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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/474/2024

JTAPI/595/2024 du 19.06.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : OBJET DU LITIGE
Normes : LEI.11.al1; LEI.11.al3; LEI.40.al2; LEI.64
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/474/2024

JTAPI/595/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 19 juin 2024

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1972, est ressortissante d'Australie.

2.             Par décision du 15 janvier 2023 (recte : 2024), l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de lui octroyer une autorisation de séjour en vue de l'exercice d'une activité lucrative et a prononcé son renvoi de Suisse.

A l'appui de cette décision, l'OCPM a retenu que Mme A______ était arrivée en Suisse le 15 juin 2020 en vue d'exercer une activité lucrative auprès du B______ (ci-après : B______). Cette activité avait pris fin le 31 juillet 2023. Le 10 juin 2023, Mme A______ avait déposé auprès de l'OCPM une requête en sa faveur en vue de l'exercice d'une activité indépendante, requête sur laquelle l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) s'était prononcé négativement par décision préalable rendue le 22 novembre 2023.

Sur le plan juridique, l'OCPM a retenu que la décision préalable de l'OCIRT le liait et que dans la mesure où, par conséquent, Mme A______ ne disposait pas d'une autorisation de séjour, son départ de Suisse devait obligatoirement être prononcé.

3.             Par acte du 9 février 2024, Mme A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision de l'OCPM du 15 janvier 2024.

Elle était arrivée en Suisse non pas le 15 juin 2020, mais le 30 juin 2009 pour occuper son premier poste au siège du B______. Une première carte de légitimation lui avait été délivrée le 28 juillet 2009. Elle avait vécu en Suisse pendant plus de 11 ans au cours des 15 dernières années, et en particulier à Genève durant toutes ses affectations au siège du B______. Elle n'avait quitté le canton de Genève qu'en raison de ses obligations de mission sur le terrain pour le B______. Pendant ses missions à l'étranger (dont elle a décrit les périodes spécifiques et les intitulés), ses intérêts personnels et économiques étaient restés en Suisse, où elle était revenue à chaque fois que son travail le lui permettait. Ses années de séjour en Suisse l'avaient rapprochée de ce pays et de ses valeurs auxquelles elle adhérait. Depuis qu'elle avait quitté l'Australie à l'âge de 22 ans, presque sans jamais y revenir, elle avait toujours été en mouvement et la Suisse était le seul endroit où elle revenait toujours et qu'elle appelait sa maison. Elle il y avait un solide réseau d'amitiés et de liens communautaires. En 2022 - 2023, elle s'était associée au C______ et du D______ pour proposer des cours de yoga dans le cadre de sa saison consacrée à la santé mentale. Elle participait régulièrement à de nombreux événements communautaires et activités sportives locales (dont elle a donné plusieurs exemples). En 2022, elle avait adopté un chien, ce qui avait été un excellent moyen de s'impliquer davantage dans la vie quotidienne en Suisse et de se faire de nouveaux amis. À présent âgée de 51 ans, elle souhaitait anticiper sa retraite auprès du B______ en 2030, à l'âge autorisé de 58 ans. Sur le marché du travail australien, elle était considérée comme une senior et n'avait plus de réseau professionnel ou privé pour l'aider à trouver un emploi à ce stade avancé de sa vie. Elle n'avait pas non plus de régime de retraite publique ou privée et avait perdu tout lien avec son pays d'origine. Son contrat de travail avec le B______ avait été résilié sans qu'elle en soit responsable et elle se trouvait dans l'incapacité de travailler ou de bénéficier des prestations de chômage auxquelles elle avait cotisé. Elle souhaitait souligner la gravité de sa situation, compte tenu de son âge et de la proximité de sa retraite anticipée, ainsi que du temps, des ressources et des efforts d'intégration qu'elle avait déployés pour se construire une vie en Suisse. Sur la base de ces éléments, elle espérait qu'il soit possible de rouvrir son dossier et de lui accorder à titre exceptionnel un permis B humanitaire, au moins jusqu'à ce qu'elle puisse prendre une retraite anticipée. Elle savait que l'approbation du secrétariat d'État aux migrations (SEM) était réservée.

4.             Par écritures du 28 mars 2024, l'OCPM a conclu au rejet du recours, réitérant le fait que le refus de l'OCIRT, le 22 novembre 2023, de préaviser favorablement la demande d'autorisation de séjour avec activité indépendante déposée par Mme A______, liait l'OCPM et entraînait le renvoi de Suisse de la précitée. À l'appui de son recours, Mme A______ concluait à l'octroi d'une autorisation de séjour humanitaire en faisant valoir en particulier la durée de son séjour, ses attaches avec la Suisse et son intégration. Ainsi, ses conclusions dépassaient le cadre du présent litige. Il conviendrait que Mme A______ dépose formellement une demande d'autorisation de séjour fondée sur les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA afin que cette demande puisse être instruite par le service compétent.

5.             Par écritures du 15 avril 2024, Mme A______ a annoncé qu'elle déposerait une nouvelle demande de permis conformément à la recommandation de l'OCPM. Elle avait d'ores et déjà pris rendez-vous à cette fin. Elle remerciait sincèrement de « prendre le temps d'examiner mon dossier et ma demande de recours et de consulter les autorités compétentes à ce sujet ».

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Il convient tout d'abord de déterminer quel est l'objet du litige.

4.             L'objet du litige est défini par trois éléments : principalement par l'objet du recours (ou objet de la contestation) et les conclusions du recourant, et accessoirement par les griefs ou motifs qu'il invoque. Il correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/504/2023 du 16 mai 2023 consid. 3.2 et les arrêts cités). Lorsque le recourant conclut uniquement à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, il convient de se référer aux motifs de son recours afin de déterminer ce qui constitue l'objet du litige selon sa volonté déterminante (ATA/203/2015 du 24 février 2015 consid. 3a).

Par ailleurs, l'objet d'une procédure administrative ne peut pas s'étendre ou se modifier qualitativement au fil des instances. Il peut uniquement se réduire, dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés devant l'autorité de recours. Si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions qui ont été traitées dans la procédure antérieure (ATA/1364/2018 du 18 décembre 2018 consid. 4b ; ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5 ; ATA/648/2016 du 26 juillet 2016 consid. 2b et les arrêts cités).

Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/311/2019 précité ; ATA/648/2016 du 26 juillet 2016 consid. 2b et les arrêts cités).

5.             Dans le cas d'espèce, il ressort de ce qui précède que l'objet du litige, c'est-à-dire le cadre dans lequel le tribunal doit se prononcer afin de trancher ce litige, ne peut concerner d'autres droits et obligations que ceux sur lesquels l'autorité intimée s'est prononcée dans sa décision du 15 janvier 2024. Le tribunal doit ainsi uniquement déterminer si c'est à bon escient que l'autorité intimée a prononcé le renvoi de Suisse de la recourante, compte tenu de l'ensemble des circonstances sur lesquelles ce renvoi était fondé.

Il en découle par conséquent qu'en tant qu'elles consistent à requérir la délivrance d'un « permis B humanitaire » - question sur laquelle la décision litigieuse ne se prononce pas -, les conclusions prises par la recourante dans le cadre de son recours sortent de l'objet du litige et sont dès lors irrecevables.

6.             Pour le surplus, le tribunal relèvera que les écritures de la recourante du 15 avril 2024 ne permettent pas clairement de déterminer si elle entendait maintenir son recours suite aux écritures de l'autorité intimée du 28 mars 2024, ou si elle le retirait. Dans le doute, il convient de considérer que la recourante souhaitait malgré tout que le tribunal se prononce sur les mérites de son recours.

7.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), comme en l'espèce.

Tout étranger qui désire séjourner en Suisse en vue d'y exercer une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour (art. 11 al. 1 LEI).

En cas d'activité salariée, la demande doit être déposée par l'employeur auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé (art. 11 al. 1 et 3 LEI).

Lorsqu'un étranger ne possède pas de droit à l'exercice d'une activité lucrative, une décision cantonale préalable concernant le marché du travail est nécessaire pour l'admettre en vue de l'exercice d'une activité lucrative (art. 40 al. 2 LEI).

8.             Dans le canton de Genève, la compétence pour rendre une telle décision est attribuée à l'OCIRT (art. 2 al. 2 LaLEtr et 6 al. 4 du règlement d'application de la loi fédérale sur les étrangers, du 17 mars 2009 - RaLEtr - F 2 10.01), dont la décision préalable lie l'OCPM (art. 6 al. 6 RaLEtr ; cf. aussi directives et commentaires du SEM, domaine des étrangers, état au 1er novembre 2021, ch. 1.2.3.2).

9.             Aux termes de l'art. 64 al. 1 LEI, l'autorité rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), d'un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée en Suisse (let. b) et d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé (let. c).

Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10 ; C-406/2006 du 2 septembre 2008 consid. 8 et la référence citée ; ATA/228/2015 du 2 mars 2015 consid. 8 ; ATA/598/2014 du 29 juillet 2014 consid. 12 ; ATA/182/2014 du 25 mars 2014 consid. 12).

10.         En l'espèce, dans la mesure où la recourante est dépourvue à ce jour de titre de séjour valable en Suisse, l’autorité intimée n’avait d’autre choix que de prononcer son renvoi en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, étant liée par la décision de l’OCIRT, qui avait constaté, par décision du 22 novembre 2023 devenue définitive, que la recourante ne remplissait pas les conditions de séjour avec activité lucrative en Suisse.

11.         Comme déjà dit plus haut, la question de savoir si la recourante pourrait bénéficier d'un titre de séjour pour cas individuel d'extrême gravité, au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), ne peut être examinée dans le cadre du présent litige, puisqu'elle n'a pas encore été examinée par l'autorité intimée.

12.         Il résulte de tout ce qui précède que le recours est mal fondé et qu'il devra donc être rejeté.

13.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

14.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 9 février 2024 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 15 janvier 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière