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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1978/2023

JTAPI/1323/2023 du 27.11.2023 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;PERSONNE RETRAITÉE;CAS DE RIGUEUR;DÉCISION DE RENVOI
Normes : LEI.28; OASA.25.al1; LEI.30; OASA.31.al1; CEDH.8; ALCP Annexe I.3.al2.letb; ALCP.7.ald; LEI.83.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1978/2023

JTAPI/1323/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 novembre 2023

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1939, est ressortissante d'Équateur.

2.             Veuve depuis le ______ 2022, elle est mère de six enfants majeurs, dont cinq habitent en Suisse :

-          Monsieur B______, né le ______ 1962, de nationalité équatorienne ;

-          Madame C______, née le ______ 1965, de nationalité équatorienne, au bénéfice d'un permis C à Genève, mère de trois enfants ;

-          Madame D______, née le ______ 1967, de nationalité espagnole, au bénéfice d'un permis C à Genève ;

-          Madame E______, née le ______ 1976, de nationalité suisse ;

-          Monsieur F______, né le ______ 1979, de nationalité espagnole, au bénéfice d'un permis C à Genève ;

-          Monsieur G______, né le ______ 1981.

3.             Mme A______ est arrivée en Suisse, à Genève, avec son fils B______, le 30 avril 2022 au bénéfice d'un visa touristique.

4.             Le 21 juin 2022, ses enfants résidant à Genève, ainsi que leurs conjoints et petits-enfants, ont sollicité de l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) une autorisation de séjour en sa faveur ainsi qu'en faveur de B______ afin qu'ils puissent rester auprès d'eux.

Leurs parents ainsi que leur frère aîné, B______, vivaient dans un petit village en Équateur situé à deux heures de la capitale. Ce dernier, âgé de 59 ans, avait consacré sa vie à s'occuper de leurs parents. Il ne s'était jamais marié, n'avait pas d'enfant et avait toujours vécu auprès d'eux. La vie en Équateur étant dure, ils leur versaient chaque mois de l'argent afin qu'ils puissent vivre convenablement. Cette aide financière servait notamment à couvrir leurs frais de nourriture et les factures, ainsi qu'à leur permettre d'avoir accès aux soins et aux médicaments nécessaires. En ______ 2022, leur père était décédé à la suite d'une longue maladie. Il leur était très difficile de voir leur mère désespérée suite à cette perte. Ils s'étaient alors relayés pour aller soutenir B______ et leur mère en Équateur, mais c'était compliqué. En effet, le voyage coûtait très cher et ils ne pouvaient pas y rester longtemps au vu de leurs diverses obligations professionnelles et familiales. Ils souhaitaient ainsi que leur mère et B______ résident à Genève auprès d'eux et se portaient ainsi garants de leurs frais de séjour en Suisse. En outre, ils seraient logés chez l'un deux.

À l'appui de leur demande, ils ont notamment produit respectivement leurs fiches de salaire, décomptes d'indemnité journalière, pour la période de fin 2021 à mi-2022.

5.             Le 20 mars 2023, l'OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser la demande d'autorisation de séjour déposée en sa faveur et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai lui était accordé afin d'exercer, par écrit, son droit d'être entendu.

Le dossier de B______ faisait l'objet d'un projet de décision séparée.

6.             Le 24 avril 2023, Mme A______, par le biais de ses enfants, s'est déterminée.

Au vu de son âge avancé et suite au décès de son époux, elle souhaitait vivre à Genève auprès de ses enfants et leur famille. En effet, ceux-ci étaient à même de lui apporter l'amour, les soins et la compagnie dont elle avait besoin, étant précisé que la situation en Équateur était devenue instable et extrêmement dangereuse.

À cela s'ajoutait le fait que, le 14 janvier 2023, son fils cadet, G______, avait subi un grave accident à Genève, s'étant fait heurter par une voiture qui roulait à 80 km/h lorsqu'il traversait la route. Elle ne pouvait imaginer laisser son fils dans ces circonstances. Celui-ci avait d'ailleurs manifesté son besoin d'avoir sa mère et ses frères et sœurs à ses côtés. La famille espérait pouvoir compter sur l'aide et le soutien permanent du fils aîné, B______, pour s'occuper d'G______. B______ avait toujours vécu auprès de ses parents et il n'avait plus personne en Équateur, toute sa famille proche se trouvant désormais à Genève.

Enfin, sa famille à Genève s'engageait à couvrir l'entièreté de ses frais (nourriture, habits, assurances etc.), ainsi que ceux de B______ et de ne pas demander d'aide financière.

À l'appui de ses déterminations, elle a notamment produit :

-          une « lettre de sortie » établie le 11 avril 2023 par les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) relative à l'hospitalisation et la prise en charge d'G______ suite à son accident du 14 janvier 2023 ;

-          une attestation du 17 avril 2023 établie par le Centre Suisse des Paraplégiques, confirmant qu'G______ avait subi une tétraplégie incomplète sub C5 et se trouvait en rééducation au Centre Suisse des Paraplégiques à Nottwil, dans le canton de Lucerne. Pour la guérison et les soins quotidiens, il était nécessaire que son frère, B______, s'occupe de lui après son retour à la maison ;

-          un certificat médical établi le 4 avril 2023 par le Docteur H______ indiquant qu'elle souffrait d'une cataracte et qu'une opération est nécessaire.

7.             Par décision du 9 mai 2023, l'OCPM a refusé de lui octroyer une autorisation de séjour et a prononcé son renvoi de Suisse en lui impartissant un délai au 15 août 2023 pour quitter le territoire du pays, relevant par ailleurs qu'il n'apparaissait pas que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

Cette décision retient qu'elle ne remplissait pas les conditions d'une autorisation de séjour pour rentière. Elle n'avait pas démontré disposer d'une rente lui permettant de couvrir ses besoins en Suisse. En outre, ses enfants s'étaient engagés à la prendre en charge financièrement. Or, ils n'avaient pas démontré avoir des moyens financiers suffisants pour la prendre en charge à long terme. Rien ne permettait en effet de garantir que leurs revenus ne diminueraient pas ou que leurs charges n'augmenteraient pas à l'avenir. Leurs revenus n'apportaient dès lors pas une garantie suffisante pour exclure le risque que l'intéressée ne tomberait à l'aide sociale jusqu'à la fin de ses jours. En outre, elle n'avait pas démontré disposer d'attaches particulières avec la Suisse en dehors de la présence de ses enfants et petits-enfants, n'ayant pas démontré disposer de liens en rapport avec ce pays qui lui soient propres, établis par le développement d'intérêts socioculturels personnels et indépendants (participation à des activités culturelles, liens avec des communautés locales, contacts directs avec des autochtones, par exemple).

En outre, dès lors que l'intéressée avait toujours vécu en Équateur où elle disposait de toutes ses attaches socio-culturelles, qu'elle ne se trouvait en Suisse que depuis une année, et qu'il s'agissait donc ici avant tout de motifs de convenance personnelle, elle ne se trouvait pas dans une situation de détresse personnelle justifiant l'octroi d'une autorisation de séjour.

Il n'avait pas non plus été démontré qu'il existait un lien de dépendance particulier entre l'intéressée et son fils cadet et qu'elle seule était en mesure de lui prodiguer l'attention et les soins dont il avait besoin. Il était relevé que mère et fils vivaient séparément en tout cas depuis l'arrivée de ce dernier en Suisse vingt-deux ans auparavant et que ce dernier était entouré de nombreux membres de sa famille qui vivaient également à Genève.

Enfin, aucun document n'indiquait que l'état de santé général de l'intéressée était mauvais au point qu'elle se retrouverait dans une situation médicale difficile et précaire en Équateur, étant précisé que l'opération de la cataracte qu'elle prévoyait et les soins y relatifs n'avaient pas été démontrés comme étant indisponibles dans son pays d'origine.

8.             Par décision séparée du même jour, l'OCPM a refusé à M. B______ l'octroi d'une autorisation de séjour et a prononcé son renvoi de Suisse.

9.             Par acte du 9 juin 2023, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI ou le tribunal) en concluant à son annulation.

Outre les faits mentionnés plus haut, elle explique habiter chez sa fille, E______, depuis son arrivée en Suisse. S'il était vrai qu'elle avait toujours vécu en Équateur jusqu'en avril 2022, ses seuls repères dans ce pays étaient son époux, décédé trois mois avant son arrivée en Suisse, et son fils, B______, qui vivait désormais avec elle à Genève. Au contraire, elle disposait de toutes ses attaches personnelles et familiales à Genève, à savoir ses six enfants et ses petits-enfants, qui prenaient soin d'elle. Grâce à leur soutien et leur présence constante, elle se relevait du deuil de son mari. Elle souhaitait passer ses derniers jours auprès d'eux. De plus, elle avait eu l'opportunité de découvrir les magnifiques recoins de la Suisse. Elle y avait ainsi des attaches fortes. Elle ne pouvait pas vivre à des milliers de kilomètres de sa famille, dans un pays où régnait, du reste, la violence et la criminalité, la situation économique, sociale et politique en Équateur s'étant aggravée depuis. Un retour dans ce pays ne paraissait ainsi pas exigible, mettrait sa vie en danger et constituerait pour elle un déracinement inhumain. Dans ces circonstances, elle ne pouvait pas non plus se résoudre à voir son fils, B______, retourner seul en Équateur. S'ils faisaient certes l'objet de deux décision séparées, ils étaient venus ensemble en Suisse et avaient toujours vécu sous le même toit.

En outre, G______ avait besoin de sa présence et son soutien. Selon les médecins, son état de santé le rendait dépendant des tiers pour une majorité des actes quotidiens. Hormis M. B______, ses autres enfants, , et leurs familles respectives ne pouvaient pas s'occuper de lui quotidiennement en raison de leurs obligations professionnelles. Il avait ainsi besoin de B______ et d'elle-même pour rendre son quotidien moins pénible. En tant que mère, elle ne pouvait pas laisser son fils dans un tel état sans ressentir un déchirement profond et sans avoir la crainte que son état de santé se dégraderait. Elle avait elle-même rencontré des soucis de santé et avait subi une opération de la cataracte.

Enfin, elle envisageait de déposer une demande d'autorisation de séjour au titre du regroupement familial avec ses deux enfants détenant la nationalité espagnole, D______ et F______, sur la base de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681). Ses enfants avaient toujours joint leurs efforts pour apporter une aide financière régulière à leurs parents afin qu'ils puissent subvenir à leurs besoins. Elle sollicitait ainsi la suspension de la procédure dans l'attente du dépôt d'une telle requête auprès de l'OCPM.

À l'appui de son recours, elle a produit diverses pièces.

10.         Dans ses observations du 7 août 2023, l'OCPM a indiqué que les arguments en lien avec l'application de l'art. 28 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) ou de l'art. 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) n'étaient pas de nature à modifier sa position.

Afin de pouvoir se déterminer sur l'application de l'ALCP en lien avec la nationalité espagnole de deux de ses enfants, D______ et F______, il était nécessaire pour la recourante de démonter qu'elle était à leur charge lorsqu'elle vivait en Équateur. Il sollicitait ainsi la production des pièces suivantes :

-          tous les documents justifiant des envois d'argent par les prénommés en faveur de leur mère sur les quatre dernières années ;

-          les documents en lien avec les éventuelles rentes qu'elle touchait en Équateur lorsqu'elle y vivait ;

-          les fiches de salaires de ses enfants pour les six derniers mois et leurs avis de taxation pour les quatre dernières années.

11.         Par réplique du 4 septembre 2022, la recourante a notamment produit :

-          un document établi le 25 août 2023 par I______ en faveur de F______, indiquant des versements à la recourante en janvier et avril 2022 pour un montant total de USD 2'535.- ;

-          un « certificado del cliente » établi le 28 août 2023 par J______ GMBH en faveur de D______, indiquant un versement en 2018 (CHF 200.-) et deux versements en 2021 (CHF 1'500.-) à la recourante pour un montant total de CHF1'700.- ;

-          un « certificado del cliente » établi le 29 août 2023 par J______ GMBH en faveur d'C______, indiquant de nombreux versements effectués en faveur de la recourante entre 2009 et 2021 ;

-          un courrier du 29 août 2023 d'C______ attestant sur l'honneur que les versements qu'elle avait effectués entre janvier 2019 et novembre 2021 en faveur de sa mère « correspondait aux sommes d'argent réunies entre [F______, D______ et elle-même] […] afin de payer moins de frais d'envoi ».

12.         Par duplique du 27 septembre 2023, l'OCPM a indiqué maintenir sa décision et a conclu au rejet du recours.

La recourante ne logeait pas chez l'un de ses enfants ressortissants espagnols. Quant à l'aide financière versée à la recourante, celle-ci était essentiellement effectuée par sa fille C______. Les deux enfants européens de la recourante avaient envoyé peu d'argent (CHF 200.- en 2018, CHF 1'500.- en 2021 et USD 2'535.- en 2022, dont CHF 2'000.- en avril 2022, mois durant lequel la recourante était arrivée en Suisse avec son fils, B______). L'attestation d'C______ du 29 août 2023 n'emportait pas conviction. Il était relevé par exemple que pour l'année 2020, aucun versement n'avait été effectué par C______, période durant laquelle elle était au chômage, alors que D______ et F______ exerçaient une activité lucrative. Le 8 septembre 2021 (à 10h01), D______ avait versé CHF 500.- à la recourante, alors que, à la même date (à 10h04), C______ avait également effectué un versement de CHF 500.- depuis le même bureau de transfert. Ce double envoi apparaissait en totale contradiction avec les termes de l'attestation sur l'honneur signée par C______. Quoi qu'il en soit, la recourante n'avait pas allégué ni démontré qu'elle était à la charge de ses enfants européens lorsqu'elle se trouvait en Équateur. Enfin, la recourante n'avait pas apporté de justificatifs ou explication en lien avec les éventuelles rentes qu'elle touchait en Équateur lorsqu'elle y vivait.

13.         Le détail des pièces produites sera repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.

14.         Par jugement de ce jour, le tribunal a rejeté le recours de M. B______ interjeté contre la décision prise à son encontre par l'OCPM le 9 mai 2023.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La recourante, de nationalité équatorienne, sollicite l'octroi d'une autorisation de séjour pour vivre auprès de ses enfants établis en Suisse.

4.             L'autorité intimée refuse de lui délivrer une autorisation de séjour pour rentière.

5.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants d’Équateur.

6.             Tout étranger peut séjourner en Suisse sans exercer d'activité lucrative pendant trois mois sans autorisation, sauf si la durée fixée dans le visa est plus courte (art. 10 al. 1 LEI). L'étranger qui prévoit un séjour plus long sans activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation. Il doit la solliciter avant son entrée en Suisse auprès de l'autorité compétente du lieu de résidence envisagé (art. 10 al. 2 LEI). L'étranger entré légalement en Suisse pour un séjour temporaire qui dépose ultérieurement une demande d'autorisation de séjour durable doit attendre la décision à l'étranger (art. 17 al. 1 LEI).

7.             À teneur de l'art. 28 LEI, un étranger qui n'exerce plus d'activité lucrative peut être admis aux conditions suivantes :

a. il a l'âge minimum fixé par le Conseil fédéral ;

b. il a des liens personnels particuliers avec la Suisse ;

c. il dispose des moyens financiers nécessaires.

8.             Selon l'art. 25 al. 1 OASA, l'âge minimum pour l'admission des rentiers est de 55 ans.

À teneur de l'al. 2 de cette disposition, les rentiers ont des attaches personnelles particulières avec la Suisse notamment :

a. lorsqu'ils peuvent prouver qu'ils ont effectué dans le passé des séjours assez longs en Suisse, notamment dans le cadre de vacances, d'une formation ou d'une activité lucrative ;

b. lorsqu'ils ont des relations étroites avec des parents proches en Suisse (parents, enfants, petits-enfants ou frères et sœurs).

9.             Les conditions de l'art. 28 LEI étant cumulatives, une autorisation de séjour pour rentier ne saurait être délivrée que si l'étranger satisfait à chacune d'elles. Cette disposition reprend la réglementation de l'art. 34 de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE, RO 1986 1791 [cf. le Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3542-3543, ad art. 28 du projet de loi ; Marc SPESCHA, in : SPESCHA et al., Migrationsrecht, Kommentar, 4e éd., Zurich 2015, p. 108 n. 1 ad art. 28 LEtr]).

10.         Par ailleurs, il convient de rappeler que, même dans l'hypothèse où toutes les conditions prévues à l'art. 28 LEI (disposition rédigée en la forme potestative ou « Kann-Vorschrift ») seraient réunies, l'étranger n'a pas un droit à la délivrance (respectivement à la prolongation) d'une autorisation de séjour, à moins qu'il ne puisse se prévaloir d'une disposition particulière du droit fédéral ou d'un traité lui conférant un tel droit (cf. ATF 135 II 1 consid. 1.1 ; 131 II 339 consid. 1 et les références citées).

11.         S'agissant de la notion de liens personnels particuliers avec la Suisse, au sens de l'art. 28 let. b LEI et de l'art. 25 al. 2 let. a et b OASA, le Tribunal administratif fédéral a jugé de manière constante que la simple présence de proches sur le territoire suisse n'était pas en soi de nature à créer des attaches suffisamment étroites avec ce pays sans que n'existent en outre des relations d'une autre nature avec la Suisse. En effet, bien plus que des liens indirects, c'est-à-dire n'existant que par l'intermédiaire de proches domiciliés en Suisse, il importe que le rentier dispose d'attaches en rapport avec la Suisse qui lui soient propres, établies par le développement d'intérêts socioculturels personnels et indépendants (participation à des activités culturelles, liens avec des communautés locales, contacts directs avec des autochtones, par exemple), car seuls de tels liens sont en effet de nature à éviter que l'intéressé ne tombe dans un rapport de dépendance vis-à-vis de ses proches parents, voire d'isolement, ce qui serait au demeurant contraire au but souhaité par le législateur quant à la nature de l'autorisation pour rentier (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-2207/2018 du 15 février 2019 consid. 6.6 et les références citées, voir également le consid. 4.4.8).

12.         Selon les Directives et circulaires du secrétariat d'État aux migrations, Domaine des étrangers, état au 1er mars 2022 (ci-après : directives LEI), qui ne lient pas le juge, mais dont ce dernier peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré, pourvu qu'elle respecte le sens et le but de la norme applicable (cf. notamment ATA/494/2017 du 2 mai 2017 consid. 3c), un rentier est réputé disposer des moyens financiers nécessaires si ceux-ci dépassent le montant donnant droit (à un résident suisse) au versement de prestations complémentaires pour lui-même et éventuellement pour les membres de sa famille. Autrement dit, il devra être quasiment certain d'en bénéficier jusqu'à sa mort (rentes, fortune), au point que l'on puisse pratiquement exclure le risque qu'il en vienne à dépendre de l'assistance publique (décision du 15 février 2001 du Service des recours du DFJP, aujourd'hui remplacé par le Tribunal administratif fédéral, en relation avec l'ancien art. 34 OLE). Les promesses, voire les garanties écrites, visant à garantir la prise en charge du rentier faites par des membres de sa famille qui résident en Suisse ne suffisent pas dans tous les cas, dans la mesure où, en pratique, leur mise à exécution reste sujette à caution. Les moyens financiers mis à disposition par des tiers doivent présenter les mêmes garanties que s'il s'agissait des propres ressources du requérant (par ex. garantie bancaire). Lorsque les moyens financiers du rentier sont insuffisants, les exigences qualitatives quant aux prestations de soutien par des tiers sont d'autant plus élevées (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6310/2009 consid. 9.4; Directives LEI, ch. 5.3).

13.         En l’espèce, s'il n’est pas contesté que la recourante a atteint l’âge minimal requis pour être admise en qualité de rentière, l'on ne saurait en revanche reprocher à l'autorité intimée d'avoir mésusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que la recourante ne dispose pas de moyens financiers répondant aux exigences de l'art. 28 let. c LEI. La capacité à pouvoir assumer son propre entretien est d'autant plus importante que la venue en Suisse de la personne concernée doit se concevoir indépendamment de la présence de proches ou de connaissances susceptibles de lui offrir un soutien. Dans le cas de la recourante, celle-ci ne démontre, ni même n'allègue, disposer de ressources à titre personnel lui permettant de subvenir seule à ses besoins à Genève. Quant aux engagements pris par ses enfants de prendre entièrement en charge ses frais de séjour, ils ne permettent pas d'arriver à une autre conclusion, ce moyen ne pouvant être pris en considération comme s'il s'agissait des ressources propres de la recourante. Le tribunal relève à cet égard, à l'instar de l'autorité intimée, que mêmes cumulés, les revenus de ses enfants, dont l'un (F______) a déjà un enfant mineur à charge et dont certains (F______ et C______) étaient pendant une certaine période au chômage, ne sont pas suffisants pour exclure une éventuelle future aide de l'assistance publique en faveur de la recourante. Faisant usage de son large pouvoir d'appréciation en la matière, l'autorité intimée était ainsi légitimée à considérer cette aide matérielle et financière comme ne présentant pas des garanties suffisantes sous l'angle du critère d'autonomie de l'art. 28 let. c LEI.

14.         La condition de l'art. 28 let. b LEI, relative aux liens personnels particuliers avec la Suisse, n’est pas non plus satisfaite. Le recourant soutient que le centre de ses intérêts est désormais en Suisse, mais il ne démontre pas qu'il se serait constitué des attaches d'une intensité particulière avec la Suisse, étant rappelé que la simple présence de proches sur le territoire et le seul suivi de quelques ateliers de langue française n'est pas, en soi, de nature à créer de telles attaches. Il ressort des explications du recourant que son souhait de venir habiter à Genève est essentiellement motivé par sa volonté de pouvoir demeurer auprès de ses frères et sœurs et la famille de ces derniers. Or, comme rappelé ci-dessus, la notion de liens particuliers personnels avec la Suisse ne se résume pas à la présence à Genève de parents proches, mais doit résulter d’attaches importantes que la personne concernée doit avoir nouées personnellement et indépendamment de ces derniers.

Deux des conditions cumulatives de l’art. 28 LEI n’étant pas remplies, il s’ensuit que la requête ne peut être fondée sur cette disposition.

15.         Se pose la question de savoir si la recourante remplit les conditions pour obtenir une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA.

16.         À teneur de l'art. 30 al. 1 LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs (let. b).

17.         L'art. 31 al. 1 OASA, qui comprend une liste des critères à prendre en considération pour la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité, précise que, lors de l'appréciation, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l'état de santé (let. f) et des possibilités de réintégration dans l'Etat de provenance (let. g).

18.         Il ressort de la formulation de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, qui est rédigé en la forme potestative, que l'étranger n'a aucun droit à l'octroi d'une dérogation aux conditions d'admission pour cas individuel d'une extrême gravité et, partant, à l'octroi (respectivement au renouvellement ou à la prolongation) d'une autorisation de séjour fondée sur cette disposition (cf. ATF 138 II 393 consid. 3.1 et ATF 137 II 345 consid. 3.2.1). Aussi, conformément à la pratique et à la jurisprudence constantes en la matière les conditions mises à la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité doivent être appréciées de manière restrictive. Il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, autrement dit qu'une décision négative prise à son endroit comporte pour lui de graves conséquences. Lors de l'appréciation d'un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. La reconnaissance d'une situation d'extrême gravité n'implique pas forcément que la présence de l'étranger en Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de détresse. Par ailleurs, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il s'y soit bien intégré (au plan professionnel et social) et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas individuel d'extrême gravité ; encore faut-il que la relation de l'intéressé avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger de lui qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4478/2016 du 29 janvier 2018 consid. 4.5 et références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 et références citées).

19.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l'intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-6322/2016 du 1er mai 2018 consid.4.6 et les références citées ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017 consid. 5b).

20.         Des motifs médicaux peuvent, suivant les circonstances, conduire à la reconnaissance d'une raison personnelle majeure lorsque l'intéressé démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une dérogation aux conditions d'admission. De même, l'étranger qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle dérogation. De plus, une grave maladie (à supposer qu'elle ne puisse être soignée dans le pays d'origine) ne saurait justifier, à elle seule, la reconnaissance d'un cas de rigueur au sens des dispositions précitées, l'aspect médical ne constituant qu'un élément parmi d'autres (durée du séjour, intégration socioprofessionnelle et formations accomplies en Suisse, présence d'enfants scolarisés en Suisse et degré de scolarité atteint, attaches familiales en Suisse et à l'étranger, etc.) à prendre en considération (cf. ATF 128 II 200 consid. 5.3 et les réf. cit. ; arrêt du TAF C-5450/2011 du 14 décembre 2012 consid. 6.4 et les réf. cit.). Ainsi, en l'absence de liens particulièrement intenses avec la Suisse, le facteur médical ne saurait constituer un élément suffisant pour justifier la reconnaissance d'un cas personnel d'extrême gravité (cf. ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; 123 II 125 consid. 5b/dd et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_216/2009 du 20 août 2009 consid. 4.2 ; 2A.575/2006 du 19 février 2007 consid. 4.3 ; ATAF C-2610/2012 du 13 août 2014 consid. 6.2 ; ATA/701/2014 du 2 septembre 2014 consid. 5b ; ATA/619/2014 du 12 août 2014 consid. 10).

Les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l'exécution du renvoi au sens de l'art. 83 al. 4 LEI et qu'une personne qui ne se prévaut, dans le cadre d'une demande de dérogation aux conditions d'admission au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, que d'arguments d'ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d'origine et souffrant de la même maladie (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4125/206 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1).

21.         En l'espèce, la recourante allègue qu’il lui serait difficile de retourner vivre dans son pays d’origine, dès lors qu’elle n’y a plus aucune famille, ses seuls repères dans ce pays étant son époux, décédé trois mois avant son arrivée en Suisse, et son fils B______, lequel est venu s'installer avec elle à Genève. En outre, depuis la disparition de son époux, son état de santé, en particulier mentale, s'est dégradée, et elle a dû subir une opération de la cataracte.

S'il apparaît évident, sur le plan humain, que pour une femme âgée de 84 ans, devenue veuve depuis le mois de ______ 2022, la perceptive de devoir vivre dans son pays d'origine loin de ses enfants et de ses petits-enfants peut constituer un déchirement, il n'en demeure pas moins que, sous l'angle juridique, l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité obéit à des critères beaucoup plus restrictifs. En l’occurrence, la présence de la recourante en Suisse depuis janvier 2022 ne lui permet en tout cas pas de se prévaloir d'une intégration exceptionnelle au sens des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA, laquelle implique un séjour continu en Suisse pendant de nombreuses années. La recourante ne peut pas non plus invoquer la dégradation de son état de santé, telle que cela ressort des pièces versées du dossier, pour obtenir une autorisation de séjour en Suisse, le seul motif médical - même à admettre qu'elle souffre d'une atteinte sérieuse à sa santé, ce qui n'est aucunement prouvé - ne justifiant pas l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Au demeurant, il n'apparaît pas que la recourante serait complètement isolée en cas de retour dans son pays natal, dès lors qu'elle y a toujours vécu, de sorte qu'elle y a nécessairement un réseau social, et qu'elle pourrait compter, à tout le moins, sur la présence de son fils, M. B______, dont le recours contre son renvoi de Suisse est rejeté par jugement de ce jour, avec lequel elle a toujours vécu en Équateur jusqu'à leur arrivée en Suisse. Enfin, le tribunal relève que l'exception aux mesures de limitation n’a pas pour but de soustraire la requérante aux conditions de vie dans son pays d’origine.

22.         Dès lors, à l’instar de l’autorité intimée, il y a lieu de considérer que la recourante ne se trouve pas dans une situation telle qu’un retour dans son pays d’origine comporterait pour elle des conséquences aussi graves que celles auxquelles correspondent les situations couvertes par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA. Sa présence en Suisse relève essentiellement de motifs de convenance personnelle.

23.         La décision litigieuse se fonde également sur l'art. 8 CEDH, dont il convient d'examiner s'il a été correctement appliqué en l'espèce.

24.         Un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Encore faut-il, pour pouvoir invoquer cette disposition, que la relation entre l'étranger et une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse soit étroite et effective (ATF 130 II 281 consid. 3.1 et 129 II 193 consid. 5.3.1). L'art. 8 CEDH s'applique avant tout aux relations entre époux et aux relations entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun, mais s'étend plus généralement au cercle des membres de la famille susceptibles de jouer un rôle essentiel, comme les grands-parents, les oncles et tantes, neveux et nièces, ainsi que plus particulièrement entre membres d'une fratrie (ATF 120 Ib 257 consid. 1d p. 260). Ainsi, par exemple, les descendants majeurs peuvent se prévaloir de cette disposition conventionnelle vis-à-vis de leurs parents (et vice versa) ayant un droit de présence assuré en Suisse, s'ils se trouvent envers eux dans un rapport de dépendance particulier en raison d'un handicap ou d'une maladie graves les empêchant de gagner leur vie et de vivre de manière autonome (ATF 120 Ib 257 consid. 1e p. 261/262, 115 Ib 1 consid. 2 p. 4 ss). Le handicap ou la maladie grave doivent nécessiter une présence, une surveillance, des soins et une attention que seuls les proches parents sont généralement susceptibles d'assumer et de prodiguer (ATAF 2007/45 consid. 5.3 p. 592 et réf. citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_194/2007 du 12 juillet 2007 consid. 2.2.2, et la jurisprudence citée). Des difficultés économiques ou d'autres problèmes d'organisation ne peuvent être comparés à un handicap ou maladie graves rendant irremplaçable l'assistance de proches parents. Sinon, l'art. 8 CEDH permettrait à tout étranger manquant de moyens financiers notamment et pouvant être assisté par de proches parents ayant le droit de résider en Suisse d'obtenir une autorisation de séjour.

25.         La jurisprudence du Tribunal fédéral relative à l'existence d'un rapport de dépendance entre parents et enfants majeurs dépend étroitement des circonstances. Un tel lien de dépendance a par exemple été reconnu entre un enfant majeur, souffrant d'une schizophrénie paranoïde continue et d'un trouble dépressif récurrent, et sa mère, qui bénéficiait d'une autorisation de séjour en Suisse, dans la mesure où il était établi, notamment par certificat médical, que le soutien que nécessitait l'état de santé de l'intéressé ne pouvait être fourni que par cette dernière, à défaut d'autres personne proches disponibles (arrêt 2C_546/2013 du 5 décembre 2013 consid. 4.4.2).

Le Tribunal fédéral a également reconnu l'existence d'une relation irremplaçable s'agissant de grands-parents qui avaient développé une relation forte avec les petits-enfants après qu'ils étaient venus s'en occuper en Suisse suite à la mort de leur fille. La médication et le jeune âge de l'un des petit-fils, qui était malade, nécessitaient dans ce cas une flexibilité et une disponibilité que seuls les grands-parents étaient à même d'apporter, la grand-mère ayant adopté une position de mère de substitution (cf. arrêt 2D_10/2018 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2C_369/2015 du 22 novembre 2015 consid. 4).

Il a de même confirmé deux arrêts de la chambre administrative de la Cour de justice qui a reconnu les intérêts privés de deux enfants majeurs de nationalité kosovare à pouvoir demeurer en Suisse auprès de leur père, souffrant d’une cécité presque complète et de troubles mentaux. Ses angoisses étaient exacerbées en cas de séparation d’avec ses enfants, lesquels avaient organisé leur emploi du temps afin qu’au moins l’un deux se trouve toujours avec lui, et ce à toute heure du jour et de la nuit, ce relais apparaissant effectivement nécessaire pour une prise en charge cohérente et efficace de l'intéressé. Par ailleurs, seules les personnes du cadre intrafamilial étaient considérées comme aptes à supporter à long terme ses demandes du quotidien. En outre, il n'existait pas de raisons permettant de s'opposer à la délivrance d'une autorisation de séjour en faveur des deux enfants majeurs. Ceux-ci n'avaient en effet jamais fait l'objet d'une condamnation pénale ou de poursuites et étaient financièrement indépendants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_471/2019 et 2C_474/2019 du 25 septembre 2019).

26.         Une personne est en droit de résider durablement en Suisse si elle a la nationalité suisse ou si elle est au bénéfice d'une autorisation d'établissement ou d'un droit certain à une autorisation de séjour en Suisse (ATF 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 130 II 281 consid. 3.1 ; 129 II 193 consid. 5.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_537/2012 du 8 juin 2012 consid. 3.2).

Le Tribunal administratif fédéral (arrêt E-7092/2017 du 25 janvier 2021 publié in ATAF 2021 VI/1) a toutefois récemment précisé que l’art. 8 CEDH pouvait aussi être invoqué par des personnes ne disposant pas en Suisse d'un droit de séjour assuré, soit, dans l’affaire en question, au bénéfice d’une admission provisoire (consid. 13.4), tout en rappelant que les autres conditions usuelles développées au sujet de l'art. 8 CEDH demeuraient valable, cette disposition ne conférant aucun droit absolu à séjourner en Suisse.

27.         Les conditions posées par la jurisprudence pour pouvoir invoquer l'art. 8 CEDH sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 2C_520/2016 du 13 janvier 2017 consid. 4.4 ; 2C_209/2015 du 13 août 2015 consid. 3.3.2).

28.         En l'espèce, la recourante soutient que sa situation personnelle la rendrait dépendante de ses proches. Son état de santé, notamment mental, s'étant dégradé depuis la disparition de son époux et, ayant dû subir une opération de la cataracte, c'est auprès de ses enfants établis à Genève qu'elle trouverait le soutien et la présence qui lui sont devenus indispensables. Elle allègue en outre que son fils, G______, souffrant depuis le 14 janvier 2023 d'une tétraplégie C5 suite à un grave accident, aurait besoin de sa présence à ses côtés et de son soutien.

Sans minimiser les problèmes de santé de la recourante et même s’il est indéniable qu’à son âge un soutien familial est sans doute important, le tribunal doit constater qu'elle ne démontre pas être atteinte d'une maladie grave nécessitant une prise en charge permanente qui la placerait dans une situation de dépendance particulière dépassant les liens affectifs ordinaires vis-à-vis de sa proche famille établie à Genève, au sens où la jurisprudence constante l'entend. En particulier, il n’est pas démontré que son état de santé nécessiterait une prise en charge permanente que seuls ces derniers seraient en mesure d’assumer. Le fait que ses enfants assument financièrement son entretien n'est pas non plus déterminant, rien ne les empêchant de lui apporter un soutien financier et matériel depuis la Suisse. Il convient enfin et surtout de souligner que la recourante a bénéficié jusqu'à son arrivée en Suisse du soutien de son fils aîné, dont le renvoi de Suisse est confirmé par jugement de ce jour, et qu'ainsi, elle devrait pouvoir continuer à bénéficier de son soutien lors de leur retour dans leur pays d'origine.

S'agissant de son fils, G______, il n’est pas contesté, au vu notamment des rapport et certificats médicaux versés à la procédure, que son état de santé est fragile et nécessite un traitement au long cours. Il n’en résulte toutefois pas que ce dernier se trouve dans un rapport de dépendance vis-à-vis de sa mère, qui nécessiterait une présence, une surveillance, des soins et une attention que seule cette dernière est en mesure d’assumer et de lui prodiguer. Il est par ailleurs relevé que cette assistance lui est actuellement fournie par des professionnels, se trouvant actuellement en rééducation dans le canton de Lucerne. À toutes fins utiles, il sera rappelé que le système social suisse permet aux personnes qui en ont besoin de bénéficier d’une aide pour les tâches du quotidien. Dès lors, à sa sortie du Centre Suisse des Paraplégiques, G______ aurait la possibilité de continuer à se faire aider en Suisse par des personnes habilitées pour lui porter l’assistance. Enfin, il est relevé que les déclarations de la recourante qui explique que sa situation personnelle la rend dépendante de ses proches sont en contradiction avec son souhait d’apporter une assistance constante à son fils G______.

Au vu de ce qui précède, la recourante ne peut ainsi pas se prévaloir de l’art. 8 CEDH pour rester en Suisse.

29.         La recourante, se fondant implicitement sur l'art. 3 al. 2 let. b annexe I ALCP, sollicite une autorisation de séjour pour vivre auprès de ses enfants européens, à savoir D______ et F______, citoyens espagnols.

30.         Selon l'art. 3 par. 1 annexe I ALCP, en relation avec l'art. 7 let. d ALCP, les membres de la famille d'une personne ressortissant d'une partie contractante ayant un droit de séjour ont le droit de s'installer avec elle, à condition que celle-ci dispose d'un logement approprié. Sont notamment considérés comme membres de la famille, quelle que soit leur nationalité, les ascendants de cette personne ou ceux de son conjoint qui sont à sa charge (art. 3 par. 2 let. b annexe I ALCP).

La qualité de membre de la famille « à charge » résulte du soutien du membre de la famille tel qu'assuré matériellement par le ressortissant UE/AELE bénéficiant du droit de séjour en Suisse (ATF 135 II 369 consid. 3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_771/2021 du 15 septembre 2022 consid. 4.2 ; 2C_184/2021 du 26 août 2021 consid. 3.2). Ce qui importe, c'est de savoir si, compte tenu de sa situation économique et sociale, le parent ascendant est en mesure de subvenir lui‑même à ses besoins essentiels, ou s'il est tributaire de moyens financiers supplémentaires apportés par le titulaire du droit de séjour (ATF 135 II 369 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_771/2021 précité consid. 4.3 ; 2C_184/2021 précité consid. 3.2 et les arrêts cités). S'agissant des ascendants qui ne résident pas déjà en Suisse ou qui n'y séjournent qu'en tant que touristes au moment de la demande, c'est la nécessité du soutien matériel apporté dans leur pays d'origine ou de provenance par le ressortissant UE/AELE séjournant en Suisse au moment du dépôt de la demande qui est déterminant (ATF 135 II 369 consid. 3.1 et 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_433/2021 du 21 octobre 2021 consid. 5.1 ; 2C_757/2019 du 21 avril 2020 consid. 4.2). En d'autres termes, le regroupement familial d'un ascendant provenant de l'étranger présuppose un soutien matériel par le regroupant existant au préalable dans le pays d'origine ou de provenance (cf. Martina CARONI et al., Migrationsrecht, 5e éd. 2022, n° 1015 p. 409; Peter UEBERSAX et al., Migrationsrecht in a nutshell, 2021, p. 119). Ce n'est que si l'ascendant séjourne légalement en Suisse depuis plusieurs années déjà qu'il convient de se baser sur le soutien matériel qu'il reçoit effectivement dans ce pays (ATF 135 II 369 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_771/2021 précité consid. 4.3 ; 2C_757/2019 précité consid. 4.2 et les arrêts cités).

Seul l'aspect matériel de l'entretien de l'ascendant entre en ligne de compte et non les besoins sociaux (arrêt du Tribunal fédéral 2C_771/2021 précité consid. 4.4 et les arrêts cités). L'entretien matériel peut également être fourni par des prestations en nature (ATF 135 II 369 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_757/2019 précité consid. 4.4). L'existence d'un lien de dépendance effectif doit être prouvée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_771/2021 précité consid. 4.4 et les arrêts cités).

À cela s'ajoute que le ressortissant UE/AELE résidant en Suisse doit avoir des ressources financières suffisantes pour continuer à assurer l'entretien nécessaire des membres de sa famille ou de celle de son conjoint, une fois que ceux-ci l'ont rejoint. Enfin, il faut qu'une vie familiale (sociale) ait effectivement existé avant le regroupement familial (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_433/2021 précité consid. 5.1 et les arrêts cités).

31.         En l'espèce, à l’instar de l’autorité intimée, le tribunal constate que les conditions énoncées à l’art. 3 annexe I ALCP ne sont pas remplies. En effet, il n’a pas été démontré à satisfaction que la recourante était « à charge » de ses enfants européens, D______ et F______, au sens de la disposition précitée, lorsqu'elle vivait en Équateur. La recourante ne prétend d'ailleurs pas que sans le soutien financier que lui apportaient ceux-ci, elle ne serait pas parvenues à subvenir à ses besoins essentiels. Par ailleurs, comme relevé par l'autorité intimée, les transferts d'argents en sa faveur ont essentiellement été effectués par sa fille C______, et non pas par ses enfants européens. En tout état, il n'apparaît pas qu'elle était à leur charge de manière régulière et continue au vu de l'irrégularité et du montant des versements effectués par ses enfants en sa faveur lorsqu'elle résidait dans son pays d'origine. En effet, il ressort des justificatifs d'envoi d'argent versés à la procédure, portant sur la période du 3 février 2009 à 27 avril 2022, trois transferts (avant son arrivée en Suisse) pour un montant total de CHF 2'483.50 en 2022, cinq transferts pour un montant total de CHF 4'180.30 en 2021, aucun transfert en 2020, un transfert de CHF 413.- en 2019, un transfert de CHF 200.- en 2018, deux transferts pour un montant total de CHF 578.65 en 2017 et sept transferts pour un montant total de CHF 2'972.- en 2016, notamment. Comme l'a relevé avec précision l'autorité intimée, l'interruption des versements en 2020, pendant la période de chômage de Mme C______, ainsi que le double versement effectué le 8 septembre 2021, contredisent clairement l'allégation selon laquelle M. F______ et Mme D______ participaient aux versements faits par leur sœur C______. En outre, la recourante n'apporte aucune explication quant à d'éventuelles rentes qu'elle aurait touchées en Équateur lorsqu'elle y vivait. Enfin, comme relevé par l'autorité intimée, depuis son arrivée en Suisse, elle vit chez sa fille E______ et non pas sous le toit de ses enfants européens.

Il résulte de ce qui précède que la recourante n'as pas prouvé l'existence d'un lien de dépendance effectif avec D______ et F______. C'est ainsi à bon droit que l'OCPM a refusé de lui délivrer l'autorisation de séjour sur la base de l'art. 3 par. 1 Annexe I ALCP.

32.         Dans cette mesure, la demande de suspension de la procédure dans l'attente de l'éventuel dépôt par la recourante d'une requête en application de l'ALCP devient sans objet.

33.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel l’autorisation de séjour est refusée ou dont l’autorisation n’est pas prolongée.

Elles ne disposent à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).

34.         Dès lors qu’il a refusé de prolonger l’autorisation de séjour de la recourante, l’OCPM devait ordonner son renvoi de Suisse en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI, ne disposant, dans ce cadre, d’aucun pouvoir d’appréciation.

35.         Reste à déterminer si l’exécution de cette mesure est possible, licite et peut être raisonnablement exigée, la recourante faisant valoir la situation instable en Équateur et la dégradation de son état de santé pour solliciter, implicitement, son admission provisoire.

36.         Selon l'art. 83 al. 4 LEI, l'exécution de la décision ne peut pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale. Cette disposition s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin (ATAF 2014/26 consid. 7.6, 7.9 et 7.10 ; ATAF 2011/50 consid. 8.2).

37.         En l'espèce, l'Équateur où vivait l'intéressée avant son arrivée en Suisse, ne connaît pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée qui permettrait d'emblée et indépendamment des circonstances du cas d'espèce, de présumer, pour tous les ressortissants du pays, l'existence d'une mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEI. Son retour dans son pays d’origine placerait la recourante dans la même situation que ses compatriotes qui doivent faire face à l’insécurité qu’elle évoque. Elle ne fait valoir aucun élément rendant vraisemblable qu’à son retour en Équateur, elle serait concrètement exposée à un danger spécifique pour sa vie ou son intégrité physique ou psychique. S'agissant du caractère raisonnablement exigible de ce renvoi, il est question ici de renvoyer une femme, aujourd'hui âgée de 84 ans, en Équateur, pays dans lequel elle a toujours vécu jusqu'à son départ, relativement récent, pour la Suisse, où elle dispose nécessairement d'un réseau social et où elle continuera à bénéficier du soutien de son fils M. B______. Au regard du certificat médical établi le 4 avril 2023 par le Docteur H______ indiquant qu'elle souffre d'une cataracte et qu'une opération est nécessaire, il n'est pas établi qu'une telle opération, respectivement que d'éventuels traitements médicamenteux nécessaires suite à une telle opération ne seraient pas disponibles en Équateur, ce d'autant que la recourante indique avoir pu subir l'opération requise et ne prétend pas souffrir d'éventuelles complications. Dès lors, l'exécution de la décision querellée peut être raisonnablement exigée au sens de la disposition précitée.

38.         En conséquence, mal fondé, le recours sera rejeté et la décision confirmée.

39.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

40.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 9 juin 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 9 mai 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 500.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière