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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3146/2023

JTAPI/397/2024 du 29.04.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3146/2023 ICCIFD

JTAPI/397/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 avril 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Dans leur déclaration fiscale 2022, Madame A______ et Monsieur B______ ont notamment indiqué être propriétaire d’un immeuble qu’ils occupaient, sis au 1______ C______. Ils ont fait valoir des frais d’entretien y relatifs pour un total de CHF 15'772.-, dont des frais de nettoyage de CHF 6'475.-, qu’ils avaient versés à Madame D______, et des frais d’assurances sociales qu’ils avaient payés pour cette dernière (CHF 538.-).

2.             Par bordereaux du 26 mai 2023, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a admis ces frais à concurrence de CHF 8'759.-. Elle a refusé ceux en lien avec Mme D______, précisant que le salaire d’une employée de maison et les charges sociales payées pour elle n’étaient pas déductibles à titre de frais immobiliers.

3.             Par lettre du 25 juin 2023, les contribuables ont indiqué à l'AFC-GE souhaiter connaitre le détail des frais d’entretien qu’elle avait retenus pour leur logement, afin de « pouvoir éventuellement les contester ». Ils avaient en effet déclaré des frais immobiliers pour CHF 15'772.-, alors que l'AFC-GE n’avait retenu que CHF 8'759.-. Ils souhaitaient comprendre « ce à quoi [faisait] référence ce montant » et avoir une liste complète « des déductions possibles ».

4.             Percevant ce courrier comme une réclamation formée contre les bordereaux susmentionnés, l'AFC-GE l’a rejetée, par décisions du 29 août 2023.

Les deux factures de Mme D______ et une facture de l’office cantonal des assurances sociales, concernant les charges sociales de cette personne, n’étaient pas déductibles au titre des frais d’entretien de l’immeuble.

5.             Par acte du 28 septembre 2023, les contribuables ont recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant implicitement à leur annulation.

Ils avaient mandaté Mme D______ pour qu’elle s’occupe de « l’entretien intérieur de [leur] domicile ». Afin de maintenir la valeur de l’immeuble, « ces opérations de ménages » étaient nécessaires « de manières régulières ».

Par exemple, les frais de nettoyage d’une piscine étaient déductibles à titre de frais immobiliers, ce que plusieurs pisciniers leur avaient confirmé. Il en était de même des frais d’un jardinier. Il était dès lors étonnant d’accepter de tels frais, et non ceux liés à « l’objet principal », à savoir le logement.

L'AFC-GE ne leur avait pas fourni de liste permettant de distinguer les frais déductibles de ceux qui ne l’étaient pas. De plus, elle avait admis ces frais les années précédentes.

6.             Le 18 décembre 2023, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours, au motif que les frais de nettoyage et d’assurances sociales en lien avec Mme D______ représentaient des frais de train de vie non déductibles.

7.             Par réplique du 14 janvier 2024, les recourants ont maintenu leurs conclusions, relevant notamment que les activités de nettoyage d’une maison, d’une piscine et d’un jardin étaient comparables et que, dans un souci d’équité, les frais y relatifs devaient être traités fiscalement de la même manière.

8.             Par duplique du 19 janvier 2024, l'AFC-GE a campé sur sa position.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Le contribuable qui possède des immeubles privés peut déduire notamment les frais nécessaires à leur entretien, les frais de remise en état d'immeubles acquis récemment, les primes d'assurances relatives à ces immeubles et les frais d'administration par des tiers (art. 32 al. 2 1ère phr. LIFD ; art. 34 let. d de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08).

Pour les immeubles utilisés par le propriétaire lui-même, seuls sont déductibles au titre de frais d’entretien immobilier les dépenses qui sont en rapport de connexité direct et immédiat avec la valeur locative imposable. Les frais d'entretien au sens étroit sont essentiellement ceux qui sont encourus pour des travaux destinés à compenser l'usure normale de la chose due à son usage et à l'écoulement du temps et à maintenir l'état d'entretien original du bien ; il s'agit de maintenir la source du revenu que représente le bien immobilier pour le contribuable (Nicolas MERLINO in Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, p. 677 n. 30 et 64).

4.             Les art. 34 let. a et d LIFD et 38 let. a et c LIPP stipulent que les frais d’entretien du contribuable et de sa famille ne sont pas déductibles, ni ceux d’amélioration d’éléments de fortune.

Ainsi, les frais dits « de train de vie », tels que, par exemple, les coûts du personnel de maison ou d’un/e secrétaire privé/e, ne sont pas déductibles fiscalement (Nicolas MERLINO in op. cit., p. 787 n. 6).

5.             En date du 1er février 2021, l’AFC-GE a publié l’Information fiscale n° 1/2021 traitant de la déductibilité des frais d’entretien des immeubles privés sur le plan de l’ICC et de l’IFD, précisant que celle-ci était applicable dès l’année 2020 (ch. 5). Cette Information est complétée par la notice n° 1/2022 du 17 janvier 2022, qui détaille de manière non exhaustive la qualification de certaines dépenses et leurs incidences en relation avec leur déductibilité fiscale.

Cette directive ne prévoit pas la déductibilité des frais de nettoyage de l’intérieur des immeubles privés.

6.             Le tribunal n'est pas lié par une telle directive. Toutefois, il y a lieu d'en tenir compte dans la mesure où elle permet une application correcte des dispositions légales dans un cas concret (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_1050/2019 du 22 juillet 2020 consid. 5.3 et l’ATF 142 II 182 cité).

7.             Le principe de la légalité revêt une importance particulière en droit fiscal, où il est érigé en droit constitutionnel indépendant à l'art. 127 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), qui prévoit que les principes généraux régissant le régime fiscal, notamment la qualité de contribuable, l'objet de l'impôt et son mode de calcul, doivent être définis par la loi (ATF 135 I 130 consid. 7.2).

Le principe de la légalité ne permet donc pas d’introduire des déductions fiscales non prévues par la loi et, en raison de leur caractère d'exception à l'impôt, les dispositions régissant les déductions autorisées doivent être interprétées de manière restrictive (ATA/76/2024 du 23 janvier 2024 consid. 2.2).

8.             Ce principe exclut par ailleurs que le contribuable puisse se prévaloir d'une déduction admise dans un premier temps, mais qui s'avérerait ultérieurement incompatible avec la loi fiscale applicable. Ce n'est que si le fisc promet expressément d'accorder le même traitement pour une période subséquente que peut se poser la question de la bonne foi (ATF 147 II 155 consid. 10.5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_461/2021 du 19 janvier 2022 consid. 5.1). Ainsi, il n’est pas possible d’assimiler la taxation erronée concernant un exercice précédent à une assurance donnée par l’autorité(cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_84/2011 du 18 mai 2011 consid. 3.2).

En outre, en application du principe de l'étanchéité (ou de l'indépendance) des périodes fiscales, l'autorité fiscale n'est pas liée pour l'avenir par une taxation notifiée pour une période fiscale déterminée ; si tel était le cas, elle risquerait de se trouver indéfiniment liée par une erreur ou une omission qu'elle aurait pu commettre initialement (ATF 147 II 155 consid. 10.5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_461/2021 du 19 janvier 2022 consid. 5.1 ; 2C_181/2020 du 10 août 2020 consid. 6).

En vertu desdits principes, l’autorité de taxation peut examiner et apprécier les éléments imposables conformément à la loi sans être tenue par les éventuelles décisions qu’elle aurait pu prendre précédemment en dérogation à la loi (ATA/672/2010 du 28 septembre 2010 consid. 14 ; ATA/607/2008 du 2 décembre 2008 consid. 7). Par conséquent, le fait que le fisc ait admis antérieurement une façon de taxer différente ne peut valablement lui être opposé pour l’exercice en cours (ATA/464/2008 du 9 septembre 2008 ; ATA/147/2008 du 1er avril 2008 et les références citées).

9.             En matière fiscale, le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. Il lui appartient non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 146 II 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_32/2020 du 8 juin 2020 consid. 3.5 ; ATA/1239/2021 du 1er novembre 2021 consid. 5a ; ATA/1223/2020 du 1er décembre 2020 consid. 3c).

10.         En l’espèce, les frais dont les recourants revendiquent la déduction correspondent en réalité aux salaires et charges sociales de leur employée de maison. Les recourants prétendent que ces frais concerneraient exclusivement des activités de nettoyage de l’intérieur de leur immeuble, sans toutefois le démontrer. Quoi qu’il en soit, ni la loi ni la directive de l'AFC-GE susmentionnée ne prévoient la possibilité de déduire de tels frais. Contrairement à ce que semblent penser les recourants, cette directive ne prévoit pas non plus la déductibilité des frais de nettoyage d’une piscine ou d’un jardin, de sorte que la question d’une inégalité de traitement entre ces frais et ceux en cause ici ne se pose pas. En effet, la notice n° 1/2022 précise que seuls les frais de jardinier pour la taille des haies, l'élagage des arbres et la tonte du gazon sont déductibles. Quant aux piscines, elle indique que seuls les frais de réparation/remplacement et d’exploitation sont déductibles, et non ceux de nettoyage.

Pour le surplus, en vertu du principe de l'étanchéité des périodes fiscales, les recourants ne peuvent pas opposer à l'AFC-GE le fait d’avoir admis les frais de nettoyage de leur maison dans le cadre des taxations des années précédentes, la déductibilité de ces frais devant être examinée lors de chaque période fiscale. L’autorité intimée ne saurait être ainsi liée par les taxations des années précédentes.

Enfin, quant à la liste permettant de distinguer les frais déductibles de ceux qui ne le sont pas, elle est contenue dans la notice précitée et était disponible sur le site officiel de l'AFC-GE, si bien que les recourants pouvaient la consulter à tout moment.

Au vu de ce qui précède, les décisions sur réclamation et les bordereaux y relatifs contestés doivent être confirmés.

11.         Partant, le recours sera rejeté.

12.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

13.         Il ne sera pas alloué d’indemnités.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 28 septembre 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 29 octobre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnités ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Gwénaëlle GATTONI, présidente, Stéphane TANNER et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier