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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2307/2023

JTAPI/614/2024 du 24.06.2024 ( OCPM ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2307/2023

JTAPI/614/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 juin 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Sophie BOBILLIER, avocate, avec élection de domicile

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 2003, est ressortissant du Nicaragua.

2.             Le 23 mai 2020, il a été interpellé par la police, pour tentative de meurtre, subsidiairement lésions corporelles graves. Lors de son audition, il a contesté avoir participé à une quelconque bagarre au couteau dans le quartier B______. Il a expliqué le sang sur ses chaussures et les blessures sur sa main droite du fait qu’il jouait à se battre avec son cousin. Il était arrivé en Suisse en 2018, grâce à l’aide de sa tante (Madame C______) chez qui il vivait, pour fuir la guerre au Nicaragua. Chaque semaine environ, il parlait au téléphone avec sa mère et quelque fois avec son frère et sa sœur, restés au Nicaragua. Son père se trouvait au Costa Rica et il lui téléphonait à raison de deux fois par semaine. Scolarisé, il était en bonne santé.

3.             Le 23 avril 2021, M. A______ a été interpellé par la police, notamment pour troubles sur la voie publique et opposition aux forces de l’ordre.

4.             Le lendemain, le Ministère public l’a condamné par ordonnance pénale à une peine pécuniaire de 45 jours-amende, avec sursis, délai d’épreuve trois ans, pour infraction à l’art. 115 al. 1 let. b de loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et empêchement d’accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0).

5.             Le 18 janvier 2022, M. A______ a été auditionné par la police suite à des faits survenus le 10 décembre 2021. Lors de son audition en présence d’une traductrice, il a notamment déclaré vivre à Genève avec sa mère, avoir fréquenté une classe d’accueil, une classe d’orientation professionnelle puis une classe d’intégration professionnelle.

6.             Il a été condamné le lendemain par le Ministère public pour les faits survenus le 10 décembre 2021.

7.             Par jugement du 18 janvier 2022 relatif aux actes ayant conduit à son interpellation du 23 mai 2020, le Tribunal des mineurs l’a condamné à une peine privative de liberté de 240 jours, , avec sursis, délai d’épreuve deux ans, ainsi qu’à un traitement ambulatoire et à une assistance personnelle pour agression (art. 134 CP) et lésions corporelles simples au moyen d’un objet dangereux (art. 123 ch. 1 et 2 CP).

Il en résulte notamment que M. A______ n’avait pas terminé sa scolarité au Nicaragua et qu’il totalisait de nombreuses absences scolaires, ce que celui-ci expliquait par des problèmes de santé.

8.             Le 18 février 2022, sous la plume de son conseil, M. A______ a déposé une demande d’autorisation de séjour auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

Il était arrivé en Suisse en juillet 2018 afin de fuir la guerre civile au Nicaragua, pays dont il a exposé la situation. À Genève, il avait intégré une classe d’accueil durant deux ans, puis avait stoppé cette formation en raison de divers problèmes personnels et médicaux. Il n’avait pas pu reprendre ses études suite au refus du directeur de l’établissement et avait alors effectué des stages. Il espérait trouver une place d’apprentissage. Il vivait auprès de sa mère, Madame D______. Plusieurs de ses tantes et cousins vivaient à Genève. Ayant été témoin de violences et d’une tentative d’assassinat sur son père, il souffrait de dépression et de stress post-traumatique. Il n’avait plus de famille proche dans son pays natal, ne pourrait y bénéficier d’aucun soutien et il était peu probable qu’il puisse y bénéficier d’un traitement ambulatoire, alors que la justice - qui avait renoncé à l’expulser - l’avait condamné à suivre ce traitement.

Diverses pièces ont été produites à l’appui de ses allégations.

9.             Le 20 août 2022, M. A______ a été interpellé par la police, suite à une bagarre à laquelle il n’avait, selon ses dires, pas participé. Il a contesté s’être montré violent à l’encontre des policiers intervenants, de les avoir injuriés et d’en avoir blessé un.

10.         Par jugement du 9 novembre 2022 relatif aux faits du 20 août 2022, le Tribunal de police l’a condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 CP) injures (art. 177 CP) et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI).

11.         Le 10 mars 2023, par le biais de son conseil, M. A______ a remis à l’OCPM un rapport médical qui lui était réclamé depuis le 30 septembre 2022. Selon ce rapport, il souffrait d’un état de stress post-traumatique et bénéficiait d’un traitement médicamenteux (Escitalaporam 10 mg une fois par jour) et d’un suivi psychothérapie. Sans traitement, son évolution irait probablement vers un trouble dépressif, un dysfonctionnement social et une acutisation des troubles propre au syndrome post-traumatique. Avec traitement, une stabilisation psychique possible avec bon fonctionnement psychosocial était envisageable. Le patient n’avait pas d’idées suicidaires actives et pas de projet de passage à l’acte. On pouvait penser que le système de soin nicaraguayen n’offrait pas le suivi psychothérapeutique et psycho-pharmacologique intégré dont il avait besoin.

12.         Le 17 mars 2023, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser d’accéder à sa demande du 18 février 2022 et ainsi de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) ; son renvoi était d’ailleurs exigible. Il lui a imparti un délai de trente jours pour faire valoir ses observations écrites.

13.         Par jugement du 22 mars 2023, statuant sur opposition à l’ordonnance pénale du 19 janvier 2022, le Tribunal de police a condamné M. A______ à une peine privative de liberté de deux mois, avec sursis, délai d’épreuve deux ans, pour violation de domicile (art. 186 CP) et violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires (art. 285 CP).

14.         Le 17 mai 2023, dans le délai prolongé par l’OCPM, M. A______ a fait valoir son droit d’être entendu, sous la plume de son conseil. Son renvoi n’était pas raisonnablement exigible au sens de l’art. 83 LEI.

15.         Par décision du 9 juin 2023, l’OCPM a refusé d’accéder à la demande du 18 février 2022 et de soumettre le dossier de M. A______ avec un préavis positif au SEM. Il a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 9 septembre 2023 pour quitter la Suisse et le territoire des États-membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.

Les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité n’étaient pas réalisés. Arrivé en Suisse en juillet 2018 à ses dires, la durée de son séjour, attesté depuis mai 2020, devait être considérée comme très courte. Son intégration socioculturelle ne pouvait être qualifiée de particulièrement remarquable vu son comportement et ses condamnations. Il n’avait pas démontré avoir de graves problèmes de santé nécessitant pendant une longue période des soins permanents ou des mesures médicales d’urgence indisponibles dans son pays d’origine. Selon ses informations, dans la capitale Managua, l’hôpital E______ proposait des options de traitements psychiatriques et psychologiques ambulatoires et hospitaliers. L’hôpital F______ disposait d’un service psychiatrique fermé. Des infirmières psychiatriques pour les soins et le soutien à domicile pouvaient aussi être organisés. Il n’y avait pas d’assurance maladie obligatoire et les examens médicaux et les traitements étaient gratuits dans les établissements publics. Les services fournis par les cliniques privées étaient en revanche payants et les médicaments devaient être achetés auprès de pharmacies.

Dans ses observations du 17 mai 2023, M. A______ avait allégué que son renvoi au Nicaragua serait impossible car le retour sur le lieu des événements traumatiques lui causerait des reviviscences et une acutisation des symptômes de son syndrome post-traumatique, indépendamment d’un accès à un suivi médical sur place. Ces assertions n’étaient pas confirmées par les documents médicaux remis.

Sa réintégration au Nicaragua ne devrait pas avoir de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires ou scolaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place ; sa sœur et son frère résidaient toujours au Nicaragua.

16.         Par acte du 10 juillet 2023, sous la plume de son conseil, M. A______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et, principalement, à l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur, subsidiairement, au prononcé de son admission provisoire, le tout sous suite de frais et dépens ; il a requis une indemnité de CHF 3’000.- à titre de dépens. Préalablement, il a requis son audition par le tribunal dans la mesure où il était essentiel que celui-ci puisse directement faire état des conséquences d’un retour au Nicaragua sur le recourant, vu son passé traumatique, et qu’il puisse l’entendre sur ses projets d’avenir vu son jeune âge ainsi que sur son état de santé.

Il remplissait les critères pour être mis au bénéfice d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Son séjour à Genève depuis cinq ans constituait un temps important conformément aux critères Papyrus développés dans le cas d’enfants en âge de scolarité. Au vu de son jeune âge et de sa situation personnelle, on ne saurait se montrer trop strict quant à son intégration, d’autant plus qu’il n’avait jamais bénéficié de l’aide sociale. En tout état de cause, depuis son arrivée en Suisse, il avait effectué deux stages d’observations, l’un en carrosserie auto des 1er au 4 et 8 au 11 février 2002, l’autre en mécanique auto du 14 au 18 février 2002. Depuis la rentrée 2022, il avait intégré la Fondation G______ pour poursuivre sa scolarité afin de pouvoir débuter un apprentissage en carrosserie ; il y était déjà inscrit pour poursuivre sa formation à la rentrée 2023. Les stages déjà effectués, qui s’étaient bien déroulés, devraient lui permettre de trouver une place facilement. Par ailleurs, il ne faisait plus l’objet d’aucune affaire pénale depuis décembre 2021. Le jugement pénal du 22 mars 2022 l’avait acquitté des faits de dommages à la propriété et mis au bénéfice d’un classement s’agissant du séjour illégal. Ses antécédents judiciaires s’expliquaient par son jeune âge et la période difficile par laquelle il passait. Il n’y avait pas de raisons de croire qu’il recommencerait vu l’amélioration de sa situation. Enfin, une grande partie de sa famille, dont sa mère, sa tante et ses cousins, résidait désormais en Suisse. Les autres membres proches de sa famille ne résidaient plus au Nicaragua, ayant dû fuir le pays en raison des hostilités.

Il était atteint par un syndrome de stress post-traumatique en raison des faits de violence dont il avait été témoin dans son pays d’origine ainsi que de son parcours migratoire. Le problème qui se posait en cas de retour n’était pas de savoir s’il disposerait des soins nécessaires en psychologique au Nicaragua, mais le fait que le retour, en soi, lui causerait des reviviscences et aggraverait son état, étant relevé qu’il était originaire d’une région particulièrement touchée par la violence. Bien que son suivi thérapeutique lui permettait de se rétablir peu à peu, un retour au lieu des événements traumatiques aurait des conséquences désastreuses sur sa personne. Or, il était impératif qu’il bénéficie d’un cadre sécurisant et d’une stabilisation affective ; à défaut, les effets bénéfiques de la psychothérapie ne pourraient pas s’installer. Sa réintégration dans son pays natal n’était donc pas possible et ce malgré la présence de son frère et de sa sœur avec qui il n’avait que peu de contact et de l’indisponibilité des soins psychiatriques sur place. Il avait été fortement affecté par le décès de son cousin, poignardé.

Son renvoi était inexigible. Un retour dans son pays d’origine, qui traversait une guerre civile et qui était la source du syndrome de stress post-traumatique dont il souffrait, aurait des conséquences désastreuses sur sa santé, mettant sa vie en danger. Au surplus, l’art. 83 al. 7 LEI n’était pas applicable.

17.         Dans ses observations du 8 septembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.

La durée du séjour du recourant ne saurait être suffisante pour une personne majeure au moment du dépôt de la demande, et sans enfant scolarisé (dix ans de séjour). Le recourant n’avait pas démontré d’indépendance financière propre et faisait l’objet de plusieurs condamnations pénales ; ces éléments conduisaient à constater l’absence d’intégration,

Le Nicaragua n’était pas un État connaissant une situation de guerre ou de conflit généralisé qui permettrait d’admettre qu’un renvoi dans ce pays placerait le recourant dans une situation de danger grave et concrète. Son renvoi ne saurait dès lors pas être considéré comme inexigible.

Le recourant pouvait requérir une assistance (notamment la fourniture d’une réserve de médicaments) et une coordination médicale, lesquels pourraient lui être octroyées au moment de l’exécution du renvoi afin de le soutenir dans cette phase. À titre superfétatoire, l’art. 83 al. 7 let. b LEI s’opposerait à l’admission provisoire compte tenu du comportement du recourant. Cette disposition ne sanctionnait en effet pas uniquement les infractions déjà commises, mais visait aussi à protéger le public de futurs délits. Or, dès lors que le recourant avait fait l’objet de plusieurs condamnations pénales successives, lesquelles portaient au demeurant atteinte à des biens juridiques importants, il y avait lieu de penser que l’intérêt public à son renvoi l’emportait sur son intérêt privé à demeurer en Suisse.

18.         Par réplique du 22 décembre 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions et a requis de nouveaux actes d’instructions.

Depuis le dépôt de son recours, son état de santé psychique s’était gravement détérioré. Le décès de son cousin en mars 2023 1’avait profondément ébranlé et les nombreux traumatismes jalonnant son parcours de vie avaient fragilisé sa capacité de résilience et le rendaient incapable de faire son deuil. La progression de sa dépression s’était accompagnée d’une perte d’intérêt dans les activités quotidiennes et d’un repli sur soi total. Sortir de chez lui, seul environnement qu’il considérait comme sécurisant, représentait un effort insurmontable. Il avait ainsi interrompu sa scolarité au sein de G______. À force d’incitations bienveillantes, sa référente au H______ était parvenue à lui faire envisager la reprise progressive d’une formation. Il s’était inscrit à une formation de remise à niveau en français et en mathématiques entre décembre 2023 et février 2024.

Une évaluation globale de son état de santé psychique était nécessaire pour diagnostiquer la gravité de ses troubles psychiques et évaluer les risques d’un renvoi sur sa santé. Une actualisation du rapport médical du 10 mars 2023 devait être sollicitée par le tribunal. Il convenait également d’auditionner sa référente au H______ ainsi qu’une responsable à la G______.

La récente aggravation alarmante de son état de santé, ses antécédents de risques suicidaires, son stress post-traumatique ainsi que la récente perte d’un proche dont il n’avait toujours pas été en mesure de faire le deuil étaient autant de facteurs de risque de passage à l’acte suicidaire au sens de la jurisprudence. En outre, on ne voit pas en quoi le public serait menacé par un jeune qui n’avait plus commis aucune infraction depuis août 2022 et dont l’état de santé mentale critique le poussait à se replier totalement sur lui-même et à ne plus sortir de chez lui. Au demeurant, il avait été mis au bénéfice du sursis lors de sa dernière condamnation, ce qui prouvait que les autorités pénales, seules compétentes en la matière, considéraient qu’il ne présentait pas un pronostic défavorable de récidive.

19.         Par duplique du 2 février 2024, l’OCPM a indiqué ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler. Il n’était pas opposé à l’audition des témoins cités.

20.         Il sied de relever qu’il résulte du jugement JTAPI/476/2023 du 28 avril 2023, qui a rejeté le recours interjeté contre la décision de renvoi prononcée à l’encontre de Mme C______, que celle-ci a déclaré que le recourant vivait chez elle depuis le mois de juillet 2018.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 du 21 juillet 2021 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1331/2023 du 12 décembre 2022 consid. 3).

5.             À titre préliminaire, le recourant a requis sa comparution personnelle et l’audition de deux témoins. Il sollicite aussi une actualisation du rapport médical du 10 mars 2023.

6.             Tel que garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Toutefois, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).

Toutefois, ce droit ne confère pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 3.2 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA).

7.             En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tel qu’ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l’autorité intimée, pour statuer en connaissance de cause sur le litige. En outre, le recourant a pu faire valoir ses arguments, dans le cadre de son recours et de sa réplique, et produire tout moyen de preuve utile en annexe à ses écritures, sans qu’il n’explique ce qui, dans la procédure écrite, l’aurait empêché d’exprimer ses arguments de manière pertinente et complète.

Par ailleurs, il n’apparaît pas utile de procéder à l’audition des deux témoins cités qui ne pourraient que rapporter les propos du recourant quant à son comportement suite à l’aggravation de son état de santé, éléments que le tribunal ne remet toutefois pas en doute. Une actualisation du rapport médical de mars 2023, que le recourant aurait d’ailleurs pu faire effectuer et transmettre au tribunal dans le cadre de son devoir de collaboration, n’est pas non plus pertinente.

8.             Le recourant a sollicité qu’une autorisation de séjour lui soit octroyée sous l’angle du cas de rigueur, ce que l’OCPM a refusé. Est ainsi litigieuse la question de savoir si l’autorité intimée a, à juste titre, refusé de transmettre le dossier du recourant avec un préavis favorable au SEM et prononcé son renvoi de Suisse.

9.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Nicaragua (cf. ATA/596/2023 du 6 juin 2023 consid. 2.1).

10.         Les conditions d’entrée d’un étranger en Suisse sont régies par les art. 5 ss LEI.

Les dérogations aux prescriptions générales d’admission (art. 18 à 29 LEI) sont énoncées de manière exhaustive à l’art. 30 al. 1 LEI. Selon l’art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité. En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.

L’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

Le critère de l’intégration du requérant se base sur le respect de la sécurité et de l’ordre public, le respect des valeurs de la Constitution, les compétences linguistiques, la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (art. 58a LEI).

11.         Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (ATA/545/2022 du 24 mai 2022 consid. 3e).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu’ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l’obtention d’une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4b ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3).

12.         Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).

13.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’un cas d’extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).

14.         S’agissant de la condition de la durée totale du séjour, elle constitue un critère important de reconnaissance d’un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d’admettre un cas personnel d’une extrême gravité. Il s’agit d’un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e). En outre, la durée d’un séjour illégal, ainsi qu’un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 9.1 et les références citées ; ATA/122/2023 du 7 février 2023 consid. 4f). Par durée assez longue, on entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017).

Ainsi, le simple fait, pour un étranger, de séjourner en Suisse pendant de longues années, y compris à titre légal, ne permet pas d’admettre un cas personnel d’extrême gravité sans que n’existent d’autres circonstances tout à fait exceptionnelles (ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.540/2005 du 11 novembre 2005 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.1).

15.         En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ; F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3).

L’intégration socio-culturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

16.         Doivent également être pris en compte l’existence d’une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse ou le fait que l’intéressé démontre souffrir d’une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d’urgence, indisponibles dans le pays d’origine, de sorte qu’un départ de Suisse serait susceptible d’entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d’obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d’origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_57/2019 du 4 novembre 2019 consid. 6.2 ; ATA/1124/2022 du 8 novembre 2022 consid. 8g).

Une grave maladie (à supposer qu’elle ne puisse pas être soignée dans le pays d’origine) ne saurait cependant justifier à elle seule la reconnaissance d’un cas de rigueur, l’aspect médical ne constituant que l’un des éléments, parmi d’autres à prendre en considération (ATF 128 II 200 consid. 5.1 à 5.4 ; 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6545/2010 du 25 octobre 2011 consid. 6.4). Ainsi, en l’absence de liens particulièrement intenses avec la Suisse, le facteur médical ne saurait constituer un élément suffisant pour justifier la reconnaissance d’un cas personnel d’extrême gravité.

Il sied enfin de rappeler que les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l’exécution du renvoi et qu’une personne qui ne peut se prévaloir que d’arguments d’ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d’origine et souffrant de la même maladie (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4125/2016 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1 ; ATA/895/2019 du 14 mai 2019 consid. 6f).

Ainsi, hormis des cas d’extrême gravité, l’état de santé ne peut fonder un droit à une autorisation de séjour, ni sous l’aspect de l’art. 3, ni sous celui de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (arrêt du Tribunal fédéral 2C_891/2016 du 27 septembre 2016 consid. 3.3 et la référence citée).

17.         Dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation, les autorités doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI).

Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d’un droit à l’autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l’inverse aurait pour effet de déduire de l’art. 96 LEI un droit à l’obtention ou au renouvellement de l’autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).

18.         En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, il y a lieu de constater que l’OCPM n’a pas mésusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d’un cas de rigueur, étant d’emblée rappelé que le seul fait de séjourner en Suisse pendant diverses années n’est à cet égard pas suffisant, sans que n’existent d’autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles font ici défaut.

À teneur des éléments au dossier, le tribunal retient vraisemblable que le recourant séjourne en Suisse depuis environ six ans, soit depuis juillet 2018. Cette durée n’est pas exceptionnellement longue et ne le place pas, en soi, dans la situation d’une personne ayant depuis très longtemps reconstitué toute son existence en Suisse, tout en ayant par ailleurs perdu tout lien avec son pays d’origine. Cette durée doit en tout état être fortement relativisée dès lors qu’elle a été effectuée de manière illégale par le recourant jusqu’au dépôt de sa demande d’autorisation en février 2022, puis à la faveur d’une simple tolérance. Or, le recourant ne peut déduire des droits résul-tant d’un état de fait créé en violation de la loi. Au surplus, le recourant est venu s’établir en Suisse alors qu’il était âgé de 15 ans, de sorte qu’il a passé toute son enfance et une grande partie de son adolescence dans son pays d’origine. Dans de telles circonstances, il ne peut pas tirer parti de la seule durée de son séjour, un élément parmi d’autres à prendre en compte, pour bénéficier d’une dérogation aux conditions d’admission.

Le recourant ne peut en outre pas se prévaloir d’une excellente intégration socio-professionnelle. Il n’a jamais exercé une activité lucrative et n’a pas achevé de formation professionnelle ou scolaire, de sorte que son intégration économique ne peut ainsi être considérée comme bonne ni a fortiori comme exceptionnelle. Sous l’angle de l’intégration socioculturelle, il ne démontre aucunement l’existence de liens amicaux et affectifs à Genève d’une intensité telle qu’il ne pourrait être exigé de sa part de les poursuivre par les moyens de télécommunication modernes une fois de retour dans son pays natal, étant relevé que sa tante et ses enfants doivent quitter la Suisse et que sa mère y séjourne sans autorisation, ce qui laisse penser qu’elle devra également partir à terme. Il n’a pas non plus été allégué ni a fortiori étayé qu’il se soit fortement investi dans la vie culturelle ou associative genevoise. Au vu de ces éléments, il ne peut se prévaloir d’une intégration sociale telle qu’un renvoi dans son pays d’origine ne pourrait être exigé, étant également noté qu’il a fait l’objet de plusieurs condamnations pénales notamment pour des faits de violence et ne relevant pas du droit des étrangers. En outre, il ne faut pas perdre de vue que le recourant est né au Nicaragua, qu’il y a vécu les quinze années de sa vie et que des membres de sa famille y séjournent encore. En tout état, il ne parvient pas à démontrer que sa relation avec la Suisse serait si étroite et profonde que l’on ne pourrait exiger de lui d’aller vivre dans un autre pays, notamment le Nicaragua.

S’agissant de sa réintégration dans son pays d’origine, si le recourant risque certes de traverser une phase de réadaptation, il pourra vraisemblablement compter sur les membres de sa fratrie pour reprendre pied dans son pays d’origine dont il connaît la langue et les us et coutumes. Au surplus, le fait de se retrouver dans les mêmes circonstances économiques que ses compatriotes restés au pays ne constitue pas un cas d’extrême gravité, étant rappelé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. Sa réintégration dans son pays d’origine ne paraît ainsi pas gravement compromise en soi et le recourant ne fait état d’aucun élément particulier qui permettrait de retenir le contraire. Au vu de ces éléments, sa réintégration dans sa patrie ne saurait être considérée comme fortement compromise et son renvoi ne constituera dès lors pas un déracinement insurmontable.

S’agissant de son état de santé, il n’est pas contesté que le recourant est atteint dans sa santé. Il n’est cependant pas établi que les médicaments et le suivi qu’il nécessite pour mener une vie normale seraient indisponibles dans son pays d’origine. À ce jour, ses atteintes à sa santé ne revêtent pas une gravité telle que sa situation doive être qualifiée de cas de rigueur. En effet, même à admettre que lesdites atteintes répondent aux critères jurisprudentiels énoncés plus haut, ces éléments ne suffissent de toute façon pas, à eux seuls, à justifier l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité, en l’absence de liens particulièrement intense avec la Suisse, dont le recourant ne peut se prévaloir. Ces aspects médicaux seront discutés ci-après, en lien avec la question de l’exigibilité du renvoi.

Au vu de ces circonstances, l’appréciation que l’OCPM a faite de la situation du recourant sous l’angle des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA ne prête pas le flanc à la critique. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit faire preuve de retenue et respecter la latitude de jugement conférée à l’autorité intimée, ne saurait en corriger le résultat en fonction d’une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire.

19.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, l’autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.

Elle ne dispose à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).

20.         Dès lors qu’il a refusé de soumettre le dossier du recourant au SEM en vue de la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, l’OCPM devait ordonner son renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, ne disposant, dans ce cadre, d’aucun pouvoir d’appréciation.

21.         Reste toutefois à déterminer si l’exécution du renvoi est conforme à l’art. 83 LEI, plus particulièrement, sous l’angle de l’exigibilité.

22.         Conformément à l’art. 83 al. 1 LEI, le SEM décide d’admettre provisoirement l’étranger si l’exécution du renvoi ou de l’expulsion n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée. Ces trois conditions susceptibles d’empêcher l’exécution du renvoi sont de nature alternative : il suffit que l’une d’elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable (arrêt du Tribunal adminis-tratif fédéral D-6776/2023 du 15 décembre 2023).

L’admission provisoire est de la seule compétence du SEM ; elle ne peut être que proposée par les autorités cantonales (art. 83 al. 6 LEI ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1001/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3). L’art. 83 al. 6 LEI vise avant tout la situation dans laquelle des autorités cantonales constatent des obstacles liés à l’exécution d’un renvoi. Elle n’est pas conditionnée à une demande de l’intéressé, ni à ce qu’un membre de la famille se trouve déjà au bénéfice d’une admission provisoire. Cette disposition a un caractère facultatif et implique que le SEM n’est saisi que si l’avis de l’autorité cantonale s’avère positif. Les intéressés n’ont, pour leur part, aucun droit à ce que le canton demande au SEM une admission provisoire en leur faveur sur la base de l’art. 83 al. 6 LEI (ATF 141 I 49 consid. 3.5.3). Néanmoins, l’existence même de l’art. 83 LEI implique que l’autorité cantonale de police des étrangers, lorsqu’elle entend exécuter la décision de renvoi, statue sur la question de son exigibilité (ATA/1539/2017 du 28 novembre 2017 consid. 7c).

23.         Selon l’art. 83 al. 4 LEI, l’exécution du renvoi n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

Cette disposition s’applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu’ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, éd., Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, 2017, p. 949).

En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d’emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-5549/2020 du 17 octobre 2022 consid 7.1 ; ATA/14/2024 du 9 janvier 2024 consid. 5.3).

24.         S’agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l’exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d’origine, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d’existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d’urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires ne peuvent pas être assurés dans le pays d’origine de l’étranger concerné, en raison de l’absence de possibilités de traitement adéquat, si l’état de santé de l’intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique, l’exécution du renvoi sera raisonnablement exigible (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2092/2023 du 3 novembre 2023 consid. 7.2 ; ATA/137/2022 du 8 février 2022 consid. 9d).

L’art. 83 al. 4 LEI ne confère donc pas un droit général d’accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l’infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d’origine de l’intéressé n’atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d’origine ou de provenance de l’étranger concerné, l’exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l’absence de possibilités de traitement adéquat, si l’état de santé de l’intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2092/2023 du 3 novembre 2023 consid. 7.1 et 7.2).

25.         En l’occurrence, aucune pièce du dossier ne laisse apparaître que les problèmes médicaux du recourant présentent une gravité telle que l’exécution de son renvoi au Nicaragua le mettrait de manière imminente, sérieusement et concrètement en danger, étant souligné que les soins essentiels peuvent être obtenus dans son pays d’origine et que le recourant ne soutient pas le contraire. Ce dernier fait certes valoir qu’un retour sur le lieu des événements traumatiques lui causerait des reviviscences et une acutisation des symptômes de son syndrome post-traumatique, mais rien ne le contraint à s’établir dans sa région d’origine ; il demeure libre de s’établir ailleurs au Nicaragua. Compte tenu de la jurisprudence restrictive en la matière, il y a ainsi lieu de considérer que, sans minimiser les affections présentées par le recourant, celles-ci ne sont pas d’une gravité telle qu’il se justifierait de renoncer à son renvoi vers son pays d’origine. En effet, les examens médicaux subis, les diagnostics posés et les traitements prescrits ne sont pas révélateurs de maladies d’une gravité ou d’une spécificité telle qu’elles ne pourraient pas être traitées dans cet État.

Au surplus, s’agissant du risque suicidaire relevé dans la réplique, laquelle fait état de « ses antécédents de risques suicidaires », le tribunal tient à relever qu’il résulte du rapport médical du 10 mars 2023 que le recourant n’avait pas d’idées actives et pas de projet de passage à l’acte, de sorte qu’il convient de relativiser l’assertion quant à des antécédents de risques suicidaires. En tout état, même si l’aggravation récente de son état de santé peut le conduite voire même l’a conduit à cultiver de telles idées, il est rappelé que le risque de suicide (« suicidalité ») ou la tentative de suicide commise par une personne dont l’éloignement a été ordonné ne constitue pas, en soi, un obstacle à l’exécution du renvoi si tant est que la personne concernée est apte à voyager et que des mesures concrètes (adaptées à son état) sont prises pour prévenir la réalisation de tels actes (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-6079/2022 du 24 mai 2024 consid. 7.5.2).

En conclusion, l’exécution de son renvoi est raisonnablement exigible au sens de l’art. 83 LEI dans les circonstances d’espèce, de sorte que l’OCPM n’avait pas à proposer son admission provisoire au SEM.

26.         À titre superfétatoire, même si tel était le cas, le recourant ne pourrait tout de même pas obtenir une admission provisoire en raison de l’art. 83 al. 7 let. b LEI, qui stipule que l’admission provisoire visée à l’art. 83 al. 2 et 4 LEI n’est pas ordonnée lorsque l’étranger attente de manière grave ou répétée à la sécurité et à l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sûreté intérieure ou extérieure de la Suisse.

Cette disposition ne sanctionne pas uniquement les infractions déjà commises, mais vise aussi à protéger le public de futurs délits (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral D-3223/2018 du 6 octobre 2020 consid. 12.3 et les références citées). Selon la jurisprudence et la doctrine, il y a atteinte à la sécurité et à l’ordre publics au sens de l’art. 62 al. 1 let. c LEI - disposition dont la lettre est identique à celle de l’art. 83 al. 7 let. b LEI et à laquelle il sied de se référer s’agissant de l’interprétation de la notion d’atteinte à la sécurité et à l’ordre publics - notamment en cas de violation importante (grave) ou répétée de prescriptions légales ou de décisions d’autorité. Tel est aussi le cas lorsque les actes individuels ne justifient pas en eux-mêmes une révocation, mais que, par leur gravité ou leur répétition, la personne concernée montre qu’elle n’est « pas prête à se conformer à l’ordre en vigueur ». L’atteinte répétée à la sécurité et l’ordre publics ne requiert pas que les infractions aient été nécessairement sanctionnées par des peines privatives de liberté, ni que le cumul de celles-ci soit supérieur à une année. Des infractions qui, prises isolément, ne constituent pas une atteinte grave à la sécurité et l’ordre publics, peuvent également constituer une telle atteinte si elles sont additionnées. Le critère de la gravité qualifiée de l’atteinte peut être réalisé par des actes contrevenant à des prescriptions légales ou à des décisions de l’autorité qui présentent un degré de gravité comparati-vement moins élevé que l’atteinte à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’une personne ou le trafic de stupéfiants, par exemple, mais qui, par leur répétition, malgré des avertissements et des condamnations successives, démontrent que l’étranger ne se laisse pas impressionner par les mesures de droit pénal et qu’il ne possède ni la volonté ni la capacité de respecter à l’avenir l’ordre juridique (arrêt du Tribunal administratif fédéral D-3223/2018 du 6 octobre 2020 consid. 12.3 et les références citées ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_747/ 2019 du 19 novembre 2019 consid. 5.2.1 ; 2C_889/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 et les références). Ainsi, une grave mise en danger de la sécurité et de l’ordre publics a été admise s’agissant d’un alcoolique gravement dépendant, auteur de voie de fait et de menaces répétées envers sa femme et ses enfants (JICRA 2003 n° 3).

Lorsque l’art. 83 al. 7 LEI est appliqué, seule doit être examinée la question de savoir si l’exécution du renvoi est licite (cf. not. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-46/2018 du 28 février 2020 consid. 2.3). L’exception prévue à cette disposition ne se rapporte qu’aux questions de possibilité (art. 83 al. 2 LEI) ou d’exigibilité (art. 83 al. 4 LEI) du renvoi, mais ne peut pas être opposée à une admission provisoire fondée sur l’illicéité de celui-ci (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 954).

27.         Ainsi, même dans l’hypothèse où le renvoi du recourant ne serait pas exigible, son admission provisoire ne serait cependant pas justifiée puisqu’il n’a pas la capacité de respecter à l’avenir l’ordre juridique suisse. Son parcours laisse apparaître que son trouble psychiatrique semble persistant - il fait même valoir une aggravation de son état - de sorte que s’il a déjà attenté à ce jour de manière répétée à la sécurité et à l’ordre publics en Suisse, il est à craindre qu’il continuera encore à représenter un danger à l’avenir.

L’intérêt public à l’éloignement du recourant doit prévaloir sur l’intérêt privé de ce dernier à demeurer en Suisse.

28.         Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision entreprise confirmée.

29.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.-. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Le recourant étant au bénéfice de l’assistance juridique suite à la décision de la vice-présidente du Tribunal de première instance du 14 juillet 2023, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d’une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l’assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d’office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

30.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 10 juillet 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 9 juin 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière