Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2876/2023

JTAPI/499/2024 du 24.05.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Rectification d'erreur matérielle : Sur la page de garde est mentionné à tort : " JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 2024 ". En effet, en lieu et place, il faut lire : " JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 24 mai 2024 ".
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2876/2023

JTAPI/499/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 mai 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Marc-Alec BRUTTIN, avocat, avec élection de domicile

 

contre



OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1971, est ressortissant français.

2.             Il est titulaire d’une autorisation d’établissement, avec délai de contrôle au 1er juillet 2023.

3.             Le 20 mars 2023, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a fait part à l’intéressé de son intention de prononcer la caducité de son autorisation d’établissement et d’enregistrer son départ de Suisse au 27 août 2018, soit six mois après son installation en France.

Il avait annoncé son changement d’adresse dès le 27 février 2018 à sa nouvelle adresse, soit c/o Madame B______, chemin C______ à D______. Suite à une enquête domiciliaire effectuée entre le 9 décembre 2022 et le 11 janvier 2023, il était apparu qu’il n’avait en réalité disposé que d’une adresse postale à cet endroit et qu’il n’y avait jamais résidé. Son domicile réel devait être situé à E______ (France), chemin F______. Dès lors, les conditions de maintien d’une autorisation d’établissement au sens des art. 61 et 62 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 79 al. 1 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) n’étaient pas satisfaites.

Un délai de 30 jours lui a été accordé pour faire valoir son droit d’être entendu.

4.             Dans le délai prolongé, le 15 mai 2023, M. A______, sous la plume de son conseil, s’est opposé audit projet de décision. Il contestait avoir quitté la Suisse pour s’installer en France au mois d’août 2018. Il était divorcé de Madame G______ depuis 2016, laquelle avait obtenu la jouissance du domicile conjugal sis à H______. Il n’avait pas réussi à trouver un logement sur Genève. Par contre, il en avait trouvé un temporaire à E______ (France), où il n'était resté que quatre ou cinq mois, avant de revenir en Suisse chez Mme B______ qui l’avait hébergé jusqu’en 2021, tout en lui permettant de garder son adresse officielle chez elle tant qu’il n’avait pas retrouvé de logement fixe. Depuis lors, il avait activement cherché un logement, sans succès. Il logeait donc à I______, dans l’attente de l’attribution d’un logement par la Fondation de droit public. Sans domicile fixe, il dormait chez des amis ou de la famille voire dans sa voiture. Il n’avait jamais passé plus de six mois à l’étranger depuis son arrivée en Suisse en 2008. Il travaillait à temps partiel comme chauffeur de taxi, exerçait son droit de visite sur sa fille à raison de trois fois par semaine et subissait un traitement d’hémodialyse auprès des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) à raison de trois fois par semaine. Il avait donc tout son centre d’intérêt à Genève.

Il a produit des pièces dont une attestation de Mme B______ du 27 mai 2021 attestant qu’elle l’avait hébergé de 2017 jusqu’alors, gratuitement, mais ne plus pouvoir le faire, une attestation de sa cousine du 3 avril 2023 attestant qu’elle l’avait hébergé de temps en temps depuis 2017 ainsi qu’une attestation de I______ du 11 mai 2023 indiquant qu’il y logeait depuis le 1er mai 2023.

5.             Le 22 mai 2023, l’OCPM a informé M. A______ qu’il maintenait son intention de prononcer la caducité de son autorisation d’établissement à partir du moment où il n’avait plus disposé d’adresse à Genève, considérant qu’à tout le moins depuis cette date, il n’avait plus son centre d’intérêt en Suisse, soit depuis le 27 mai 2021. Il prenait note de l’attestation de Mme B______ du 27 mai 2021 confirmant qu’il avait résidé chez elle jusqu’alors et qu’il résidait à I______ depuis le 1er mai 2023. Même s’il apparaissait évident qu’il avait régulièrement effectué des allées et venues à Genève entre le 27 mai 2021 et le 1er mai 2023 du fait de ses obligations familiales, médicales et professionnelles et qu’il avait été hébergé quelques fois chez sa cousine, il n’avait pas fourni la preuve de sa domiciliation effective à Genève. Dans le cadre d’une dénonciation pour fausse domiciliation reçue en mars 2022, plusieurs documents attestant de ses différentes adresses en France voisine avaient été fournies, étant précisé que certains démontraient une probable domiciliation en France voisine avant l’année 2021. Au surplus, il s’était marié au Maroc le ______ 2018 avec une personne ne résidant pas en Suisse. Enfin, il était disposé à examiner l’opportunité de lui délivrer une nouvelle autorisation de séjour depuis le 1er mai 2023 si tant est qu’il puisse se prévaloir d’un droit de séjour en vertu de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681). Un délai au 15 juin 2023 lui était accordé pour répondre, fournir les documents pertinents ainsi qu’une attestation de l’Office des poursuites.

6.             Par courriel du 15 juin 2023 parvenu à l’OCPM le 11 juillet 2023, le conseil de l’intéressé a contesté vivre comme frontalier. Il était chauffeur de taxi indépendant depuis 2017. Malgré ses soucis de santé et financiers, il n’avait jamais émargé à l’aide sociale. Il souhaitait que sa situation soit reconsidérée. Il a produit un extrait du registre des poursuites du 23 mai 2023 dont il ressort qu’il a 90 actes de défaut de bien pour un montant total de CHF 139'004.21 et fait l’objet de poursuites à hauteur de CHF 14'951.85, ainsi que son avis de taxation pour l’année 2021 retenant un bénéfice net de son activité de CHF 18'421.-.

7.             Par décision du 10 juillet 2023, l’OCPM a constaté la caducité de l’autorisation d’établissement de M. A______, lui a refusé l’octroi d’une nouvelle autorisation de séjour et prononcé son renvoi de Suisse, avec un délai au 10 octobre 2023 pour ce faire. Il ne disposait plus d’adresse valable sur le territoire genevois à compter du 27 mai 2021. Il avait résidé en France voisine jusqu’à son retour en Suisse le 1er mai 2023. Durant cette période, il avait déplacé son centre d’intérêt en France voisine, revenant régulièrement en Suisse pour ses obligations familiales, professionnelles et médicales vivant ainsi comme un frontalier. Il n’avait produit aucune preuve venant contredire ces constatations. S’agissant de l’opportunité de lui octroyer une nouvelle autorisation de séjour, il n’avait pas fourni la preuve de l’exercice d’une activité lucrative lui permettant d’obtenir le statut de travailleur salarié ou qu’il disposerait de moyens financiers suffisants lui permettant de séjourner en Suisse sans activité lucrative ou qu’il existerait des motifs importants exigeant la délivrance d’une autorisation de séjour.

8.             Le 16 août 2023, M. A______, sous la plume de son nouveau conseil, a sollicité de la part de l’OCPM une reconsidération de sa décision, à tout le moins en prolongeant son autorisation de séjour d’un an, dans l’attente de l’attribution d’un logement. Il devait se soumettre à une dialyse à raison de trois fois par semaine auprès des HUG. Une fois le traitement terminé, il était épuisé, incapable de conduire un véhicule et devait immédiatement se reposer. Il avait épousé en troisième noce Madame J______ le ______ 2018, au Maroc. Faute de pouvoir rejoindre son époux à Genève, cette dernière s’était installée provisoirement à K______ (France). Il résidait bel et bien à Genève même s’il ne contestait pas rejoindre régulièrement son épouse lorsque son état de santé le permettait.

9.             Le 5 septembre 2023, l’OCPM lui a répondu qu’il n’entendait pas reconsidérer sa décision.

10.         Par acte du 11 septembre 2023, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) concluant à son annulation, à ce que son autorisation d’établissement soit renouvelée avec effet au 1er juillet 2023 et à inviter l’OCPM à procéder au renouvellement de ladite autorisation d’établissement, sous suite de frais et dépens. Préalablement, il a sollicité la production de la dénonciation à laquelle se référait l’OCPM et à ce qu’il soit invité à produire une liste de témoins afin d’établir le maintien constant de sa résidence à Genève entre le 27 mai 2021 et le 1er mai 2023.

Dès le second semestre 2021, il s’était retrouvé sans domicile fixe, avec l’aide occasionnelle d’amis et de connaissances quand il n’était pas contraint de dormir dans sa voiture. Depuis le 2 septembre 2023, il vivait chez sa cousine à Genève, Madame L______. Indépendant économiquement, ses médecins préconisaient toutefois l’octroi d’une rente partielle de l’assurance invalidité. Sa situation n’était que provisoire et c’était tout à son honneur de ne pas avoir sollicité de regroupement familial pour son épouse avant qu’il ne possède un logement pour l’accueillir à Genève. Le fait de n’avoir pas pu prendre connaissance de la dénonciation dont se prévalait l’OCPM constituait une violation de son droit d’être entendu. C’était à Genève qu’il avait toujours résidé et avait l’intention de s’établir. La décision de l’OCPM aurait des conséquences graves sur son état de santé, sur sa possibilité d’obtenir un regroupement familial pour son épouse à Genève où il exerçait en tant que chauffeur de taxi à temps partiel et où il entendait obtenir des prestations de l’assurance sociale.

11.         Dans ses observations du 10 novembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les conditions légales de l’art. 61 al. 2 LEI n’étant pas réunies. Le recourant n’avait produit aucune pièce déterminante permettant d’établir qu’il avait effectivement résidé à Genève entre mai 2021 et mai 2023 et qu’il n’avait pas quitté la Suisse pour s’installer en France. Selon ses dires, il aurait vécu à Genève sans logement alors que son épouse habitait dans un appartement à K______ (France). Dans un courrier daté du 8 août 2019 adressé aux autorités françaises, le recourant avait indiqué vivre à l’adresse de son épouse en France. Il aurait été accueilli au domicile de sa cousine uniquement en septembre 2023 alors qu’il souffrait depuis longtemps de problèmes de santé. Enfin, le recourant a continué à utiliser l’adresse de Mme B______ jusqu’en 2023 alors qu’il n’y résidait plus depuis 2021.

Il a produit son dossier dont :

-          la dénonciation du 15 mars 2022 de Mme G______ expliquant que le recourant vivait en France depuis 2015, son adresse actuelle se situant à E______ (France), chemin F______ et qu’il changeait de domicile chaque trois mois ;

-          un avis de saisie du 15 janvier 2021 ainsi qu’un dernier avis avant ouverture des portes du 1er mars 2021, de la direction générale des finances publiques françaises adressé à Mme G______ et au recourant, bâtiment M______ ;

-          un courrier du recourant adressé le 8 août 2019 au service des impôts des particuliers de N______ (France), mentionnant son adresse à K______ (France), rue O______ et un numéro de portable français, et expliquant se trouver dans l’incapacité d’honorer la somme due et avoir résidé que quelques mois à ces deux adresses (sic). Il a encore précisé que dans son logement actuel, le montant des meubles n’atteignait pas la sommes due ;

-          une ordonnance pénale du 3 septembre 2019 condamnant le recourant à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de la justice (art. 169 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et mentionnant qu’il avait été condamné le 2 juillet 2015 pour le même délit et le 22 janvier 2018, pour lésions corporelles simples de peu de gravité ;

-          une ordonnance pénale du 27 janvier 2020 condamnant le recourant à une amende de CHF 300.-, pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de la justice (art. 169 CP).

12.         Dans sa réplique du 14 décembre 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions. Le document adressé le 8 août 2019 aux autorités françaises n’était destiné qu’à permettre à son épouse d’avoir un logement à K______ (France). S’il avait certes vécu chez des connaissances et dans sa voiture de mai 2021 à mai 2023, il n’en demeurait pas moins qu’il avait toujours gardé son centre de vie à Genève d’une part pour des raisons professionnelles évidentes et d’autre part, en raison de ses problèmes de santé. Il a produit les documents suivants :

-          un courriel du 13 décembre 2023 de Monsieur P______, l’un de ses clients, expliquant se souvenir qu’il lui avait mentionné ses problèmes de logement à Genève depuis 2021, sans lui donner plus de détails ;

-          une attestation de Monsieur Q______ du 11 décembre 2023 expliquant avoir été touché par le fait que le recourant vivait dans sa voiture du printemps 2021 au début 2023 et l’avoir hébergé ;

-          une attestation de Mme L______ du 11 décembre 2023 indiquant l’avoir hébergé ponctuellement de février/avril 2021 à avril/mai 2023 ;

-          une attestation de son ex-femme non datée indiquant qu’il arrivait parfois au recourant de passer la nuit dans son véhicule entre mai 2021 et mai 2023 et que sa nouvelle épouse, qu’elle connaissait personnellement, vivait à K______ (France) ;

-          une attestation du 13 décembre 2023 de l’épouse du recourant expliquant que ce dernier n’avait jamais vécu avec elle à cause de ses soins à raison de trois fois par semaines aux HUG mais qu’il venait chez elle deux fois par semaine environ, pour manger. Il avait toujours vécu à Genève chez sa cousine, Mme L______ et des fois dans son véhicule ;

-          une attestation de Monsieur R______ du 13 décembre 2023 indiquant que le recourant avait dû dormir dans son véhicule entre 2021 et début 2023 ;

-          une attestation médicale du 13 décembre 2023 du Dr. S______ attestant qu’il était pris en charge au centre de dialyse de T______ depuis le 16 octobre 2023 pour un traitement chronique dont il dépendait pour sa survie, initié aux HUG en décembre 2022. Il était inscrit en Suisse dans l’attente d’une transplantation depuis le mois d’avril 2023 et son état de santé nécessitait la poursuite indispensable de soins à Genève.

13.         Dans sa duplique du 5 janvier 2024, l’OCPM a campé sur ses positions.

14.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Préalablement, le recourant a sollicité la production de la dénonciation à laquelle se référait l’OCPM et à ce qu’il soit invité à produire une liste de témoins pour prouver sa résidence à Genève entre mai 2021 et mai 2023.

4.             Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit, pour l’intéressé, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

5.             Toutefois, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion. Ce refus d’instruire ne viole le droit d’être entendu des parties que si l’appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d’arbitraire (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29  janvier 2020 consid. 3.1).

6.             Par ailleurs, le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22  janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5.2.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1).

7.             En l’espèce, le dossier de l’autorité intimée comporte la dénonciation du 15 mars 2022 et les documents idoines. S’agissant de la production d’une liste de témoins, le tribunal estime que le recourant aurait dû requérir la comparution des témoins qu’il souhaitait voir comparaître sans qu’il ne soit nécessaire qu’il y soit invité. Cela étant, il a produit six attestations de proches aux fins de prouver son domicile genevois durant la période litigieuse, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’entendre ces témoins oralement. Le recourant a eu la possibilité de faire valoir ses arguments par écrit et de produire tous moyens de preuve aptes à démontrer ses allégués, sans qu’il n’explique ce qui, dans la procédure écrite, l’aurait empêché d’exprimer ses arguments de manière pertinente et complète. Ainsi, il convient de retenir que le dossier contient les éléments suffisants et utiles, tels qu'ils ressortent de ses écritures et celles de l’OCPM, des pièces produites et du dossier de l'autorité intimée, pour statuer sur le litige. Par conséquent, la demande en dépôt de liste de témoins est rejetée et il sera pris acte que la dénonciation requise avait d’ores et déjà été versée à la procédure.

8.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

9.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

10.         Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24  avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

11.         Le recourant se plaint tout d'abord de la violation de son droit d’être entendu car il n’aurait pas eu accès à la dénonciation du 15 mars 2022, sans toutefois indiquer à quel stade de la procédure il aurait été empêché ni s’il en a formellement fait la demande, respectivement si un refus lui a été opposé.

12.         Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst) tel que décrit ci-dessus, comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités). Toutefois, ce droit ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsque le juge parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1).

13.         Il ressort toutefois de la jurisprudence du Tribunal fédéral que la violation du droit d’être entendu peut être réparée dans le cadre de la procédure de recours lorsque l’autorité de recours exerce le même pouvoir d’examen que l’autorité de décision (ATF 129 II 129 c. 2.2.3 p. 135, JdT 2005 IV 300; ATF 126 I 68 c. 2 p. 72, RDAF 2001 I 586; ATF 124 II 132 c. 2d p. 138; Albertini, op. cit., p. 461). La réparation du vice doit toutefois demeurer exceptionnelle, en particulier lorsqu’il s’agit d’une violation grave, surtout parce que l’exercice différé du droit d’être entendu ne constitue le plus souvent qu’un succédané imparfait de l’audition préalable qui a été omise (ATE 116 V 182 c. 3c p. 187; ATE 105 la 193 c. 2b/cc p. 197). En outre, elle n’entre en considération que si la personne touchée ne subit aucun préjudice dans l’exercice différé du droit d’être entendu et dans la réparation du vice. Il ne serait en aucun cas admissible que l’autorité parvienne, par le biais d’une violation du droit d’être entendu, à un résultat qu’elle n’aurait jamais obtenu en procédant de manière correcte (ATF 129 I 129 c. 2.2.3 p. 135, JdT 2005 IV 300).

14.         En l'espèce, la dénonciation a été versée au dossier transmis par l’autorité intimée au tribunal sans que l’on ne sache si le recourant a pu effectivement en prendre connaissance avant la notification de la décision litigieuse ou non et même s’il l’a demandé. Cela étant, cette pièce se trouvant dans le dossier de la procédure, le recourant a eu la possibilité d’en prendre connaissance sur simple requête d’accès au dossier adressée au tribunal, de sorte qu'une éventuelle violation du droit d'être entendu serait en tout état réparée.

15.         Ce grief d'ordre formel doit donc être écarté.

16.         Le recourant conteste la caducité de son autorisation de séjour prononcée par l’OCPM à compter du 27 mai 2021.

17.         La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), dont notamment l’ALCP.

18.         En vertu de son art. 2 al. 2, la LEI n’est applicable aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne, aux membres de leur famille et aux travailleurs détachés par un employeur ayant son siège ou son domicile dans un de ces États que dans la mesure où l’ALCP n’en dispose pas autrement ou lorsque la LEI prévoit des dispositions plus favorables.

19.         Ainsi, l'ALCP et l'ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, la Communauté européenne et ses États membres ainsi qu'entre les États membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (OLCP - RS 142.203) s'appliquent en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l'UE/AELE, la LEI ne s'appliquant à eux que pour autant que ses dispositions soient plus favorables que celles de l'ALCP et si ce dernier ne contient pas de dispositions dérogatoires (Directives OLCP-1/2024 éditées par le SEM, chiffre 1.2.3, p. 11). Les conditions au maintien d'une autorisation de séjour étant plus larges selon la LEI, l'art. 61 al. 2 LEI est applicable (ATA/1793/2019 consid. 3b).

20.         En l’espèce, il n’est pas contesté que la question de savoir si le permis de séjour du recourant est devenu caduc est régie par la LEI, nonobstant sa nationalité française.

21.         Selon l’art. 61 al. 1 let. a LEI, l’autorisation prend fin lorsque l’étranger déclare son départ de Suisse.

22.         Si un étranger quitte la Suisse sans déclarer son départ, l’autorisation de courte durée prend automatiquement fin après trois mois, l’autorisation de séjour ou d’établissement après six mois. Sur demande, l’autorisation d’établissement peut être maintenue pendant quatre ans (art. 61 al. 2 LEI).

23.         Les délais prévus à l’art. 61 al. 2 LEI, ne sont pas interrompus en cas de séjour temporaire en Suisse à des fins de visite, de tourisme ou d’affaires (art. 79 al. 1 OASA).

24.         L’extinction de l’autorisation de séjour au sens de l’art. 61 LEI s’opère de jure (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-139/2016 du 11 avril 2017 consid. 5.1), quelles que soient les causes de l’éloignement et les motifs de l’intéressé (ATF 120 Ib 369 consid. 2c) ; peu importe ainsi si le séjour à l'étranger était volontaire ou non (arrêt du Tribunal fédéral 2C_691/2017 du 18 janvier 2018 consid. 3.1). Sous cet angle, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à l'art. 96 LEI, à un examen de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_19/2017 du 21 septembre 2017 consid. 5).

25.         Selon la jurisprudence (ATA/431/2024 du 26 mars 2024 consid. 2.5 ; ATA/1793/2019 du 10 décembre 2019 consid. 3c), un étranger titulaire d'une autorisation d'établissement perd cette dernière s'il s'établit en France voisine et y vit comme un frontalier. Cette règle s’applique a fortiori aux autorisations de séjour (ATA/325/2024 du 5 mars 2024).

26.         Une autorisation ne peut subsister lorsque l’étranger passe l’essentiel de son temps hors de Suisse, voire y transfère son domicile ou le centre de ses intérêts, sans jamais toutefois y rester consécutivement plus du délai légal, revenant régulièrement en Suisse pour une période relativement brève, même s’il garde un appartement en Suisse. Dans ces conditions, il faut considérer que le délai légal n’est pas interrompu lorsque l’étranger revient en Suisse avant l’échéance de ce délai non pas durablement, mais uniquement pour des séjours d’affaires ou de visite (ATF 145 II 322 consid. 2).

27.         Pour savoir si une personne réside à un endroit avec l'intention de s'y établir, ce n'est pas la volonté interne de cette personne qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire une semblable intention (cf. ATF 133 V 309 consid. 3.1 ; 119 II 64 consid. 2b/bb ; 113 II 5 consid. 2 ; 97 II 1 consid. 3 ; ATA/904/2014 du 18 novembre 2014 consid. 2 ; ATA/535/2010 du 4 août 2010 consid. 6).

28.         La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a récemment confirmé la caducité de l’autorisation d’établissement d’un recourant, qui n’avait pas annoncé son départ de Suisse et conservé l’adresse de son logement à Genève, alors qu’il avait en fait déménagé avec sa famille en France voisine où il était propriétaire d’un bien immobilier. La chambre administrative a retenu que le centre d’intérêts du recourant se trouvait, non pas à Genève, mais en France voisine où, partant, il séjournait au sens de la loi (ATA/431/2024 précité).

29.         Dans un autre arrêt, la chambre administrative a confirmé la caducité de l’autorisation de séjour d’un recourant et de sa fille dont le centre des intérêts se trouvait, non pas à Genève, où ils louaient un studio, travaillait, respectivement étudiait, mais à Veigy-Foncenex (France) auprès de leur épouse, respectivement mère. C'était donc en France voisine qu'ils séjournaient au sens de la loi (ATA/325/2024 précité).

30.         Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits ; il incombe à celles-ci d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1). En matière de droit des étrangers, l’art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l’étranger ou des tiers participants (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1).

31.         Lorsque les preuves font défaut ou s’il ne peut être raisonnablement exigé de l’autorité qu’elle les recueille pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l’administration de démontrer l’existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/471/2022 du 3 mai 2022 consid. 3d).

32.         Par ailleurs, en procédure administrative cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/590/2022 du 3 juin 2022 consid. 4a et les références cités).

33.         Lorsque les faits ne peuvent être prouvés d'une façon indubitable, une partie peut présenter une version des événements avec une vraisemblance, qui se rapproche de la certitude (ATF 107 II 269 consid. 1b). L'autorité doit alors apprécier la question de savoir si l'ensemble des circonstances permet de conclure à l'existence de l'élément de fait à démontrer. Elle peut en un tel cas se contenter de la preuve circonstancielle en faisant appel à son intime conviction et décider si elle entend tenir le fait pour acquis. Plus la conséquence juridique rattachée à l'admission d'un fait est grave, plus l'autorité doit être stricte dans son appréciation des faits (Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd., 1991, p. 256 n. 1172). La décision constatant la caducité d'une autorisation d'établissement est importante au point d'exiger un état de fait clairement établi (ATA/1793/2019 précité, consid. 3d).

34.         En l’occurrence, le recourant échoue à démontrer qu’il était effectivement domicilié à Genève entre le 27 mai 2021, date où il aurait quitté le logement de Mme B______, et le 1er mai 2023, date à laquelle il s’est établi à I______.

Durant cette période, il a certes dormi de temps à autre chez des membres de sa famille et des connaissances, lesquels ont confirmé qu’il dormait des fois dans sa voiture, sans toutefois préciser s’il le faisait sur sol helvétique ou français. Cela ne signifie pas encore que son domicile effectif et le centre de ses intérêts se trouvaient à Genève. Le fait qu’il exerce à temps partiel en qualité de chauffeur de taxi, exerce un droit de visite sur son enfant et doive se rendre dans un établissement médical à raison de trois fois par semaines pour suivre un traitement ne suffisent pas à démontrer une prise de domicile effective. Au contraire, il apparaît plus probable qu’il vivait avec son épouse à K______ (France), soit en France voisine. A ce sujet, les propos de son épouse sont sujets à caution vu sa proximité avec le recourant et son intérêt direct dans la cause puisque si le recours était admis, elle pourrait prétendre au regroupement familial en Suisse. Il sied également de relever que le recourant a indiqué son adresse à K______ (France) lorsqu’il s’est adressé le 8 août 2019 aux au service des impôts des particuliers de N______ (France). Il y a également mentionné son numéro de portable français. A ce sujet, on entend mal en quoi ce document n’était destiné qu’à permettre à son épouse de trouver un logement à K______ (France), comme il le prétend dans sa réplique du 14 décembre 2023. Tout d’abord, son épouse avait déjà trouvé son logement à cette date et la teneur du courrier ne la concerne en rien s’agissant de dettes dues par le recourant. Par ailleurs, les avis de saisie des 15 janvier et 1er mars 2021 ont été adressés à l’adresse française du recourant qui a admis rejoindre régulièrement son épouse et avoir vécu à E______ (France) durant plusieurs mois.

Ainsi, il ressort du faisceau d’indices qui précède que durant la période concernée (27 mai 2021 au 1er mai 2023), si le recourant travaillait et dormait ponctuellement à Genève, ce qui n’est au demeurant pas contesté, son lieu de vie et le centre de ses intérêts se trouvaient, non pas en Suisse mais bien auprès de sa femme à K______ (France) et que sa situation était comparable à celle d’un frontalier.

35.         Au vu de ce qui précède, la décision de l’OCPM prononçant la caducité de l’autorisation de séjour du recourant, en application de l’art. 61 al. 2 LEI, apparaît conforme au droit et ne consacre aucun abus de pouvoir d’appréciation.

36.         Reste à examiner si le recourant remplit désormais les conditions de délivrance d’une autorisation de séjour à Genève.

37.         L'ALCP et l'OLCP s'appliquent au cas d'espèce, le recourant étant ressortissant français.

38.         En vertu de l’art. 6 par. 1 Annexe I ALCP, le travailleur salarié ressortissant d’une partie contractante qui occupe un emploi d’une durée égale ou supérieure à un an au service d’un employeur de l’État d’accueil reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance.

39.         La notion de travailleur, qui délimite le champ d’application du principe de la libre circulation des travailleurs, doit être interprétée de façon extensive, tandis que les exceptions et dérogations à cette liberté fondamentale doivent, au contraire, faire l’objet d’une interprétation stricte (ATF 131 II 339 consid. 3.2). Doit ainsi être considérée comme un « travailleur » la personne qui accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération. Cela suppose l’exercice d’activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires. Une fois que la relation de travail a pris fin, l’intéressé perd en principe la qualité de travailleur, étant entendu cependant que, d’une part, cette qualité peut produire certains effets après la cessation de la relation de travail et que, d’autre part, une personne à la recherche réelle d’un emploi doit être qualifiée de travailleur. La recherche réelle d’un emploi suppose que l’intéressé apporte la preuve qu’il continue à en chercher un et qu’il a des chances véritables d’être engagé ; sinon il n’est pas exclu qu’il soit contraint de quitter le pays d’accueil après six mois (arrêt du Tribunal fédéral 2C_390/2013 du 10 avril 2014 consid. 3.1 et les divers arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne [CJCE] cités).

40.         Conformément à l'art. 2 par. 1 du règlement (CEE) 1251/70, a le droit de demeurer à titre permanent sur le territoire d'un État membre :

a.       le travailleur qui, au moment où il cesse son activité, a atteint l'âge prévu par la législation de cet État pour faire valoir des droits à une pension de vieillesse et qui y a occupé un emploi pendant les douze derniers mois au moins et y a résidé d'une façon continue depuis plus de trois ans ;

b.      le travailleur qui, résidant d'une façon continue sur le territoire de cet État depuis plus de deux ans, cesse d'y occuper un emploi salarié à la suite d'une incapacité permanente de travail ; si cette incapacité résulte d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ouvrant droit à une rente entièrement ou partiellement à charge d'une institution de cet État, aucune condition de durée de résidence n'est requise ;

c.       le travailleur qui, après trois ans d'emploi et de résidence continus sur le territoire de cet État, occupe un emploi de salarié sur le territoire d'un autre État membre, tout en gardant sa résidence sur le territoire du premier État où il retourne, en principe, chaque jour ou au moins une fois par semaine.

41.         L'art. 6 ALCP garantit aux personnes n'exerçant pas d'activité économique le droit de séjourner sur le territoire d'une partie contractante, conformément aux dispositions de l'annexe I ALCP relatives aux non-actifs (art. 24 annexe I ALCP).

42.         Selon l'art. 24 § 1 annexe I ALCP, une personne ressortissant d'une partie contractante n'exerçant pas d'activité économique dans l'État de résidence et qui ne bénéficie pas d'un droit de séjour en vertu d'autres dispositions de l'ALCP reçoit un titre de séjour d'une durée de cinq ans au moins, à condition qu'elle prouve aux autorités nationales compétentes qu'elle dispose pour elle-même et les membres de sa famille : de moyens financiers suffisants pour ne pas devoir faire appel à l'aide sociale pendant leur séjour (let. a) et d'une assurance-maladie couvrant l'ensemble des risques (let. b).

43.         Les moyens financiers susvisés sont considérés comme suffisants lorsqu’ils dépassent le montant en-dessous duquel les nationaux, eu égard à leur situation personnelle et, le cas échéant, à celle des membres de leur famille, peuvent prétendre à des prestations d'assistance. Lorsque cette condition ne peut s'appliquer, les moyens financiers du demandeur sont considérés comme suffisants lorsqu'ils sont supérieurs au niveau de la pension minimale de sécurité sociale versée par l'État d'accueil (art. 24 § 2 annexe I ALCP).

44.         En l’espèce, le recourant n’a pas démontré, pièces à l’appui, qu’il exerçait une activité lucrative lui permettant d’obtenir le statut de travailleur salarié. Il ne peut par conséquent se prévaloir d’un statut de travailleur européen pour prétendre à l’octroi d’une autorisation de séjour.

45.         Financièrement, il n’a pas apporté d’élément de preuve permettant de retenir qu’il dispose des moyens financiers nécessaires pour subvenir à ses besoins. Au contraire, son bénéfice pour l’année 2021 s’élève à environ CHF 20'000.- et il fait l’objet de poursuites et d’actes de défaut de biens pour un montant total de plus de CHF 150'000.-.

46.         Aux termes de l’art. 20 OLCP, si les conditions d'admission sans activité lucrative ne sont pas remplies au sens de l'ALCP, une autorisation de séjour UE/AELE peut être délivrée lorsque des motifs importants l'exigent.

47.         Comme pour le cas de rigueur régi par l'art. 30 al. 1 let. b LEI, l'art. 20 OLCP ne confère pas de droit de présence en Suisse (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_59/2017 du 4 avril 2017 consid. 1.3 ; 2C_545/2015 du 14 décembre 2015 consid. 5 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.1), mais est de nature potestative. La liberté d'appréciation des autorités est toutefois limitée par les principes généraux de droit tels que notamment l'interdiction de l'arbitraire et l'égalité de traitement (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.1).

48.         Comme pour le cas de rigueur régi par l'art. 30 al. 1 let. b LEI, l'art. 20 OLCP ne confère pas de droit de présence en Suisse (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_59/2017 du 4 avril 2017 consid. 1.3 ; 2C_545/2015 du 14 décembre 2015 consid. 5 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.1), mais est de nature potestative. La liberté d'appréciation des autorités est toutefois limitée par les principes généraux de droit tels que notamment l'interdiction de l'arbitraire et l'égalité de traitement (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.1).

49.         A teneur de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

50.         L'art. 31 OASA énumère, à titre non exhaustif, une liste de critères qui sont à prendre en considération dans l'examen de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, à savoir l'intégration, le respect de l'ordre juridique, la situation familiale, la situation financière et la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation, la durée de la présence en Suisse et l'état de santé, étant précisé qu'il convient d'opérer une appréciation globale de la situation personnelle de l'intéressé. Aussi, les critères précités peuvent jouer un rôle déterminant dans leur ensemble, même si, pris isolément, ils ne sauraient fonder en soi un cas de rigueur (cf. ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.2).

51.         Selon la jurisprudence constante relative à la reconnaissance des cas de rigueur en application de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, applicable par analogie à l'art. 20 OLCP, il s'agit de normes dérogatoires présentant un caractère exceptionnel et les conditions auxquelles la reconnaissance d'un cas de rigueur est soumise doivent être appréciées de manière restrictive. Il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, autrement dit qu'une décision négative prise à son endroit comporte pour lui de graves conséquences (cf. not. ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.4).

52.         Lors de l'appréciation d'un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas particulier. La reconnaissance d'un cas individuel d'une extrême gravité n'implique pas forcément que la présence de l'étranger en Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de détresse. Par ailleurs, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il s'y soit bien intégré (au plan professionnel et social) et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas individuel d'une extrême gravité ; encore faut-il que la relation de l'intéressé avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger de lui qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5 ; F-6775/2017 du 10 mai 2019 consid. 6.4).

53.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8).

54.         Les Directives du SEM concernant l'introduction progressive de la libre circulation des personnes, (Directives OLCP, version janvier 2022, ch. 8.5) précisent que dans la mesure où l'admission des personnes sans activité lucrative dépend simplement de l'existence de moyens financiers suffisants et d'une affiliation à une caisse maladie, les cas visés par l'art. 20 OLCP en relation avec l'art. 31 OASA ne sont envisageables que dans de rares situations, notamment lorsque les moyens financiers manquent ou, dans des cas d'extrême gravité, pour les membres de la famille ne pouvant pas se prévaloir des dispositions sur le regroupement familial (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5 et l'arrêt cité).

55.         Selon la jurisprudence, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse durant une assez longue période, qu'il s'y soit bien intégré et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer de tels motifs importants ; encore faut-il que la relation de l'intéressé avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger de lui qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-3337/2010 du 31 janvier 2012, consid. 4.3 et la jurisprudence citée ; Directives OLCP, ch. 8.2.7). L'intégration n'est pas réalisée lorsque la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et recourt à l'aide sociale pour vivre (arrêt du TAF C-3337/2010 du 31 janvier 2012, consid. 4.3).

56.         En l’espèce, le recourant ne prétend pas remplir les conditions du cas de rigueur. Si la durée de son séjour en Suisse est longue, son intégration sociale et économique n’est pas réussie et il ne peut pas se prévaloir d’un comportement irréprochable dans la mesure où, à teneur du dossier de l’autorité intimée, il a été condamné pénalement à plusieurs reprises. Enfin, il ne démontre pas qu’il se serait investi d’une quelconque manière dans la vie associative ou culturelle genevoise.

57.         Au vu de l'ensemble des circonstances, le tribunal considère que l'autorité intimée n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en estimant qu'aucun motif important ne justifiait la délivrance d'une autorisation de séjour en faveur du recourant.

58.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.

59.         Elles ne disposent à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1; cf. aussi not. ATA/954/2018 du 18 septembre 2018 consid. 9).

60.         En l'espèce, le recourant est dépourvu d'une quelconque autorisation de séjour lui permettant de demeurer en Suisse. C’est dès lors à juste titre que l'autorité intimée, qui ne dispose d'aucune latitude de jugement à cet égard, a prononcé son renvoi.

61.         Au surplus, aucun élément au dossier n'indique que l'exécution de son renvoi serait impossible, illicite ou non raisonnablement exigible au sens de l'art. 83 LEI.

62.         En particulier, vivant en France voisine, il pourra continuer à entretenir des liens avec son enfant et suivre son traitement médical à Genève.

63.         Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

64.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

65.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 11 septembre 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 10 juillet 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière