______ a saisi l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) d’une demande de changement de canton et de renouvellement de son autorisation de séjour, avec la prise d’un emploi auprès d’H______ à Genève, sans préciser les conditions de celui-ci.

8.             Le 25 septembre 2017, M. A______ a déposé auprès de l'OCPM une demande de prise d'emploi auprès de I______ SA à Genève, dès le 5 septembre 2017, pour une durée indéterminée et à raison de 25 heures par semaine.

9.             Le 28 septembre 2017, M. A______ a remis à l'OCPM une attestation de son hébergement chez Madame J______ (au 1______ K______), sa compagne, indiquant qu'il vivait chez elle depuis le 1er décembre 2016.

10.         Le 11 octobre 2017, I______ SA a déclaré à l'OCPM que les rapports de service avec M. A______ avaient pris fin depuis le 28 septembre 2017.

11.         Par ordonnance pénale et de non entrée en matière partielle du 5 décembre 2017, le Ministère public du canton de Genève, sur plainte de Mme B______, a déclaré M. A______ coupable de violation d'une obligation d’entretien (art. 217 al. 1 CP) et l’a condamné à une peine pécuniaire de 50 jours-amende, avec sursis, délai d'épreuve trois ans. Il a par ailleurs ordonné la confiscation et la destruction du permis de conduire falsifié à son nom, que la police avait trouvé en sa possession.

Il lui était notamment reproché de ne pas avoir versé à son épouse et à ses enfants des contributions d’entretien (pour la période du 1er mars 2015 au le 31 août 2016), fixées par jugement sur mesures protectrice de l’union conjugale du 28 juin 2016, accumulant ainsi un arriéré d’au moins CHF 60'000.-, alors qu’il percevait des indemnités journalières pour maladie de CHF 5'719.- net par moins, ce à tout le moins jusqu’au 30 juin 2015.

12.         Par ordonnance pénale du 21 juin 2018, le Ministère public du canton de Genève, sur plainte du SCARPA a, à nouveau, déclaré M. A______ coupable de violation d'une obligation d’entretien (art. 217 al. 1 CP) et l’a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende.

Il lui était reproché de ne pas avoir versé la contribution due pour l’entretien de ses enfants D______ et E______ et de son épouse, pour la période de septembre 2017 à avril 2018, alors qu’il disposait de moyens pour s’en acquitter ou aurait pu les avoir.

13.         Le 14 août 2018, l'OCPM a requis de M. A______ divers pièces et informations, notamment son emploi du temps, les raisons de la cessation d'activité en Valais, une liste des membres de sa famille aux Philippines, l'état des liens entretenus avec ses enfants, la nature des liens entretenus avec sa compagne, Mme J______, ses trois dernières fiches de salaire s’il était en emploi, la copie de son curriculum vitae détaillé, une attestation de l'office des poursuites et de l'Hospice général. Il l’a par ailleurs informé que son permis B valaisan avait été délivré uniquement pour l'emploi auprès de F______ SA et qu'un changement d'emploi ou d’activité n'était en principe pas admis.

14.         Aucune suite n’a été donnée à cette requête.

15.         Les 24 octobre 2018 et 27 février 2019, l’Hospice général a attesté que M. A______ était totalement aidé financièrement depuis le 1er août 2018.

16.         Le 19 mars 2019, M. A______, assisté par une interprète, a notamment déclaré à la police genevoise qu’il souffrait d’une tumeur située « derrière [son] nez », pour lequel il était suivi par un médecin dont il ne se souvenait pas l’identité, et que son seul traitement actuel était la prise « d’une pastille de Dafalgan par jour ». Il a ajouté n’être jamais sortie de Suisse depuis son arrivée.

17.         Par jugement du 6 septembre 2019, le Tribunal de police de Genève a déclaré l’intéressé coupable d’infraction grave aux art. 19 al. 1 et 2 et 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et l’a condamné à une peine privative de liberté de deux ans avec sursis, délai d'épreuve trois ans. Il a renoncé à ordonner son expulsion de Suisse.

Il lui était notamment reproché de s’être adonné à un trafic international de stupéfiants.

18.         Le 26 septembre 2019, M. A______ a indiqué à l'OCPM loger à l’hôtel L______ à Genève.

19.         Le 13 janvier 2020, l’Hospice général a attesté que M. A______ était totalement aidé financièrement.

20.         Par jugement du 18 juin 2020, le Tribunal de police a déclaré M. A______ coupable de l’infraction à l’art. 115 al. 3 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et l’a condamné à une amende de CHF 100.-.

21.         Selon une attestation de l’Hospice général du 10 novembre 2022, de 2018 à 2022, M. A______ a perçu des aides financières de respectivement CHF 7'571.-, CHF 10'893.60, CHF 20'347.90, CHF 13'332.50 et CHF 8'590.50.

22.         Au 11 novembre 2022, M. A______ faisait l’objet de huit actes de défaut de bien, pour un total de CHF 153'860,46 et de quatre poursuites totalisant près de CHF 7'000.-.

23.         Le 25 avril 2021______ l'OCPM a adressé à M. A______ une demande de renseignements, à laquelle celui-ci n’a pas donné suite.

24.         Par courrier du 26 juin 2021______ l'OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser sa demande de renouvellement de son autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse.

25.         Dans ses observations du 29 septembre 2021______ M. A______ a notamment indiqué qu'après une période de séparation d’avec Mme B______, il avait réintégré le domicile conjugal et qu'il sollicitait par conséquent l'octroi d'une autorisation de séjour sous l’angle de l'art. 44 LEI, Il était père au foyer, s'occupait de préparer les repas et de tenir la maison. Il n’était jamais retourné aux Philippines, ne serait-ce que pour des vacances. Son état de santé s’était dégradé depuis trois ans. Son épouse et ses enfants lui était d’un précieux soutien dans le cadre de sa maladie. En 2015, il avait été licencié, à la suite de sa maladie. Ensuite, il avait travaillé pendant de très courtes périodes. Sa capacité de travail étant diminuée, il avait entrepris des démarches auprès de l’assurance-invalidité. Mme B______ travaillait en tant qu'employée de maison et réalisait actuellement un salaire mensuel brut de CHF 4000.- ce qui suffisait à assurer la prise en charge financière de l'ensemble de la famille, sans solliciter de prestations de l’aide sociale.

Son intégration en Suisse était réussie. Il était en plein apprentissage du français, le comprenait et le parlait un peu, mais songeait à suivre des cours et passer des examens.

Subsidiairement, les conditions de l’art. 30 al. 1 let. b LEI étaient également remplies.

26.         Selon une attestation de l’Hospice général du 18 octobre 2021______ de 2019 à 2021______ M. A______ a perçu des aides financières de respectivement CHF 10'893.60, CHF 20'347.90, CHF 13'332.50 et CHF 10'627.50 et CHF 2'165.-.

27.         Au 19 octobre 2021______ M. A______ faisait toujours l’objet de huit actes de défaut de bien, pour un total de CHF 153'860.46 et de quatre poursuites totalisant près de CHF 7'000.-.

28.         Par décision du 24 octobre 2021______ l’OCPM a refusé de renouveler l’autorisation de séjour de M. A______ et prononcé son renvoi de Suisse, avec un délai au 24 janvier 2024 pour quitter le territoire.

Le précité ne remplissait pas les conditions des art. 44 et 30 LEI. Il avait été condamné à trois reprises au cours des six dernières années. Depuis août 2018, il avait bénéficié de l’aide sociale, pour plus de CHF 60'000.-. Il avait des dettes pour plus de CHF 160'000.-. Il n’avait pas justifié de son niveau français. Il n'exerçait plus d’activité lucrative à tout le moins depuis 2020, ni n’avait justifié de son emploi du temps actuel, des efforts d'intégration socioprofessionnels et d’éventuelles formations en cours.

Il était impossible de déterminer s’il exerçait effectivement un droit de visite auprès de son enfant mineur E______. II ne payait aucune contribution d'entretien en faveur de ses enfants. Il n'avait mis en place aucune démarche afin d'assainir sa situation financière et de régler ses très nombreuses dettes. Il n’avait fourni aucun justificatif attestant d’une incapacité permanente et durable de travail. L'attestation des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) produite datait en effet de plus de trois ans et précisait d’ailleurs qu’il n’avait pas effectué de suivi particulier depuis l'intervention effectuée et qu'il n'y avait pas de trace d'une éventuelle récidive.

Quant à la reprise de la vie conjugale alléguée, il n’avait fourni aucun justificatif, jugement, annonce de changement d'adresse ou attestation de Mme B______ en ce sens. Il n’avait pas renseigné des liens personnels effectivement vécus avec ses enfants. Les dépenses actuelles nécessaires pour sa famille - qui comprenait quatre adultes et un mineur, s’il faisait ménage commun avec elle - totalisaient CHF 5'861.- par mois, soit CHF 1'861.- de plus que le salaire de Mme B______. De plus, cette famille de cinq membres ne disposerait que d’un appartement de trois pièces.

Il ne travaillait plus pour l’employeur pour lequel il avait initialement obtenu une autorisation de séjour et ne pouvait donc plus prétendre au renouvellement de son permis B. Quand bien même il aurait effectivement repris la vie conjugale avec son épouse, les conditions de l'art. 44 LEI n’étaient pas satisfaites. En effet, la famille vivait dans un logement de trois pièces et ne pouvait pas subvenir à ses besoins sans recours aux prestations d'aide sociale du canton. Il n'avait jamais été en mesure de justifier de son niveau de français et d’attester d'inscription à un cours de cette langue.

Les nombreuses années de séparation d’avec son épouse et ses trois enfants et l’absence de preuve du maintien des liens personnels forts avec eux et de volonté réelle de participer à leur entretien, permettaient de considérer que la mise en place d'un droit de visite organisé depuis l'étranger était possible.

Sous l’angle d'un cas personnel d'extrême gravité, s’il résidait effectivement en Suisse depuis plus de seize ans, il n'avait pas démontré avoir déployé des efforts particuliers pour acquérir et maintenir une autonomie financière et ce, depuis la fin de l'année 2017. Il n’avait pas cherché assidûment un emploi ou fait les efforts nécessaires pour se former ou améliorer son intégration en Suisse d'une quelconque manière.

Il n'avait pas non plus déposé de demande de reconnaissance d'invalidité. Il n'avait pas justifié avoir déployé les efforts nécessaires en vue d'acquérir un niveau de langue française lui permettant de s'intégrer dans la société suisse et genevoise. Son comportement en Suisse ne saurait être qualifié d'irréprochable au vu, notamment, de sa dépendance large et durable à l'aide sociale, des nombreuses créances et actes de défaut de biens contractés au cours de ces dernières années, ainsi que des condamnations pénales graves et répétées au cours de ces six dernières années.

Il n’avait pas démontré avoir tissé avec la Suisse des liens personnels et familiaux tels qu'il ne pourrait être exigé de lui qu'il retourne dans son pays d'origine.

Enfin, l'enfant mineur E______ étant au bénéfice d'une autorisation de séjour B non fondée sur un droit, M. A______ ne pouvait pas invoquer l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) pour solliciter le renouvellement de son autorisation de séjour en Suisse dans le cadre d’un changement de canton et de statut.

29.         Par acte du 24 novembre 2021______ sous la plume de son conseil, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et au renouvellement de son autorisation de séjour, sous suite des frais et dépens.

Il avait aujourd'hui repris la vie conjugale avec Mme B______. Ainsi, les époux formaient à nouveau une communauté de toit, de lit et de table. Il était « sur le point » de signer un contrat de travail à durée indéterminée, ce qui permettrait à sa famille de largement subvenir à ses besoins.

La décision de refus de l'OCPM ne prenait pas en compte l'élément essentiel de sa reprise de la vie conjugale avec son épouse. Il était vrai qu’il avait connu une période difficile dans sa vie, émaillée de condamnations pénales et de difficultés financières. Aujourd'hui, grâce à son épouse, il était en mesure de se ressaisir, en particulier sur le plan financier. Grâce à l'aide de cette dernière, laquelle avait pu démontrer une excellente intégration, il pourrait résorber ses dettes, voire les régler.

C'était en violation de la loi que l'OCPM considérait que les conditions légales relatives à la poursuite de son séjour en Suisse n’étaient pas remplies, en contravention à l'art. 8 CEDH. En effet, sur le plan financier, on ne pouvait retenir que les conditions n’étaient pas remplies, ni s'agissant des conditions de vie de la famille. Pour le surplus, son niveau de français n'entrait pas en considération dans l'examen des conditions de son séjour en Suisse, en lien avec son droit à demeurer auprès de sa famille. Ses condamnations pénales pour violation d'une obligation d'entretien découlaient des plaintes déposées par son épouse, si bien que leur gravité était toute relative au vu de la reprise de leur vie conjugale avec cette dernière. Quant à sa condamnation par le Tribunal de police, pour violation de la LStup, elle était aujourd'hui ancienne. Ses antécédents ne pouvaient exclure la poursuite de son séjour en Suisse et justifier qu'il quitte son épouse et leurs enfants communs.

30.         Dans ses observations du 24 janvier 2024, l'OCPM a conclu au rejet du recours.

Le recourant ne contestait pas que les conditions ayant prévalu à l’octroi de son autorisation valaisanne n’étaient plus remplies, ni celles de l’art. 31 OASA, mais faisait valoir que son autorisation devait être renouvelée sur la base de l’art. 44 LEI, dans la mesure où il avait repris la vie commune avec son épouse. Or, il n’avait pas annoncé le changement d’adresse auprès de cette dernière et celle-ci n’avait pas non plus confirmé la reprise de la vie commune. De plus, le salaire allégué de l’épouse était insuffisant pour l’entretien de cinq personnes, étant relevé qu’aucune fiche de son salaire n’avait été produite. Le recourant n’avait pas démontré avoir signé un contrat de travail. Ainsi, les moyens financiers du couple n’avaient pas été démontrés et le recourant avait bénéficié de l’aide sociale durant plusieurs années et était lourdement endetté. De plus, un logement de trois pièces était insuffisant pour accueillir cinq personnes. Le recourant n’avait en outre produit aucune attestation de connaissance linguistique.

31.         Le recourant n’a pas répliqué.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ;
140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants des Philippines.

7.             Aux termes de de l’art. 44 al. 1 LEI, le conjoint étranger du titulaire d'une autorisation de séjour ainsi que ses enfants étrangers de moins de 18 ans peuvent obtenir une autorisation de séjour et la prolongation de celle-ci aux conditions cumulatives suivantes : ils vivent en ménage commun avec lui (let. a) ; ils disposent d'un logement approprié (let. b) ; ils ne dépendent pas de l'aide sociale (let. c) ; ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile (let. d) ; la personne à l'origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30) ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (let. e).

L’art. 44 LEI, par sa formulation potestative, ne confère pas un droit au regroupement familial (ATF 137 I 284 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_548/2019 du 13 juin 2019 consid. 4), l'octroi d'une autorisation de séjour étant laissé à l'appréciation de l'autorité (ATF 139 I 330 consid. 1.2 ; 137 I 284 consid. 1.2).

8.             Conformément à l'art. 90 LEI, l'étranger et les tiers participant à une procédure prévue par la loi doivent collaborer à la constatation des faits déterminants pour son application. Ils doivent en particulier fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (let. a) et fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s'efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (let. b).

Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_1156/2018 du 12 juillet 2019 consid. 3.3 et les arrêts cités).

En matière de droit des étrangers, l'art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l'étranger ou des tiers participants (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_323/2018 du 21 septembre 2018 consid. 8.3.3).

9.             En l’espèce, aucun élément au dossier ne vient confirmer que l’intéressé a effectivement repris la vie commune avec son épouse, de sorte que la condition cumulative de l’art. 44 al. 1 let. a LEI n’est pas donnée. Dès lors, il n’est pas nécessaire de savoir si les autres conditions de cette disposition sont remplies ou non. Le refus de l'OCPM de délivrer une autorisation de séjour fondée sur cette disposition ne peut donc qu’être confirmé.

10.         Le recourant prétend à une autorisation de séjour sur la base de l’art. 8 CEDH.

11.         Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (cf. not. ATF 130 II 281 consid. 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2). Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2 ; 2D_30/2019 du 14 août 2019 consid. 3.2 ; 2C_459/2019 du 17 mai 2019 consid. 3.1). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance - par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours - ne sont en revanche pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.2).

Le fait de refuser un droit de séjour à un étranger dont la famille se trouve en Suisse peut porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 CEDH (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ; 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 135 I 153 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_325/2019 du 3 février 2020 consid. 3.1). Pour autant, les liens familiaux ne sauraient conférer de manière absolue, en vertu de cette disposition, un droit d'entrée et de séjour (ATF 139 I 330 consid. 2.1 ;
138 I 246 consid. 3.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_325/2019 du 3 février 2020 consid. 3.1). Selon la jurisprudence, exceptionnellement et à des conditions restrictives, un étranger peut néanmoins, en fonction des circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens de l’art. 8 par. 1 CEDH, pour s’opposer à une éventuelle séparation de sa famille, à condition qu’il entretienne une relation étroite et effective avec un membre de celle-ci ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 145 I 227 consid. 3.1 ; 141 II 169 consid. 5.2.1 ; 139 I 330 consid. 2.1 ; 137 I 284 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.1). Les relations ici visées concernent en premier lieu la famille dite nucléaire, c'est-à-dire la communauté formée par les parents et leurs enfants mineurs (ATF 140 I 77 consid. 5.2 ; 137 I 113 consid. 6.1 ; 135 I 143 consid. 1.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_584/2017 du 29 juin 2017 consid. 3 ; 2C_1083/2016 du 24 avril 2017 consid. 1.1).

Il faut aussi tenir compte de l'intérêt fondamental de l'enfant (art. 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l'Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107)) à pouvoir grandir en jouissant d'un contact étroit avec ses deux parents, étant précisé que, sous l'angle du droit des étrangers, cet élément n'est pas prépondérant par rapport aux autres et que l'art. 3 CDE ne fonde pas une prétention directe à l'octroi ou au maintien d'une autorisation (cf. ATF 144 I 91 consid. 5.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_303/2018 du 20 juin 2018 consid. 4.2).

Le parent étranger qui n'a pas la garde d'un enfant mineur disposant d'un droit durable de résider en Suisse ne peut d'emblée entretenir une relation familiale avec celui-ci que de manière limitée, en exerçant le droit de visite dont il bénéficie. Il n'est en principe pas nécessaire que, dans l'optique de pouvoir exercer son droit de visite, il soit habilité à résider durablement dans le même pays que son enfant. Sous l'angle du droit à une vie familiale, il suffit en règle générale que le parent vivant à l'étranger exerce son droit de visite dans le cadre de séjours brefs, au besoin en aménageant ses modalités quant à la fréquence et à la durée ou par le biais de moyens de communication modernes. Le droit de visite d'un parent sur son enfant ne doit en effet pas nécessairement s'exercer à un rythme bimensuel et peut également être organisé de manière à être compatible avec des séjours dans des pays différents (ATF 144 I 91 consid. 5.1 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_303/2018 du 20 juin 2018 consid. 4.2).

12.         En l’espèce, l'art. 8 CEDH n’est d’aucun secours au recourant, ce dernier n’ayant pas séjourné légalement en Suisse pendant au moins dix ans, ni ne pouvant se prévaloir d’une forte intégration. En effet, force est de constater, avec l’autorité intimée, que le recourant n’a pas fait preuve d’un comportement irréprochable puisqu’il a été condamné à trois reprises, dont une fois pour infraction grave à la LStup. De plus, il est dépendant de l'aide sociale depuis 2018, ce qui constitue d’ailleurs un motif de révocation d’une autorisation de séjour au sens des art. 62 al. 1 let. d LEI. Il est sans emploi stable depuis 2015 et ne démontre pas avoir accompli les efforts nécessaires pour acquérir son indépendance financière. Il fait l’objet de poursuites pour plus de CHF 160'000.-. Il n’apparaît en outre pas qu’il se soit particulièrement investi dans la vie associative ou culturelle genevoise durant son séjour. Il ne fournit aucun élément concret quant à ses connaissances de la langue française, étant rappelé qu’en mars 2019 il avait encore besoin d’une interprète pour comprendre le français alors qu’il séjourne en Suisse depuis 2006. Il n’a par ailleurs pas réussi à démontrer qu’il serait intégré socialement.

Compte tenu de ces éléments, le recourant ne remplit manifestement pas les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA, ce dont il ne se prévaut d’ailleurs pas.

Pour le surplus, au vu du dossier, le recourant vie déjà séparément de ses enfants. Ainsi, pour ce motif déjà, il ne peut se prévaloir de l’art. 8 CEDH. De plus, son enfant mineur E______ n’étant pas au bénéfice d’une autorisation d’établissement, l’application de cette disposition est exclue en l’espèce. En ce qui concerne le maintien des contacts avec ses enfants, il pourra toujours exercer son droit de visite durant les vacances scolaires par exemple, en aménageant ses modalités (fréquence et durée). De même, des contacts réguliers pourront se maintenir par les moyens actuels de télécommunications. Par ailleurs, s'il est de manière générale préférable que les enfants puissent avoir leur père à leurs côtés, il faut rappeler que la CDE n'accorde ni à l'enfant ni à ses parents un droit à la réunion de la famille dans un État particulier ou une prétention directe à l'obtention d'une autorisation de séjour et, qu'en l'occurrence, les contacts effectifs des enfants avec leur père ne possèdent pas une intensité qui devrait l'emporter sous l'angle de la pesée des intérêts
(cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_752/2019 du 27 septembre 2019 consid. 3.2.4).

13.         En conclusion, dès lors que le recourant ne peut pas se prévaloir d’une intégration socioprofessionnelle particulièrement approfondie en Suisse, qu’il dépend de l'aide sociale, qu’il n’a pas fait preuve d’un comportement irréprochable et qu’il a accumulé des dettes importantes, le refus de renouveler son autorisation de séjour que lui a opposé l’OCPM ne constitue pas une ingérence inadmissible dans son droit à la protection de sa vie familiale et privée en Suisse, tel que consacré par l'art. 8 CEDH. Le dossier ne contient aucun élément déterminant qui ferait apparaître ce refus comme disproportionné ou contraire à la loi.

Compte tenu de ces éléments, c’est à juste titre que l’OCPM a considéré que le recourant ne pouvait se prévaloir ni de l'art. 8 CEDH, ni d'aucune autre disposition conventionnelle, constitutionnelle ou légale pour justifier la poursuite de son séjour en Suisse.

14.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

15.         En l’espèce, le recourant n'obtenant pas d'autorisation de séjour, c'est à bon droit que l'autorité intimée a prononcé son renvoi de Suisse. Il n'apparaît en outre pas que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, serait illicite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

16.         Infondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

18.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

19.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 24 novembre 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 24 octobre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier