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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/357/2024

JTAPI/90/2024 du 02.02.2024 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.75.al1.leth; LEI.76.al1.letb.ch1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/357/2024 MC

JTAPI/90/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 2 février 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Philippe GIROD, avocat

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1994, est originaire de Bosnie et Herzégovine. Démuni de tout document d'identité, il a été condamné par le Ministère public genevois, les 18 et 23 novembre 2022, pour entrée illégale, séjour illégal, tentative de vol (art. 22 et 139 ch. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)), vol (art. 139 ch. 1 CP), utilisation frauduleuse d'un ordinateur et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (en raison de la violation de l'interdiction de pénétrer sur le territoire genevois prononcée par le commissaire de police le 18 novembre 2022 pour une durée de douze mois.

2.             Le 21 septembre 2022, M. A______ a déposé une demande d'asile au centre fédéral pour requérants d'asile (CFA) de Bâle. Il a toutefois disparu le 28 septembre 2022, de sorte que sa demande d'asile n'a pas été enregistrée dans le système SYMIC.

3.             Par jugement du 24 janvier 2024, le tribunal de police a déclaré M. A______ coupable de vol (art. 139 ch. 1 CP), de violation de domicile, de dommage à la propriété, d'infraction à l'art. 119 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) (art. 19 al. 1 let. c et d) et l'a condamné à une peine privative de liberté de douze mois, sous déduction de 365 jours de détention avant jugement. Simultanément, l'autorité de jugement a ordonné l'expulsion de Suisse de M. A______ pour une durée de cinq ans ainsi que son maintien en détention pour des motifs de sûreté jusqu'au 1er février 2024.

4.             Dès la mesure d'expulsion prononcée à l'encontre de M. A______, les autorités genevoises ont initié une demande de soutien à l'exécution du renvoi auprès du secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM). Selon les informations transmises par l'autorité fédérale compétente, la réponse des autorités de Bosnie et Herzégovine aux demandes de réadmission parvient dans un délai maximum de quatre semaines.

5.             Il ressort de rapports de police datés des 18 novembre 2022, 7 janvier 2023 et 26 janvier 202, que M. A______ n'a aucun lieu de résidence fixe en Suisse, aucun lien particulier avec ce pays, ni aucune source légale de revenu. Par ailleurs, il a fait savoir qu'il ne souhaitait pas obtenir les coordonnées d'un organisme d'aide au retour susceptible de l'accompagner dans ses démarches visant à son retour dans son pays d'origine et qu'il refusait de prendre l'engagement de contacter la représentation diplomatique de son pays d'origine en vue de son rapatriement.

6.             A sa sortie de prison, le 1er février 2024, M. A______ a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

7.             Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois mois, considérant notamment qu'il avait été condamné pour vol.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s'opposait pas à son renvoi en Bosnie et Herzégovine.

8.             Lors de l’audience de ce jour devant le tribunal, M. A______ ne s’est pas présenté.

Sur question du conseil de M. A______, la représentante du commissaire de police a indiqué qu’il n'y avait pas de décision administrative de renvoi dans ce dossier, en précisant, selon une pièce qu’elle produisait à l’audience, que le service protection, asile et retour (SPAR) s'était enquis de savoir si le Ministère public allait requérir une expulsion judiciaire à l’encontre de M. A______, à quoi il lui avait été répondu positivement.

Elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

Le conseil de M. A______ a conclu à l’annulation de l’ordre de mise en détention administrative et à sa mise en liberté immédiate.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 1er février 2024 à 14h30.

3.             L'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 lettre h LEI, permet d'ordonner la détention administrative d'un ressortissant étranger afin d'assurer l'exécution d'une décision de renvoi ou d'expulsion notifiée à celui-ci, lorsque la personne concernée a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de 3 ans (art. 10 al. 2 CP).

4.             On précisera également, comme cela ressort du texte même de l'art. 76 al. 1 LEI ("décision de première instance de renvoi ou d'expulsion") et de la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, que la détention en vue du renvoi n'impliquera pas que la décision de renvoi sur laquelle elle repose soit définitive et exécutoire (cf. not. ATF 130 II 377 consid. 1 ; 129 II 1 consid. 2 ; 122 II 148 consid. 1 ; 121 II 59 consid. 2a).

5.            En l'occurrence, M. A______ fait l'objet d'une expulsion judiciaire prononcée par le Tribunal de police le 24 janvier 2024 pour une durée de cinq ans, cette juridiction l'ayant reconnu coupable notamment de vol, soit d'une infraction constitutive de crime.

6.            Que cette expulsion judiciaire ne soit pas définitive, comme le relève le Conseil de M. A______, n'est pas contraire aux conditions de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, compte tenu de la jurisprudence rendue à ce sujet et rappelée plus haut. Quant au fait que l'art. 69 al. 1 let. c LEI prévoit que l’autorité cantonale compétente exécute le renvoi ou l’expulsion d’un étranger lorsqu'il se trouve en détention en vertu de l’art. 76 ou 77 LEI et que la décision de renvoi ou d’expulsion au sens de la présente loi ou la décision d’expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP172 ou 49a ou 49abis CPM173 est entrée en force, ceci n'entre pas en contradiction avec ce qui vient d'être dit. En effet, le caractère non définitif de la décision d'expulsion n'affecte pas la détention elle-même, mais fait obstacle à l'exécution du renvoi. Il s'agit clairement de deux aspects distincts.

7.            Ainsi, sur le principe, la détention administrative de M. A______ remplit les conditions prévues par les dispositions légales susmentionnées, sans qu'il importe d'examiner si les motifs de détention alternatifs sur lesquels le Commissaire de police a fondé sa décision sont eux aussi réalisés.

8.             Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

9.             Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

10.        Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

11.        En l'espèce, M. A______ n'a pas contesté par la bouche de son Conseil la proportionnalité de sa détention.

Sur le principe, cette mesure apparaît en effet comme la seule qui soit apte à permettre d'exécuter son renvoi, vu le peu de cas que M. A______ a fait jusqu'ici des décisions le concernant ou tout simplement de l'ordre juridique suisse.

En outre, les autorités suisses compétentes ont agi avec célérité.

Enfin, s'agissant de la durée de la détention, prononcée pour trois mois, elle s'avère a priori justifiée, étant donné les différentes étapes du processus qui aboutira à l'exécution du renvoi de M. A______, à commencer par l'obtention de la réponse des autorités de Bosnie et Herzégovine qui peut prendre jusqu'à quatre semaines et qui conditionne la suite du processus.

12.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

13.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 1er février 2024 à 15h21 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 30 avril 2024 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière