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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3691/2022

JTAPI/461/2023 du 27.04.2023 ( LCI ) , REJETE

REJETE par ATA/1174/2023

Descripteurs : RÉTABLISSEMENT DE L'ÉTAT ANTÉRIEUR
Normes : LPA.57.letc; LCI.120
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3691/2022 LCI

JTAPI/461/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 avril 2023

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Me Yves BONARD, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA et B______ SA sont copropriétaires de l'immeuble locatif sis à l'adresse rue ______ 1______.

2.             Le 11 juin 2004, le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, devenu depuis lors le département du territoire (ci-après : le département ou le DT) a délivré à B______ SA une autorisation de construire DD 2______ portant sur la rénovation et la réunion de deux appartements situés dans les combles en un seul logement.

3.             Les copropriétaires ont établi le 30 septembre 2004 un nouveau cahier de répartition des locaux, dont il résulte que la cage d'escalier entre le 4ème et le 5ème étage de l'immeuble était rétablie en tant que partie commune. Les locaux situés au sous-sol de l'immeuble, ainsi qu'une petite cour intérieure, constituaient également une partie commune.

4.             À la suite de cette répartition, la somme des quotes-parts appartenant à B______ SA atteignait 276,8 millièmes de la copropriété de l'immeuble, A______ SA demeurant propriétaire des autres quotes-parts pour un total de 723,2 millièmes, ces dernières se rapportant aux logements situés au rez-de-chaussée et jusqu'au 4ème étage inclusivement.

5.             Dans le cadre d'un litige opposant les deux copropriétaires, A______ SA et le département ont procédé le 7 février 2020 à une visite de l'immeuble afin d'examiner les différentes interventions effectuées dans ce dernier par B______ SA, soit sur les parties communes, soit sur les parties dont elle était propriétaire, mais engendrant quoi qu'il en soit des problèmes de différentes sortes (en particulier salubrité et sécurité). A______ SA a adressé au département le procès-verbal de cette visite.

6.             Le litige entre les deux copropriétaires a par ailleurs été porté devant le Tribunal de première instance de Genève qui a notamment ordonné à B______ SA, par jugement rendu le 2 juin 2020 dans la cause C/3______, de supprimer certaines des interventions auxquelles elle avait procédé dans l'immeuble et de rétablir la situation correspondant au statu quo. Sur ces aspects, ce jugement a été confirmé par arrêt rendu par la Cour de justice le 7 juillet 2021, puis par arrêt du Tribunal fédéral du 25 février 2022 (7______, 8______).

7.             Par courriers des 31 mars et 15 juin 2022, A______ SA a informé le département des décisions rendues par ces juridictions et du fait que B______ SA, qui disposait d'un délai au 16 mai 2022 pour s'y conformer, ne l'avait pas encore fait.

8.             Par réponse du 16 septembre 2022, se rapportant aux procédures I-4______ et DD 5______, le département a invité A______ SA à faire exécuter les décisions de justice auprès d'B______ SA sur la base de l'article 292 du Code pénal.

9.             Dans un autre courrier également daté du 16 septembre 2022, le département, faisant suite à la visite du 7 février 2020, a attiré l'attention de A______ SA sur le fait que l'aménagement du sous-sol ne correspondait pas à la DD 5______/1, que la cour intérieure était dépourvue de garde-corps et que les portes de l'ensemble des logements du rez-de-chaussée au 4ème étage, ainsi que la porte d'entrée au sous-sol, devaient être conformes à la norme EI30. A______ SA était invitée à se déterminer à ce sujet.

10.         Par courrier du 29 septembre 2022, A______ SA a répondu que les autorisations de construire DD 5______ et 5______/1 concernaient B______ SA et non pas elle-même et qu'un garde-corps avait été immédiatement installé dans la cour intérieure (ce que démontraient les photographies jointes en annexe).

11.         Par décision du 21 octobre 2022, le département a ordonné à A______ SA de requérir dans les 30 jours une autorisation de construire en procédure accélérée en mentionnant qu'il s'agissait d'une « demande de régularisation I-6______ ». Si A______ SA ne souhaitait pas régulariser la situation, il lui était loisible de procéder à la mise en conformité des lieux dans un délai de 30 jours.

Il était précisé que la DD 5______/1 avait pour requérante B______ SA, mais que les conditions émises lors de la délivrance de l'autorisation de construire concernaient aussi les étages dont A______ SA était propriétaire. Après avoir procédé aux vérifications d'usage, le département confirmait que « la réalisation de l'élément listé ci-après » était soumise à l'obtention d'une autorisation de construire. Il s'agissait « notamment de la modification de l'aménagement du sous-sol ne correspondant pas à la DD 5______/1 ».

De plus, l'absence de garde-corps aux normes en vigueur dans la cour intérieure et de portes EI30 dans l'ensemble des logements du rez-de-chaussée au 4ème étage, ainsi qu'à l'entrée du sous-sol, constituaient une infraction aux dispositions légales relatives à la sécurité des constructions et installations. Il était ainsi ordonné à A______ SA de rétablir dans les 30 jours une situation conforme au droit par la mise en conformité du garde-corps dans la cour intérieure selon la norme SIA 358 et par la modification des portes dans l'ensemble des logements du rez-de-chaussée au 4ème étage, ainsi que de la porte d'entrée au sous-sol, de manière à être conformes à la norme EI30, selon les conditions posées par la police du feu dans le cadre de la DD 5______/1.

12.         Par acte du 3 novembre 2022, A______ SA a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à son annulation. Préalablement, A______ SA sollicitait l'apport des dossiers complets relatifs à l'autorisation DD 5______/1 et à l'infraction I-6______.

La décision litigieuse découlait d'une méprise sur l'identité de sa destinataire, puisque les quatre objets qu'elle évoquait, à savoir la modification de l'aménagement du sous-sol non conforme à la DD 5______/1, la mise en conformité du garde-corps de la cour intérieure, de la porte d'entrée du sous-sol et enfin des portes des logements du rez-de-chaussée au 4ème étage, concernaient soit uniquement B______ SA dans la mesure où cette dernière était seule requérante et destinataire de l'autorisation DD 5______/1, soit la communauté des propriétaires d'étage. En tout état, même en considérant que c'était la communauté des propriétaires qui était destinataire de la décision litigieuse, il s'agissait d'un ordre manifestement impossible à réaliser, puisque, à teneur du libellé de l'autorisation DD 5______/1, l'aménagement du sous-sol ne faisait pas partie des travaux visés par cette autorisation et qu'en plus, la décision querellée n'exposait pas, fût-ce même brièvement, en quoi cet aménagement serait problématique ou non conforme à l'autorisation en question. Par conséquent, quel que fût le destinataire de la décision litigieuse, il se trouvait dans l'incapacité d'exécuter l'ordre intimé par le département. Il fallait encore observer que le département s'était totalement égaré dans l'instruction du dossier, attendant presque trois ans après la visite du mois de février 2020 et n'étant de surcroît manifestement pas au clair sur les différentes autorisations de construire délivrées d'une part à B______ SA et, d'autre part, à A______ SA.

13.         Par écritures du 9 janvier 2023, le département a répondu au recours en concluant à son irrecevabilité ou en tout état à son rejet. La décision litigieuse portait « uniquement sur l'ordre de déposer une requête en vue de régulariser les aménagements au sous-sol non conformes ». Ce volet de la décision ne contenait aucune injonction quant à la mise en conformité des lieux. Il était loisible à la recourante de choisir cette dernière possibilité si elle ne souhaitait pas tenter de régulariser la situation, mais il ne s'agissait pas d'un ordre. Selon la jurisprudence, une décision confirmant l'obligation faite à l'administré de déposer une requête en autorisation de construire ne mettait pas fin à la procédure, mais revêtait un caractère incident. Dans ces conditions, l'administré qui entendait recourir contre cette décision devait démontrer qu'il risquait de subir un préjudice irréparable ou que cela l'entraînerait dans une procédure longue et coûteuse. Or, en l'espèce, la recourante ne démontrait pas que tel pourrait être le cas, ni que le dépôt d'une autorisation de construire demanderait un travail démesuré ou excessivement coûteux. Elle se contentait d'indiquer qu'elle devrait mandater un mandataire professionnellement qualifié dans l'urgence. S'agissant des aménagements non conformes effectués dans les sous-sols, le département avait pu constater lors de la visite du 7 février 2020 que A______ SA avait installé des galandages en bois dans les locaux du sous-sol pour créer des caves séparées, de sorte que l'aménagement du sous-sol ne correspondait pas à ce qui était prévu par les plans visés ne varietur de l'autorisation DD 5______/1.

14.         A______ SA a répliqué le 16 février 2023. Elle a relevé tout d'abord que le département n'avait manifestement pas déposé l'entier de son dossier auprès du tribunal, puisqu'il ne contenait que quelques pièces.

Sur le fond, on ne pouvait suivre le raisonnement du département relatif à l'absence de préjudice irréparable découlant du fait de devoir débourser plusieurs milliers de francs d'honoraires d'architecte, ce d'autant que le département s'était mépris sur le destinataire de sa décision. En outre, A______ SA subirait un préjudice juridique, puisqu'elle se verrait contrainte de revêtir la qualité d'administré défendeur dans le cadre de l'instruction d'une requête qui ne la concernait pas et à laquelle elle n'avait pas participé. D'une part, elle n'était pas propriétaire du sous-sol de l'immeuble, et, d'autre part, elle n'avait pas connaissance des conditions imposées à B______ SA dans le cadre de la DD 5______/1. En outre, l'admission du recours qu'elle avait interjeté auprès du tribunal mettrait fin au litige dans la mesure où il serait constaté qu'elle ne disposait pas de la qualité pour recevoir la décision litigieuse.

15.         Par écritures du 10 mars 2023, le département a dupliqué. A______ SA et B______ SA étaient toutes deux inscrites au registre foncier en tant que propriétaires de la parcelle litigieuse. La problématique de la gestion des parties communes de l'immeuble relevait exclusivement du droit privé et n'était pas du ressort du département, ni de celui des juridictions administratives. La jurisprudence avait déjà confirmé que le département était fondé à retenir qu'il n'était pas nécessaire que la demande d'autorisation de construire soit signée par l'ensemble des copropriétaires. Dans le litige civil qui avait opposé les deux copropriétaires, la Cour de justice, puis le Tribunal fédéral avaient retenu que A______ SA pouvait représenter et engager la communauté des propriétaires d'étage, aussi bien dans le cadre d'un vote exigeant la majorité simple que dans celui exigeant la double majorité. Enfin, le dépôt de la requête sollicitée ne nécessitait vraisemblablement pas l'intervention impérative d'un mandataire professionnellement qualifié, étant relevé que les plans du sous-sol existaient déjà, ce qui mettait à néant l'argumentation de A______ SA sur les frais inhérents à la constitution d'un dossier de requête. Au surplus, il apparaissait que la recourante connaissait parfaitement le contenu de l'autorisation DD 5______/1 et des autorisations complémentaires, vu les recours qu'elle avait interjetés à l'égard de certaines d'entre elles.

 

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Il convient tout d'abord de trancher la question de la recevabilité du recours, l'autorité intimée considérant que celui-ci est irrecevable en raison de la nature de la décision litigieuse. À cet égard, le tribunal relèvera d'emblée que cette décision contient deux volets, comme le relève l'autorité intimée elle-même dans la partie en fait de sa réponse au recours (paragr. 20). Il s'agit, d'une part, d'un ordre de requérir une autorisation de construire pour tenter de régulariser des aménagements réalisés dans le sous-sol de l'immeuble, ordre que la recourante peut également décider de ne pas suivre mais en se voyant alors dans l'obligation de rétablir le statu quo ante et, d'autre part, de procéder à une mise en conformité d'autres éléments de l'immeuble (garde-corps dans la cour intérieure et portes des logements ainsi que de l'entrée du sous-sol).

Il est dès lors curieux que dans la partie en droit de sa réponse au recours, s'agissant de ses conclusions relatives à l'irrecevabilité de ce dernier, l'autorité intimée ne s'intéresse qu'au premier volet de la décision, qu'elle qualifie de décision incidente, et passe entièrement sous silence le deuxième volet.

Le raisonnement de la recourante, qui d'emblée semble considérer la décision litigieuse comme une décision incidente, procède apparemment du même amalgame.

Or, s'il est exact que l'ordre de déposer une demande d'autorisation de construire constitue une décision incidente (ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 4 ; ATA/1399/2019 du 17 septembre 2019 confirmé par un arrêt du Tribunal fédéral 1C_557/2019 du 21 avril 2020 ; ATA/1548/2017 du 28 novembre 2017 consid. 4 ; ATA/433/2018 du 8 mai 2018 consid. 4 ;), l'ordre de rétablir une situation conforme au droit constitue en revanche une décision finale, puisque son entrée en force déploie des effets juridiques contraignants sur la situation matérielle de son destinataire.

3.             Il convient donc d'examiner la recevabilité du recours de manière propre à chacun des deux volets de la décision litigieuse.

4.             Selon l’art. 57 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10), les décisions incidentes peuvent faire l’objet d’un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable ou si cela conduisait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse.

5.             L’art. 57 let. c LPA a la même teneur que l’art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, p. 432 n. 1265). Un préjudice est irréparable lorsqu’il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l’économie de la procédure peut constituer un tel préjudice (ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d’avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 précité consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1 ; 129 III 107 consid. 1.2.1).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l’art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c et les arrêts cités). Cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive (Stéphane GRODECKI/ Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss). Elle a néanmoins été confirmée par le Tribunal fédéral (arrêt 2C_1156/2018 consid. 4.3).

6.             En l’espèce, la recourante doit se soumettre à la procédure relative au dépôt d’une demande d’autorisation de construire en procédure accélérée et aux inconvénients qui y sont liés – constitution d’un dossier, dépôt de documents, éventuel paiement d’émoluments – sans toutefois que ces éléments ne constituent en eux-mêmes un préjudice irréparable conformément à la jurisprudence précitée. Comme le relève avec pertinence l'autorité intimée, la recourante n'est pas tenue d'en passer par un mandataire professionnellement qualifié pour le dépôt de la demande d'autorisation en procédure accélérée, qui ne concerne que la régularisation des galandages en bois divisant le sous-sol en différentes caves. Quand bien même elle ne souhaiterait pas se charger de cela elle-même, elle dispose d'ores et déjà des plans du sous-sol et l'architecte qu'elle mandaterait n'aurait qu'à y reproduire les galandages existants, ce qui, à l'évidence, n'entraînerait que des coûts très modestes, et non pas les coûts exorbitants auquel elle prétend qu'elle serait exposée.

7.             Quant à la condition alternative de recevabilité au sens de l'art. 57 let. c LPA, il n'apparaît pas que l’admission du recours sur le premier volet de la décision litigieuse conduirait immédiatement à une décision finale qui permettrait d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. En effet, une demande d'autorisation en procédure accélérée pour régulariser de simples galandages dans un sous-sol ne présente aucun risque d'être longue et coûteuse.

8.             Par conséquent, en tant qu'il est dirigé contre la partie de la décision litigieuse qui lui ordonne de déposer une requête en autorisation de construire en procédure accélérée pour régulariser les galandages du sous-sol, le recours doit être déclaré irrecevable. Même si le tribunal y reviendra plus en détail ci-dessous, il convient de préciser déjà à ce stade que la recourante n'est pas fondée à s'estimer non concernée par cet aspect de la décision litigieuse, puisque le sous-sol de l'immeuble correspond à une partie commune de ce dernier. L'autorité intimée s'est donc à juste titre adressée à l'une des copropriétaires de l'immeuble – représentant qui plus est la part majoritaire – pour remédier aux problèmes posés par cette partie, les divergences opposant les deux copropriétaires n'étant que du ressort du droit civil et non pas du droit public des constructions.

9.             S'agissant du second volet de la décision litigieuse, le recours, interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

10.         Sur le fond, la recourante soutient pour l'essentiel que la décision litigieuse n'est pas adressée au bon destinataire, puisque les objets litigieux constituent soit (s'agissant de la cour intérieure et de la porte d'entrée du sous-sol) des parties communes de l'immeuble pour lesquelles seule la communauté des copropriétaires pourrait agir, soit (s'agissant des portes d'entrées des logements du rez-de-chaussée jusqu'au 4ème étage) des éléments dont la non-conformité découlerait du non-respect des conditions posées par la police du feu dans le cadre de l'autorisation de construire DD 5______/1, autorisation dont elle n'était ni la requérante ni la destinataire.

11.         Concernant tout d'abord l'ordre de mise en conformité du garde-corps dans la cour intérieure selon la norme SIA 358 et de la porte d'entrée au sous-sol selon la norme EI30, il est vrai qu'il s'agit d'éléments appartenant aux parties communes de l'immeuble. Cependant, l'autorité intimée rappelle avec raison qu'une demande d'autorisation de construire ne requiert pas la signature de tous les copropriétaires (ATA 1515/2017 du 21 novembre 2017 consid. 5), de sorte que, par parallélisme, cette autorité est fondée à adresser un ordre de remise en état à l'un des copropriétaires, du moins dans une situation où, comme en l'espèce, il s'agit d'un copropriétaire qui l'emporte de toute manière en tant que propriétaire d'étage majoritaire dans les décisions à prendre au niveau de la communauté des copropriétaires (arrêt précité du Tribunal fédéral du 25 février 2022, consid 3.3).

Au demeurant, le tribunal relèvera que les problématiques de copropriété sur lesquelles la recourante fonde son argumentation ne l'ont pas empêchée de procéder aux travaux de mise en conformité de la cour intérieure par la pose d'un garde-corps, manifestement sans avoir considéré qu'il lui fallait obtenir l'accord de l'autre copropriétaire.

12.         Quant au fait que la porte d'entrée du sous-sol serait non conforme aux normes de sécurité incendie parce que l'autre copropriétaire n'aurait pas respecté les conditions de l'autorisation DD 5______/1, cette circonstance n'a aucune incidence sur les obligations des propriétaires de veiller à ce que les parties communes de l'immeuble soient conformes aux dispositions de la loi, notamment en ce qui concerne les normes de sécurité établies par les art. 120 et ss LCI, sur lesquels se fonde la décision litigieuse. Ainsi, le fait que l'une des parties communes d'un immeuble en copropriété ne réponde pas aux normes de sécurité en raison de l'intervention fautive de l'un des copropriétaires n'enlève rien à l'obligation qui incombe quoi qu'il en soit à l'ensemble des copropriétaires, sous l'angle du droit public des constructions, de veiller en tout temps à la conformité au droit des parties communes. Ce n'est que dans leurs rapports internes des droits civils que les copropriétaires peuvent être amenés à régler les conséquences d'une intervention fautive de l'un d'entre eux.

13.         S'agissant de la non-conformité des portes d'entrée des logements situés du rez-de-chaussée au 4ème étage, la recourante ne conteste pas qu'il s'agisse ici d'éléments de l'immeuble dont elle est seule propriétaire, de sorte que la question de sa légitimité à intervenir sur ces parties ne se pose pas. Quant au fait que la non-conformité de ces portes découlerait du non-respect par l'autre copropriétaire des conditions posées dans le cadre de l'autorisation DD 5______/1 (ce qui paraît au demeurant peu clair dans la mesure où l'on ne voit pas en quoi cette autorisation aurait pu concerner des parties privées de l'immeuble n'appartenant pas à la requérante de cette décision), la même remarque que ci-dessus vaut à plus forte raison s'agissant de l'obligation de la recourante de veiller à ce que les parties de l'immeuble dont elle est seule propriétaire soient conformes aux dispositions de la LCI relatives à la sécurité. Là aussi, le fait que, par hypothèse, la non-conformité des portes serait due à une intervention fautive de l'autre copropriétaire de l'immeuble n'a aucune incidence sur les devoirs qui restent ceux de la recourante sous l'angle du droit public des constructions, indépendamment des litiges de droit privé qui l'opposent à l'autre copropriétaire.

14.         Le second volet de la décision litigieuse apparaît ainsi parfaitement fondé.

15.         Au vu de ce qui précède, il apparaît également que la décision litigieuse était motivée de façon suffisamment claire et qu'en tout état, d'éventuelles imprécisions sur son contenu ont été entièrement levées dans le cadre de la présente procédure. La recourante ayant évoqué un défaut de motivation de la décision litigieuse, sans toutefois soulever formellement le grief de violation de son droit d'être entendu, un tel grief aurait ainsi, quoi qu'il en soit, dû être rejeté.

16.         Au vu de ce qui précède, le recours, entièrement infondé, devra être rejeté.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 900.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le novembre 2022 par A______ SA contre la décision du département du territoire du 21 octobre 2022, en tant que cette décision ordonne à A______ SA le dépôt d'une autorisation de construire ;

2.             déclare recevable le recours interjeté le novembre 2022 par A______ SA contre la décision du département du territoire du 21 octobre 2022, en tant que cette décision ordonne à A______ SA de rétablir une situation conforme au droit ;

3.             le rejette dans cette mesure ;

4.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Saskia RICHARDET VOLPI et Patrick BLASER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière