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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/958/2023

JTAPI/1165/2023 du 24.10.2023 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;SOINS MÉDICAUX;SÉJOUR
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31; LEI.96.al1; LEI.84
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/958/2023

JTAPI/1165/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 octobre 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Constance ESQUIVEL, avocate, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1985, est ressortissant du Kosovo.

2.             Il a fait l'objet de trois interdictions d'entrée en Suisse, respectivement le 24 septembre 2007, pour une durée de trois ans, le 24 septembre 2010, jusqu'au 10 décembre 2014 et le 14 août 2017, jusqu'au 13 août 2020.

3.             Par décision du 14 décembre 2017, l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti un délai au 15 janvier 2018 pour ce faire.

4.             Le 26 septembre 2022, M. A______ a déposé auprès de l’OCPM, une demande d’autorisation de séjour. Il était arrivé en Suisse en 2005. Sommé de quitter le territoire suisse, il était retourné au Kosovo de septembre à décembre 2007, avant de revenir en Suisse. Depuis lors, il travaillait dans le secteur du bâtiment et de la construction et n'avait plus quitté le territoire helvétique, hormis durant deux semaines, en 2015, pour visiter sa mère malade. Il n'avait été condamné que pour des infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), ne faisait l'objet d'aucune poursuite et n'avait jamais bénéficié de l'aide sociale. Il avait créé de forts liens amicaux et une vie sociale en Suisse. Il maîtrisait parfaitement le français. Excepté ses parents, il n'avait pas de famille au Kosovo.

5.             Par courrier du 20 octobre 2022, l'OCPM a fait part à M. A______ de son intention de refuser de soumettre son dossier avec un préavis favorable au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) et de prononcer son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai de trente jours pour faire valoir, par écrit, son droit d'être entendu.

Il n'avait pas respecté la décision de renvoi prononcée à son encontre le 14 décembre 2017 et dûment notifiée. Il n'avait pas démontré une intégration socioculturelle particulièrement remarquable ayant notamment fait l'objet de trois interdictions d'entrée en Suisse qu'il n'avait pas respectées. Il s'agissait d'un non-respect manifeste de l'ordre juridique suisse. Il n'avait pas démontré une très longue durée de séjour en Suisse. A ce sujet et lors de son audition du 31 mars 2017 par-devant la police cantonale vaudoise, il avait déclaré être arrivé en Suisse à la fin du mois de janvier 2016. Malgré son indépendance financière, il ne pouvait se prévaloir d'une intégration professionnelle ou sociale particulièrement marquée et n'avait pas démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences.

6.             Par courrier du 1er février 2023, sous la plume de son conseil, il a réaffirmé vivre en Suisse depuis dix-huit ans. Il en voulait pour preuve le laissez-passer qu'il avait reçu le 26 septembre 2007, pour un séjour au Kosovo. Sa situation et le stress lors de son audition en mars 2017, avaient pu induire des confusions dans ses propos. Il avait pu faire référence à la courte période lors de laquelle il était rentré au Kosovo. Il était indépendant financièrement et la continuité de ses efforts dans sa vie professionnelle démontrait sa participation à la vie économique suisse. Son intégration professionnelle et sociale était particulièrement marquée. Il n'avait plus aucun lien avec le Kosovo, hormis ses parents.

7.             Par décision du 9 février 2023, l’OCPM a refusé, notamment pour les motifs ressortant de sa lettre d'intention, de soumettre le dossier de M. A______ avec un préavis favorable au SEM et a prononcé son renvoi, lui impartissant un délai au 9 avril 2023 pour quitter la Suisse.

Il n'avait pas de justificatifs pour les années qu'il alléguait avoir passées en Suisse, avant 2016. La seule présentation d'un laissez-passer émis en 2007 n'était pas une preuve de sa présence continue en Suisse depuis lors.

8.             Par acte du 13 mars 2023, M. A______, sous la plume de son conseil, a recouru contre la décision précitée, devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant principalement, à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour en sa faveur, subsidiairement, à ce que la cause soit retournée à l'OCPM pour qu'il statue dans le sens des considérants, le tout sous suite de frais et dépens.

Il avait effectué une formation pour permis Nacelle et avait été employé par plusieurs sociétés, sur différents chantiers en région genevoise. Il avait également travaillé comme agent de sécurité. Hormis sa condamnation en 2017, il n'avait commis aucune infraction sur le territoire suisse. Il était parfaitement intégré en Suisse où il vivait depuis près de vingt ans. Dès lors, un renvoi dans son pays était inconcevable. Le 5 mars 2021, il avait été victime d'un grave accident de travail ayant entraîné de grandes séquelles physiques et psychiques non guéries. Depuis lors, il entendait des voix. Il souffrait de douleurs aigües au membre inférieur droit qui l'empêchaient de rester debout longtemps, de monter des escaliers et de soulever une lourde charge. Il était sous traitement médicamenteux et effectuait un suivi psychiatrique, vivant un épisode dépressif sévère. Il se rendait chez des médecins spécialistes plus de quatre fois par semaine. Une demande de prestation d'assurance-invalidité (ci-après : AI) avait été déposée le 24 mai 2022. Il devait se faire opérer prochainement du genou droit, pour la troisième fois. Son traitement était fortement compromis en cas de retour dans son pays d'origine, notamment sa troisième opération, où il ne pourrait bénéficier d'un suivi médical similaire à celui dont il bénéficiait en Suisse. L'arracher de ses repères en Suisse aurait des conséquences graves sur son état psychologique. Au surplus, il a repris les motifs contenus dans ses écritures des 26 septembre 2022 et 1er février 2023 à l'intention de l'OCPM et a produit un chargé de pièces dont :

-          une carte de membre au "Black gym" de Prilly, non datée ;

-          des cartes d'employé de B______SÀRL datées du 20 janvier 2017 et du 25 février 2020, de C______non datée et de D______ non datée ;

-          un certificat de formation de permis Nacelle non daté ;

-          un contrat de travail signé avec E______ SÀRL pour un début d'activité le 14 octobre 2020, en qualité de coffreur ;

-          un bail à loyer dès le 1er juillet 2018 ;

-          un certificat médical des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) du 7 mars 2021 décrivant une prise en charge le 5 mars 2021, pour une chute d'environ 2m50 sur ses pieds, avec entorse de cheville à gauche, sans fractures ni troubles neuro-vasculaires. Lui avait été prescrits des médicaments, une immobilisation au niveau de la cheville durant quatre semaines, neuf séances de psychothérapie ainsi qu'un arrêt de travail ;

-          une expertise orthopédique établie le 17 janvier 2023 par la Dresse F______ faisant état d'un petit épanchement intra-articulaire au genou droit, d'un petit épanchement pré-patellaire, de légères douleurs à la palpation de la rotule, de douleurs importantes à la palpation de l'interligne externe, de douleurs à la palpation de l'interligne interne, d'une légère amyotrophie du quadriceps et de la jambe du côté droit, de marches sur pointes et talons impossibles avec un diagnostic de status post arthroscopie, gonalgies droites, épanchement intra-articulaire genou droit et bursite prépatellaire, avec une incapacité de travail à 100%, une prescription de daphalgan 1g x3 par jour et de physiothérapie à raison de deux fois par semaine ainsi qu'une suggestion d'infiltration intra-articulaire à base de corticoïde associée à un traitement à base d'AINS per os ;

-          une expertise psychiatrique établie le 17 janvier 2023 par la Dresse G______ concluant à un épisode dépressif sévère avec symptôme psychotique. Le recourant bénéficiait d'un traitement médicamenteux quotidien (Zyprexa, Escitalopram et Temesta) ainsi qu'un entretien hebdomadaire avec un psychiatre et un autre avec un psychologue. Son pronostic était mauvais vu la persistance des symptômes psychotiques.

9.             Dans ses observations du 16 mai 2023, l'OCPM a relevé que le Kosovo disposait d'un système de santé en mesure d'offrir des prestations médicales de base, soit d'infrastructures assurant des soins dans le domaine de la physiothérapie (notamment à l'hôpital universitaire de Pristina et dans les cliniques Nena Naile à Kllokot et Banje Pejes à Istog), de la chirurgie orthopédique et en matière de soins psychiatriques. Dès lors, le recourant pouvait être pris en charge et poursuivre ses traitements dans son pays d'origine. Sa demande de prestation d'AI ne requérait pas sa présence en Suisse, l'intéressé pouvant par ailleurs, recevoir des rentes à l'étranger. Partant, il confirmait sa décision et concluait au rejet du recours. Si l'intervention chirurgicale du recourant devait s'avérer nécessaire et pouvait se réaliser à court terme, il était disposé à adapté son délai de départ en conséquence. Il a produit son dossier dont :

-          un contrat de travail avec B______ SÀRL pour un début d'activité le 1er mai 2017 ;

-          l'ordonnance pénale du 9 mai 2017, rendue par le Ministère public de l'arrondissement de la Côte, condamnant le recourant à une peine pécuniaire de 100 jours-amende, à CHF 30.-, avec sursis, délai d'épreuve 3 ans, et à une amende de CHF 600.-, pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. a, b et c LEI. Il ressort de cette ordonnance que l'intéressé a été condamné le 28 juin 2007 par la Préfecture de Nyon, le 5 janvier 2009 par le Tribunal de police de la Côte et le 21 juin 2010 par le Juge d'instruction du Nord vaudois, pour des infractions similaires ;

-          une demande de visa du 18 février 2021, en vue d'un retour au Kosovo, pour une durée de trente jours, pour raisons familiales. Cette demande a été refusée au motif que l'intéressé avait fait l'objet d'une décision de renvoi, qu'il séjournait en situation illégale en Suisse et que toute demande de régularisation devait être déposée à l'étranger ;

-          une demande de visa du 6 septembre 2022, en vue d'un retour au Kosovo, pour visiter son père malade.

10.         Le recourant a répliqué le 12 juin 2023. Il était suivi depuis deux ans par les quatre mêmes spécialistes avec lesquels il avait construit une relation de confiance. En avril 2023, il avait à nouveau subi une opération du genou. Suivant l'évaluation des douleurs, il devrait subir une nouvelle opération dans les quatre prochains mois. Il était très probable qu'il doive faire l'objet d'évaluation par les médecins de l'AI et qu'il puisse bénéficier de mesures de réinsertion. Les prestations de l'AI ne se limitaient pas à l'octroi de rente qui pouvait, selon l'OCPM, être exportée. Au vu de sa situation, plus particulièrement médicale, un retour au Kosovo ne ferait que péjorer son état de santé et les souffrances subies.

11.         Par duplique du 7 juillet 2023, l'OCPM s'est référé à ses précédentes observations ainsi qu'à la décision entreprise. Il a conclu au rejet du recours.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Sans y conclure formellement, le recourant propose son audition.

4.             Tel que garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit, pour le justiciable, de produire des preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 142 II 2018 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

5.             Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières ou de mettre un terme à l'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1 ; 1C_212/2018 du 24 avril 2019 consid. 4.1).

6.             Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 5D_204/2016 du 15 mars 2017 consid. 4.4 ; 5A_792/2016 du 23 janvier 2017 consid. 3.4 ; 6B_594/2015 du 29 février 2016 consid. 2.1 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1 ; 5A_378/2014 du 30 juin 2014 consid. 3.1.1).

7.             En l’espèce, le dossier contient déjà les éléments utiles permettant au tribunal de statuer en connaissance de cause sur le recours. Il ne se justifie donc pas de donner suite aux offres de preuve formulées par le recourant, d'autant qu'il n'existe pas un droit à la comparution personnelle des parties, étant souligné que le recourant a eu la possibilité de s'exprimer dans son recours et sa réplique et de produire tout moyen de preuve utile en annexe de ses écritures.

8.             Par conséquent, il ne sera pas procédé à d’autres mesures d’instruction.

9.             Le recourant conteste ne pas remplir les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

10.         La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l'OASA, règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

11.         L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

12.         L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

13.         Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

14.         La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

15.         La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, LEtr, vol. 2, 2017, p. 269 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-7330/2010 du 19 mars 2012 consid. 5.3 ; Minh SON NGUYEN/Cesla AMARELLE, op. cit., p. 269). Après un séjour régulier et légal de dix ans, il faut en principe présumer que les relations sociales entretenues en Suisse par la personne concernée sont devenues si étroites que des raisons particulières sont nécessaires pour mettre fin à son séjour dans ce pays (ATF 144 I 266 consid. 3.8). La durée d'un séjour illégal, ainsi qu'un séjour précaire, ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte (ATF 130 II 39 consid. 3 ; ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 ; 2007/44 consid. 5.2).

16.         Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit néanmoins être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

17.         Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

18.         La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

19.         Selon la jurisprudence, des motifs médicaux peuvent, selon les circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque la personne concernée démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation. De même, la personne étrangère qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif médical pour réclamer une telle exemption (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6860/2016 du 6 juillet 2018 consid. 5.2.2 ; ATA/1279/2019 du 27 août 2019 consid. 5f).

20.         En l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, l'aspect médical et les éventuelles difficultés de réintégration de la personne concernée dans le pays d'origine ne sauraient justifier, à eux seuls, l'octroi d'un permis humanitaire pour cas de rigueur. Le cas échéant, ces critères ne peuvent en effet être pris en considération que dans le cadre de l'examen de la licéité et de l'exigibilité de l'exécution du renvoi (arrêt du TAF F-4125/2016 du 26 juillet 2017 consid. 5.4.1 ; ATA/506/2023 du 16 mai 2023 consid. 7.7 ; ATA/41/2022 du 18 janvier 2022 consid. 9).

21.         La notion mentionnée à l'art. 84 al. 5 LEI d'exigibilité d'un retour dans son pays de provenance d'un étranger admis provisoirement n'est pas identique à la notion d'exigibilité de l'exécution du renvoi telle qu'elle apparaît à l'art. 83 LEI. Il faut, en effet, distinguer les personnes visées par l'art. 84 al. 5 LEI – qui sont par essence au bénéfice d'une admission provisoire, c'est-à-dire d'une mesure qui suspend, du moins temporairement, l'exécution du renvoi pour l'un des motifs relevant de l'art. 83 LEI, y compris celui relatif à l'inexigibilité de l'exécution du renvoi – et celles visées par l'art. 83 LEI, dont l'examen du cas déterminera précisément si elles doivent ou peuvent être mises au bénéfice d'une admission provisoire (ATAF C-1136/2013 du 24 septembre 2013 consid. 6.3.2).

22.         En l'espèce, après un examen circonstancié du dossier, qui ne nécessite pas d’instruction complémentaire, et des pièces versées à la procédure, on doit parvenir à la conclusion que l'OCPM n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA. C'est le lieu de rappeler que le seul fait de séjourner en Suisse pendant plusieurs années - même à titre légal - n'est pas suffisant, sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles font défaut ici.

23.         Le recourant allègue séjourner de manière continue en Suisse depuis 2005, hormis de septembre à décembre 2007 et durant deux semaines durant l'année 2015. Or, il n'a transmis aucun justificatif pouvant prouver ce séjour continu, tels qu'abonnements de transports publics, baux à loyers, factures, assurances-maladies, cotisations aux assurances sociales, etc. Les premiers documents fournis datent des 20 janvier 2017 (carte d'employé auprès de B______ SÀRL) et du 1er mai 2017 (contrat de travail avec cette entreprise), les autres pièces n'étant pas datées. Il ressort par ailleurs des propres déclarations du recourant du 31 mars 2017 à la police, qu’il était arrivé en Suisse à la fin du mois de janvier 2016. A ce sujet, ses déclarations effectuées sans qu'il ne perçoive les conséquences que l'autorité pouvait en tirer, doivent être considérées comme crédibles. A contrario, l'assertion que le stress et sa situation avaient pu induire une certaine confusion dans ses propos et qu'il avait pu faire référence à la courte période durant laquelle il était retourné au Kosovo, apparaît peu plausible et n'emporte pas conviction. A noter que la date mentionnée à la police, soit janvier 2016, ne correspond pas aux périodes passées dans son pays d'origine, soit 2007 et 2015. En outre, le laissez-passer du 26 septembre 2007 ne permet en rien de démontrer un séjour continu jusqu'à ce jour. Tout au plus, permet-il de prouver qu'il se trouvait en Suisse à cette période, ce qui est corroboré par l'interdiction d'entrée prononcée le 24 septembre 2007 à son encontre et par le fait qu'il est retourné dans son pays d'origine à la fin de cette année-là. Dans ces circonstances, la durée du séjour - qui n'a pas été démontrée malgré le devoir accru de collaboration dont doit faire part le recourant - n'est pas suffisante eu égard à la jurisprudence précitée.

24.         En tout état, la durée du séjour n’est qu’un critère parmi d’autres et le simple fait de séjourner en Suisse pendant de longues années, même légalement, ne permet pas d'admettre un cas personnel d'extrême gravité sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles qui font ici défaut.

25.         Le recourant ne peut en effet pas se prévaloir d’une intégration socio-professionnelle exceptionnelle. Les emplois qu'il a exercés dans le domaine du bâtiment, de la construction et de la sécurité ne témoignent pas d’une ascension professionnelle remarquable et il n’a pas acquis des qualifications spécifiques susceptibles de justifier l'admission d'un cas de rigueur au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI. Il ne peut pas non plus se prévaloir d’un comportement irréprochable. Il a séjourné et travailler illégalement en Suisse, alors qu'il se trouvait sous le coup de trois interdictions d'entrée, ce qui est en soi répréhensible (arrêts du Tribunal fédéral administratif F-989/2022 du 17 mai 2023 consid. 8.6 ; F- 5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.5).

26.         Sur le plan social, le recourant a certes appris le français mais il ne ressort pas du dossier qu’il aurait noué des liens forts avec la Suisse, comme il le prétend sans le prouver. L'intéressé ne s’est pas investi dans la vie associative, culturelle ou sociale locale, et ne s'est créé d'attache particulièrement étroite. En tout état, le fait de travailler, de ne pas dépendre de l'aide sociale, de ne pas avoir de dettes et de s'efforcer d'apprendre au moins la langue nationale parlée au lieu du domicile constitue un comportement ordinaire qui peut être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il ne s'agit pas là de circonstances exceptionnelles permettant à elles seules de retenir l'existence d'une intégration particulièrement marquée, susceptible de justifier la reconnaissance d'un cas de rigueur. Or, il ne ressort pas du dossier que les liens que le recourant a pu se créer en Suisse dépasseraient en intensité ce qui peut être raisonnablement attendu d’étrangers ayant passé un nombre d'années équivalent dans le pays. Il ne peut en tous cas pas se prévaloir d’une intégration sociale remarquable. De plus, il est né au Kosovo, où il a passé son enfance et son adolescence, soit les périodes cruciales pour l’intégration socio-culturelle. Il y a d'ailleurs conservé des attaches familiales.

27.         Plus délicate est sa situation sous l'aspect médical. Cela étant et conformément à la jurisprudence précitée, en l'absence de liens d'une certaine intensité avec la Suisse, ce qui est le cas en l'espèce, l'aspect médical ne peut justifier à lui seul l'octroi d'une autorisation pour cas de rigueur.

28.         Au vu de ce qui précède, c’est conformément à la loi et sans violer son pouvoir d’appréciation que l’autorité intimée a refusé de préaviser favorablement auprès du SEM la demande d’autorisation de séjour présentée par le recourant.

29.         Reste toutefois à examiner la situation médicale du recourant sous l’angle du renvoi. Les expertises produites évoquent un traitements médicamenteux quotidien ainsi qu'un suivi hebdomadaire par un psychologue, un psychiatre et un physiothérapeute. Vu sa pathologie, un suivi plus général par un médecin traitant ou un orthopédiste apparaît indiqué, en fonction de l'évolution.

30.         Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui‑ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

31.         S'agissant plus spécifiquement de l'exécution du renvoi des personnes en traitement médical en Suisse, celle-ci ne devient inexigible que dans la mesure où ces dernières ne pourraient plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI, disposition exceptionnelle, ne saurait en revanche être interprété comme impliquant un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse (arrêt du TAF : 2011/50 consid. 8.3). La gravité de l'état de santé, d'une part, et l'accès à des soins essentiels, d'autre part, sont déterminants. Ainsi, l'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du TAF F‑1602/2020 du 14 février 2022 consid. 5.3.4).

32.         La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), citant le rapport « Landinfo » du 3 mars 2023 relatif au système de soins de santé au Kosovo, a jugé que ce pays offrait les soins nécessaires dans le domaine de la psychiatrique (ATA/1046/2023 du 26 septembre 2023 consid.10). En particulier, le nombre d’établissements de soins de santé mentale y avait considérablement augmenté depuis 2000. Les soins psychiatriques de niveau secondaire sont dispensés dans les services psychiatriques des hôpitaux régionaux de Prizren, Pejë/Pec, Gjakovë/Djakovica, Ferizaj/Urosevac et Gjilan/Gnjilane et Mitrovicë/Mtitrovica ainsi qu’à l’hôpital universitaire de Pristina. Un site Web fournissait des informations sur le personnel et les services de chaque hôpital. Des centres de santé mentale avaient par ailleurs été créés dans toutes les grandes villes. Il proposait des conseils et des activités de jour pour les clients, avec des thérapies individuelles, de groupe et familiales. Il proposait également des visites à domicile. Les patients étaient suivis par des psychiatres, des travailleurs sociaux et des infirmiers psychiatriques.

33.         Le rapport précité confirmait par ailleurs que le Kosovo disposait d’une liste de médicaments essentiels basée sur les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé relative à la disponibilité des médicaments. En principe, les médicaments devaient être disponibles dans les pharmacies/hôpitaux publics et être gratuits ou soumis à un co‑paiement modique. Dans la pratique, ils étaient toutefois souvent achetés par les patients eux-mêmes et tous les médicaments figurant sur la liste n’étaient pas disponibles partout et à tout moment. L’accès s’était toutefois amélioré ces dernières années. Outre les pharmacies publiques, il existait un certain nombre de pharmacies privées, 650 en 2019, qui pouvaient importer tous les médicaments nécessaires. Les patients semblaient y avoir un bon accès aux médicaments, bien qu’ils y soient souvent chers.

34.         Le Tribunal administratif fédéral a quant à lui relevé que la médecine générale et la physiothérapie hebdomadaire, étaient accessibles au Kosovo (arrêt du TAF F‑3505/2018 du 20 novembre 2015 consid. 3.3.2).

35.         Enfin, il y a lieu de relever que le recourant ne démontre pas, pièces médicales à l'appui, que les traitements essentiels nécessaires à ses soins ne sont pas disponibles au Kosovo. En tout état, aucun indice au dossier ne va en ce sens. S'agissant de la demande de prestations AI déposée le 24 mai 2022 - soit il y a un an et demi – le recourant peut contacter l'Office cantonal des assurances sociales afin de se faire examiner par les experts médicaux avant son départ et/ou solliciter un visa pour un voyage en Suisse, une fois retourné au Kosovo, si les médecins souhaitent l'examiner.

36.         Partant, dans la mesure où il existe des structures de soins suffisantes au Kosovo qui peuvent prendre en charge les soins nécessités par les troubles dont souffre le recourant et tels qu'ils ressortent de son dossier médical, son renvoi ne l'expose pas à un risque réel d'être confronté à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie.

37.         On ne saurait dans ces circonstances considérer le renvoi du recourant au Kosovo comme illicite ou inexigible. Dès lors, La décision de l’OCPM apparait également conforme au droit sur ce point.

38.         Infondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

39.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

40.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 13 mars 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 9 février 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière