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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/149/2023

JTAPI/212/2024 du 11.03.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : COMMERCE D'IMMEUBLES;ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE;REVENU D'UNE ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE
Normes : LIFD.18.al2; LIPP.19.al2
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/149/2023 ICCIFD

JTAPI/212/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 mars 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Nicolas MERLINO, avocat, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne l'impôt cantonal et communal (ICC) et l'impôt fédéral direct (IFD) 2012 de Madame A______ et Monsieur B______
(ci-après : les contribuables).

2.             M. B______ est régisseur de profession. Il détient un grand nombre d'immeubles, certains à titre privé, d'autres à titre commercial. Il possède également des participations dans plusieurs sociétés.

Il était notamment l'un des cinq membres fondateurs de la société C______ SA, constituée le 17 mars 1999 et ayant pour but : « prise, administration et gestion de participation dans des sociétés ou entreprises, particulièrement dans le domaine immobilier ; achat, vente, location et exploitation de biens immobiliers ». Il en détenait un quart du capital-actions, les quatre autres actionnaires possédant respectivement deux parts de 25 % et deux de 12.5 %. Cette société était détentrice de deux immeubles locatifs gérés par la régie D______ SA dont M. B______ possédait 60 % du capital-actions.

3.             Par acte notarié du 4 octobre 2012, les actionnaires de C______ SA ont cédé la totalité des actions de la société à la E______ pour un prix de CHF 9'100'000.-.

4.             Le 13 décembre 2012, M. B______ a remis à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) une déclaration pour l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (ci-après : IBGI) faisant état de cette vente. Dans le contexte de cette opération, il avait vendu les vingt-cinq actions qu'il détenait dans C______ SA et réalisé un gain immobilier de CHF 967'550.-.

5.             Par courrier du 12 mars 2014, le service des impôts spéciaux de l'AFC-GE a informé M. B______ qu'il considérait la cession des actions précitée comme étant de nature professionnelle. Le dossier serait par conséquent transmis au service des promoteurs immobiliers pour taxation.

6.             Par bordereaux de taxation du 18 octobre 2016, l'AFC-GE a fixé l'ICC 2012 des contribuables à CHF 1'615'637.05.- sur la base d'un revenu imposable de CHF 2'513'197.- et d'une fortune imposable de CHF 85'295'481.- et l'IFD 2012 à CHF 294'825.50.- sur la base d'un revenu imposable de CHF 2'563'700.-.

Il ressortait des avis de taxation de l'activité indépendante « B », annexés auxdits bordereaux, que le bénéfice provenant de la vente des actions C______ SA avait été taxé en tant que revenu professionnel. Après application de la « déduction pour participations qualifiées commerciales », le bénéfice net y relatif s'élevait à CHF 483'775.-.

7.             Le 18 novembre 2016, les contribuables ont formé réclamation contre leurs bordereaux de taxation ICC et IFD 2010, 2011 et 2012.

Leur contestation portait sur l'attribution à la fortune commerciale des actions de la société D______ SA et sur la prise en considération d'une provision AVS de M. B______.

8.             Par décisions sur réclamation du 9 décembre 2022 portant sur l'année fiscale 2012, l'AFC-GE a accepté de faire droit aux conclusions des contribuables s'agissant de la prise en considération des actions D______ SA dans le cadre de leur fortune privée et de tenir compte d'une provision de cotisations AVS, calculée sur les bénéfices de l'activité indépendante de M. B______. Après rectifications, leur imposition était ainsi réduite de CHF 135'645.95.- pour l'ICC et CHF 26'243.- pour l'IFD.

Dans la lettre accompagnant la décision relative à l'ICC 2012, les actions C______ SA figuraient dans la liste des titres qualifiés de fortune privée alors que dans l'avis de taxation de l'activité indépendante « A » remis en annexe des bordereaux rectificatifs, le bénéfice provenant de la vente de ces actions apparaissait comme un revenu.

Les taxations 2010 et 2011 ont également fait l'objet de décisions sur réclamation du même jour. Elles ne sont plus litigieuses, les contribuables ne les ayant pas remises en cause par la suite.

9.             Par acte du 11 janvier 2023, sous la plume de leur conseil, les contribuables ont recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, préalablement, à ce qu'un délai leur soit imparti pour compléter leur recours si l'ACF-GE venait à maintenir ses décisions et, principalement, à leur annulation et à ce que la cause soit renvoyée à l'AFC-GE pour nouvelles taxations ICC et IFD 2012 retenant la qualification privée de la participation du contribuable dans le capital de C______ SA et l'exonération fiscale du gain en capital réalisé lors de son aliénation en 2012, sous suite de frais et dépens.

L'autorité intimée avait imposé le gain en capital relatif à la cession de la participation du recourant dans C______ SA en totale contradiction avec la qualification privée qu'elle avait expressément confirmée dans le courrier accompagnant ses décisions, mais aussi dans ses courriers relatifs aux décisions sur réclamation portant sur les années 2010 et 2011. Il s'agissait d'une erreur, en ce sens que les bordereaux de taxation ne reflétaient pas la qualification privée attribuée à cette participation.

Si l'autorité intimée devait maintenir ses décisions, ils complèteraient leur recours avec l'indication des motifs pour lesquels la participation aliénée appartenait, au moment de sa vente, à leur fortune privée.

Ils ont joint un chargé de pièces.

10.         Le 17 avril 2023, dans le délai prolongé à sa demande, l'AFC-GE a communiqué ses observations et transmis son dossier au tribunal, concluant au rejet du recours.

Elle avait commis une erreur de plume dans le texte de sa décision sur réclamation ICC 2012 en mentionnant les actions C______ SA dans la liste des participations qualifiées de privées, reprenant en cela le texte des décisions sur réclamation ICC 2010 et 2011. Cette erreur était néanmoins facilement identifiable pour les recourants, représentés par un mandataire professionnellement qualifié, dans la mesure où :

-          le service des impôts spéciaux les avait informés, en mars 2014 déjà, que l'opération de cession des actions C______ SA allait être considérée comme étant de nature professionnelle ;

-          les taxations ICC et IFD 2012 du 18 octobre 2016 intégraient le bénéfice provenant de la vente de ces actions comme du revenu professionnel ;

-          les bordereaux rectificatifs ICC et IFD 2012 du 9 décembre 2022 persistaient à considérer l'opération comme du revenu professionnel.

Il ne se justifiait ainsi pas d'annuler les taxations querellées au seul motif de cette erreur de plume.

Sur le fond, le gain réalisé par le recourant lors de la vente des actions C______ SA devait être qualifié de gain commercial et ainsi être imposé à titre de revenu provenant de son activité indépendante. Dans la présente espèce, comme les autorités judiciaires l’avaient fait dans une espèce concernant également le contribuable et un même complexe de faits, les critères suivants pouvaient être retenus pour arriver à cette conclusion :

-          la forte implication du recourant dans C______ SA, dont il possédait 25 % du capital-actions ;

-          la prise en charge et la gestion des immeubles de cette société par la régie du recourant ;

-          la profession de régisseur du recourant et sa longue expérience dans le domaine immobilier. Il était, de surcroît, propriétaire d'un parc immobilier important dont certains détenus à titre commercial ;

-          l'important financement externe auquel le recourant avait eu recours pour acquérir sa participation dans la société (1/4 de CHF 4'700'000.-, soit CHF 1'175'000.-).

Il apparaissait en outre que la vente des actions avait été orientée par le profit, le recourant ayant lui-même déclaré avoir réalisé un bénéfice de CHF 967'550.- sur cette opération.

Par ailleurs, il était devenu, consécutivement à la vente de ses actions, administrateur de la société avec signature individuelle, position qui lui avait très vraisemblablement permis de conserver, même après la vente de son capital-actions, la gestion des immeubles de cette société dans le cadre de son activité de régisseur indépendant.

11.         Le 5 juin 2023, dans le délai prolongé pour leur réplique, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

L’erreur de l’AFC-GE n'était pas une simple erreur de plume. La décision ICC 2012 du 9 décembre 2022 présentait deux volets essentiels, soit la liste des participations que l'AFC-GE avait qualifiées de fortune privée et la liste des rectifications en leur défaveur. Or, les actions C______ SA ne figuraient que dans le premier volet, à l'exclusion de toute mention dans le second volet. Compte tenu des exigences en matière de motivation des décisions, l'imposition du bénéfice en capital réalisé sur la vente des actions aurait dû être motivée, s'agissant d'une reprise en leur défaveur, ce qui n'avait en l'espèce pas été le cas, ni dans la décision de taxation 2012 du 18 octobre 2016 ni dans la décision sur réclamation du 9 décembre 2022. Dans le contexte général du litige portant sur la qualification professionnelle ou privée des participations du recourant, ils ne pouvaient ainsi que comprendre que cette décision sur réclamation était entièrement motivée et complète après six ans de procédure.

S'agissant des critères analysés par l'autorité intimée, ils ne partageaient pas son raisonnement pour les raisons suivantes :

-          la détention d'une participation de 25 % dans le capital-actions de la société n'indiquait en rien une forte implication personnelle du recourant, laquelle n'avait au demeurant pas été prouvée dans le cas d'espèce. Le parallèle fait avec une affaire antérieure était totalement arbitraire et en totale contradiction avec la jurisprudence du Tribunal fédéral exigeant que chaque opération soit examinée séparément selon ses circonstances. Contrairement à ce qui prévalait dans ladite affaire, il n'avait, dans le cas présent, jamais été administrateur de C______ SA avant la vente de ses actions. En l'absence de position qui lui aurait permis d'influencer les décisions de la société et vu sa participation minoritaire, on ne saurait retenir une implication personnelle de sa part. Il ne s'agissait en effet que d'un investissement purement passif ;

-          le fait que le recourant ait confié la gérance de certains immeubles appartenant à C______ SA à sa régie D______ SA n'était pas un élément propre à démontrer la nature professionnelle de la vente de ses actions. En effet, sa participation dans la régie appartenait à sa fortune privée, ce que l'AFC-GE avait expressément confirmé. De plus, une proportion conséquente des actions de sa régie (40 %) avait été transférée par donation à son fils en 2010. Cette opération avait notamment eu lieu en raison de sa volonté de s'éloigner de la direction de la régie après avoir atteint l'âge de la retraite en 2009 ;

-          sa profession de régisseur et ses connaissances n'étaient pas des critères déterminants pour l'analyse, les actions ne relevant que d'une détention purement passive. De la même manière, la détention d'un parc immobilier important, dont certains immeubles détenus à titre commercial, n'était pas pertinente ici au vu de sa position minoritaire dans le capital de la société, l'appartenance des actions de sa régie à sa fortune privée et l'absence de tout lien entre C______ SA et les immeubles commerciaux qu'il détenait en son nom par le passé ;

-          il ne s'était enfin pas personnellement endetté ni pour constituer la société ni pour permettre à cette dernière d'acquérir deux immeubles. Les dettes hypothécaires de CHF 4'544'800.- et les divers prêts de CHF 585'000.- qui avaient été déduits du prix de vente de CHF 9'100'000.- étaient comptabilisées au passif du bilan de C______ SA et grevaient les deux immeubles détenus par cette dernière. Le mode de calcul du prix de vente du capital-actions prêtait à confusion car il n'était pas directement basé sur le capital-actions lui-même, ce qui était usuel, mais sur les actifs et passifs détenus par la société en transparence. Ainsi, le montant de CHF 9'100'000.- ne représentait pas la valeur du capital-actions de la société mais celle des deux immeubles détenus par cette dernière. Cette méthode ne pouvait avoir pour effet d'imputer les dettes hypothécaires de la société à ses actionnaires, s'agissant de deux contribuables distincts.

L'autorité intimée se méprenait également en considérant que le bénéfice indiqué dans la déclaration IBGI relative à la vente des actions constituait un indice démontrant la nature commerciale de la vente. En effet, toute vente d'actions de société immobilière devait être annoncée au moyen du formulaire IBGI, y compris lorsqu'il s'agissait d'une vente de titres appartenant à la fortune privée du vendeur, comme c'était le cas en l'espèce.

Le fait que le recourant soit devenu administrateur de la société après la vente de ses actions ne constituait enfin pas un argument pertinent. En effet, il n'exerçait pas son activité de régisseur à titre indépendant mais en tant que salarié de la régie D______ SA, société de capitaux et sujet de droit indépendant de ses actionnaires.

12.         Dans le délai prolongé au 27 juillet 2023 pour sa duplique, l'AFC-GE a persisté dans ses conclusions.

En mars 2014, le recourant avait été informé, par le service des impôts spéciaux, qu'il serait taxé, à titre professionnel, sur la vente de ses actions C______ SA, courrier qui n'avait suscité aucune réaction de sa part.

En toute cohérence avec ce courrier, elle avait intégré au revenu le gain relatif à la vente des actions précitées dans les taxations ICC et IFD 2012 des recourants. La nature professionnelle de cette opération ressortait expressément des avis de taxation annexés aux bordereaux. Cela ne pouvait en conséquence échapper à l'attention des recourants, qui étaient au surplus représentés par des mandataires professionnellement qualifiés. Par ailleurs, ils n'avaient pas remis en cause cette qualification dans leur réclamation du 18 novembre 2016, contrairement à ce qu'ils tentaient de faire croire dans leur réplique.

Elle relevait encore les éléments suivants en réponse aux arguments avancés par les recourants s'agissant des critères utilisés pour qualifier l'opération :

-          la détention de 25 % d'un capital-actions d'une société représentait une participation qualifiée et, par là-même, un investissement substantiel impliquant forcément une participation aux prises de décisions de celle-ci. En l'occurrence, quand bien même le recourant n'était pas administrateur de la société, le fait de détenir le quart du capital-actions lui permettait, sans conteste, d'avoir une influence importante sur les décisions prises, preuve en était que la gestion des deux immeubles appartenant à la société avait été attribuée à la régie D______ SA dont le recourant détenait la majorité du
capital-actions ;

-          bien que le contribuable avait procédé à une donation partielle du capital-actions de la régie en faveur de son fils, il était néanmoins resté actionnaire majoritaire en conservant 60 % des parts. De plus, d'après sa déclaration fiscale 2012, il exerçait une activité dépendante auprès de cette même régie ;

-          il était difficile de comprendre ce que recouvrait la notion de « détention purement passive » évoquée par les recourants. Cela étant, l'étroite relation entre la vente d'un bien immobilier ou d'actions de sociétés immobilières et la profession du contribuable faisait partie des indices jurisprudentiels qu'il convenait d'examiner. À l'instar des autres critères, la profession du recourant devait donc bel et bien être prise en considération dans l'analyse du cas d'espèce ;

-          elle rejoignait enfin les recourants sur le fait que la situation hypothécaire de la société ne pouvait leur être imputée. Toutefois, même si le critère de l'endettement avait été retenu de manière erronée, sa prise en considération pouvait être relativisée par le fait que le recourant disposait d'une importante « surface financière ».

13.         Par courrier du 17 août 2023, les recourants ont joint deux conventions de crédit hypothécaire conclues entre C______ SA et l'établissement bancaire G______ ainsi qu'une attestation de Monsieur F______, administrateur et actionnaire de cette société jusqu'au 4 octobre 2012.

L'art. 4 desdites conventions prévoyait que les crédits octroyés à la société, d'un montant total de CHF 5'000'000.-, devaient exclusivement servir au financement d'objets immobiliers. Ce montant se recoupait avec celui exposé dans leurs observations du 5 juin 2023 (CHF 4'544'800.- + CHF 585'000.-). C'était donc bien la société, propriétaire des immeubles, qui était débitrice des dettes hypothécaires, à l'exclusion du recourant. Dès lors, le critère de l'endettement retenu par l'autorité intimée échouait.

L'attestation de M. F______ démontrait enfin l'absence de toute activité de gestion du recourant au sein de la société jusqu'à la cession des actions ainsi que sa position d'actionnaire minoritaire n'ayant aucun contrôle sur la société.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Les recourants estiment que l'autorité intimée n'a pas motivé sa position quant à l'imposition du bénéfice en capital réalisé sur la vente des actions C______ SA.

4.             Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu implique, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision (cf. art. 46 al. 1 LPA cum art. 2 al. 2 LPFisc). Selon la jurisprudence, il suffit que celle-ci mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que son destinataire puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties ; elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_415/2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 et les arrêts cités). La motivation est ainsi suffisante lorsque le destinataire de la décision est en mesure de se rendre compte de la portée de cette dernière, d'en comprendre les raisons et de la déférer à l'instance supérieure en connaissance de cause. En revanche, une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 ; 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; cf. aussi ATA/967/2016 du 15 novembre 2016 consid. 2b).

Une réparation devant l'instance de recours est possible si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité intimée (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_572/2011 du 3 avril 2012 consid. 2.1 et les références citées ; 1C_161/2010 du 21 octobre 2010 consid. 2.1).

5.             À teneur des art. 50 al. 2 LPFisc et 142 al. 4 LIFD, dans la procédure de recours, le tribunal de céans a les mêmes compétences que le département dans la procédure de taxation.

6.             En l'espèce, les décisions sur réclamation querellées ne contiennent effectivement pas de motivation sur la qualification de la cession des actions C______ SA.

Le tribunal relève toutefois que la réclamation du 18 novembre 2016 des recourants portait sur « la qualification de détention commerciale des actions de la société D______ SA et la prise en compte de provisions en lien avec le paiement de cotisations AVS ». Ils n'y ont fait valoir aucun grief relatif à la qualification de la cession querellée. Ainsi, faute de grief sur ce point, l’AFC-GE n’avait pas à se prononcer sur cet aspect dans ses décisions sur réclamation.

L'autorité intimée a cependant reconnu avoir, par erreur, indiqué dans sa lettre d'accompagnement de sa décision sur réclamation ICC du 9 décembre 2022 que les actions C______ SA appartenaient à la fortune privée des recourants. Avant cela, elle avait toutefois à plusieurs reprises fait savoir à ces derniers qu'elle retenait le caractère professionnel de la cession de ces actions. Ainsi, dans son courrier du 12 mars 2014 aux recourants, elle les a informés considérer cette opération comme professionnelle, sans que cela ne suscite, à teneur du dossier, de réaction de leur part. Par la suite, ce caractère professionnel a été confirmé tant par les bordereaux initiaux du 16 octobre 2016 que par ceux rectificatifs du 9 décembre 2022. Les recourants ne sauraient ainsi valablement et de bonne foi tirer un quelconque argument de cette erreur de plume, la position de l'autorité intimée sur cette question ayant toujours été claire.

En tout état, l’AFC-GE a depuis lors expliqué pour quels motifs elle avait retenu le caractère professionnel de l’opération querellée et les recourants ont pu se déterminer et faire valoir leurs arguments à cet égard.

Dès lors, une éventuelle violation de leur droit d'être entendu aurait été réparée dans le cadre de la présente procédure.

7.             Les recourants soutiennent que l’opération financière en cause relève de la gestion de leur fortune privée et qu’en conséquence, le gain en résultant n’est pas soumis aux impôts directs en tant que revenu de l’activité indépendante, mais uniquement à l’IBGI.

8.             Les art. 16 LIFD et 17 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) prévoient que l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. En lien avec la liste exemplative des art. 17 à 23 LIFD et 18 à 24 LIPP, ces deux dispositions expriment, pour l'imposition du revenu des personnes physiques, le concept de l'accroissement du patrimoine, respectivement de l'imposition du revenu global net, ainsi que la règle selon laquelle tous les revenus du contribuable sont en principe imposables, y compris les bénéfices en capital provenant de l'aliénation, de la réalisation ou de la réévaluation comptable d'éléments de la fortune commerciale (art. 18 al. 2 LIFD et 19 al. 2 LIPP). Selon les art. 16 al. 3 LIFD et 27 let. j LIPP, les gains en capital réalisés lors de l'aliénation d'éléments de la fortune privée ne sont en revanche pas imposables. Cela signifie qu'un gain en capital n'est soumis à l'impôt direct que lorsque le bien aliéné fait partie de la fortune commerciale du contribuable, non pas lorsqu'il se rapporte à sa fortune privée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_81/2023 du 18 septembre 2023 consid. 5.1 et les arrêts cités).

9.             De jurisprudence constante, la distinction entre un gain privé en capital (non imposable sur le revenu) et un bénéfice commercial en capital provenant de l'exercice d'une activité lucrative indépendante (imposable sur le revenu), dépend des circonstances concrètes du cas. La notion d'activité lucrative indépendante s'interprète largement, de telle sorte que sont seuls considérés comme des gains privés en capital exonérés de l'impôt sur le revenu ceux qui sont obtenus par un particulier de manière fortuite ou dans le cadre de la simple administration de sa fortune privée. En revanche, si l'activité du contribuable excède ce cadre relativement étroit et est orientée dans son ensemble vers l'obtention d'un revenu, l'intéressé est réputé exercer une activité lucrative indépendante dont les bénéfices en capital sont imposables. Une telle qualification peut se justifier, selon les cas, même en l'absence d'une activité reconnaissable pour les tiers et/ou organisée sur le modèle d'une entreprise commerciale, et même si cette activité n'est exercée que de manière accessoire ou temporaire, voire même ponctuelle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_81/2023 du 18 septembre 2023 consid. 5.2 et les arrêts cités).

C'est avant tout en lien avec les transactions effectuées par les particuliers sur des immeubles ou sur des titres que la jurisprudence a été amenée à dégager des critères permettant de tracer la limite entre les gains (privés) en capital et les bénéfices (commerciaux) en capital. Elle a notamment considéré que valent comme indices d'une activité lucrative indépendante dépassant la simple administration de la fortune privée les éléments suivants: le caractère systématique et/ou planifié des opérations, la fréquence élevée des transactions, la courte durée de possession des biens avant leur revente, la relation étroite entre l'activité indépendante (accessoire) supposée et la formation et/ou la profession (principale) du contribuable, l'utilisation de connaissances spécialisées, l'engagement de fonds étrangers d'une certaine importance pour financer les opérations, le réinvestissement du bénéfice réalisé ou encore la constitution d'une société de personnes. Chacun de ces indices peut conduire, en concours avec les autres voire même - exceptionnellement - isolément s'il revêt une intensité particulière, à la reconnaissance d'une activité lucrative indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_81/2023 du 18 septembre 2023 consid. 5.2 et les arrêts cités).

Ces indices sont repris dans la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) (ATA/897/2023 du 22 août 2023 consid. 5.4 ; ATA/977/2021 du 21 septembre 2021 consid. 6).

10.         Les participations au capital-actions de sociétés doivent être qualifiées de fortune commerciale lorsqu'elles ont un lien étroit avec l'activité professionnelle. Un tel lien doit notamment être admis lorsque la participation confère à son détenteur une influence déterminante, voire dominante, sur une société dont l'activité commerciale correspond à la sienne ou la complète utilement, ce qui lui permet d'étendre son activité commerciale initiale. Ce rapport peut toutefois exister même en l'absence d'une influence déterminante, l'élément décisif étant la volonté d'employer concrètement les droits de participation pour améliorer le résultat commercial de sa propre entreprise, respectivement ses chances de gain
(Arrêt du Tribunal fédéral 2C_102/2019 du 25 novembre 2019 consid. 4.1 et les arrêts cités).

Par ailleurs, une participation majoritaire n'est pas requise pour attribuer des participations à la fortune commerciale (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_1023/2011 du 10 mai 2012 consid. 6.2 et l'arrêt cité).

Pour qualifier de commercial le gain en capital réalisé par la vente d'actions d'une société immobilière, la chambre administrative a notamment tenu compte des éléments suivants : la forte implication du contribuable dans la société (il détenait un tiers du capital-actions et avait la fonction d'administrateur), le fait que la gestion de certains immeubles appartenant à la société ait été confiée à la société de gérance du contribuable, l'expérience du contribuable dans le domaine immobilier et l'important financement externe auquel il avait eu recours pour acquérir sa participation (ATA/719/2014 du 9 septembre 2014 consid. 3c).

11.         Ce qui est déterminant dans le cas de la distinction entre un gain privé en capital (non imposable sur le revenu) et un bénéfice commercial en capital provenant de l'exercice d'une activité lucrative indépendante (imposable sur le revenu), ce sont les circonstances concrètes du cas, telles qu'elles se présentent au moment de l'aliénation (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_918/2021 du 18 février 2022 consid. 3.2 et les références ; 2C_423/2019 du 25 novembre 2019 consid. 4.1 et la référence).

12.         En l'espèce, le recourant est régisseur de profession et détient un grand nombre d'immeubles, certains à titre privé et d'autres à titre commercial. Il détient également des participations dans plusieurs sociétés actives dans l'immobilier. Quoi qu'il en dise, son implication et son expérience dans le domaine immobilier ne sauraient être remises en question.

Le recourant est par ailleurs l'un des cinq membres fondateurs de la société C______ SA dont il détenait un quart du capital-actions. Bien qu'il n'avait pas une fonction d'administrateur au moment de la cession de ses actions, force est de constater qu'il jouissait d'une influence non-négligeable sur les décisions de la société grâce à sa participation. À cet égard, son argumentation reposant sur le fait que cette dernière ne serait qu'un investissement purement passif est contredite par sa propre allégation, dans sa réplique du 5 juin 2023, selon laquelle il avait lui-même confié la gérance des immeubles détenus par la société à sa propre régie. Au vu de ces éléments, il est fort douteux que le recourant n'ait joué qu'un rôle passif d'actionnaire minoritaire au sein de cette société.

Au moment de l'opération litigieuse, le recourant détenait 60 % du capital-actions de la régie D______ SA à qui la gestion des deux immeubles propriétés de C______ SA avait été confiée, ce qui accroissait directement l'activité commerciale de la régie. Conformément à la jurisprudence précitée, ce seul fait est de nature à établir un rapport économique étroit entre ces deux sociétés et, partant, le caractère commercial de la participation. Le fait que les actions du recourant dans la régie appartiennent à sa fortune privée est irrelevant.

La question de savoir si des fonds étrangers ont été utilisés par le recourant pour acquérir les actions C______ SA peut demeurer ouverte dans la mesure où même s'il fallait reconnaître que tel n'était pas le cas, cela ne suffirait pas à contrebalancer les autres éléments précités permettant de considérer que le recourant a dépassé le cadre de l'administration courante de sa fortune privée. De la même manière, le fait qu'il ait détenu ses actions durant une longue durée, soit plus de treize ans, ne saurait suffire à remettre en cause le caractère commercial de l'opération.

Compte tenu de l'ensemble des circonstances, le bénéfice réalisé par le recourant lors de la vente des actions ne peut dès lors être qualifié de gain en capital privé, obtenu de manière fortuite dans le cadre de la simple administration de sa fortune privée. Partant, en qualifiant l’opération litigieuse de commerciale, l'AFC-GE n'a pas violé le droit applicable, interprété à l'aune de la jurisprudence fédérale, étant au surplus rappelé que la notion d'activité lucrative indépendante s'interprète largement.

13.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

14.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'000.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 11 janvier 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 9 décembre 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'000.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Laurence DEMATRAZ et Stéphane TANNER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier