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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3110/2023

JTAPI/194/2024 du 07.03.2024 ( LCI ) , REJETE

Normes : LCI.137; RChant.99; RChant.31.al1; OTConst.46.al1; OTConst.46.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3110/2023 LCI

JTAPI/194/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 mars 2024

 

dans la cause

 

A______ SARL

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SARL est une société sise à B______ dont le but est l'exploitation d'une entreprise de ferblanterie.

2.             Le 5 mai 2023, Monsieur C______, employé chez A______ SARL, a été victime d'un accident de travail sur le chantier situé ______[GE], lequel lui a occasionné différentes lésions au niveau de la tête, des côtes et des omoplates.

3.             Par courrier du 1er juin 2023, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a informé A______ SARL que, lors d'un contrôle effectué le 5 mai 2023 sur place à la suite de l'accident dont avait été victime M. C______, il avait été constaté que le chantier ne se déroulait pas dans le respect des dispositions prévues par le règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant - L 5 05.03), notamment les art. 1, 3 al. 1 et 7 al. 1.

En effet, ses ouvriers travaillaient dans des conditions dangereuses pour les motifs suivants :

-          l'accès au poste de travail, situé sur le toit de la maison, se faisait par une échelle non assurée contre les glissades et les basculements, ce qui contrevenait à l'art. 20 al. 3 de l'ordonnance sur la sécurité et la protection de la santé des travailleurs dans les travaux de construction du 29 juin 2005 (Ordonnance sur les travaux de construction, OTConst - RS 832.311.141) ;

-          le poste de travail, exposé à un risque de chute supérieure à deux mètres de hauteur, n'était pas protégé par un garde-corps, ce qui contrevenait aux art. 99 al. 1 et 23 al. 1 de l'OTConst.

Un délai de 10 jours lui était imparti pour faire valoir ses observations.

4.             Le 5 juin 2023, A______ SARL a transmis ses observations. L'échelle avait été installée sur une allée en plots, en bon état et complètement stable. L'entraxe en pieds de l'échelle utilisée était de 86 cm. Elle offrait une stabilité de qualité pour monter et descendre. Elle n'avait pas provoqué la chute de M. C______, n'ayant pas basculé latéralement. En outre, la zone de travail se situait au-dessus d'une grande lucarne rampante, très peu pentue. Les travaux ne pouvaient pas être exécutés par l'intérieur (ferblanterie sur le pourtour d'une fenêtre Velux) et n'avaient pas nécessité d'allers-retours sur la toiture. M. C______ avait chuté lorsqu'il remontait à l'échelle pour récupérer deux télécommandes Velux que son collègue lui tendait et non pas pendant l'exécution proprement dite du travail autour dudit Velux. Cette situation avait marqué l'entreprise, notamment l'autre ouvrier ainsi que l'associé gérant de la société, présents sur place. Ils auraient préféré ne jamais vivre un événement si traumatisant.

5.             Par décision du 19 septembre 2023, le département, reprenant les faits tels que constatés dans son courrier du 1er juin 2023, a prononcé une amende de CHF 4'000.- à l'encontre de A______ SARL pour avoir contrevenu aux art. 1, 3 al. 1, 7 al. 1 et 99 al. 1 RChant et aux art. 20 al. 2 et 23 al. 1 de l'OTConst.

Le montant de l'amende tenait compte de la gravité objective et subjective du comportement tenu ainsi que de la récidive, notamment de l'infraction I/1______, étant relevé que l'amende lui était infligée au titre de personne morale employant des travailleurs exécutant des travaux se rapportant à l'activité du bâtiment ou du génie civil au sens de l'art. 1 al. 2 RChant.

6.             Par acte du 25 septembre 2023, A______ SARL a interjeté un recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI ou le tribunal) contre cette décision.

Les sanctions prononcées étaient inappropriées et extraordinairement sévères.

7.             Dans ses observations du 27 novembre 2023, le département a conclu au rejet du recours, avec suite de frais et dépens. Il a produit son dossier, lequel comprend notamment deux photographies du chantier.

S'agissant du principe de l'amende, il avait pu être constaté que les travaux exécutés par la recourante ne respectaient pas les conditions de sécurité nécessaires. En effet, à la suite de l'accident de M. C______, un inspecteur du département, qui s'était rendu sur place, avait constaté que les travaux s'effectuaient à une hauteur de quatre mètres, sans qu'aucun dispositif contre la chute n'eût été mis en place.

S'agissant du montant de l'amende, il était tenu compte de la récidive, l'infraction, qui mettait en danger la santé de ses ouvriers, ayant déjà été reprochée à la société cinq ans auparavant. Malgré cette première amende, la recourante avait à nouveau mis en danger la santé des ouvriers dans le chantier litigieux, étant précisé que l’un de ses ouvriers avait fait une chute de quatre mètres, ce qui lui avait occasionné d’importantes blessures à la tête, aux côtes ainsi qu’aux omoplates. Au vu du bien juridique protégé, à savoir la vie et l'intégrité des collaborateurs de la recourante, le département n'avait pas d'autre choix que d'être sévère au niveau de la sanction administrative à infliger. Enfin, la recourante ne prétendait pas que sa situation financière pourrait, d'une manière ou d'une autre, être impactée par le montant retenu.

8.             La recourante n'a pas donné suite à l'invitation de déposer une éventuelle réplique.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Il convient tout d'abord d'examiner, si, comme le soutient la recourante, l'amende litigieuse ne serait pas justifiée dans son principe.

4.             Le Conseil d'Etat fixe par règlements les dispositions relatives à la sécurité et à la prévention des accidents sur les chantiers (art. 151 let. d LCI). Sur cette base, il a adopté le RChant.

5.             La prévention des accidents sur les chantiers et les mesures à prendre pour assurer la sécurité des travailleurs, du public, des ouvrages et de leurs abords, sont réglées par les dispositions du RChant (art. 1 al. 1 RChant).

6.             Tous les participants à l'acte de construire, démolir, transformer, entretenir, c'est-à-dire toutes les personnes exécutant des travaux se rapportant à l'activité du bâtiment ou du génie civil, ainsi que les personnes physiques ou morales employant des travailleurs à cet effet et les personnes chargées de la surveillance des travaux, notamment pour le compte des bureaux d’ingénieurs, d’architectes, des entreprises générales et des coordonnateurs de sécurité et de santé, sont tenus de se conformer aux prescriptions légales sur la prévention des accidents sur les chantiers
(art. 1 al. 2 RChant).

7.             Au même titre que, par exemple, la LCI dont il tire sa base légale, le RChant s'applique en tant que réglementation d'intérêt public sur tout le territoire cantonal, sur domaine public aussi bien que privé. Son art. 1 al. 2 mentionné ci-dessus indique clairement qu'il concerne toute personne impliquée dans l'acte de construire. La définition très large du cercle de ces personnes signifie que le critère d'application du RChant n'est pas la qualité dans laquelle elles exécutent ces travaux, mais le fait qu'elles participent à l'acte de construire, et que dans cette mesure, elles déploient une activité susceptible de faire courir des dangers à elles-mêmes ou à autrui. Pour les mêmes raisons, ce règlement ne s'applique pas uniquement dans les zones vouées à la construction, mais dans toute zone, dès lors que s'y déroule une activité de construction au sens de la LCI.

8.             En l'espèce, il n'est pas contesté que la recourante emploie des travailleurs qui exécutent des travaux se rapportant à l'activité du bâtiment. Elle est donc tenue de se conformer aux prescriptions légales sur la prévention des accidents sur les chantiers au sens de l'art. 1 al. 2 RChant.

9.             Selon l'art. 2 RChant, en tant qu'elles ne sont pas déjà incorporées dans son texte, les ordonnances du Conseil fédéral sur la prévention des accidents, au nombre desquelles figure notamment l'OTConst (cf. art. 1 OTConst), font partie intégrante du présent règlement dans le domaine de la prévention des accidents (al. 2).

10.         En vertu de l’art. 3 al. 1 RChant, le travail doit s'exécuter en prenant, en plus des mesures ordonnées par le règlement, toutes les précautions commandées par les circonstances et par les usages de la profession.

11.         De façon générale, sur un chantier, les installations et autres aménagements doivent être étudiés de manière à permettre l'application de toutes les mesures de sécurité et de protection de la santé (art. 7 al. 1 RChant).

12.         Selon l'art. 9 al. 1 OTConst, les postes de travail doivent offrir toute la sécurité voulue et pouvoir être atteints par des passages sûrs. Aux fins d'assurer la sécurité des postes de travail et des passages, il faut en particulier que des protections contre les chutes au sens des art. 22 à 29 OTConst soient installées (art. 9 al. 2 OTConst).

13.         Selon l’art. 20 al. 2 OTConst, les échelles doivent être placées sur une surface résistante et être assurées de façon à ne pouvoir ni glisser, ni se renverser, ni basculer. Cette prescription figure également à l’49 al. 5 RChant.

14.         L’art. 23 al. 1 let. a OTConst prévoit qu’un garde-corps périphérique doit être installé dans les endroits non protégés lorsque la hauteur de chute est supérieure à 2 m.

Selon l’art. 99 al. 1 RChant, tout poste de travail doit être muni de garde-corps réglementaires sur toutes les faces exposées au vide dès qu’il atteint 2 m de hauteur. Ces garde-corps doivent rester en place jusqu’à l’achèvement de tous les travaux (art. 99 al. 2 RChant).

Conformément à l’art. 31 al. 1 RChant, on entend par garde-corps réglementaire une protection composée de : a) une filière supérieure à 1 m de hauteur ; b) une plinthe ; c) une filière intermédiaire à mi-hauteur. Les deux filières et la plinthe doivent avoir au moins 15 cm de largeur et 26 mm d’épaisseur. Les filières peuvent être remplacées par des perches de 8 cm de diamètre au moins ou par des tubes d’acier de résistance équivalente (al. 2).

15.         Enfin, l’art. 46 al. 1 et 2 let. a OTConst prévoit que pour les travaux d’une durée totale inférieure à deux jours-personne à effectuer sur un toit, les mesures de protection contre les chutes doivent être prises uniquement si la hauteur de chute est supérieure à 3 m. Dans tous les cas, un dispositif de sécurité avec un équipement de protection individuelle contre les chutes doit être utilisé pour des pentes de toit inférieures ou égales à 60°.

16.         En l'espèce, il ressort des photographies réalisées lors du contrôle effectué le 5 mai 2023 sur le chantier litigieux que les diverses irrégularités constatées par le département ne font pas de doute. En particulier, il en ressort à l’évidence d’importants risques de chutes de plus de trois mètres pour les ouvriers de la recourante qui étaient appelés à réaliser des travaux de ferblanterie sur le pourtour de la fenêtre Velux, sans qu’aucun moyen de protection individuelle ne soit mis en place. Le fait que, comme le prétend la recourante, l'échelle était installée sur une allée en plots, en bon état et complètement stable, que l'entraxe en pieds de l'échelle utilisée était de 86 cm, offrant une stabilité de qualité pour monter et descendre, et que la zone de travail se situait au-dessus d'une grande lucarne rampante, très peu pentue, ne suffit pas. Conformément aux dispositions susmentionnées, des mesures de protection, sous forme de garde-corps réglementaires, auraient dû être installées. Or, à teneur des constatations de l’inspecteur du département, lesquelles sont corroborées par les photographies versées à au dossier, et ne sont d'ailleurs, en soi, pas contestées par la recourante, les travaux se sont effectués à une hauteur de quatre mètres sans qu’aucune protection au sens des dispositions légales et réglementaires applicables n'eût été mise en place afin d'éviter tout risque de chute. Le fait également que, comme le soulève la recourante, la chute de M. C______ n’a pas été provoqué par un basculement latérale de l’échelle ni ne serait intervenue lors de l’exécution proprement dite du travail autour du Velux, mais lorsqu'il remontait à l'échelle pour récupérer deux télécommandes que son collègue lui tendait, n’y change rien, tout poste de travail devant être muni de garde-corps sur toutes les faces exposées au vide lorsque la hauteur de chute est supérieure à deux, respectivement trois mètres, et devant rester en place jusqu’à l’achèvement de tous les travaux. En tout état, l’exécution des travaux par les ouvriers de la recourante dans ces circonstances, en l’absence de toute mesure de protection nécessaires contre les chutes, suffit à retenir une violation des dispositions suscitées, et ce quand bien même aucun accident ne serait survenu.

Enfin, il convient de rappeler que dans les métiers de la construction, le risque de chute est très grand, comme l'illustre malheureusement le cas d'espèce, de sorte que les entreprises doivent observer scrupuleusement les prescriptions prévues par l'OTConst et le RChant. C'est dès lors à juste titre que le département a considéré que la recourante n'avait pas pris toutes les précautions nécessaires afin que la sécurité des travailleurs soit garantie au maximum et qu’ainsi, elle avait violé les dispositions légales applicables.

L'amende est ainsi fondée dans son principe.

17.         Reste à examiner si sa quotité respecte le principe de proportionnalité.

18.         Aux termes de l'art. 137 LCI, est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à 150'000.- tout contrevenant aux règlements et arrêtés édictés conformément à l'art. 151 LCI, respectivement aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (art. 334 RChant).

Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction (art. 137 al. 3 LCI). Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité et les cas de récidive (art. 137 al. 3 LCI).

Si l’infraction a été commise dans la gestion d’une personne morale, d’une société en commandite, d’une société en nom collectif ou d’une entreprise en raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom, la personne morale, la société ou le propriétaire de l’entreprise individuelle répondant solidairement des amendes. Les sanctions sont applicables directement aux sociétés ou entreprises précitées lorsqu’il n’apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables (art. 137 al. 4 LCI).

19.         Selon la jurisprudence constante, les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions, pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (cf. not. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7c ; ATA/206/2020 du 25 février 2020 consid. 4b ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6b ; ATA/1030/2018 du 2 octobre 2018 consid. 9b ; ATA/319/2017 du 21 mars 2017 consid. 3c et les références citées).

20.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (comme notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 2 et 3 et 107 CP ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014 ; ATA/791/2013 du 3 décembre 2013 ; ATA/74/2013 du 6 février 2013 ; ATA/71/2012 du 31 janvier 2012).

Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (ATA/886/2014 du 11 novembre 2014 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014 ; ATA/791/2013 du 3 décembre 2013 ; ATA/74/2013 du 6 février 2013 et la référence citée).

L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_412/2014 du 27 janvier 2015 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/611/2016 précité du 12 juillet 2016 consid. 10c et les références citées ; ATA/824/2015 du 11 août 2015).

Néanmoins, toujours selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et, selon l'art. 47 CP, jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/569/2015 du 2 juin 2015 ; ATA/886/2014 du 11 novembre 2014), le juge ne la censurant qu'en cas d'excès (ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/124/2016 du 9 février 2016 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 ; ATA/147/2014 du 11 mars 2014). L'autorité ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (cf. ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1).

L'amende doit également respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 Cst. (ATA/611/2016 précité consid. 10c et les références citées ; ATA/824/2015 du 11 août 2015), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (cf. ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; 139 I 218 consid. 4.3).

21.         À teneur de la jurisprudence, un montant de CHF 5'000.- est a priori adapté aux ressources financières d'une personne morale et correspond à une pratique relativement régulière du département (ATA/422/2020 du 30 avril 2020 consid. 18d et les références citées).

22.         En l’espèce, les manquements qui sont reprochés à la recourante, soit le fait d'avoir laissé ses ouvriers s'exposer à d'importants risques de chutes aux conséquences graves, voire létales, se rapportent à des règles essentielles visant à assurer la sécurité d'un chantier aux fins de prévenir des risques d'accidents potentiellement très graves pour les ouvriers y travaillant, ce qui justifie le prononcé d'une amende élevée. Il faut souligner que le collaborateur de la recourante a été victime d'une chute qui lui a occasionné différentes lésions au niveau de la tête, des côtes et des omoplates, mais qui aurait aussi pu entraîner la mort ou une atteinte grave et irréversible à son intégrité physique. En outre, dans sa décision querellée, le département a très clairement indiqué à la recourante les motifs qui l'ont poussé à infliger une telle amende, à savoir la gravité objective et subjective du comportement tenu, soit la mise danger du public et des ouvriers, et son caractère récidiviste. Il ressort des éléments du dossier que cette dernière, déjà condamnée en raison d'une mise en danger de la santé de ses ouvriers (dossier d’infraction I/1______), pouvait d’autant moins ignorer ses obligations légales. Le département a visiblement fait application du principe de proportionnalité dans ce cadre, puisqu'il a prononcé une amende somme toute modérée par rapport au maximum prévu par la loi, par rapport à sa pratique en matière d'amendes pour infractions au RChant (dont la jurisprudence du tribunal donne un aperçu) et à la faute sérieuse commise par la recourante. Par ailleurs, cette dernière ne démontre pas ni ne soutient que le paiement de cette amende l'exposerait à des difficultés financières particulières.

Partant, le département n'a pas excédé son pouvoir d'appréciation en fixant le montant de l'amende à CHF 4'000.-.

23.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

24.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 900.- versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l'avance de frais, soit CHF 200.-, sera restitué à la recourante. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

 

1.             déclare recevable le 25 septembre 2023 par A______ SARL contre la décision du département du territoire du 9 septembre ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l'avance de frais, soit CHF 200.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Saskia RICHARDET VOLPI et Patrick BLASER, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière