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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2653/2023

JTAPI/2/2024 du 03.01.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : RECONSIDÉRATION;AUTORISATION DE SÉJOUR;RESPECT DE LA VIE FAMILIALE
Normes : LPA.48; CEDH.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2653/2023

JTAPI/2/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 3 janvier 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Butrint AJREDINI, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, ressortissant turc né le ______ 1982, est arrivé en Suisse le 30 novembre 2001.

2.             Le 11 janvier 2002, il a obtenu une autorisation de séjour pour études, régulièrement renouvelée jusqu’en juillet 2004.

3.             Par décision du 6 juillet 2005, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de renouveler son autorisation de séjour pour études et a prononcé son renvoi de Suisse.

4.             M. A______ a ensuite déposé une demande de prise d’emploi et une demande d’autorisation de séjour afin de pouvoir prétendre à la naturalisation facilitée. Ces demandes ont été refusées et les différents recours y relatifs rejetés. Son renvoi a été prononcé et un délai lui a été imparti au 31 octobre 2006 pour quitter la Suisse.

5.             Le 22 janvier 2007, il a épousé à Genève une ressortissante française, titulaire d'une autorisation de séjour en Suisse. Il a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour au titre du regroupement familial, renouvelée jusqu'au 31 août 2010.

6.             Le 3 octobre 2014, il a été condamné à une peine pécuniaire de soixante jours-amende, avec sursis pendant trois ans, et une amende de CHF 500.- pour conduite d'un véhicule non couvert par l'assurance-responsabilité civile et non-restitution de permis ou de plaques, ainsi qu'à une amende de CHF 200.- pour infraction à l'art. 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

7.             Par décision du 9 mars 2016, l'OCPM a refusé de renouveler son autorisation de séjour et a prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 26 avril 2016 pour quitter le territoire.

Au vu des éléments au dossier, l’intéressé abusait de son droit d'obtenir une autorisation de séjour. Il était séparé de son épouse depuis le mois de janvier 2010. Cette dernière avait quitté la Suisse à une date indéterminée pour s’établir en France et était depuis lors décédée. L’union conjugale avait duré moins de trois ans et son retour en Turquie était envisageable. Dans la mesure où il était retourné trois années consécutives dans son pays d’origine pour une durée de quatre semaines complètes, il y avait lieu de supposer qu'il entretenait des rapports étroits avec certaines personnes de son entourage turc. L’exécution de son renvoi paraissait possible, licite et raisonnablement exigible.

8.             Par jugement du 7 novembre 2016 (JTAPI/1______/2016), entré en force, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal) a rejeté le recours interjeté par M. A______ contre la décision précitée, considérant qu'aucune raison personnelle majeure ne justifiait le maintien de son autorisation de séjour.

9.             Par courrier du 31 janvier 2017, l’OCPM lui a imparti un nouveau délai au 7 mars 2017 pour quitter la Suisse.

10.         Le 29 mars 2017, M. A______ a sollicité la régularisation de ses conditions de séjour sous l’angle de l’opération « Papyrus ».

11.         Le 15 mai 2017, l’OCPM lui a fait savoir qu’il n’était pas éligible à ladite opération.

12.         Le 30 janvier 2018, la police a procédé à l'exécution du renvoi de M. A______ en Turquie.

13.         Le 7 novembre 2019, ce dernier a saisi l’OCPM d’une nouvelle demande d’autorisation de séjour en application des art. 30 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 31 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

14.         Par décision du 12 août 2021, l’OCPM a refusé de préaviser favorablement son dossier auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas individuel d’une extrême gravité et a prononcé son renvoi, lui impartissant un délai au 12 octobre 2021 pour quitter la Suisse.

15.         Par jugement du 2 mai 2022 (JTAPI/2______/2022), le tribunal a rejeté le recours interjeté par M. A______ contre la décision précitée. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) du 23 août 2022 (ATA/3______/2022).

16.         Par courrier du 10 novembre 2022, l’OCPM lui a imparti un nouveau délai au 31 janvier 2023 pour quitter la Suisse.

17.         Le 30 janvier 2023, sous la plume de son conseil, M. A______ a demandé la reconsidération de la décision du 12 août 2021. Il vivait auprès de son père, Monsieur B______, ressortissant suisse, et s’occupait de lui en qualité de proche-aidant en effectuant ses courses, son ménage et en l’accompagnant à ses divers rendez-vous médicaux. Son frère, Monsieur C______, résidait également à Genève au bénéfice d’un permis C.

À l’appui de sa demande, il a produit un contrat de travail, des fiches de salaire, une attestation de l’Hospice général et un extrait de casier judiciaire.

18.         Par courrier du 21 mars 2023, l’OCPM lui a fait part de son intention de refuser d’accéder à sa requête de reconsidération, lui impartissant un délai de trente jours pour exercer son droit d’être entendu.

Les éléments invoqués constituaient des faits nouveaux au sens de l’art. 48 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10) devant être pris en considération dans l’examen de sa situation actuelle, de sorte qu’il acceptait d’entrer en matière sur la demande de reconsidération.

Au fond, M. A______ ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité. L’identité de son père, telle qu’indiquée, était inconnue du registre de la population. En conséquence, ni le statut ni le lien de parenté n’avaient été justifiés. Par ailleurs, quand bien même ces éléments seraient démontrés, soit que son père vivait effectivement à Genève et qu’il serait de nationalité suisse, ce dernier pourrait bénéficier de toutes les aides médicales et d’accompagnement nécessaires dans sa prise en charge quotidienne. De plus, le frère allégué, dont le lien de parenté n’avait pas non plus été justifié, étant déjà domicilié à Genève et au bénéfice d’une autorisation d’établissement valable, serait à même d’apporter le soutien nécessaire à son père.

19.         Le 24 avril 2023, M. A______ a exercé son droit d’être entendu. Son frère travaillait à temps plein, comme son épouse, et avait deux enfants à charge, scolarisés à Genève. Il n’était donc pas en mesure de s’occuper de leur père, âgé de septante ans et qui ne parlait que très peu le français.

Il a produit des lettres de soutien de connaissances.

20.         Par décision du 21 juin 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM est entré en matière sur la demande de reconsidération, mais a refusé de reconsidérer la décision du 12 août 2021. M. A______ devait par conséquent se conformer sans délai à la décision de renvoi entrée en force.

L’état de santé de son père n’avait jamais été invoqué tout au long de son séjour en Suisse lors de ses diverses demandes et aucun certificat médical n’avait été fourni. De plus, le lien de filiation n’était pas établi à satisfaction, l’acte de naissance ne comportant pas l’apostille de la convention de La Haye. Par ailleurs, quand bien même ces éléments seraient démontrés, le père de l’intéressé pouvait bénéficier de toutes les aides médicales et mesures d’accompagnement nécessaires dans sa prise en charge quotidienne par les différents organismes genevois ainsi que par son autre fils, même si ce n’était que de manière sporadique. M. A______ avait également la possibilité d’obtenir des visas pour visite familiale. Enfin, la question de son retour et de sa réintégration dans son pays d’origine avait déjà été débattue à maintes reprises lors des différentes décisions et systématiquement confirmé par les différentes instances judiciaires. L’intéressé ne remplissait ainsi pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité.

21.         Par acte du 24 août 2023, sous la plume de son conseil, M. A______ a interjeté recours auprès du tribunal contre la décision précitée, concluant, principalement, à son annulation et à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de reconsidérer sa décision du 12 août 2021 et de lui octroyer une autorisation de séjour pour cas de rigueur, subsidiairement, à ce qu’il soit ordonné à l’OCPM de reconsidérer sa décision du 12 août 2021 et de lui octroyer une « autorisation provisoire ». Préalablement, il a sollicité l’octroi de l’effet suspensif et à ce qu’il soit autorisé à demeurer en Suisse pendant la procédure de recours. Sans y conclure formellement, il a également sollicité son audition personnelle, ainsi que l’audition de son père et de son frère.

En cas d’expulsion, il risquait de perdre son emploi et de se retrouver seul en Turquie, pays dans lequel il ne vivait plus depuis son arrivée en Suisse en 2002. Il était ainsi manifeste que ses intérêts privés devaient primer l’intérêt public lié à son expulsion immédiate de Suisse. Cela était d’autant plus vrai qu’il s’occupait de son père gravement atteint dans sa santé et qu’il ne pouvait, du jour au lendemain, mettre en place les aides médicales et mesures d’accompagnement nécessaires dans sa prise en charge.

Sur le fond, il remplissait les conditions d’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur, vu notamment sa très longue durée de séjour en Suisse.

22.         Dans sa réponse du 30 août 2023, l’OCPM s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif et à l’octroi de mesures provisionnelles. Sur le fond, il a conclu au rejet du recours. Il a produit son dossier.

Le recourant faisait l’objet d’une décision de refus d’autorisation de séjour et de renvoi, confirmée par le tribunal le 2 mai 2022, puis par la chambre administrative le 23 août 2022, et ne bénéficiait donc d’aucun statut légal en Suisse. Il faisait valoir qu’il s’occupait de son père gravement atteint dans sa santé, que la mise en place des aides médicales et mesures nécessaires pour sa prise en charge ne pouvait pas avoir lieu rapidement et que sa présence était donc indispensable, mais n’avait produit aucune pièce justificative à l’appui de ses dires. Il n’avait pas non plus expliqué pour quel motif la mise en place de ces mesures ne pourrait pas être organisée par son frère domicilié à Genève.

Au fond, le seul fait nouveau allégué était que le recourant vivait avec son père et se chargeait notamment de lui préparer à manger, de faire ses courses et de l’accompagner aux rendez-vous médicaux. Or, l’existence d’un lien de dépendance particulier entre le recourant et son père n’avait pas été établi. Aucun certificat médical n’attestait que ce dernier nécessiterait une assistance constante dans sa vie quotidienne que seul le recourant serait à même de lui apporter. Pour le surplus, il était intégralement renvoyé au jugement du tribunal du 2 mai 2022 et à l’arrêt de la chambre administrative du 23 août 2022, lesquels avaient confirmé que les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA n’étaient pas réalisées et que le renvoi du recourant en Turquie était raisonnablement exigible et licite.

23.         Par courrier du 8 septembre 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions préalables en restitution de l’effet suspensif.

24.         Par décision du 13 septembre 2023 (DITAI/4______/2023), le tribunal a refusé la demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles.

25.         Le 16 octobre 2023, dans le délai prolongé par le tribunal, le recourant a répliqué, persistant dans ses conclusions et renvoyant aux développements présentés dans son recours.

26.         L'OCPM a indiqué, le 7 novembre 2023, ne pas avoir d'observations complémentaires à formuler.

27.         Le détail des écritures et des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » en tant que besoin.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Dans son jugement, le tribunal prend en considération l’état de fait existant au moment où il statue, en tenant compte des faits et des moyens de preuve nouveaux invoqués pendant la procédure de recours et qui sont déterminants dans l’appréciation du bien-fondé de la décision entreprise (cf., par analogie, arrêts du Tribunal administratif fédéral E-5824/2018 du 14 février 2020 consid. 2 ; D-573/ 2020 du 12 février 2020).

6.             Saisie d’une demande de reconsidération, l’autorité examine préalablement si les conditions de l’art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n’est pas le cas, elle rend une décision de refus d’entrer en matière qui peut faire l’objet d’un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2). Lorsque l'autorité entre en matière sur une demande de reconsidération et la rejette après instruction, il s’agira alors d’une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision de reconsidération et non la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2D_55/2015 du 9 mai 2016 consid. 3 ; 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3).

7.             En l’espèce, l’OCPM est entré en matière sur la demande de reconsidération du 30 janvier 2023 et l’a instruite. Dès lors, le présent litige a pour objet cette décision de reconsidération et non la décision initiale du 12 août 2021, qui retenait que les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA n'étaient pas remplies, laquelle a été confirmée par le tribunal et la chambre administrative.

Le seul fait nouveau ayant justifié l'entrée en matière de l'OCPM est que le recourant vivait chez son père, ressortissant suisse, et qu'il s'occupait de lui en qualité de proche-aidant en effectuant ses courses, son ménage et en l'accompagnant à ses rendez-vous médicaux. Il se prévaut ainsi du droit conféré par l'art. 8 CEDH.

8.             Un étranger peut, en fonction des circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille, à condition qu'il entretienne une relation étroite et effective avec un membre de celle-ci ayant le droit de résider durablement en Suisse, ce qui suppose que celui-ci ait la nationalité suisse, qu'il soit au bénéfice d'une autorisation d'établissement ou d'un droit certain à une autorisation de séjour (ATF 146 I 185 consid. 6.1 ; 144 II 1 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_249/2021 du 28 juin 2021 consid. 6.3.1). D'après une jurisprudence constante, les relations visées par l'art. 8 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire (« Kernfamilie »), soit celles qui existent entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 145 I 227 consid. 5.3 ; 144 II 1 consid. 6.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_249/2021 du 28 juin 2021 consid. 6.3.1).

9.             La jurisprudence admet aussi qu'un étranger puisse, exceptionnellement et à des conditions restrictives, déduire un droit à une autorisation de séjour de l'art. 8 CEDH, s'il existe un rapport de dépendance particulier entre lui et un proche parent (hors famille nucléaire) au bénéfice d'un droit de présence assuré en Suisse, par exemple en raison d'une maladie grave ou d'un handicap les empêchant de gagner leur vie et de vivre de manière autonome (ATF 137 I 154 consid. 3.4.2 ; 129 II 11 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2018 du 5 octobre 2018 consid. 1.4 ; 2D_10/2018 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2C_969/2017 du 2 juillet 2018 consid. 1.1.2). L'extension de cette protection aux ressortissants étrangers majeurs suppose l'existence d'un lien de dépendance comparable à celui qui unit les parents à leurs enfants mineurs. Des difficultés économiques ou d'autres problèmes d'organisation ne sauraient être assimilés à un handicap ou une maladie grave rendant irremplaçable l'assistance de proches parents et ne fondent donc pas un droit à se prévaloir de l'art. 8 CEDH pour obtenir le droit de séjourner en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2D_10/2018 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2D_8/2016 du 24 février 2016 consid. 3 et la jurisprudence citée).

10.         La jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'existence d'un rapport de dépendance entre parents et enfants majeurs dépend étroitement des circonstances. Un tel lien de dépendance a par exemple été reconnu entre un enfant majeur, souffrant d'une schizophrénie paranoïde continue et d'un trouble dépressif récurrent, et sa mère, qui bénéficiait d'une autorisation de séjour en Suisse, dans la mesure où il était établi, notamment par certificat médical, que le soutien que nécessitait l'état de santé de l'intéressé ne pouvait être fourni que par cette dernière, à défaut d'autres personne proches disponibles (arrêt 2C_546/2013 du 5 décembre 2013 consid. 4.4.2).

Le Tribunal fédéral a également reconnu l'existence d'une relation irremplaçable s'agissant de grands-parents qui avaient développé une relation forte avec les petits-enfants après qu'ils étaient venus s'en occuper en Suisse suite à la mort de leur fille. La médication et le jeune âge de l'un des petit-fils, qui était malade, nécessitaient dans ce cas une flexibilité et une disponibilité que seuls les grands-parents étaient à même d'apporter, la grand-mère ayant adopté une position de mère de substitution (cf. arrêt 2D_10/2018 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2C_369/2015 du 22 novembre 2015 consid. 4).

Il a de même confirmé deux arrêts de la chambre administrative qui a reconnu les intérêts privés de deux enfants majeurs de nationalité kosovare à pouvoir demeurer en Suisse auprès de leur père, souffrant d’une cécité presque complète et de troubles mentaux. Ses angoisses étaient exacerbées en cas de séparation d’avec ses enfants, lesquels avaient organisé leur emploi du temps afin qu’au moins l’un deux se trouve toujours avec lui, et ce à toute heure du jour et de la nuit, ce relais apparaissant effectivement nécessaire pour une prise en charge cohérente et efficace de l'intéressé. Par ailleurs, seules les personnes du cadre intrafamilial étaient considérées comme aptes à supporter à long terme ses demandes du quotidien. En outre, il n'existait pas de raisons permettant de s'opposer à la délivrance d'une autorisation de séjour en faveur des deux enfants majeurs. Ceux-ci n'avaient en effet jamais fait l'objet d'une condamnation pénale ou de poursuites et étaient financièrement indépendants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_471/2019 et 2C_474/2019 du 25 septembre 2019).

Dans un arrêt du 3 juin 2015, le Tribunal administratif fédéral a rappelé qu'en cas d'effet miroir, le lien de dépendance devait atteindre un degré d'intensité qualifié que seules justifiaient des circonstances tout à fait particulières, non réalisées en l'espèce, malgré un rapport médical qui indiquait que la mère était très dépendante de son fils sur le plan affectif et qu'une aggravation de son état de santé était à prévoir en cas de renvoi de celui-ci hors de Suisse. Le recourant n'avait au surplus pas démontré que sa mère requérait une assistance et des soins quotidiens que lui seul serait susceptible de lui prodiguer (arrêt D-1613/2015 du 3 juin 2015, consid. 5.2.3).

11.         Une personne est en droit de résider durablement en Suisse si elle a la nationalité suisse ou si elle est au bénéfice d'une autorisation d'établissement ou d'un droit certain à une autorisation de séjour en Suisse (ATF 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 130 II 281 consid. 3.1 ; 129 II 193 consid. 5.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_537/2012 du 8 juin 2012 consid. 3.2).

Le Tribunal administratif fédéral (arrêt E-7092/2017 du 25 janvier 2021 publié in ATAF 2021 VI/1), a toutefois récemment précisé que l’art. 8 CEDH pouvait aussi être invoqué par des personnes ne disposant pas en Suisse d'un droit de séjour assuré, soit, dans l’affaire en question, au bénéfice d’une admission provisoire (consid. 13.4), tout en rappelant que les autres conditions usuelles développées au sujet de l'art. 8 CEDH demeuraient valable, cette disposition ne conférant aucun droit absolu à séjourner en Suisse.

12.         Les conditions posées par la jurisprudence pour pouvoir invoquer l'art. 8 CEDH sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 2C_520/2016 du 13 janvier 2017 consid. 4.4 ; 2C_209/2015 du 13 août 2015 consid. 3.3.2).

13.         En l'espèce, le recourant n'a pas produit de pièces probantes, telles qu'un certificat médical, confirmant le mauvais état de santé de son père, dont le statut et la présence en Suisse ne sont par ailleurs aucunement établis. De la même manière, il n'a pas démontré que celui-ci ne pourrait plus vivre de manière indépendante et nécessiterait une assistance constante dans ses tâches quotidiennes qu'il serait seul en mesure de lui prodiguer. En effet, se limitant à alléguer que son frère, vivant à Genève, est en incapacité d'apporter toute aide à leur père, le recourant ne fournit, une nouvelle fois, aucun élément pour corroborer cela. Partant, il n'a pas démontré que son père se trouverait dans un état de dépendance à son égard, tel que défini par la jurisprudence relative à l'art. 8 CEDH.

Les conditions restrictives de l'art. 8 CEDH n'étant pas réunies, le recourant ne peut en déduire un quelconque droit au regroupement familial.

14.         À toutes fins utiles, le tribunal relèvera que les griefs du recourant quant à son intégration en Suisse et sa réintégration en Turquie ne seront pas traités, ces derniers ne concernant pas l'objet du présent litige rappelé ci-dessus (cf. ci-dessus consid. 7).

15.         Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que l’OCPM a refusé d'accéder à la demande de reconsidération du recourant.

16.         À titre subsidiaire, le recourant conclut à son admission provisoire.

17.         Conformément à l’art. 83 al. 1 LEI, le SEM décide d’admettre provisoirement un étranger si l’exécution du renvoi ou de l’expulsion n’est pas possible, n’est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée. Ces trois conditions susceptibles d’empêcher l’exécution du renvoi sont de nature alternative : il suffit que l’une d’elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral E-5624/2017 du 11 août 2020 consid. 6.2).

18.         En l'espèce, aucun élément ne laisse supposer que l'exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée.

Partant, c'est à bon droit que l'OCPM lui a rappelé qu'il devait se conformer à la décision de renvoi du 12 août 2021 dont il faisait l'objet, laquelle était entrée en force.

19.         Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté et la décision confirmée.

20.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

21.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 24 août 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 21 juin 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière