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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/730/2023

JTAPI/413/2024 du 02.05.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;PERSONNE RETRAITÉE;CAS DE RIGUEUR;MALADIE;CONFLIT ARMÉ;RUSSIE
Normes : LEI.28; LEI.30.al1.letb
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/730/2023 et A/4168/2023

JTAPI/413/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 2 mai 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Michel CABAJ, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Ressortissante russe née le ______ 1954, Madame A______ est arrivée en Suisse en avril 2017 au bénéfice d’un visa de visite valable 90 jours.

Sa fille, Madame B______, née A______, de nationalité suisse, née le ______ 1985, réside à Genève. Elle est l’épouse de Monsieur C______, citoyen helvétique. Tous deux sont les parents de D______, né le ______ 2014.

Procédure devant l’OCPM

2.             Par lettre du 5 août 2017, Mme A______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande de prolongation de son visa. Elle avait subi une intervention chirurgicale et avait besoin d’être suivie par ses médecins et accompagnée par sa fille durant sa convalescence.

3.             Le 8 novembre 2017 et 15 janvier 2018, l’OCPM lui a adressé une demande de renseignements.

4.             Le 20 mars 2018, Mme A______ a communiqué à l’OCPM un certificat médical la concernant, établi le 15 du même mois par le Dr E______, dont il ressortait qu’elle souffrait d’une hépatite C contractée lors d’une transfusion, qui menait vers la cirrhose hépatique.

5.             L’OCPM a mené une instruction relative à la situation de l’intéressée, dont il résultait qu’elle n’émargeait pas à l’aide sociale, ne faisait pas l’objet de poursuites pour dettes, n’avait pas été condamnée pénalement en Suisse et y disposait d’un compte bancaire.

6.             Le 15 mai 2018, Mme A______ s’est engagée à quitter la Suisse au terme de son traitement médical, quelles que soient les circonstances.

7.             Le 18 mai 2018, sur demande de l’OCPM, Mme A______ lui a retourné un rapport médical rempli le 1er mai précédent par le Dr E______.

Reprenant en partie la teneur du certificat médical du 15 précédent, ce document posait comme pronostic, sans traitement médical, la progression de la cirrhose et le décès. En revanche, avec le traitement préconisé, il prévoyait la guérison de l’intéressée.

8.             Le 12 février 2019, Mme A______ a transmis à l’OCPM un nouveau certificat médical, établi à cette date par ce même praticien.

Ce document précisait qu’elle devait prendre un traitement oral pendant douze semaines. Elle avait besoin d’un suivi médical régulier. Pour ce faire, un séjour prolongé d’une année était indiqué médicalement.

9.             Le 27 février 2019, l’OCPM a délivré à Mme A______ une autorisation de séjour pour traitement médical (permis L), valable jusqu’au 31 mars 2020.

10.         Par lettre du 30 mars 2020, Mme A______ a déposé auprès de l’OCPM une autorisation de séjour de type B sans activité lucrative, subsidiairement au renouvellement de son permis L, indiquant que son adresse à l’étranger se trouvait à ______[RUS].

Depuis 1997, elle se rendait fréquemment en Suisse où vivaient sa fille et son petit-fils et où se situait l’ensemble de ses intérêts privés, familiaux et vitaux. L’opération du foie qu’elle avait subie nécessitait un suivi post-opératoire, en particulier des examens médicaux et des soins réguliers.

Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, elle était considérée comme une personne à risque, au vu de son âge de plus de 65 ans et se trouvait dans l’impossibilité de voyager hors de Suisse. Elle avait besoin d’une autorisation de séjour, qu’elle n’avait pu déposer auparavant, compte tenu de la crise sanitaire.

S’agissant de sa demande de permis B, elle apportait un grand soutien à son gendre et à sa fille, en s’occupant de son petit-fils. De plus, elle disposait d’au moins CHF 500'000.- sur un compte, s’était bien intégrée dans le tissu social genevois, grâce aux amis de sa famille et parlait français. Elle devait rester à Genève en raison du suivi médical dont elle avait besoin.

Subsidiairement, elle sollicitait le renouvellement de son permis L pour une durée d’un an. Elle avait des rendez-vous médicaux les 19 mars, 8 et 17 avril 2020.

11.         Le 24 janvier 2022, dans le cadre du traitement de sa requête déposée le 30 mars 2020, l’OCPM a adressé une demande de renseignements à Mme A______.

12.         Le 29 avril 2022, Mme A______ a transmis à l’OCPM une lettre de motivation écrite de sa main, deux lettres de soutien, ainsi qu’une convocation du 25 mars 2022 à un rendez-vous pour une consultation aux HUG, le 2 mai suivant.

13.         Le 25 octobre 2022, l’OCPM a fait part à l’intéressée de son intention de rejeter sa demande d’autorisation de séjour pour traitement médical. Elle ne remplissait par ailleurs pas les conditions pour prétendre à la délivrance d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Un délai lui a été accordé pour faire valoir son droit d’être entendue.

14.         Mme A______ n’a pas présenté d’observations.

15.         Par décision du 25 janvier 2023, l’OCPM a refusé de renouveler l’autorisation de séjour de Mme A______ pour traitement médical et a prononcé son renvoi de Suisse. Elle avait terminé sa période post-opératoire et ne se trouvait pas dans une situation médicale précaire, permettant de prétendre au renouvellement de son titre de séjour.

La requête de l’intéressée devait, dès lors, être traitée sous l’angle d’une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur. Or, elle n’en remplissait pas les conditions. Elle s’occupait de son petit-fils, ce qui démontrait que son rétablissement s’était déroulé dans les normes. En outre, elle pourrait avoir accès au traitement ou à l’infrastructure hospitalière dans son pays.

Enfin, il ne résultait pas du dossier que l’exécution de son renvoi se révélerait impossible, illicite ou inexigible.

16.         Le 15 juin 2023, Mme A______ a déposé auprès de l’OCPM une demande d’autorisation de séjour pour rentier.

Elle s’est prévalue de ses attaches familiales en Suisse et d’un réseau d’amis. En outre, si elle n’était pas autorisée à séjourner sur le territoire, elle serait confrontée – en tant que femme veuve et âgée – à des difficultés plus importantes que celles que rencontraient la majorité de ses compatriotes contraints de regagner leur patrie ou restés sur place. Enfin, elle disposait de moyens financiers suffisants pour ne pas risquer d’émarger à l’aide sociale.

17.         Le 31 juillet 2023, l’OCPM a fait part à l’intéressée de son intention de rejeter sa requête du 25 janvier précédent et il lui a accordé un délai pour présenter des observations.

18.         Mme A______ s’est déterminée par pli du 1er novembre 2023.

19.         Par décision du 7 novembre 2023, l’OCPM a rejeté la demande déposée par Mme A______ le 15 juin 2023, au motif qu’elle ne remplissait pas les conditions légales pour se voir délivrer une autorisation de séjour pour rentier.

Recours à l’encontre de la décision du 25 janvier 2023

20.         Par acte du 27 février 2023, Mme A______, sous la plume de son conseil, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en requérant, préalablement, sa comparution personnelle, ainsi que l’audition de sa fille. Principalement, elle a conclu à l’annulation de la décision du 25 janvier 2023 et à l’octroi d’une autorisation de séjour, le tout sous suite de frais et dépens. Ce recours a été ouvert sous le numéro de cause A/730/2023.

Elle remplissait les conditions pour obtenir une autorisation de séjour pour rentier. Âgée de soixante-huit ans, elle se rendait depuis vingt-cinq ans en Suisse où résidaient sa fille, son beau-fils et son petit-fils, afin d’être le plus souvent possible auprès d’eux. En s’occupant de son petit-fils, elle apportait un grand soutien à son gendre et à sa fille. De la sorte, ils pouvaient exercer leurs activités lucratives respectives. Elle était établie en Suisse depuis six ans et très bien intégrée dans le tissu socio-économique genevois. Elle participait activement à la vie sociale et culturelle suisse en faisant partie d’associations genevoises. Sa situation financière était excellente, dès lors qu’elle disposait d’au moins CHF 500'000.- pour subvenir à ses besoins.

Subsidiairement, elle sollicitait une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Au regard de la situation extraordinaire que constituait le conflit entre la Russie et l’Ukraine, elle avait impérativement besoin d’un titre de séjour en Suisse. En effet, elle n’était pas en mesure d’obtenir les documents qu’elle sollicitait, à savoir notamment l’acte de décès de son mari [survenu en 2022]. Elle séjournait en Suisse depuis près de vingt-cinq ans, dont six années de manière continue. Elle s’était très bien intégrée dans le tissu socio-économique genevois et sa présence était d’autant plus nécessaire dans la vie de son petit-fils que ses parents s’étaient séparés et que tous deux exerçaient une activité professionnelle à plein temps. Ainsi, priver sa fille de son aide, sans motif prépondérant se révélait contraire à son droit au respect de la vie familiale, garanti par l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). En outre, veuve, elle ne bénéficiait d’aucun soutien dans son pays d’origine, ni d’aucune relation sociale ou familiale, dès lors que sa seule famille était établie en Suisse. Ses possibilités de réintégration en Russie apparaissaient ainsi inexistantes et même dangereuses, compte tenu de son approche par rapport au régime existant. Elle ne présentait par ailleurs aucun risque d’émarger à l’aide sociale. Dès lors, un retour sans son pays d’origine la placerait dans une situation de détresse grave sur les plans personnel, économique et social.

21.         Dans ses observations du 3 mai 2023, l’OCPM a proposé le rejet du recours du 27 février précédent.

La recourante faisait l’objet d’un suivi médical qui pouvait être poursuivi en Russie. En conséquence, elle ne remplissait pas les conditions pour prétendre au renouvellement de son autorisation de séjour pour traitement médical.

Sous l’angle du cas de rigueur, son degré d’intégration sociale et culturelle n’avait pas été démontré. Rien ne s’opposait à ce qu’elle retourne dans son pays d’origine, ses possibilités de réintégration ne se révélant pas compromises. En effet, elle y avait vécu jusqu’en 2017 à tout le moins. Elle avait recouvré la santé et disposait d’une fortune personnelle. En outre, faute d’attaches avec la Suisse, la seule présence de sa fille et de son petit-fils à Genève n’apparaissait pas prépondérante sous l’angle de l’art. 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Faute de se trouver dans un état de dépendance vis-à-vis de sa famille séjournant en Suisse, elle ne pouvait se prévaloir de la CEDH.

Enfin, les conclusions tendant à l’octroi d’un permis pour rentier excédaient l’objet du litige, dès lors que cet aspect n’avait été ni demandé, ni examiné par l’OCPM.

22.         Par réplique datée du 12 février 2024, Mme A______ a persisté dans les conclusions de son recours.

En Russie, les opposants politiques, ainsi que ceux manifestant un rapprochement avec l’Ukraine étaient traités avec une extrême fermeté. Le simple fait de prononcer quelques mots en ukrainien pouvait conduire une personne à être durablement détenue. Il régnait dans ce pays un climat de terreur et de délation où tous ceux disposant de liens avec l’Ukraine étaient susceptibles d’être dénoncés et condamnés. Du simple fait qu’elle n’avait plus de proches en Russie et qu’elle avait résidé de nombreuses années à l’étranger en proférant des opinions dissidentes, elle était susceptible de faire l’objet d’une dénonciation qui pouvait mettre sa vie en danger, si sa position venait à être découverte.

Elle devait rester en Suisse, car elle avait besoin d’une prise en charge permanente compte tenu de son hépatite C chronique. En outre, elle fournissait de l’aide à l’éducation de son petit-fils, compte tenu de la séparation douloureuse de ses parents. Dès lors, contrairement à ce que soutenait l’OCPM, la protection conférée par l’art. 8 CEDH s’appliquait pleinement au cas d’espèce.

Sous l’angle du cas de rigueur, seule demeurait litigieuse la question de son intégration en Suisse. À cet égard, elle a produit plusieurs justificatifs.

Elle se trouvait dans une situation d’extrême gravité. En effet, elle ne disposait d’aucun cadre familial en Russie, ni d’un logement et si elle devait y retourner, elle laisserait derrière elle toute sa famille, ce qui engendrerait pour elle une douloureuse séparation, qui serait vraisemblablement définitive. Si elle ne courait aucun risque en 2017, tel n’était pas le cas en 2024, au vu du conflit opposant l’Ukraine à la Russie. Elle souhaitait vivre dignement en Suisse, mieux s’intégrer et participer au tissu associatif et économique local selon ses capacités. Elle était appréciée par les personnes qu’elle côtoyait régulièrement.

23.         Dans sa duplique du 27 février 2024, l’OCPM a indiqué au tribunal qu’il n’avait pas d’observations complémentaires à apporter.

Recours à l’encontre de la décision du 7 novembre 2023

24.         Par acte du 8 décembre 2023, Mme A______, sous la plume de son conseil, a interjeté recours devant le tribunal en requérant, préalablement, sa comparution personnelle, ainsi que l’audition de sa fille. Principalement, elle a conclu à l’annulation de la décision du 7 novembre 2023 et à l’octroi d’une autorisation de séjour pour rentier, le tout sous suite de frais et dépens. Ce recours a été ouvert sous le numéro de cause A/4168/2023.

Elle était âgée de soixante-neuf ans et présentait des problèmes de santé chronique. Elle se rendait depuis vingt-cinq ans en Suisse où résidaient sa fille, son beau-fils et son petit-fils, afin d’être présente autant que possible auprès d’eux. Elle apportait un grand soutien à son gendre et sa fille, en s’occupant de son petit-fils afin qu’ils puissent exercer leurs activités lucratives respectives. Établie en Suisse depuis six ans et très bien intégrée dans le tissu socio-économique genevois, elle participait à la vie sociale et culturelle suisse en faisant notamment partie d’associations genevoises. Sa situation financière était excellente, dès lors qu’elle disposait d’au moins CHF 500'000.- pour subvenir à ses besoins.

Elle remplissait également les conditions pour obtenir une autorisation de séjour pour cas de rigueur. À ce sujet, elle a repris l’argumentation exposée dans son recours du 27 février 2023.

25.         Dans ses observations du 21 décembre 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours pour le motif que la recourante ne remplissait pas les conditions pour obtenir une autorisation de séjour pour rentier. Elle n’avait pas démontré qu’elle aurait tissé des liens particulièrement étroits avec la Suisse, ces derniers se limitant essentiellement avec ceux entretenus avec sa fille, son gendre et son petit-fils. Quant à ses attaches culturelles, les affiliations récentes à diverses associations genevoises ne permettaient pas d’établir à satisfaction de droit des liens avec la Suisse.

S’agissant de sa demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur, les conditions n’étaient pas remplies, notamment en raison de la brièveté de son séjour en Suisse. Âgée de soixante-neuf ans, la précitée avait passé toute sa vie en Russie. Pour ce qui était de son état de santé, rien au dossier ne permettait de conclure que son renvoi dans son pays d’origine ne se révélerait pas raisonnablement exigible.

Enfin, en ce qui concernait ses opinions dissidentes vis-à-vis du régime en place dans son pays d’origine, rien ne permettait d’admettre qu’un renvoi la placerait dans une situation de danger grave et concrète.

26.         Par décision du 15 février 2024 (DITAI/64/2024), le tribunal a joint les causes A/730/2023 et A/4168/2023 sous le numéro de procédure A/730/2023.

27.         Le détail des pièces et des arguments des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjetés en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, les recours sont recevables au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Toutefois, ce droit ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsque le juge parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1). Par ailleurs, le droit d'être entendu ne comprend pas celui d'être entendu oralement (art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

4.             En l’espèce, la recourante sollicite sa comparution personnelle, en vue de démontrer ses attaches avec la Suisse et l’impossibilité de son retour en Russie, compte tenu de ses origines ukrainiennes et de ses opinions politiques. Elle demande également l’audition de sa fille, afin que cette dernière atteste de la nécessité de sa présence à ses côtés.

Le tribunal estime que la recourante, assistée d’un conseil, a eu la possibilité de faire valoir ses arguments par écrit et de produire tous moyens de preuve aptes à démontrer ses allégués, de sorte que l’audition de la recourante et de sa fille n’apparaît pas nécessaire. Ainsi, il convient de retenir que le dossier contient les éléments suffisants et utiles, tels qu'ils ressortent des écritures de la recourante et de l’OCPM, des pièces produites et du dossier de l'autorité intimée, pour statuer sur le litige. Par conséquent, les demandes d'instruction, en soi non obligatoires, seront rejetées.

5.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

6.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b).

7.             La loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants russes.

Autorisation de séjour pour rentier

8.             À teneur de l'art. 28 LEI, un étranger qui n'exerce plus d'activité lucrative peut être admis aux conditions suivantes : (let. a) il a l'âge minimum fixé par le Conseil fédéral ; (let. b) il a des liens personnels particuliers avec la Suisse ; (let. c) il dispose des moyens financiers nécessaires.

9.             À teneur de l'art. 25 al. 1 OASA, l'âge minimum pour l'admission des rentiers est de 55 ans. Selon l'art. 25 al. 2 OASA, les rentiers ont des attaches personnelles particulières avec la Suisse notamment : lorsqu'ils peuvent prouver qu'ils ont effectué dans le passé des séjours assez longs en Suisse, notamment dans le cadre de vacances, d'une formation ou d'une activité lucrative (let. a) et lorsqu'ils ont des relations étroites avec des parents proches en Suisse (parents, enfants, petits-enfants ou frères et sœurs ; let. b).

10.         Eu égard à l'adverbe « notamment » figurant à l'art. 25 al. 2 OASA, les deux exemples cités aux let. a et b ne sont ni exhaustifs, ni limitatifs. Ils ne sont pas d'avantage contraignants et s'apprécient librement.

Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4128/2020 du 20 décembre 2021 consid. 6.4), la simple présence de proches sur le territoire suisse n'était pas en soi de nature à créer des attaches suffisamment étroites avec ce pays sans que n'existent en outre des relations d'une autre nature avec la Suisse. En effet, bien plus que des liens indirects, c'est-à-dire n'existant que par l'intermédiaire de proches domiciliés en Suisse, il importe que le rentier dispose d'attaches en rapport avec la Suisse qui lui soient propres, établies par le développement d'intérêts socioculturels personnels et indépendants (participation à des activités culturelles, liens avec des communautés locales, contacts directs avec des autochtones, par exemple), car seuls de tels liens sont de nature à éviter que l'intéressé ne tombe dans un rapport de dépendance vis-à-vis de ses proches parents, voire d'isolement, ce qui serait au demeurant contraire au but souhaité par le législateur quant à la nature de l'autorisation pour rentier.

11.         Un rentier est réputé disposer des moyens financiers nécessaires si ceux-ci dépassent le montant donnant droit (à un résident suisse) au versement de prestations complémentaires pour lui-même et éventuellement pour les membres de sa famille. Autrement dit, il devra être quasiment certain d'en bénéficier jusqu'à sa mort (rentes, fortune), au point que l'on puisse pratiquement exclure le risque qu'il en vienne à dépendre de l'assistance publique. Les promesses, voire les garanties écrites, visant à garantir la prise en charge du rentier faites par des membres de sa famille qui résident en Suisse ne suffisent pas dans tous les cas, dans la mesure où, en pratique, leur mise à exécution reste sujette à caution. Les moyens financiers mis à disposition par des tiers doivent présenter les mêmes garanties que s'il s'agissait des propres ressources du requérant (par ex. garantie bancaire). Lorsque les moyens financiers du rentier sont insuffisants, les exigences qualitatives quant aux prestations de soutien par des tiers sont d'autant plus élevées (ATA/253/2023 du 14 mars 2023 consid. 4.4).

12.         Les conditions spécifiées à l'art. 28 LEI étant cumulatives, une autorisation de séjour pour rentier ne saurait être délivrée que si l'étranger satisfait à chacune d'elles. Il convient également de rappeler que, même dans l'hypothèse où toutes les conditions prévues à l'art. 28 LEI (disposition rédigée en la forme potestative ou « Kann-Vorschrift ») seraient réunies, l'étranger n'a pas un droit à la délivrance (respectivement à la prolongation) d'une autorisation de séjour, à moins qu'il ne puisse se prévaloir d'une disposition particulière du droit fédéral ou d'un traité lui conférant un tel droit. Les autorités disposent donc d'un large pouvoir d'appréciation dans le cadre de la présente cause (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4128/2020 du 20 décembre 2021 consid. 6.2).

13.         En l’espèce, la recourante est âgée à ce jour de septante ans. Selon une attestation du 31 mai 2023, elle a renoncé à exercer une activité lors de son séjour en Suisse. L’OCPM ne paraît pas contester qu’elle dispose de moyens financiers suffisants pour subvenir à ses besoins. À titre de preuve, elle a produit un relevé de compte du 27 février 2023 établi par la banque zurichoise F______ dont il ressort qu’à cette date, elle bénéficiait d’un avoir excédant CHF 500'000.- auprès de cet établissement.

14.         Se pose la question de ses liens avec la Suisse.

La recourante a produit quatre attestations d’une teneur proche. Il en résulte que qu’elle a pris part à de nombreux événements (football, fêtes d’enfants, soirées entre amis, promenades dans les parcs avec les enfants) lors des vacances scolaires, et démontrait un vif intérêt pour les activités et les traditions suisses. De son point de vue, elle est bien intégrée dans la société genevoise.

De l’avis du tribunal, ces éléments apparaissent insuffisants pour démontrer que la précitée aurait noué des attaches d'une intensité particulière avec la Suisse. De l’aveu même de l’intéressée, ses nombreux déplacements en Suisse depuis vingt-cinq ans, et surtout depuis la naissance de son petit-fils en 2014, sont motivés essentiellement, sinon exclusivement, par des raisons familiales. À cet égard, l’intéressée se prévaut de l’aide indispensable qu’elle fournit dans l’éducation de son petit-fils. Elle relève en effet que les deux parents de ce dernier sont aujourd’hui séparés et travaillent à temps complet. Or, la présence dans le canton de la famille de la recourante et l’assistance qu’elle lui fournit ne suffit pas encore à retenir que celle-ci entretien des liens avec la Suisse, au sens des art. 28 let. b LEI et 25 al. 2 OASA, car ceux-ci n’existent que de manière indirecte, à savoir par l’intermédiaire de ses proches. Ce faisant, l’intéressée de démontre pas qu’elle dispose d’intérêts personnels et indépendants.

Ses demandes d’adhésion à l’G______, au H______ (ci-après : H______) et au I______ ont, selon toute vraisemblance, été déposées pour les besoins de la cause. En effet, la dernière date du 2 septembre 2023 et les deux premiers documents, non datés, ont été remis au tribunal les 14 et 27 février 2024, soit postérieurement aux décisions attaquées.

15.         Dès lors que l’une des conditions cumulatives de l’art. 28 LEI n’est pas remplie, c’est à juste titre que l’OCPM a refusé de délivrer à la recourante une autorisation de séjour pour rentier.

Demeure à examiner la question de savoir si elle peut prétendre à une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

 

 

Autorisation de séjour pour cas de rigueur

16.         Il est notamment possible de déroger aux conditions d'admission dans le but de tenir compte des cas individuels d'extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs (art. 30 al.1 let. b LEI).

17.         L'art. 31 al. 1 OASA, qui fixe les critères déterminants pour la reconnaissance d’un cas individuel d’une extrême gravité au sens de la disposition légale précitée, prévoit que lors de l’appréciation d’un cas d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l'état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

18.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4).

L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1).

19.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3).

20.         Doivent également être pris en compte l'existence d'une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse ou le fait que l'intéressé démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; ATA/645/2013 du 1er octobre 2013). Il sied de rappeler à cet égard que les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l'exécution du renvoi et qu'une personne qui ne peut se prévaloir que d'arguments d'ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d'origine et souffrant de la même maladie (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4125/2016 du 26 juillet 2017).

21.         Le simple fait, pour un étranger, de séjourner en Suisse pendant de longues années, y compris à titre légal, ne permet pas d'admettre un cas personnel d'extrême gravité sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles (ATAF 2007/16 consid. 7).

L'intégration socio-culturelle n'est en principe pas susceptible de justifier à elle seule l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l'engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d'une intégration réussie, voire remarquable (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine).

22.         L'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) trouve application notamment lorsqu'un étranger fait valoir une relation intacte avec ses enfants bénéficiant du droit de résider en Suisse (ATF 120 Ib 1 consid. 1d ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_461/2013 du 29 mai 2013 consid. 6.4).

Les relations familiales qui, sous cet angle, peuvent fonder un droit à une autorisation de police des étrangers sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux, ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 140 I 77 consid. 5.2).

23.         Le Tribunal fédéral admet aussi qu’un étranger puisse, exceptionnellement et à des conditions restrictives, déduire un droit à une autorisation de séjour de l’art. 8 par. 1 CEDH s’il existe un rapport de dépendance particulier entre lui et un proche parent (hors famille nucléaire) au bénéfice d’un droit de présence assuré en Suisse (nationalité suisse ou autorisation d’établissement), par exemple en raison d’une maladie ou d’un handicap (ATF 140 I 77 consid. 5.2). Le handicap ou la maladie grave doivent nécessiter une présence, une surveillance, des soins et une attention que seuls les proches parents sont généralement susceptibles d'assumer et de prodiguer (arrêt du Tribunal fédéral 2C_614/2013 du 28 mars 2014 consid. 3.1).

Le Tribunal fédéral a reconnu l'existence d'une relation irremplaçable s'agissant de grands-parents qui avaient développé une relation forte avec les petits-enfants après qu'ils étaient venus s'en occuper en Suisse suite à la mort de leur fille. La médication et le jeune âge de l'un des petit-fils, qui était malade, nécessitaient dans ce cas une flexibilité et une disponibilité que seuls les grands-parents étaient à même d'apporter, la grand-mère ayant adopté une position de mère de substitution (arrêt 2D_10/2018 du 16 mai 2018 consid. 4.1).

24.         Sous l'angle étroit de la protection de la vie privée, l'art. 8 CEDH ouvre le droit à une autorisation de séjour, mais à des conditions restrictives, l'étranger devant établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.2).

Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266).

Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance - par exemple en raison de l'effet suspensif attaché à des procédures de recours - ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3).

25.         Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

26.         En l’espèce, dans son recours du 27 février 2023, la recourante allègue qu’elle réside en Suisse de manière ininterrompue depuis six ans. Elle ne le démontre cependant pas. Il est établi qu’elle y a résidé en toute légalité au bénéfice d’un permis L pour traitement médical du 27 février 2019 au 31 mars 2020, soit durant treize mois et n’y a séjourné par la suite que grâce à la tolérance de l’OCPM, puis au bénéfice de l’effet suspensif dont ses recours sont assortis. En résumé, elle ne peut se prévaloir que d’une courte durée de présence légale.

Il ressort des pièces du dossier qu’elle n’émarge pas à l’aide sociale, ne fait pas l’objet d’aucune poursuite pour dettes, n’a jamais été condamnée pénalement en Suisse et qu’elle dispose d’un avoir auprès d’un établissement bancaire zurichois, excédant CHF 500'000.-. Elle a par ailleurs atteint le niveau B1 en français.

Les quatre lettres de soutien qu’elle a produites font certes état de son intégration à Genève. Cependant, celle-ci ne revêt pas encore un caractère particulièrement poussé. Par ailleurs, l’intéressée ne peut tirer aucun avantage de ses demandes d’inscription à l’G______, au H______ et au I______ et ce, pour les raisons exposées ci-dessus (cf. consid. 14 supra).

Étant donné que la recourante séjourne depuis moins de dix ans en Suisse et qu’elle n’a pas fait preuve d’une forte intégration, elle ne peut tirer un droit de séjour en Suisse sur la base de sa durée de présence sur le territoire helvétique.

En ce qui concerne son droit au respect de la vie familiale, la prénommée peut, a priori, se prévaloir de l’art. 8 CEDH. En effet, citoyens helvétiques, sa fille et son petit-fils disposent d’un droit de présence assuré en Suisse. Cependant, il ne ressort d’aucune pièce du dossier que l’un deux souffrirait d’une maladie ou serait atteint d’un handicap au point qu’il aurait besoin de soins à ses côtés que seule la recourante pourrait lui apporter. Selon une attestation médicale du 23 février 2024 établie par le Dr J______, la recourante a besoin de la présence de sa fille pour l’assister dans ses activités quotidiennes en raisons d’une très grande fatigue engendrée par une cirrhose hépatique due à l’hépatite C et à une anémie. Les problèmes de santé affectant la recourante et qui sont mentionnés dans cette attestations ne sont pas contestés. Toutefois, il n’est pas établi que l’assistance dont elle a besoin ne peut être fournie que par sa fille. Dès lors l’intéressée ne peut tirer de droit au respect de la vie familiale sous l’angle de l’art. 8 CEDH pour demeurer en Suisse.

La recourante soutient également qu’en cas de renvoi en Russie, elle se retrouverait seule. Elle rappelle que son mari est décédé en 2022 et que le reste de sa famille réside en Suisse. Cette situation, certes difficile, se révèle pas à se point grave qu’il ne puisse être exigé que la recourante regagne son pays d’origine. En effet, elle ne se retrouvera pas dans une situation pire que d’autres femmes seules obligées de rentrer en Russie ou vivant déjà dans ce pays. En outre, elle est arrivée en Suisse en 2017, c’est-à-dire à l’âge de soixante-trois ans. Elle a dès lors passé l’essentiel de sa vie en Russie. En outre, elle ne se retrouvera pas dans le dénuement, puisqu’elle dispose de fonds dans la banque zurichoise F______, pour un montant excédant CHF 500'000.-.

27.         Il ressort de ce qui précède que l'OCPM n'a violé ni le droit constitutionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation (art. 96 LEI) en refusant de transmettre le dossier de l’intéressée au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) avec un préavis positif. Dans ces conditions, le tribunal, qui doit respecter la latitude de jugement conférée à l'OCPM, ne saurait en corriger le résultat en fonction d'une autre conception, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

28.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

Dès lors que la recourante n’obtient pas d'autorisation de séjour, c'est à bon droit que l'autorité intimée a prononcé son renvoi de Suisse.

Cela étant, la recourante soutient que son renvoi n’est ni licite, ni exigible.

29.         Conformément à l’art. 83 al. 1 LEI, le SEM décide d’admettre provisoirement un étranger si l’exécution du renvoi ou de l’expulsion n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée. Ces trois conditions susceptibles d’empêcher l’exécution du renvoi sont de nature alternative : il suffit que l’une d’elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-5624/2017 du 11 août 2020 consid. 6.2).

30.         Selon l’art. 83 al. 4 LEI, l’exécution du renvoi n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

L’art. 83 al. 4 LEI s’applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu’ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d’emploi et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-838/ 2017 du 27 mars 2018 consid. 4.3).

31.         S’agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l’exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d’origine, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d’existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d’urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (arrêt du Tribunal administratif fédéral D-6799/2017 du 8 octobre 2020). Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d’origine ou de provenance de l’étranger concerné, l’exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l’absence de possibilités de traitement adéquat, si l’état de santé de l’intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d’une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2693/2016 du 30 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées).

32.         Selon la jurisprudence, en ce qui concerne l’accès à des soins essentiels, celui-ci est assuré dans le pays de destination s’il existe des soins alternatifs à ceux prodigués en Suisse, qui - tout en correspondant aux standards du pays d’origine - sont adéquats à l’état de santé de l’intéressé, fussent-ils d’un niveau de qualité, d’une efficacité de terrain (ou clinique) et d’une utilité (pour la qualité de vie) moindres que ceux disponibles en Suisse. En particulier, des traitements médicamenteux (par exemple constitués de génériques) d’une génération plus ancienne et moins efficaces, peuvent, selon les circonstances, être considérés comme adéquats. Hormis le critère qualitatif des soins, ceux-ci doivent de plus -, en conformité avec le modèle vu auparavant et développé en matière de droits (sociaux et économiques) de l’homme - être accessibles géographiquement ainsi qu’économiquement et sans discrimination dans l’État de destination. Quoi qu’il en soit, lorsque l’état de santé de la personne concernée n’est pas suffisamment grave pour s’opposer, en tant que tel, au renvoi sous l’angle de l’inexigibilité, il demeure toutefois un élément à prendre en considération dans l’appréciation globale des obstacles à l’exécution du renvoi (Gregor T. CHATTON/Jérôme SIEBER, Le droit à la santé et à la couverture des soins des étrangers en Suisse, Annuaire du droit de la migration 2019/2020, p. 155 et les références citées).

L’art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne confère donc pas un droit général d’accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l’infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d’origine de l’intéressé n’atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, il ne suffit pas en soi de constater, pour admettre l’inexigibilité de l’exécution du renvoi, qu’un traitement prescrit sur la base de normes suisses ne pourrait être poursuivi dans le pays de l’étranger.

33.         En l’espèce, pièces à l’appui, la recourante fait valoir qu’en Russie, les opposants politiques, ainsi que ceux manifestant un rapprochement avec l’Ukraine seraient traités avec une extrême fermeté ; le simple fait de prononcer quelques mots en ukrainien peut conduire l’intéressé en détention. Il régnerait dans son pays un climat de terreur et de délation où tous ceux disposant de liens avec l’Ukraine sont susceptibles d’être dénoncés et condamnés. Du simple fait qu’elle ne dispose de proches en Russie et qu’elle a résidé de nombreuses années à l’étranger en proférant des opinions dissidentes, elle serait susceptible de faire l’objet d’une dénonciation.

Or, la Russie, ne connaît pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée qui permettrait d'emblée et indépendamment des circonstances du cas d'espèce, de présumer, pour tous les ressortissants du pays, l'existence d'une mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEI. Il sied de rappeler que les forces russes sont à l'offensive dans des régions très éloignées de ______[RUS], ville de résidence de la recourante, puisque cette cité se trouve à plus de 4'000 km à l’est de l’Ukraine. Surtout, la précitée n’expose aucunement de quelle manière elle a exprimé son opposition au régime en place en Russie. Notamment, elle n’indique ni si elle s’est exprimée dans les médias (journaux, internet, réseaux sociaux) ni si, par exemple, elle aurait participé à des manifestations critiquant la politique du Kremlin. Force est donc de constater qu’elle n’a aucunement rendu vraisemblable qu’elle a, comme elle le soutient, proféré des opinions dissidentes, qui seraient susceptibles de la placer dans une situation de danger, pour le cas où elle serait renvoyée dans son pays d’origine.

L’intéressée fait en outre valoir qu’elle a besoin de demeurer en Suisse, en raison de l’hépatite C chronique dont elle souffre. Or, la durée du séjour en Suisse en vue d’un suivi médical, préconisée par les certificats médicaux datés des 20 mars 2018 et 12 février 2019 se montait à une année. Ce délai est actuellement échu. En outre, selon le certificat médical du Dr E______, annexé à la lettre de la recourante du 18 mai 2018, le traitement, ne consistait qu’en la prise de médicaments, en des analyses de sang et à un examen clinique durant quatre mois. À ce jour, la recourante n’a produit aucun document d’ordre médical actualisé indiquant le traitement ou le suivi médical dont elle a besoin. Or, il convient de rappeler qu’il incombe à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'il est le mieux à même de connaître, notamment parce qu'ils ont trait spécifiquement à sa situation personnelle (arrêt du Tribunal fédéral 1C_205/2012 du 6 novembre 2012 consid. 2.1). Le Tribunal fédéral a même qualifié cette obligation de « devoir de collaboration spécialement élevé » lorsqu'il s'agit d'éléments ayant trait à la situation personnelle de l'intéressé, puisqu'il s'agit de faits qu'il connaît mieux que quiconque (arrêt 1C_58/2012 du 10 juillet 2012 consid. 3.2). Il en résulte que rien ne permet de retenir qu’en cas de renvoi en Russie, la recourante n’aurait pas accès à des médicaments et à des soins essentiels.

34.         Ne reposant sur aucun motif valable, les recours doivent être rejetés.

35.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'000.- ; il est couvert par les avances de frais de CHF 1'000.- versées à la suite du dépôt des recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

36.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 27 février 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 25 janvier 2023 ;

2.             déclare recevable le recours interjeté le 8 décembre 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 7 novembre 2023 ;

3.             les rejette ;

4.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'000.-, lequel est couvert par les avances de frais d’un même montant ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière