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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1831/2022

JTAPI/149/2024 du 21.02.2024 ( LCR ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : PERMIS DE CONDUIRE;RETRAIT DE PERMIS;EXPERTISE MÉDICALE
Normes : LCR.14.al1; LCR.16d.al1.letb; LCR.14.al2.letc; LCR.16.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1831/2022 LCR

JTAPI/149/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 21 février 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Patrick BLASER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 

 

 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1946, est titulaire d'un permis de conduire pour les catégories A, B, D1, F, G et M.

2.             Le 4 mars 2022, la police a rédigé un rapport de renseignements à l’attention de l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) afin de l'informer que M. A______ n'était clairement plus apte à pouvoir conduire un véhicule automobile. Lors d’une patrouille, elle avait constaté que son véhicule de marque B______, immatriculé GE 1______, était stationné sur la chaussée à la hauteur du numéro ______[GE], ce qui dérangeait les autres usagers de la route, très étroite à cet endroit. Après quelques recherches, la police avait retrouvé M. A______ attablé à la terrasse d’un établissement voisin. Il tenait des propos incohérents, littéralement "à côté de la plaque" et n’était pas en mesure de répondre aux questions qu'on lui posait.

3.             Par courrier du 14 mars 2022, l’OCV a fait savoir à M. A______ qu'à sa connaissance, il existait des doutes quant à son aptitude à la conduite des véhicules à moteur. Dès lors, pour des raisons évidentes de sécurité, il était dans l'obligation de lui demander de se soumettre, à ses frais et dans le délai d'un mois, à un examen d'évaluation de son aptitude à la conduite des véhicules des catégories A, A1, B, BE, B1, D1, D1E, F, G et M figurant sur son permis de conduire, le priant ainsi de contacter à cette fin le Dr. C______, médecin conseil.

4.             Le 19 avril 2022, le Dr C______ a établi un rapport d'expertise médicale de niveau 3 concernant M. A______.

Il avait examiné l'intéressé le 6 avril 2022. Ses conclusions se basaient sur le courrier de l'OCV du 14 mars 2022, le questionnaire médical du 6 avril 2022, le test MOCA du 6 avril 2022, l'expertise du 6 avril 2022, son entretien téléphonique avec le Dr. D______ du 6 avril 2022 dont il ressortait "une ancienne consommation d'alcool avec multiples hospitalisations, il avait stoppé la consommation. Reprise récente dans un contexte de problèmes personnels" et un examen sanguin du 7 avril 2022.

A l'anamnèse, M. A______ rapportait une ancienne consommation d'alcool avec plusieurs hospitalisations, un sevrage de plus de dix ans et la reprise récente de la consommation d'alcool estimée à un verre de vin maximum. Concernant le 25 février, il ne se souvenait pas des faits. Sa dernière consommation remontait au week-end précédent. Il s'agissait d'un verre de vin rouge.

L’expertisé avait une consommation excessive d’alcool qu’il ne reconnaissait pas. Ce que le policier avait constaté le 25 février 2022 était probablement un état d’ébriété. Il était inapte à la conduite des véhicules à moteur du groupe 1.

5.             Par décision du 3 mai 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours et prise en application de l'art. 16d al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), l'OCV a retiré le permis de conduire toutes catégories, sous catégories et catégories spéciales de M. A______ pour une durée indéterminée. La levée de la mesure était subordonnée à la présentation d'un rapport d'expertise établi par le Dr C______, lequel devrait se déterminer favorablement quant à son aptitude à la conduite.

6.             Par acte du 3 juin 2022, M. A______, sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) et conclu à son annulation.

Le Dr C______ s'était contenté d'indiquer qu'il était inapte à la conduite. Il avait retenu arbitrairement qu'il était probablement en état d'ébriété le 25 février 2022. Il n’avait effectué aucun des tests préconisés par la jurisprudence, notamment une analyse des cheveux, dans le cadre de l’établissement d’une expertise ordonnées dans le cadre d’un retrait de sécurité. Il n’avait ainsi pas démontré que M. A______ était sujet à une consommation d’alcool nuisible pour la santé ou à des abus d’alcool pouvant constituer une inaptitude à la conduite ou, à tout le moins, démontré qu’il n’arrivait pas à dissocier la conduite de la consommation d’alcool. De même, il n’avait effectué aucune vérification visant à déterminer si trois des six manifestations du syndrome de dépendance auraient été présentées en même temps au cours de la dernière année. Il s’était ainsi fondé sur des éléments de faits manifestement insuffisants. L’expertise médicale du Dr C______ ne pouvait ainsi par constituer une base suffisante pour justifier le retrait de sécurité. Au surplus, il n'avait fait l'objet d'aucune mesure administrative inscrite au registre SIAC.

7.             Dans ses observations du 8 août 2022, l'OCV a conclu au rejet du recours et sollicité l'audition du Dr C______.

8.             Dans sa réplique du 31 octobre 2022, le recourant a persisté dans son argumentaire et les conclusions prises à l'appui de son recours.

9.             Par duplique du 21 novembre 2022, l'OCV a soulevé que l'examen sanguin du 7 avril 2022 avait révélé un résultat de 1'200 ug/l, compatible avec une consommation excessive d'éthanol. Le seuil à partir duquel une consommation excessive d'alcool était constatée s'élevait é 210 ug/l, ce qui était 5.7 fois inférieur au résultat du recourant.

10.         Le 25 novembre 2022, le recourant s'en est remis à justice s'agissant de l'audition du Dr. C______ et a persisté dans ses conclusions.

11.         Le 29 août 2023, le tribunal a procédé à l'audition du Dr. C______.

M. A______ avait rempli un questionnaire dans lequel il avait reconnu une consommation à risque, à savoir une consommation ancienne. Dans ce questionnaire il avait répondu oui à la question : "Avez-vous des problèmes d'alcool?". Il avait également expliqué avoir eu une consommation ancienne, avec plusieurs hospitalisations et avoir été sevré pendant dix ans avant une reprise de sa consommation récemment. L'examen médical ne montrait pas en soi de signe d'alcoolisation aigue. Il n'était pas agité, était collaborant et calme. Au niveau ORL, il avait découvert une rhinophyma, pathologie typique d'une consommation chronique d'alcool, ancienne ou récente. L'examen neurologique ne montrait pas de signes de consommation particuliers. D'un point de vue visuel, il était inapte à la conduite sans correction. Il s'agissait d'une deuxième cause d'inaptitude. Il lui avait fait passer le MOCA test, destiné à dépister les troubles cognitifs. Dans son rapport, il était indiqué qu'il avait passé l'examen avec un score de 28/30, alors qu'en réalité le score était de 25/30. Il s'agissait d'une erreur de plume qui ne changeait rien à l'évaluation finale du MOCA test. Les points perdus l'avaient été sur la fluidité du langage et le rappel de mots que M. A______ devait répéter après quelques minutes. Vu la reconnaissance de problèmes anciens d'alcool, il avait demandé à l'intéressé d'effectuer un examen sanguin auprès d'UNILABS pour la recherche du PETH. Son résultat était de 1200 ug/l. Il s'agissait d'une valeur extrêmement élevée. Moins de 20 ug/l, la personne était abstinente, de 20 à 40 ug/l, la consommation ne dépassait pas trois verres par semaine et plus de 210 ug/l signifiait une consommation excessive d'alcool, soit un minimum de trois verres d'alcool par jour durant les trois dernières semaines avant le prélèvement ou au minimum dix verres quotidiennement durant les trois jours précédents les prélèvements. M. A______ était bien au-delà. Le médecin de ce dernier, le Dr D______, lui avait expliqué que son patient avait été plusieurs fois hospitalisé à la Métairie, qu'il avait repris sa consommation d'alcool suite à des problèmes personnels et qu'il avait l'habitude de boire de l'alcool dans le bistrot du village. Il était désolé de le voir évoluer de la sorte, alors que c'était un exemple pour la Métairie jusqu'alors.

A teneur des résultats d'UNILABS, en raison du déni de consommation de l'intéressé, de ses antécédents de consommation et de ses hospitalisations, il avait déclaré M. A______ inapte à la conduite automobile. Il avait particulièrement été dérangé par le déni de consommation de l'intéressé. Ce dernier avait par exemple indiqué avoir bu un seul verre le week-end précédent l'expertise alors que c'était impossible vu les résultats des analyses sanguines. D'un point de vue de la situation routière, le risque était qu'il soit dans le déni de sa consommation et qu'il prenne le volant alcoolisé. Ce qui ne convenait pas dans la situation de M. A______, c'était lorsqu'il disait qu'il avait une consommation ancienne alors que ce n'était pas le cas. Il n'avait pas constaté de signes physiques démontrant une consommation d'alcool. C'était en se basant sur le questionnaire médical, l'anamnèse, son entretien avec son médecin traitant, le résultat des examens sanguins, le fait qu'il ne reconnaissait pas sa consommation, ses antécédents, les hospitalisations et sa consommation récente qu'il avait conclu à l'inaptitude à la conduite de M. A______. S'il avait indiqué qu'il était probablement en état d'ébriété lors des événements du 25 février 2022, c'était car selon le rapport de police, il se trouvait dans un café du village et qu'il tenait des propos incohérents. Le résultat du test MOCA du 6 avril 2022, démontrait qu'il n'avait pas de problèmes cognitifs. Il n'avait pas de preuves qu'il était alcoolisé ce jour-là, mais d'un point de vue médical, cela corroborait avec une consommation d'alcool. Rien dans son dossier médical ne permettait de retenir des troubles psychiques invalidants. Il était peu probable que les propos incohérents tenus le 25 février 2022 soient dus à autre chose que l'alcool. Sa seule pathologie était un asthme sévère nécessitant un traitement par ANORO. Il n'avait pas d'autres pathologies, notamment vasculaire ou neurologique pouvant expliquer de tels propos incohérents. Il n'y avait aucun élément psychiatrique dans le dossier non plus. Ce qui était inquiétant c'était que M. A______ ne se souvenait pas des événements du 25 février 2022 lorsqu'il lui en avait parlé. Cela s'inscrivait plus dans une alcoolisation aigue avec une amnésie due à l'alcool.

Le Dr. C______ a transmis au tribunal une copie du questionnaire de santé, la note d'entretien téléphonique avec le Dr D______, les résultats d'analyses d'UNILABS ainsi que le test MOCA.

12.         Dans ses observations du 29 septembre 2023, le recourant a réitéré que le Dr. C______ n'avait effectué aucun des tests exigés par la jurisprudence afin d'identifier une dépendance à l'alcool. Un abus d'alcool constituait une inaptitude à la conduite si l'expertise démontrait que l'intéressé n'arrivait pas à dissocier la conduite de la consommation d'alcool. Pour ce faire, il fallait qu'au moins trois des manifestations suivantes soient présentes habituellement (CIM-10) : 1) désir irrésistible de consommer de la substance 2) difficultés à contrôler l'utilisation de la substance 3) syndrome de sevrage physiologique quand le sujet diminue ou arrête la consommation de la substance 4) tolérance 5) repli, abandon progressif d'autres sources de plaisir et d'intérêts au profit de la consommation de la substance 6) poursuite de la consommation malgré la survenue de conséquences manifestement nocives, ce qui n'avait pas été le cas. Le Dr. C______ avait uniquement procédé à une recherche PETH, marqueur ne figurant pas parmi ceux exigé par le Tribunal fédéral. Son examen ne comportait aucune analyse du comportement de sa consommation mais uniquement des impressions subjectives. Il semblait s'être focalisé sur son prétendu déni de consommation, sans procéder aux vérifications démontrant qu'il n'arriverait pas à dissocier la conduite de la consommation d'alcool. Au vu de ces éléments, les démarches effectuées par le Dr. C______ n'auraient pas dû conduire l'OCV à prononcer un retrait de sécurité à son encontre.

13.         Le 1er novembre 2023, l'OCV n'a pas fait valoir d'observations complémentaires mais a persisté intégralement dans les termes de la décision querellée.

14.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que de besoin.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 14 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l’aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite. Est apte à la conduite, aux termes de l'art. 14 al. 2 LCR, celui qui a atteint l’âge minimal requis (let. a), a les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b), ne souffre d’aucune dépendance qui l’empêche de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) et dont les antécédents attestent qu’il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d).

4.             Aux termes de l'art. 16d al. 1 let. b LCR, qui met en œuvre les principes posés aux art. 14 al. 2 let. c et 16 al. 1 LCR, le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée à la personne qui souffre d'une forme de dépendance la rendant inapte à la conduite.

5.             L'existence d'une dépendance à l'alcool est admise si la personne concernée consomme régulièrement des quantités exagérées d'alcool, de nature à diminuer sa capacité à conduire des véhicules automobiles, et qu'elle se révèle incapable de se libérer ou de contrôler cette habitude par sa propre volonté. La dépendance doit être telle que la personne intéressée présente plus que tout autre automobiliste le risque de se mettre au volant dans un état ne lui permettant plus d'assurer la sécurité de la circulation. La notion de dépendance au sens des art. 14 al. 2 let. c et 16d al. 1 let. b LCR ne recoupe pas la notion médicale de dépendance à l'alcool, dans la mesure où la première permet déjà d'écarter du trafic les personnes qui, par une consommation abusive d'alcool, se mettent concrètement en danger de devenir dépendantes au sens médical (ATF 129 II 82 consid. 4.1; arrêts du Tribunal fédéral 1C_131/2022 du 18 avril 2023 consid. 4.3 ; 1C_139/2023 du 11 août 2023 consid. 3.1).  

6.             Cette mesure constitue un retrait de sécurité (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 122 II 359 consid. 1a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1 ; 1C_384/2011 du 7 février 2012 consid. 2.3.1), en ce sens qu'elle ne tend pas à réprimer et ne supposent pas la commission d'une infraction fautive à une règle de la circulation, mais est destinée à protéger la sécurité du trafic contre les conducteurs inaptes (cf. not. ATF 133 II 331 consid. 9.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_819/2013 du 25 novembre 2013 consid. 2 ; 6A.33/2001 et 35/2001 du 30 mai 2001 consid. 3a ; 6A.114/2000 du 20 février 2001 consid. 2).

7.             La décision de retrait de sécurité du permis pour cause d'inaptitude à la conduite au sens de l'art. 16d al. 1 let. b LCR constitue une atteinte grave à la personnalité et à la sphère privée de la personne intéressée ; elle doit donc reposer sur une instruction précise des circonstances déterminantes (ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C 139/2023 du 11 août 2023 consid. 3.1 ; 1C_459/2022 du 9 mars 2023 consid. 3.1). L'autorité compétente doit, avant d'ordonner un tel retrait, éclaircir d'office la situation de la personne concernée.

8.             Si elle met en œuvre une expertise, l'autorité est liée par celle-ci et ne peut s'en écarter que si elle a de sérieux motifs de le faire (ATF 142 IV 49 consid. 2.1.3 ; 140 II 334 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C 139/2023 précité consid. 3.1 ; 1C_294/2018 du 21 septembre 2018 consid. 5.1). Il faut que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport d'expertise se fonde sur des examens complets, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 125 V 351 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 1C 139/2023 précité consid. 3.1 ; 1C_152/2019 du 26 juin 2019 consid. 3.1).

9.      Le rôle du médecin, en particulier du médecin-expert, est de décrire l'état clinique d'un intéressé et en aucune manière de se prononcer sur l'opportunité ou la nécessité de retirer son permis de conduire. La chose est d'autant plus vraie que certains concepts de la médecine n'ont pas la même portée en droit de la circulation routière. Cette considération doit toutefois être nuancée lorsque l'autorité compétente, administrative ou judiciaire, comme en l'espèce, demande au médecin de se prononcer également sur l'aptitude à conduire d'un conducteur. Il n'en demeure pas moins qu'il appartient fondamentalement à l'autorité administrative, respectivement au juge, d'apprécier les éléments médicaux du rapport du médecin, puis de répondre à la question - de droit - de savoir si l'aptitude de l'intéressé est ou non donnée. L'autorité administrative, respectivement le juge, apprécient librement les preuves figurant au dossier ; cette considération est toutefois relativement théorique, dans la mesure où la liberté de l'autorité trouve sa limite dans l'interdiction de l'arbitraire : si le juge n'est en principe pas lié par les conclusions de l'expert médical, il ne peut s'en défaire, sous peine de violer l'art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (protection contre l'arbitraire), qu'en exposant les motifs déterminants et les circonstances bien établies qui lui commandent d'agir de la sorte. Par contre, lorsque les conclusions médicales paraissent insuffisantes ou lacunaires, le juge se doit de les faire compléter (Cédric MIZEL, "Aptitude à la conduite automobile, exigences médicales, procédure d'examen et secret médical", AJP/PJA 2008 p 596 ; cf. aussi ATF 133 II 384 consid. 4.2.3 ; 118 Ia 144 consid. 1c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2008 du 23 février 2009 consid. 2.2).

10.         Le permis de conduire retiré pour une durée indéterminée peut être restitué à certaines conditions après expiration d’un éventuel délai d’attente légal ou prescrit si la personne concernée peut prouver que son inaptitude à la conduite a disparu (art. 17 al. 3 LCR). Il découle de cet article que la restitution du droit de conduire après un retrait de sécurité prononcé en raison d'une dépendance peut être soumise à des conditions (arrêt du Tribunal fédéral 1C_139/2023 précité consid. 4.1). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'automobiliste devra apporter la preuve de son aptitude par une abstinence contrôlée pendant une période fixée habituellement entre six et douze mois (ATF 131 II 248 consid. 4.1; 129 II 82 consid. 2.2; arrêts du Tribunal fédéral 1C 139/2023 du 11 août 2023 consid. 4.1).

11.         En l'occurrence, le litige est circonscrit à la contestation du retrait du permis de conduire pour une durée indéterminée prononcée par l'OCV.

12.         Ayant conçu des doutes quant à l'aptitude à la conduite du recourant après avoir reçu une dénonciation le concernant, l'OCV a légitimement ordonné une enquête sous la forme d'une expertise médicale. Il s'est fondé, sans que cela ne soit discutable, sur les conclusions du rapport d'expertise du Dr. C______ pour nier l'aptitude à la conduite du recourant.

13.         Celui-ci fait grief à l'expert d'avoir retenu qu'il présentait une dépendance à l'alcool. Selon lui, une telle dépendance nécessite que trois critères issus de la Classification internationale des maladies de l'OMS (CIM-10) soient réunis, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Il considère qu'il n'a pas été établi qu'il était dépendant à l'alcool et implicitement qu'il présente plus de risque que toute autre de se mettre au volant dans un état ne garantissant pas une conduite sûre.

Pour fonder ses conclusions, l'expert s'est basé sur le résultat sanguin démontrant une consommation d'éthanol excessive dans les trois semaines précédant le prélèvement, une reprise de la consommation suite à des problèmes personnels après un sevrage de plus de dix et plusieurs hospitalisations dues à l'alcool, une absence de trouble cognitif pouvant expliquer l'état dans lequel le recourant se trouvait le 25 février 2022, le fait qu'il ne se souvenait plus des événements du 25 février 2022, le déni de consommation de l'intéressé et le risque qu'il pourrait prendre le volant alcoolisé en raison d'une sous-estimation de sa consommation.

L'expert a ainsi effectué une étude circonstanciée, s'est basé sur des examens complets, notamment par une anamnèse et différents tests pour parvenir à des conclusions dûment motivées. N'ayant aucun motif sérieux de s'écarter de cette expertise claire et concise, l'OCV ne pouvait pas s'en écarter. Se fondant sur celle-ci, il a retenu une dépendance à l'alcool au sens juridique de l'art. 16d al. 1 let. b LCR et non pas au sens médical. 

14.         Enfin, l'autorité intimée a prononcé la seule mesure prévue par la loi, laquelle dispose que, dans de telles circonstances, le retrait de sécurité est obligatoirement prononcé pour une durée indéterminée (art. 16d al. 1 LCR).

Il sera également souligné que la mesure pourra être levée sur présentation d'un rapport d'expertise favorable établi par le Dr. C______.

15.         Partant, le recours sera rejeté et la décision de l'OCV confirmée.

16.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 800.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 16 mai 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 4 mai 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant, un émolument de CHF 800.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La Présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier