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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/732/2023

JTAPI/344/2024 du 15.04.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/732/2023

JTAPI/344/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 avril 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Butrint AJREDINI, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né au Maroc le ______ 1969, est ressortissant d’Espagne.

2.             Le ______ 2004 il a épousé Madame B______, ressortissante espagnole née le ______ 1977.

3.             Le couple a trois enfants : C______, né le ______ 2007, D______, né le ______ 2010 et E______, né le ______ 2016.

4.             Le 22 mars 2018, l’entreprise F______ SA à G______ a déposé une demande d’autorisation pour frontalier en faveur de M. A______ domicilié rue de H______ 1______ à I______ (France).

5.             Dès le 3 avril 2018, M. A______ a bénéficié d’un permis de séjour pour frontalier (permis G) valable jusqu’au 2 avril 2023.

6.             Le 1er juillet 2019, il a été engagé au sein de l’entreprise J______ SA (ci-après : J______), succursale de K______, en qualité de chef d’équipes.

7.             Le 8 juillet 2021, M. A______ a annoncé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) son arrivée (seul) à Genève et sa prise de domicile chez Monsieur L______ au 2______ M______, N______.

À cette occasion, il a notamment produit :

·         un contrat de bail du 16 juin 2021 portant sur la location d’une chambre meublée sans jouissance de la cuisine ni de la salle de bain, qu’il devait laisser libre deux week-ends par mois, au loyer mensuel de CHF 350.- ;

·         un formulaire M de demande d’autorisation de séjour avec prise d’emploi tamponné par J______, succursale en France (O______) le 3 juillet 2021, selon lequel il occupait un poste de chef d’équipe pour un salaire mensuel de CHF 6'300.- et était domicilié à Genève à l’adresse précitée
(2______ M______).

8.             L’OCPM lui a alors délivré une autorisation de séjour avec activité lucrative (permis B-CE) valable jusqu’au 7 juillet 2026.

9.             Par courriel du 5 juillet 2022, Madame P______, responsable contrat de maintenance chez J______, a indiqué à l’OCPM qu’elle n’avait jamais signé ni tamponné le formulaire M du 3 juillet 2021 et n’en avait pas connaissance. Ce formulaire était d’ailleurs daté d’un samedi et tamponné par la succursale française de J______ alors que l’entreprise ne faisait tamponner et signer un formulaire M que par son représentant en Suisse, ses salariés étant employés sous contrat de travail suisse. De plus, cette représentation suisse ne travaillait évidemment pas le samedi.

À noter également que, par courriel du 23 juin 2022, J______ avait demandé à l’OCPM une copie de ce formulaire M en indiquant qu’elle n’était pas au courant du changement d’adresse de M. A______ en Suisse ni de son changement de permis G en permis B.

10.         Le 26 juin 2022, M. A______ a annoncé à l’OCPM son changement d’adresse au 3______ Q______ dans une chambre meublée au loyer mensuel de CHF 620.-, chez Madame et Monsieur R______ et S______.

11.         Le même jour, J______ a résilié le contrat de travail de l’intéressé avec effet au 31 août 2022.

12.         Le 1er septembre 2022, M. A______ s’est inscrit auprès de l’assurance chômage.

13.         Le 21 septembre 2022, la caisse de chômage UNIA a sollicité une enquête de la part de l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) afin de vérifier si M.  A______ résidait effectivement dans le canton de Genève. Selon les pièces de son dossier, le doute persistait dans la mesure où sa femme et ses enfants résidaient en France.

14.         Par courriel du 11 octobre 2022, sur demande de l’OCPM du 3 octobre 2022, la Mairie de I______ (France) a indiqué que M. A______ résidait dans sa commune au 1______ H______ (France). Un logement lui avait été attribué en janvier 2017 et la boite aux lettres était à son nom.

15.         À teneur d’un rapport d’enquête de l’OCPM du 12 octobre 2022 (rapport d’entraide administrative interdépartementale), au vu des faits vérifiés et des informations collectées lors des investigations, l’enquêteur n’était pas en mesure de certifier une présence permanente et régulière de M. A______ à son adresse à Q______, alors que ce dernier avait déclaré y être domicilié depuis le
26 juin 2022.

16.         Par courrier du 19 décembre 2022, l’OCPM a fait part à M. A______ de son intention de prononcer la caducité de son autorisation de séjour, au motif qu’il n’avait pas démontré avoir établi et maintenu le centre de ses intérêts et sa résidence effective à Genève depuis son annonce d’arrivée du 8 juillet 2021. Un délai de trente jours lui a été imparti pour exercer par écrit son droit d’être entendu.

17.         Par courrier du 17 janvier 2023, M. A______ a fait valoir qu’il habitait à Genève depuis le 1er juillet 2021, d’abord chez M. L______ puis chez Mme S______, dès le 1er juillet 2022. Le logement familial loué à I______ était provisoire et il ne menait aucune vie sociale ni activités en France. Le centre de toutes ses relations professionnelles et personnelles, de même que celles de sa famille, se trouvait à Genève. C’était d’ailleurs son épouse et ses enfants qui se déplaçaient à Genève pour passer des moments en famille. Il avait en outre inscrit ses enfants à des cours d’arabe à Genève afin qu’ils se familiarisent avec la Suisse et se fassent des amis genevois, en vue de leur futur déménagement. C’était également à Genève qu’il avait commencé une formation de CFC d’automaticien. Il avait d’autre part préparé l’affiliation de son épouse et ses enfants à une assurance maladie suisse. Enfin, il cherchait activement un logement plus grand et un emploi en vue d’un regroupement familial en Suisse.

18.         Par décision du 24 janvier 2023, l’OCPM a constaté la caducité de l’autorisation de séjour de M. A______ depuis le 30 juillet 2017, soit six mois après la date indiquée (janvier 2017) dans le rapport d’entraide administrative interdépartementale du 12 décembre (recte : octobre) 2022, en application de l’art. 61 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Son départ de Suisse était enregistré à la même date.

19.         Par acte du 23 février 2023, sous la plume de son conseil, M. A______ a interjeté recours (procédure A/732/2022) contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal) concluant à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de supprimer la date de départ au 30 juillet 2017 de ses registres. Il sollicitait l’audition de quatre témoins pour prouver sa domiciliation à Genève soit : Messieurs T______, 3______ Q______, N______, U______, 4______ V______, W______, 5______ X______ et Y______, Z______, 6______, AA_____.

Depuis l’annonce de son arrivée, le 8 juillet 2021, il vivait à Genève avec le projet de faire venir son épouse et leurs enfants qui résidaient en France voisine, le temps qu’il trouve un emploi et un logement adapté. L’appartement de I______ n’était qu’une solution transitoire et il recherchait activement un logement familial adéquat à Genève. Son centre de vie s’y trouvait et son épouse et ses enfants se déplaçaient en Suisse pour passer des moments en famille. Aucune vie sociale et familiale n’était possible à I______, l’appartement n’ayant que deux chambres. Ses enfants se rendaient en outre au centre islamiste de Genève. Il fréquentait les restaurants, cafés, boulangeries genevois et tous les gens qui le connaissaient, notamment ses voisins, attestaient de sa présence effective dans le canton de Genève. Il avait en outre annoncé son départ de France et passait l’essentiel, voire l’intégralité de ses appels téléphoniques depuis la Suisse. Il disposait d’un véhicule immatriculé à Genève et d’un macaron et avait déjà fait l’objet de multiples contraventions pour mauvais stationnement. Il avait également contracté une assurance maladie et complémentaire en Suisse et ses relevés bancaires démontraient que toutes ses dépenses étaient effectuées dans le canton de Genève. Il avait par ailleurs demandé à son assurance maladie, en juillet 2022, des propositions en vue d’assurer les autres membres de la famille. Il avait suivi une formation d’automaticien auprès de AB______, durant l’année scolaire 2022-2023, et avait récemment trouvé un emploi. Son fils apprenait l’arabe auprès de la Fondation culturelle islamique à Genève. S’il avait été absent lors des heures de passages de l’enquêteur de l’OCPM chez lui, les 11 et 12 octobre 2022 (12h et 7h) c’était parce qu’il était en cours. En déduire qu’il ne vivait pas à Genève était dès lors totalement arbitraire. Ainsi, compte tenu de tous ces éléments, l’OCPM avait contrevenu aux art. 61 et 61a LEI en retenant que son domicile se trouvait toujours à I______ (France) et avait prononcé à tort la caducité de son autorisation de séjour.

Il a produit plusieurs pièces, dont : une attestation de logement de Mme S______ ; des témoignages écrits attestant de sa présence en Suisse ; la résiliation de son contrat de travail du 28 juin 2022 ; des factures de AC_____ ; des captures d’écrans d’appels téléphoniques effectués d’octobre 2022 à janvier 2023 ; des contraventions reçues à Genève ; son contrat d’assurance RC pour véhicule automobile ; une copie de son macaron ; une attestation d’inscription à une mesure en faveur de l’emploi à Q______ ; une attestation du 24 octobre 2022 de l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue certifiant qu’il était inscrit dans le dispositif Qualifications + dans le but d’obtenir un Certificat fédéral de capacité « Automaticien CFC » ; une attestation de scolarité du 21 octobre 2022 auprès de l’école AD_____ en filière Automaticien, dual (CFC), dès le 31 aout 2022, pour l’année 2022-2023 ; des factures de primes d’assurance maladie LAMAL et complémentaires LCA ; un formulaire de demande de logement à la Fondation Q______ ; des relevés bancaires auprès de l’AE_____ ; une promesse d’engagement du 15 février 2023 au sein de AF_____ Suisse dès le 6 mars 2023 ; des copies d’échanges de courriels avec son futur employeur ; des factures de téléphone détaillées et une copie du programme de ses cours ; des factures établies à son nom, à son adresse à AG_____ (France) par AH_____, pour le frais de scolarité 2020/2021 de D_____.

20.         Le 6 mars 2023, M. A______ a été engagé par la société AF_____, jusqu’au 5 septembre 2023 (contrat DD renouvelable).

21.         Par décision du 4 mai 2023, annulant et remplaçant sa décision du 24 janvier 2023, l’OCPM a prononcé la caducité de l’autorisation de séjour de M. A______ depuis le 9 juillet 2021, soit le lendemain de son prononcé, en application des art. 61 al. 2 LEI et 79 al. 1 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007
(OASA - RS 142.201). Son départ était enregistré à la même date.

L’intéressé n’avait pas été en mesure de justifier à satisfaction de droit avoir établi et maintenu le centre de ses intérêts et sa résidence effective chez M. L______ au 2______ M______, N______ depuis son arrivée à Genève annoncée le 8 juillet 2021. En d’autres termes, il n’avait jamais résidé aux adresses indiquées à l’OCPM depuis juillet 2021. À cet égard, les justificatifs fournis permettaient certes de constater une activité professionnelle sur sol suisse mais en aucun cas une domiciliation effective et réelle à Genève. Force était ainsi de constater qu’il résidait en réalité au 1______ H______ I______, en France, où un logement, dont la boite aux lettres portait son nom, lui avait été attribué en 2017, selon les renseignements obtenus auprès de la Mairie d’I_____. Au vu de ces éléments, le centre de ses intérêts était demeuré en France.

22.         Par courrier du 5 mai 2023, l’OCPM a informé le tribunal qu’il annulait sa décision du 24 janvier 2023 au motif qu’elle contenait une erreur matérielle, à savoir que le recourant n’était pas au bénéfice d’une autorisation de séjour en 2017. La procédure A/732/2923 devenait dès lors sans objet et une nouvelle décision parviendrait prochainement à l’intéressé.

23.         Par courrier du 23 mai 2023, faisant suite à l’interpellation du tribunal quant à la suite de la procédure A/732/2023, M. A______ a indiqué qu’il voulait la poursuivre dans la mesure où le dispositif de la nouvelle décision de l’OCPM était identique à l’ancien. En effet, l’erreur de plume ayant fait débuter son permis le 30 juillet 2017 au lieu du 9 juillet 2021 ne modifiait pas le contenu de la décision. Il invitait dès lors le tribunal à considérer que son recours concernait également la décision du 4 mai 2023.

Il a encore précisé qu’il avait fait l’objet d’un contrôle de l’Hospice général dont il était ressorti qu’il était domicilié Q______ 3______ N______, et qu’il se rendait le week-end en France auprès de sa famille. Il souhaitait toutefois trouver un logement convenable à Genève pour que cette dernière puisse s’installer à ses côtés et avait entrepris des démarches en ce sens.

Il a notamment joint le rapport d’enquête effectué par l’Hospice général le 10 mars 2023, dont la teneur est la suivante : « L'usager se présente au SEC. Il nous déclare louer une chambre à coucher au sein de l'immeuble situé à l'adresse susmentionnée (ie : Q______ 3______ N______) qui appartient à la famille S______. Selon ses dires, l'intéressé occupe cette chambre durant la semaine (du lundi au vendredi) et retrouve, uniquement les week-ends, ses enfants ainsi que son épouse en France voisine. Le bénéficiaire nous explique vouloir, dans un avenir proche, définitivement s'installer à Genève avec sa famille lorsque cela sera financièrement possible. M. A______ nous affirme notamment travailler au sein de la société « AF_____ » depuis le 6 mars 2023 et ce, jusqu'au 5 septembre 2023 (CDD renouvelable). Une copie du contrat de travail en question nous est également remise par l'intéressé, lors de l'entrevue.

L'usager nous permet ensuite l'exécution de la visite domiciliaire à la route de Q______ 3______ N______, en nous communicant le code de l'interphone de l'immeuble (8______). La chambre, située au rez-de-chaussée, est composée d'un lit simple, un réfrigérateur contenant plusieurs aliments, un bureau avec un ordinateur et une armoire. Plusieurs vestes, sous-vêtements, pantalons ainsi que des pulls et
t-shirts du bénéficiaire sont également constatés au sein de l'armoire de la pièce. La visite domiciliaire corrobore les déclarations de l'intéressé ».

Il a également produit un courrier de la « Fondation Q______ » du 3 avril 2023, confirmant avoir enregistré son dossier d’inscription pour un logement de cinq pièces, valable une année, tout en précisant qu’elle avait plus de 400 dossiers en attente et lui conseillant dès lors d’entreprendre des recherches auprès d’autres fondations et régies de la place.

24.         Par nouvel acte du 2 juin 2023, M. A______ a recouru auprès du tribunal contre la décision de l’OCPM du 4 mai 2023, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation, à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de supprimer la date du 9 juillet 2021 comme date de départ dans ses registres et à la prolongation de son autorisation de séjour dès son échéance.

Pour le reste, il a repris en substance les faits et arguments invoqués dans son précédent recours.

25.         Par courrier du 8 juin 2023, le tribunal a informé les parties que, dans la mesure où la décision du 4 mai 2023 n’avait pas rendu le recours de M. A______ sans objet, il continuerait de le traiter sous le n° de cause A/732/2023.

26.         Par décision du 22 juin 2023 (DITAI/ 270/2023), le tribunal a ordonné la jonction des causes A/732/2023 et A/1954/2023 sous le numéro de cause A/732/2023. La suite de la procédure était réservée.

27.         Par courrier reçu par le tribunal le 29 juin 2023, M. A______, sous la plume de son conseil, a fait valoir qu’il avait trouvé un appartement dans lequel il allait « faire venir » son épouse et son fils E______, dans l’attente de trouver un logement de cinq pièces minimum. Une demande d’autorisation de séjour avait également été déposée en faveur de sa femme et son fils (formulaires M datés 20 juin 2023).

Il a notamment joint la copie d’un contrat de bail du 14 juin 2023 d’une durée de six mois, renouvelable, portant sur un appartement meublé de trois pièces sis au 7______ AJ_____, N______, au loyer de CHF 1’240.-, charges comprises.

28.         Par formulaire électronique du 7 juillet 2023, M. A______ a annoncé son changement d’adresse à l’adresse précitée, dès le 1er juillet 2023. Cette annonce concernait également son épouse et son fils E______.

29.         Dans ses observations du 11 juillet 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments invoqués n’étant pas de nature à modifier sa position.

Le recourant ne contestait pas que son épouse et leurs trois enfants étaient domiciliés à I______ en France mais alléguait qu’il avait pour sa part toujours vécu dans le canton de Genève, sans apporter d’explications ni moyens de preuve suffisamment convaincants.

Son affiliation à la LAMal de même que l’immatriculation de son véhicule en Suisse étaient la conséquence de son enregistrement - en tant que résident - dans le registre des habitants au moment de la délivrance de son autorisation de séjour. Quant aux retraits d’argent et repas pris à Genève, ils allaient de pair avec l’exercice d’une activité professionnelle à Genève. Ces éléments ne suffisaient donc pas à prouver une domiciliation effective.

Au vu des éléments figurant au dossier, la chambre louée par le recourant correspondait davantage à une résidence secondaire lui permettant de séjourner de temps à autre à proximité de son lieu de travail, à l’instar de nombreux travailleurs frontaliers, tout en conservant son domicile principal et le centre de ses intérêts en France auprès de sa famille.

Pour le surplus, la question de savoir si le recourant remplissait actuellement les conditions légales pour obtenir une autorisation de séjour fondée sur l’ALCP ne relevait pas de la présente procédure. Il en allait de même de la demande de regroupement familial déposée en faveur de son épouse et ses enfants.

30.         Le recourant a répliqué le 2 août 2023, sous la plume de son mandataire, persistant dans les conclusions et termes de son recours.

Comme déjà dit, il avait démontré par pièces être domicilié en Suisse, où il disposait d’une assurance maladie et d’un véhicule, avait effectué sa formation, effectuait ses achats et ses sorties en famille ainsi que la plupart de ses appels et où ses enfants suivaient des cours de religion. Ces éléments cumulés avec le fait qu’il cherchait un logement convenable pour l’ensemble de sa famille afin qu’elle puisse définitivement s’installer avec lui prouvaient qu’il avait maintenu l’ensemble de ses intérêts et son domicile à Genève, depuis son arrivée.

Pour le surplus, il allait être engagé en contrat de durée indéterminée par son employeur dès le mois de septembre 2023 ce qui allait lui permettre de trouver un logement adapté de cinq pièces pour sa famille.

Enfin, l’autorité intimée estimait que le les pièces produites n’avaient pas de force probante suffisante mais n’indiquait pas quels documents auraient permis de prouver sa résidence effective à Genève. Au vu de ces éléments, l’OCPM avait prononcé à tort la caducité de son autorisation de séjour sur la base des art. 61 et 61a LEI.

31.         Par duplique du 21 août 2023, l’OCPM a indiqué n’avoir pas d’observations complémentaires à formuler.

32.         Le 15 décembre 2023 le recourant a fait parvenir au tribunal, à sa demande, des pièces complémentaires, notamment ses trois dernières fiches de salaire
(septembre à novembre 2023), une attestation de scolarité du 21 octobre 2022 au AD_____, des polices d’assurance maladie AK_____ pour les années 2023-2024 et une attestation de scolarité de son fils E______ auprès de l’école AL_____ pour l’année scolaire 2023-2024.

33.         Entendu par le tribunal lors d’une audience tenue le 19 décembre 2023, le recourant, assisté de son conseil, a déclaré que, dès qu’il avait commencé à travailler, il avait eu le souhait de s’établir en Suisse, avec sa famille à terme. C'était pour cette raison qu'en juillet 2021, il avait fait une demande de permis B, alors qu’il avait trouvé une chambre à Genève pour se loger. Il avait commencé à faire des recherches pour trouver un appartement familial à partir de 2021. Entre 2021 et juin 2023, il dormait la semaine dans sa chambre à Genève et retrouvait sa famille le week-end. Il était exact que le trajet entre sa chambre, M______, et son travail au AM_____ était plus long que celui entre son domicile français et ledit lieu de travail. Il rentrait néanmoins tous les soirs de la semaine dans sa chambre à Genève. Durant la semaine, il avait essentiellement des contacts téléphoniques avec sa famille mais il arrivait parfois que son épouse et ses enfants viennent lui rendre visite à Genève.

Ses deux fils ainés étaient scolarisés en France. Cela avait également été le cas de son fils cadet, jusqu'à l'année scolaire 2022-2023. Son épouse exerçait une activité professionnelle d'aide-ménagère en France, à raison de deux jours et demi par semaine. Cette activité s'exerçait à différents endroits : vers I______, AN_____ et AO_____.

Il contestait ne pas avoir informé son employeur de son changement de domicile. Lorsqu’il avait adressé le formulaire M à l'OCPM, cette information y figurait et le formulaire avait été contresigné par son employeur. Par ailleurs, il avait confirmé un à deux mois plus tard, par courriel, son changement d'adresse au service des ressources humaines de son employeur. Il verserait ce courriel à la procédure. En date du 31 août 2022, il avait été licencié pour raisons économiques. Il s’était inscrit à la formation CFP technique avant de perdre mon emploi. Il s'agissait en effet d'une formation en emploi avec des cours d'une demi-journée une fois par semaine. Lorsqu’il avait perdu son emploi, il avait demandé au directeur de l'école s’il pouvait suivre cette formation à plein temps, tout en s'inscrivant parallèlement au chômage. Ce dernier lui avait répondu que c'était possible. Il n'avait toutefois pas pu poursuivre sa formation suite à une décision du chômage, ce qui expliquait ses 186 absences non excusées figurant sur la pièce 28 versée à la procédure. Suite à la perte de son emploi, il avait immédiatement entrepris des recherches en vue de retrouver un travail en Suisse, dans l'intention, comme déjà dit, de s'y installer définitivement avec sa famille. C'était également ce qui avait motivé la formation au CFP technique. Son employeur AF_____ était une filiale d'une société espagnole. Le siège de cette société se trouvait à AP_____, mais son lieu de travail avait toujours été au AM_____. Son contrat, d’abord de durée déterminée durant six mois, était désormais de durée indéterminée.

Actuellement, il vivait avec sa femme et son fils cadet dans un appartement à Q______. Ses fils ainés vivaient toujours dans l'appartement de I______ avec le frère et la sœur de sa femme qui s’y étaient installés en juin 2023, lors de leur déménagement à Q______. Sa femme retrouvait ses fils ainés les mercredis, le
week-end et quand elle le pouvait. Cette situation n’allait pas durer, car il les ferait venir en Suisse dès qu’il aurait trouvé un appartement plus grand. Un de ses fils était scolarisé à AO_____ et l'autre à AP______, au collège. Il allait obtenir son bac à la fin de l'année scolaire 2023-2024. Il souhaitait que ses fils puissent terminer leur année scolaire en France puis continuer leur scolarité en Suisse, une fois qu’il aurait trouvé un logement adapté. Il avait fait une demande auprès de l'antenne de Q______ afin de trouver un emploi pour son épouse mais on lui avait répondu qu’il fallait qu’elle soit titulaire d’un permis. Il avait donc déposé une demande de permis B pour son épouse et pour son fils et obtenu des attestations de séjour les concernant, ce qui avait permis à son fils d'être scolarisé à Genève. Le bail de l'appartement de I______ était à son nom et celui de son épouse. C’était lui qui payait le loyer mensuel de EUR 1'200.-, charges comprises. Il ne recevait aucune subvention pour ce logement. S'agissant des allocations familiales, il les avait perçues en Suisse jusqu'à la perte de son emploi en août 2022. Ensuite, en raison de ses problèmes avec le chômage, il n’avait plus rien perçu. Sa femme percevait des allocations en France depuis janvier ou mars 2023. Il verserait une pièce y relative à la procédure. Il payait son assurance maladie suisse, depuis juin 2021. Lorsqu’il s’était inscrit au chômage, il avait reçu un courrier de l’AFC lui demandant de déposer sa déclaration d'impôts pour l'année 2021. Or, il pensait qu'avec son permis B, il n’aurait qu'à régler l'impôt à la source.

Sur question de son conseil, il a précisé que le prononcé de la caducité de son permis B l’avait empêché de percevoir des allocations de l’assurance-chômage pendant six mois. Il avait alors dû emprunter de l'argent pour payer ses factures. Si les enquêteurs ne l’avaient pas trouvé à son domicile chez Mme AQ_____ (chambre), c’était parce qu’il était en formation. Dès qu’il avait appris que l'enquêteur de l'Hospice général le cherchait, il s’était annoncé. L'OCPM ne lui avait jamais laissé d'avis de passage dans sa boîte aux lettres. Suite à la perte de son emploi, il avait continué à habiter à Genève chez Mme AQ_____. Il y dormait toutes les nuits et y faisait ses recherches d'emploi. En raison de tous ces problèmes, le divorce avait même été évoqué avec son épouse. Il avait versé à la procédure et devant l’OCPM tous les justificatifs en sa possession permettant d'attester de son séjour à Genève et ne comprenait pas pourquoi cela n’était pas été considéré comme suffisant. Il avait des amis à Genève qu’il voyait régulièrement, notamment tous les samedis et dimanches à la gare de Cornavin.

La représentante de l’OCPM a requis du recourant qu’il verse à la procédure des copies lisibles de ses contrats de travail de durée déterminée (CDD) indéterminée (CDI) auprès de AF_____.

À l’issue de l’audience, le tribunal a imparti au recourant un délai au 12 janvier 2024 pour verser à la procédure les pièces mentionnées supra ainsi que toutes pièces utiles et ses éventuelles observations. À réception, un bref délai serait imparti à l'OCPM pour se déterminer.

34.         Par écritures du 16 février 2027______ sous la plume de son conseil, le recourant a persisté à soutenir être domicilié en Suisse, ce qu’il avait démontré. Si tel n’avait pas été le cas, il serait déraisonnable d’y assumer des frais considérablement plus élevés qu'en France.

Ses recherches d’un logement adapté pour toute la famille, depuis 2021, avaient finalement porter leurs fruits et, le 12 février 2023, il avait trouvé un appartement de quatre pièces sis AR_____ 9______ à AS_____ (Genève) lui permettant d'accueillir l'ensemble de sa famille. Il relevait pour le surplus que, suite à la décision de l’OCPM, l’office cantonal de l’emploi (OCE) avait nié son droit à l'indemnité de chômage dès le 1er septembre 2022 au motif qu'il ne remplissait pas la condition de la domiciliation en Suisse depuis son inscription au chômage. De ce fait, il n'avait bénéficié d'aucune indemnité journalière pendant plusieurs mois. La procédure contre cette décision de l'OCE était toujours pendante.

À l’appui de ses écritures, il a produit un chargé de pièces complémentaires, soit, notamment, une copie de ses contrats de travail CDD et CDI auprès de AF_____, une copie de son recours du 21 février 2023 contre la décision de l’OCE sur opposition du 23 janvier 2023 et une lettre de la Société privée de gérance du 12 février 2024 lui confirmant l’attribution d’un appartement de quatre pièces sis AR_____ 9______ AS_____.

35.         Dans ses observations du 27 février 2027______ l’OCPM a indiqué que les explications et pièces fournies dans le cadre et suite à l’audience du 16 février 2024 n’étaient pas de nature à modifier sa position. Il persistait dès lors dans sa décision du 4 mai 2023 constatant l’extinction de l’autorisation de séjour du recourant à compter du 9 juillet 2021. Enfin, la délivrance d’une nouvelle autorisation de séjour en faveur du recourant et des membres de sa famille serait examinée lorsque le tribunal aurait statué.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ;
140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Pour qu'un recours soit - ou demeure - recevable, il faut notamment que son auteur ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit annulée ou modifiée, ce qui suppose notamment que ledit intérêt soit actuel et pratique (art. 60 al. 1 let b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 LPA - E 5 10 ; ATF 138 II 42 consid. 1 ; 135 I 79 consid. 1 ; 131 II 361 consid. 1.2 ; 128 II 34 consid. 1b ; ATA/201/2017 du 16 février 2017 consid. 2).

6.             L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours, étant précisé que s'il s'éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement rayé du rôle (cf. ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; 137 I 23 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 4D_1/2016 du 19 janvier 2016 ; 2C_120/2014 du 18 juillet 2014 consid. 1.2).

7.             En l’espèce, par nouvelle décision du 4 mai 2023, l’OCPM a annulé et remplacé sa décision du 24 janvier 2023. Le recours interjeté le 23 février 2023 contre cette première décision est dès lors devenu sans objet.

8.             À titre préalable, le recourant sollicite l'audition de témoins en vue de démontrer sa présence à Genève.

9.             Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2). Ce droit ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3).

10.            Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

11.            En l'espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tel qu'ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l'autorité intimée, pour statuer sur le litige, de sorte qu'il n'apparaît pas utile de procéder à l'audition de témoins. En tout état, le recourant a largement eu la possibilité de faire valoir ses arguments dans le cadre de ses recours ainsi que de sa réplique, et de produire tout moyen de preuve utile en annexe à ses écritures. Il a également eu la possibilité de s’exprimer longuement lors de l’audience du 19 décembre 2023. Par conséquent, sa demande d'audition de témoins, en soi non obligatoire, sera rejetée, étant souligné pour le surplus que sa présence à Genève n’est pas, en soi, contestée (cf. infra).

12.         Le recourant conteste la caducité de son autorisation de séjour prononcée par l’OCPM à compter du 9 juillet 2021.

13.         La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), dont notamment l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

14.         En vertu de son art. 2 al. 2, la LEI n’est applicable aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne, aux membres de leur famille et aux travailleurs détachés par un employeur ayant son siège ou son domicile dans un de ces États que dans la mesure où l’ALCP n’en dispose pas autrement ou lorsque la LEI prévoit des dispositions plus favorables.

Ainsi, l'ALCP et l'ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, la Communauté européenne et ses États membres ainsi qu'entre les États membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (OLCP - RS 142.203) s'appliquent en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l'UE/AELE, la LEI ne s'appliquant à eux que pour autant que ses dispositions soient plus favorables que celles de l'ALCP et si ce dernier ne contient pas de dispositions dérogatoires (Directives OLCP-1/2024 éditées par le SEM, chiffre 1.2.3, p. 11). Les conditions au maintien d'une autorisation de séjour étant plus larges selon la LEI, l'art. 61 al. 2 LEI est applicable (ATA/1793/2019 consid. 3b).

15.         En l’espèce, il n’est pas contesté que la question de savoir si le permis de séjour du recourant est devenu caduc est régie par la LEI, nonobstant sa nationalité espagnole.

16.         Selon l’art. 61 al. 1 let. a LEI, l’autorisation prend fin lorsque l’étranger déclare son départ de Suisse.

Si un étranger quitte la Suisse sans déclarer son départ, l’autorisation de courte durée prend automatiquement fin après trois mois, l’autorisation de séjour ou d’établissement après six mois. Sur demande, l’autorisation d’établissement peut être maintenue pendant quatre ans (art. 61 al. 2 LEI).

17.         Les délais prévus à l’art. 61 al. 2 LEI, ne sont pas interrompus en cas de séjour temporaire en Suisse à des fins de visite, de tourisme ou d’affaires (art. 79 al. 1 OASA).

18.         L’extinction de l’autorisation de séjour au sens de l’art. 61 LEI s’opère de jure (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-139/2016 du 11 avril 2017 consid. 5.1), quelles que soient les causes de l’éloignement et les motifs de l’intéressé (ATF 120 Ib 369 consid. 2c) ; peu importe ainsi si le séjour à l'étranger était volontaire ou non (arrêt du Tribunal fédéral 2C_691/2017 du 18 janvier 2018 consid. 3.1). Sous cet angle, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à l'art. 96 LEI, à un examen de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_19/2017 du 21 septembre 2017 consid. 5).

19.         Selon la jurisprudence (ATA/431/2024 du 26 mars 2024 consid. 2.5 ; ATA/1793/2019 du 10 décembre 2019 consid. 3c), un étranger titulaire d'une autorisation d'établissement perd cette dernière s'il s'établit en France voisine et y vit comme un frontalier. Cette règle s’applique a fortiori aux autorisations de séjour (ATA/325/2024 du 5 mars 2024).

20.         Une autorisation ne peut subsister lorsque l’étranger passe l’essentiel de son temps hors de Suisse, voire y transfère son domicile ou le centre de ses intérêts, sans jamais toutefois y rester consécutivement plus du délai légal, revenant régulièrement en Suisse pour une période relativement brève, même s’il garde un appartement en Suisse. Dans ces conditions, il faut considérer que le délai légal n’est pas interrompu lorsque l’étranger revient en Suisse avant l’échéance de ce délai non pas durablement, mais uniquement pour des séjours d’affaires ou de visite (ATF 145 II 322 consid. 2).

21.         Pour savoir si une personne réside à un endroit avec l'intention de s'y établir, ce n'est pas la volonté interne de cette personne qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire une semblable intention (cf. ATF 133 V 309 consid. 3.1 ; 119 II 64 consid. 2b/bb ; 113 II 5 consid. 2 ; 97 II 1 consid. 3 ; ATA/904/2014 du 18 novembre 2014 consid. 2 ; ATA/535/2010 du 4 août 2010 consid. 6).

22.         La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a récemment confirmé la caducité de l’autorisation d’établissement d’un recourant, qui n’avait pas annoncé son départ de Suisse et conservé l’adresse de son logement à Genève, alors qu’il avait en fait déménagé avec sa famille en France voisine où il était propriétaire d’un bien immobilier. La chambre administrative a retenu que le centre d’intérêts du recourant se trouvait, non pas à Genève, mais en France voisine où, partant, il séjournait au sens de la loi (ATA/431/2024 précité).

Dans un autre arrêt, la chambre administrative a confirmé la caducité de l’autorisation de séjour d’un recourant et de sa fille dont le centre des intérêts se trouvait, non pas à Genève, où ils louaient un studio, travaillait, respectivement étudiait, mais à Veigy-Foncenex (France) auprès de leur épouse, respectivement mère. C'était donc en France voisine qu'ils séjournaient au sens de la loi (ATA/325/2024 précité).

23.         Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits ; il incombe à celles-ci d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1). En matière de droit des étrangers, l’art. 90 LEI met un devoir spécifique de collaborer à la constatation des faits déterminants à la charge de l’étranger ou des tiers participants (ATF 142 II 265 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1).

24.         Lorsque les preuves font défaut ou s’il ne peut être raisonnablement exigé de l’autorité qu’elle les recueille pour les faits constitutifs d’un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l’administré d’établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l’administration de démontrer l’existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/471/2022 du 3 mai 2022 consid. 3d).

25.         Par ailleurs, en procédure administrative cantonale, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2ème phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/590/2022 du 3 juin 2022 consid. 4a et les références cités).

26.         Lorsque les faits ne peuvent être prouvés d'une façon indubitable, une partie peut présenter une version des événements avec une vraisemblance, qui se rapproche de la certitude (ATF 107 II 269 consid. 1b). L'autorité doit alors apprécier la question de savoir si l'ensemble des circonstances permet de conclure à l'existence de l'élément de fait à démontrer. Elle peut en un tel cas se contenter de la preuve circonstancielle en faisant appel à son intime conviction et décider si elle entend tenir le fait pour acquis. Plus la conséquence juridique rattachée à l'admission d'un fait est grave, plus l'autorité doit être stricte dans son appréciation des faits (Blaise KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème éd., 1991, p. 256 n. 1172). La décision constatant la caducité d'une autorisation d'établissement est importante au point d'exiger un état de fait clairement établi (ATA/1793/2019 précité, consid. 3d).

27.         En l’occurrence, le recourant ne saurait être suivi lorsqu’il soutient que les nombreuses pièces qu’il a versées à la procédure sont aptes à démontrer qu’il était effectivement domicilié à Genève, à Q______, durant la période litigieuse, soit entre la date de délivrance de son autorisation de séjour, le 8 juillet 2021 et le prononcé de la décision de caducité contestée.

En effet, la mention de son adresse genevoise sur diverses factures, l’immatriculation de son véhicule à Genève, la souscription d’une assurance-maladie et accident ainsi que celle d’une assurance responsabilité civile pour sa voiture en Suisse, la conclusion d’un abonnement de téléphonie mobile en Suisse (AC_____), l’ouverture d’un compte bancaire auprès de l’AE_____ et les relevés bancaires relatifs faisant état de dépenses à Genève, les copies de contraventions établies à son nom en Suisse, ainsi que l’inscription de ses enfants à des cours auprès de l’École arabe de Genève, ne signifient pas encore que le domicile effectif et le centre d’intérêts du recourant se trouvaient à Genève. En tout état, ses adresses genevoises successives ont été fournies par le recourant lui-même à ses cocontractants, sans que ces derniers n’aient en aucune manière à en vérifier l’effectivité.

Le tribunal considère au contraire que ces éléments ne suffisent pas à démontrer une prise de domicile effective, avec déplacement du centre d’intérêts du recourant en Suisse. À cet égard, on relèvera notamment que le contrat de bail du 16 juin 2021 conclu avec M. L______, produit à l’appui de la demande de permis de séjour, prévoyait la location d’une chambre meublée, sans jouissance de la cuisine ni de la salle de bains, qu’il devait libérer deux week-ends par mois. De même, le contrat de location conclu avec les époux R______ et S______ le 26 juin 2022, ne portait que sur la location d’une chambre meublée. Ces logements étaient donc inadaptés à une vie familiale et les premières allégations du recourant selon lesquelles c’était sa famille qui se déplaçait pour venir le voir à Genève, au motif que l’appartement de I______ n’avait que deux chambres et ne permettait aucune vie familiale, paraissent peu crédibles.

Par ailleurs, il ressort du dossier que le recourant n’a pas informé son employeur de l’époque de son prétendu déménagement en Suisse, l’entreprise J______ ayant en outre déclaré ne jamais avoir signé le formulaire M de demande d’autorisation de séjour avec prise d’emploi du 3 juillet 2021. À cet égard, le recourant n’a pas versé à la procédure, comme annoncé en audience, le courriel qu’il aurait adressé au service des ressources humaines de son employeur pour confirmer son changement d'adresse. Il est à relever également qu’il n’a pas non plus annoncé son départ auprès de la Commune de I______ (France) où il était toujours enregistré, selon courriel du 11 octobre 2022 de la Mairie de I______, comme locataire du logement qu’il lui avait été attribué en 2017. À cela s’ajoute que, selon le rapport d’enquête de l’OCPM daté du 12 octobre 2022, la présence permanente et régulière du recourant à l’adresse suisse qu’il avait communiquée depuis le 26 juin 2022, chez les époux R______ et S______, n’avait pas pu être certifiée. Enfin, le recourant a déclaré à plusieurs reprises durant la procédure, notamment dans son courrier du 23 mai 2023 et lors de l’audience du 19 décembre 2023, qu’il occupait sa chambre à Q______ durant la semaine et retrouvait sa famille en France durant les week-ends, ce qu’il avait également indiqué à l’enquêteur de l’Hospice général rencontré en mars 2023.

Ainsi, il ressort du faisceau d’indices qui précède que les deux chambres qu’il a successivement louées à Q______ correspondaient plutôt à des lieux de résidence secondaire, où il se rendait durant la semaine, dans le cadre de l’exercice de son travail ou de sa formation, à l’instar de nombreux frontaliers.

Le tribunal retiendra donc que, durant la période concernée (juillet 2021 à juillet 2023), si le recourant travaillait et dormait ponctuellement à Genève, ce qui n’est au demeurant pas contesté, son lieu de vie et le centre de ses intérêts se trouvaient, non pas en Suisse mais bien auprès de sa femme et ses enfants à I______ (France) où il avait conservé son domicile effectif, étant rappelé que ses trois enfants étaient scolarisés et que sa femme travaillait en France, durant la période considérée.

28.         Au vu de ce qui précède, la décision de l’OCPM prononçant la caducité de l’autorisation de séjour du recourant depuis le 9 juillet 2021, en application de l’art. 61 al. 2 LEI, apparaît conforme au droit et ne consacre aucun abus de pouvoir d’appréciation.

29.         Pour le surplus, la question de savoir si le recourant remplit désormais les conditions de délivrance d’une autorisation de séjour à Genève ne relève pas de la présente procédure, dont l’objet se limite au prononcé de la caducité du permis de séjour qui lui avait été délivré le 8 juillet 2021. Pour les mêmes raisons, les allégations et offres de preuve postérieures au prononcé de la décision litigieuse ne sont pas pertinentes in casu.

30.         Il s’ensuit que le recours interjeté le 2 juin 2023, entièrement mal fondé, sera rejeté.

31.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 800.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

32.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevables les recours interjetés les 23 février et 2 juin 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 4 mai 2023, annulant et remplaçant sa décision du 24 janvier 2023 ;

2.             déclare le recours du 23 février 2023 sans objet ;

3.             rejette le recours du 2 juin 2023 ;

4.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 800.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier