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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3499/2022

JTAPI/441/2023 du 25.04.2023 ( OCPM ) , REJETE

REJETE par ATA/1236/2023

Descripteurs : REGROUPEMENT FAMILIAL;AUTORISATION DE SÉJOUR;DÉLAI
Normes : LEI.43.al1; LEI.47; OASA.75; CEDH.8; CDE.3.par1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3499/2022

JTAPI/441/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 avril 2023

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant en son nom et celui de ses filles mineures, B______ et C______, représentées par Me Pierre OCHSNER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur D______, ressortissant marocain, est né le ______ 1971.

2.             À teneur du registre informatisé Calvin de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), arrivé en Suisse le 24 août 1997 en provenance du Maroc, il s’est vu délivrer par cet office, le 15 septembre 1997, un permis de séjour, lequel s’est transformé, à compter du 6 mai 2003, en un permis d’établissement, dont le prochain délai de contrôle arrivera à échéance le 26 août 2023.

3.             Selon la traduction française de l’acte de mariage du ______ 2015 versée au dossier, M. D______ a épousé, le ______ 2015 à E______ (Maroc), Madame A______, née le ______ 1985, ressortissante marocaine également.

4.             De cette union sont nées au Maroc B______ le 4 août 2016 et C______ le 14 avril 2021, toutes deux de nationalité marocaine.

5.             Par formulaires datés du 15 décembre 2021 et enregistrés le 16 décembre 2021 par l’ambassade de Suisse au Maroc, Mme A______ a sollicité la délivrance de visas de long séjour en sa faveur et celle de B______ et de C______, en vue du regroupement familial avec son époux.

6.             Par courrier du 15 décembre 2021, M. D______ a également sollicité auprès de l’ambassade de Suisse le regroupement familial avec son épouse et leurs deux filles, tout en précisant qu’en raison d’une situation instable, cette requête n’avait pas pu être déposée plus tôt.

7.             Faisant suite à une demande de renseignements complémentaires du 30 mars 2022, M. D______ a transmis à l’OCPM, par courriel du 10 mai 2022, sous la plume de son conseil :

-          une attestation établie le 13 janvier 2022 par l’hospice général (ci-après : HG) à teneur de laquelle il avait bénéficié de prestations d’aide financière du 1er février 2014 au 31 octobre 2021 ;

-          un décompte global de l’office cantonal des poursuites au 7 mars 2022 faisant état de cinq actes de défaut de biens pour un montant total de CHF 8'326.60 ainsi qu’un extrait du registre des poursuites du 21 avril 2022 selon lequel il ne faisait l’objet d’aucune poursuite mais de quatre actes de défaut de biens, pour un montant total de CHF 6'900.70 ;

-          un courrier de l’administration fiscale cantonale relatif au fait qu’il avait racheté sept actes de défaut de biens, pour un montant total de CHF 5'700.- ;

-          des fiches de salaire établies, pour le mois d’avril 2022, par F______ SA pour un montant net de CHF 4'524.25 et, pour les mois de décembre 2021 à février 2022, par G______ SA pour un montant mensuel net oscillant entre CHF 1'413.54 et CHF 2'310.27.

8.             Par courriel du 13 mai 2022, l’OCPM a répondu que ladite requête avait été déposée en-dehors des délais prévus par l’art. 47 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) s’agissant de son épouse et de B______. Partant, un délai de trente jours lui était imparti pour indiquer quelle relation il avait entretenu avec son épouse et ses enfants entre 2015 (ou la naissance des enfants) et 2021, la fréquence à laquelle il leur avait rendu visite et si ces dernières étaient déjà venues en Suisse. De plus, la chambre meublée qui lui servait de logement n’étant pas appropriée pour accueillir trois personnes supplémentaires, le même délai lui était imparti pour prouver les démarches entreprises pour trouver un logement plus spacieux.

9.             M. D______ a répondu à l’OCPM, sous la plume de son conseil, par courriel du 24 mai 2022, que la demande de regroupement familial n’avait pas pu être déposée plus tôt, faute de moyens financiers suffisants pour entretenir sa famille en raison des conséquences économiques de la situation sanitaire due au Covid-19. Il avait émargé à l’aide sociale jusqu’au 31 octobre 2021. Ayant mis un point d’honneur à ne pas demander le regroupement familial avant d’être financièrement indépendant, il avait attendu d’avoir retrouvé du travail pour déposer la requête y relative. La relation entretenue avec son épouse et ses filles était forte et quotidienne (téléphones, appels vidéos, messages) et il était retourné au Maroc pour les voir à chaque fois que cela était possible, soit tous les quatre à cinq mois pour des séjours d’une à deux semaines. Sa famille n’était jamais venue en Suisse. Il devrait prochainement disposer d’un logement de trois pièces.

10.         Par courrier du 25 mai 2022, l’OCPM a informé M. D______ de son intention de refuser l’octroi d’autorisations d’entrée et de séjour en faveur de Mme A______ et de B______ et C______ et lui a imparti un délai de trente jours pour faire usage de son droit d’être entendu.

Les conditions d’un regroupement familial n’étaient pas remplies. Les demandes relatives à Mme A______ et à B______ avaient été déposées hors délai et aucune raison familiale majeure ne justifiait un regroupement familial différé. De plus, il ne disposait pas d’un logement approprié pour les accueillir. Enfin, un éventuel regroupement en faveur de C______ ne pourrait être accepté, dès lors qu’il reviendrait à la séparer de sa mère et de sa sœur et que M. D______ ne pourrait l’élever seule, compte tenu de son activité professionnelle.

11.         Par courriel du 27 mai 2022, M. D______ a transmis à l’OCPM un contrat du 25 mai 2022 portant sur la sous-location d’un appartement de trois pièces à compter du 1er juin 2022.

12.         Par décision du 21 septembre 2022, l’OCPM a refusé l’octroi d’autorisations d’entrée et de séjour en faveur de Mme A______ et de B______ et C______, pour les motifs invoqués dans son courrier d’intention du 25 mai 2022.

13.         Par acte du 21 octobre 2022, Mme A______, agissant en son nom et celui de ses deux filles mineures, a interjeté recours, sous la plume de son nouveau conseil, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de cette décision, concluant, préalablement, à l’audition des parties et de M. D______ et, principalement, à l’annulation de cette décision et à l’octroi des autorisations requises, subsidiairement au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision, sous suite de frais et dépens.

La décision attaquée reposait sur des faits manifestement inexacts et violait le principe de proportionnalité. Actuellement employé par G______ SA pour un salaire mensuel variable moyen d’environ CHF 5'000.-, son époux sous-louait un spacieux appartement de trois pièces suffisant pour accueillir sa famille et poursuivait ses recherches pour trouver un logement encore plus grand. Le précité entretenait avec elle-même et ses filles, qui restaient au Maroc par respect pour l’ordre juridique suisse, des liens quotidiens forts, notamment par le biais d’appels vidéo et de conversations Whatsapp, et venait leur rendre visite tous les quatre à cinq mois durant une à deux semaines. Compte tenu de difficultés financières antérieures dues en grande partie à des complications médicales, son époux avait dû recourir à l’aide sociale et faisait l’objet d’actes de défaut de biens. Au prix de nombreux efforts, il était désormais financièrement autonome et remboursait progressivement les montants relatifs à ses actes de défaut de biens. Elle avait appris le français durant sa scolarité au Maroc, tout comme ses filles, mais elles s’engageaient à suivre des cours de perfectionnement afin de s’intégrer au mieux, si nécessaire.

Il n’était pas contesté que le délai pour requérir le regroupement familial était respecté concernant C______. Ce délai était toutefois arrivé à échéance le 7 juillet 2020 en ce qui la concernait et le 3 août 2021 pour B______, de sorte que les demandes y relatives, déposées en décembre 2021, étaient tardives. Toutefois, deux raisons familiales majeures justifiaient un regroupement familial différé, soit la situation financière de M. D______ et la pandémie de Covid-19. En effet, il aurait été vain de solliciter un regroupement familial sans revenu ni logement, ce d’autant qu’il était financièrement plus avantageux que sa famille reste au Maroc, où le coût de la vie était bien moindre qu’en Suisse. Ce choix s’était cependant fait au détriment de la santé de son époux, dont la situation médicale constituait également une raison importante, et avait généré chez ce dernier un sentiment de solitude profonde. La seconde raison familiale majeure, soit la pandémie de Covid-19, avait malheureusement coïncidé avec la « presque fin » de ses problèmes financiers. Ainsi, alors qu’il peinait à travailler dans le secteur de la restauration, le Maroc avait définitivement fermé ses frontières, compliquant un éventuel regroupement familial. Cette pandémie avait eu des conséquences catastrophiques au Maroc, où des fermetures s’étaient produites dans de nombreux secteurs en 2021. Appliquer le délai légal de cinq ans de manière stricte sans tenir compte des conséquences du Covid-19 serait arbitraire et les périodes de confinement devaient être prises en compte dans le calcul de ce délai. Au vu des circonstances, il était impossible de déposer la demande de regroupement familial avant 2021. La vie séparée de la famille avait ainsi été motivée par des raisons objectives et agir différemment aurait conduit cette dernière à vivre dans la clandestinité, en violation de l’ordre juridique suisse. Ainsi, le dépôt de sa requête après la réouverture des frontières marocaines et la stabilisation financière de son époux respectait la procédure applicable. Enfin, la présence physique de ce dernier serait bénéfique pour ses filles qui, âgées de 6 ans et 1 an, n’auraient aucun problème à s’intégrer dans le cursus genevois.

Plusieurs pièces étaient jointes à ce recours, notamment :

-          Un certificat médical établi le 7 juin 2022 par le H______ indiquant que M. D______ était connu pour des « douleurs anales invalidantes en postopératoire » depuis avril 2012 réopérées en 2014 et pour des douleurs invalidantes à l’épaule gauche depuis juillet 2018 traitées par plusieurs infiltrations et opérées en octobre 2019. En raison de douleurs chroniques - mais supportables - à cette épaule, il devait prendre un antalgique trois fois par jour ;

-          Un avis de sortie du 15 octobre 2019 du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur des hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) indiquant que, suite à l’hospitalisation du même jour, le diagnostic de M. D______ était « épaule droite, lésion coiffe, tendinopathie LCB, bursite sousacromiale ». Les comorbidités consistaient en : tabac, « RGO, 2014 : plastie anale en diamant, 1998 : status post APP, 2002 : status post cure d’hémorroïdes » et les interventions chirurgicales en « suture du SE, ténodèse et acromioplastie ». Étaient prescrits à la sortie du Dafalgan 1 g, du Tramal ret 100g et du Tramal 50 mg. Le suivi impliquait le port d’une attelle durant six semaines, des antalgiques si nécessaire, de la physiothérapie selon protocole (non annexé) et un suivi chez le rééducateur à six semaines puis opérateur à trois mois. Un arrêt de travail - sans que la durée n’en soit précisée ni que celui-ci ne soit joint - était nécessaire ;

-          Un contrat de travail signé le 1er septembre 2021, date de l’entrée en poste de M. D______ comme serveur/responsable de salle en faveur de G______ SA pour une durée indéterminée, moyennant un salaire horaire brut total de CHF 28,85. Selon la rubrique « durée du travail », la durée et l’organisation des contributions étaient déterminées d’un commun accord, étant relevé qu’il s’agissait de contributions horaires irrégulières qui étaient rémunérées dans le salaire horaire.

14.         Dans ses observations du 15 décembre 2022, l’OCPM a proposé le rejet du recours pour les motifs exposés dans la décision attaquée, faute de raisons familiales majeures justifiant un regroupement familial différé.

15.         Par réplique du 5 janvier 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Le dépôt de la demande de regroupement familial hors délai, motivé uniquement par le bien-être de la famille, ne pouvait être considéré comme une preuve d’un moindre intérêt à vivre ensemble. Son époux s’apprêtait à être naturalisé, de sorte qu’il ne pouvait être attendu de lui qu’il quitte la Suisse pour vivre avec sa famille.

Était joint un courrier du 22 décembre 2022 par le biais duquel l’OCPM sollicitait auprès de M. D______ divers documents et renseignements suite à la requête de dossier de naturalisation déposée par ce dernier.

16.         Par duplique du 26 janvier 2023, l’OCPM a persisté dans ses conclusions.

17.         Par pli spontané du 9 février 2023, la recourante a produit un nouveau contrat de bail à loyer conclu par M. D______, cette fois-ci en tant que locataire, portant sur un logement de trois pièces, à compter du 1er mars 2023.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La recourante a sollicité, à titre préalable, la comparution personnelle des parties ainsi que l’audition de son époux.

6.             Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références citées).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).

Le droit d'être entendu ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3 ; 8C_8/2012 du 17 avril 2012 consid. 1.2).

7.             En l'espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tel qu'ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l'autorité intimée, pour statuer sur le litige. En effet, la recourante a eu la possibilité de faire valoir ses arguments dans le cadre de son recours puis de sa réplique et de produire tout moyen de preuve utile, y compris, si elle l’avait estimé nécessaire, une éventuelle attestation écrite de son époux, sans qu'elle n'explique quels éléments la procédure écrite l’aurait empêchée d'exprimer de manière pertinente et complète. Par conséquent, la demande d'instruction tendant à la comparution personnelle des parties et à l’audition de M. D______, en soi non obligatoire, sera rejetée.

8.             À titre principal, la recourante conclut à l’octroi d’autorisations de séjour en sa faveur et celle de ses deux filles au titre de regroupement familial avec son époux.

9.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Maroc.

10.         L'art. 43 al. 1 LEI prévoit que le conjoint étranger du titulaire d'une autorisation d'établissement ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans ont droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité aux conditions suivantes : ils vivent en ménage commun avec lui (let. a) ; ils disposent d'un logement approprié (let. b) ; ils ne dépendent pas de l'aide sociale (let. c) ; ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile (let. d); la personne à l'origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles au sens de la loi du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires (LPC - RS 831.30) ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial (let. e).

11.         Le Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM) a précisé les dispositions précitées dans ses directives (Directives LEI, Domaine des étrangers, octobre 2013, état au 1er mars 2023 ; ci-après : Directives LEI) qui ne lient pas le juge mais dont celui-ci peut tenir compte pour assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré, pourvu qu'elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATA/1304/ 2019 du 27 août 2019 consid. 6), conformément à l'art. 89 OASA.

Selon ces directives (ch. 6.3.1.3), les moyens financiers doivent garantir que le regroupement familial n’entraîne pas une dépendance à l’aide sociale (art. 43 al. 1 let. c LEI). Pour évaluer le risque de dépendance à l’aide sociale, il faut se baser sur la situation passée et actuelle et estimer l’évolution financière probable à long terme, en prenant en compte les possibilités financières de tous les membres de la famille. La possibilité d’exercer une activité lucrative et les revenus qui en découlent doivent être concrètement prouvés et doivent, avec un certain degré de probabilité, être assurés à moyen ou long terme (ATF 139 I 330 consid. 4.1 ; arrêts du TAF 2C_1144/2014 du 5 août 2015 consid. 4.5.2 ; 2C_502/2020 du 4 février 2021 consid. 5.1 ; 2C_309/2020 du 5 octobre 2021 consid. 5.5). Les moyens financiers doivent au moins correspondre aux normes de la Conférence suisse des institutions d’action sociale (Normes CSIAS). Les cantons sont libres de prévoir des moyens supplémentaires permettant de garantir l’intégration sociale des étrangers. La personne établie en Suisse ne doit pas percevoir de prestation complémentaire, ni pouvoir en percevoir en raison du regroupement familial (art. 43 al. 1 let. e. LEI). Lors de l’appréciation de la non-perception de prestations complémentaires, les critères développés pour l’évaluation du risque de dépendance à l’aide sociale s’appliquent par analogie (ATF 2C_309/2021 du 5 octobre 2021 consid. 5.5).

12.         Selon l’art. 47 al. 1 LEI, le regroupement familial doit être demandé dans les cinq ans. Pour les enfants de plus de 12 ans, le regroupement doit intervenir dans un délai de douze mois.

Les délais commencent à courir, pour les membres de la famille d’étrangers, lors de l’octroi de l’autorisation de séjour ou d’établissement ou lors de l’établissement du lien familial (art. 47 al. 3 let. b LEI).

Passé ce délai, le regroupement familial différé n'est autorisé que pour des raisons familiales majeures. Si nécessaire, les enfants de plus de 14 ans sont entendus (art. 47 al. 4 LEI).

13.         Ces limites d'âge et ces délais visent à permettre une intégration précoce et à offrir une formation scolaire en Suisse aussi complète que possible (ATF 133 II 6 consid. 5.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1172 du 26 juillet 2017 consid. 4.2.2 ; 2C_1/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1.2 ; 2C_467/2016 du 13 février 2017 consid. 3.1.2). Les délais prévus à l'art. 47 LEI ont également pour objectif la régulation de l'afflux d'étrangers (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1172 du 26 juillet 2017 consid. 4.2.2 ; 2C_1/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1.2). Ces buts étatiques légitimes sont compatibles avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 142 II 35 consid. 6.1 ; 139 I 330 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1172 du 26 juillet 2017 consid. 4.2.2 et les autres références).

Le Tribunal fédéral a précisé que même si le législateur a voulu soutenir une intégration des enfants le plus tôt possible, les délais fixés par la loi sur les étrangers ne sont pas de simples prescriptions d'ordre, mais des délais impératifs, leur stricte application ne relevant dès lors pas d'un formalisme excessif (arrêt du Tribunal fédéral 2C_289/2019 du 28 mars 2019 consid. 5).

14.         Aux termes de l'art. 75 OASA, des raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEI et des art. 73 al. 3 et 74 al. 4 OASA, peuvent être invoquées lorsque le bien de l'enfant ne peut être garanti que par un regroupement familial en Suisse.

15.         Selon la volonté du législateur, l'octroi d'une autorisation en vue de regroupement familial, lorsque la demande déposée en ce sens intervient en dehors des délais prévus à cet effet, doit rester l'exception et ne pas constituer la règle (cf. notamment arrêts du Tribunal fédéral 2C_781/2015 du 1er avril 2016 consid. 4.2 ; 2C_767/2015 du 19 février 2016 consid. 5.1.1). Il n'est fait usage de l'art. 47 al. 4 LEI qu'avec retenue (cf. notamment ATF 137 I 284 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_969/2017 du 2 juillet 2018 consid. 3.3 ; 2C_1102/2016 du 25 avril 2017 consid. 3.2 ; 2C_363/2016 du 25 août 2016 consid. 2.3).

Les principes jurisprudentiels développés sous l'ancien droit en matière de regroupement familial partiel subsistent lorsque le regroupement familial est demandé pour des raisons familiales majeures (ATF 137 I 284 consid. 2.3.1 ; 136 II 78 consid. 4.7).

16.         Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE - RS 1 113), le regroupement familial partiel différé est soumis à des conditions strictes. La reconnaissance d'un droit au regroupement familial suppose qu'un changement important de circonstances, notamment d'ordre familial, se soit produit, telle qu'une modification des possibilités de la prise en charge éducative à l'étranger. Il existe une raison majeure lorsque la prise en charge nécessaire de l'enfant dans son pays d'origine n'est plus garantie, à la suite par exemple du décès ou de la maladie de la personne qui s'en occupait (arrêts du Tribunal fédéral 2C_969/2017 du 2 juillet 2018 consid. 3.3 ; 2C_467/2016 du 13 février 2017 consid. 3.1.3 et 2C_147/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.4.3). Lorsque le regroupement familial est demandé à raison de changements importants des circonstances à l'étranger, notamment dans les rapports de l'enfant avec le parent qui en avait la charge, il convient d'examiner s'il existe des solutions alternatives permettant à l'enfant de rester où il vit ; cette exigence est d'autant plus importante pour les adolescents (cf. not. ATF 133 II 6 consid. 3.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_969/2017 du 2 juillet 2018 consid. 3.3 ; 2C_905/2015 du 22 décembre 2015 consid. 4.2 ; 2C_438/2015 du 29 octobre 2015 consid. 5.1).

Le regroupement familial partiel suppose également de tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, comme l'exige l'art. 3 par. 1 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant (CDE - RS 0.107). Enfin, les raisons familiales majeures pour le regroupement familial ultérieur doivent être interprétées d'une manière conforme au droit fondamental au respect de la vie familiale (art. 13 Cst. et 8 CEDH ; cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_969/2017 du 2 juillet 2018 consid. 3.3 ; 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6 ; 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.3.1 ; 2C_781/2015 du 1er avril 2016 consid. 4.2 ; 2C_1129/2014 du 1er avril 2015 consid. 3.2).

Les motifs (et les preuves) susceptibles de justifier le regroupement familial tardif d'un enfant sont soumis à des exigences d'autant plus élevées que l'enfant est avancé en âge, a vécu longtemps séparé de son parent établi en Suisse et a accompli une partie importante de sa scolarité dans son pays d'origine (ATF 136 II 78 consid. 4.1 ; 133 II 6 consid. 3.1 et 3.3 ; 130 II 1 consid. 2 ; 124 II 361 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_544/2007 du 7 décembre 2007 consid. 4.1).

17.         La reconnaissance d'un droit au regroupement familial suppose que le parent établi en Suisse ait maintenu avec ses enfants une relation familiale prépondérante en dépit de la séparation et de la distance (ATF 133 II 6 consid. 3.1 ; ATA/495/2017 du 2 mai 2017 consid. 6a). On peut notamment admettre qu'il y a une relation familiale prépondérante entre les enfants et le parent vivant en Suisse lorsque celui-ci a continué d'assumer de manière effective pendant toute la période de son absence la responsabilité principale de leur éducation, en intervenant à distance de manière décisive pour régler leur existence sur les questions essentielles. Il faut toutefois réserver les situations d'abus de droit, soit notamment celles dans lesquelles la demande de regroupement vise en priorité une finalité autre que la réunion de la famille sous le même toit. Par ailleurs, indépendamment de ces situations d'abus, il convient, surtout lorsque la demande de regroupement familial intervient après de nombreuses années de séparation, de procéder à un examen d'ensemble des circonstances portant en particulier sur la situation personnelle et familiale de l'enfant et sur ses réelles possibilités et chances de s'intégrer en Suisse et d'y vivre convenablement. Pour en juger, il y a notamment lieu de tenir compte de son âge, de son niveau de formation et de ses connaissances linguistiques. Un soudain déplacement de son centre de vie peut en effet constituer un véritable déracinement pour lui et s'accompagner de grandes difficultés d'intégration dans le nouveau cadre de vie ; celles-ci seront d'autant plus probables et potentiellement importantes que son âge sera avancé (ATF 133 II 6 consid. 3.1.1 ; 129 II 11 consid. 3.3.2).

Les circonstances (politiques, économiques, sécuritaires, sociales, etc.) affectant l'ensemble de la population ne sauraient justifier, de manière générale, une autorisation fondée sur des raisons familiales majeures au sens de l'art. 47 al. 4 LEI (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_767/2013 du 6 mars 2014 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3819/2014 du 1er novembre 2016 consid. 6.3.3 et C-5312/2011 du 15 janvier 2013 consid. 6.5).

18.         Le désir de voir tous les membres de la famille réunis en Suisse est à la base de toute demande de regroupement familial, y compris celles déposées dans les délais, et représente même une des conditions du regroupement. La seule possibilité de voir la famille réunie ne constitue dès lors pas une raison familiale majeure (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6.1 ; 2C_285/2015 du 23 juillet 2015 consid. 3.1 ; 2C_887/2014 du 11 mars 2015 consid. 3.2 ; 2C_205/2011 du 3 octobre 2011 consid. 4.5). Ainsi, lorsque la demande de regroupement est effectuée hors délai et que la famille a vécu séparée volontairement, d'autres raisons sont nécessaires (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1025/2017 du 22 mai 2018 consid. 6.1 ; 2C_285/2015 du 23 juillet 2015 consid. 3.1 et les références).

19.         S’agissant en particulier du regroupement familial du conjoint après l’échéance du délai légal, tant que des raisons objectives et plausibles ne justifient pas le contraire, il y a lieu d’admettre que les conjoints qui vivent volontairement séparés pendant des années manifestent ainsi un moindre intérêt à vivre ensemble (arrêts du Tribunal fédéral 2C_348/2016 du 17 mars 2017 consid. 2.3 et 2C_914/2014 du 18 mai 2015 consid. 4.1). Un motif apparaît d’autant plus sérieux que les époux ne pourraient remédier à leur situation de vie séparée qu’au prix d’un préjudice important (arrêt 2C_544/2010 du 23 décembre 2010 consid. 2.3.1 ; Directives LEI, ch. 6.10.3).

20.         En vertu de l'art. 8 CEDH, toute personne a notamment droit au respect de sa vie privée et familiale. Cette garantie peut conférer un droit à une autorisation de séjour en faveur des enfants mineurs d'étrangers bénéficiant d'un droit de présence assuré en Suisse ou de ressortissants suisses si les liens noués entre les intéressés sont étroits et si le regroupement vise à assurer une vie familiale commune effective (cf. notamment ATF 137 I 284 consid. 1.3; 135 I 143 consid. 1.3.1). La protection accordée par l'art. 8 CEDH suppose que la relation étroite et effective avec l'enfant ait préexisté (arrêt du TF 2C_553/2011 du 4 novembre 2011 consid. 4.3 in fine). Les signes indicateurs d'une relation étroite et effective sont en particulier le fait d'habiter sous le même toit, la dépendance financière, des liens familiaux particulièrement proches, des contacts réguliers (cf. notamment ATF 135 I 143 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1045/2014 du 26 juin 2015 consid. 1.1.2). Pour autant, les liens familiaux ne sauraient conférer de manière absolue un droit d'entrée et de séjour, ni non plus, pour un étranger, le droit de choisir le lieu de domicile de sa famille (ATF 144 II 1 consid. 6.1; 142 II 35 consid. 6.1; 137 I 247 consid. 4.1.1 et arrêts cités). Ainsi, lorsqu'un étranger a lui-même pris la décision de quitter sa famille pour aller vivre dans un autre État, ce dernier ne manque pas d'emblée à ses obligations de respecter la vie familiale s'il n'autorise pas la venue des proches du ressortissant étranger ou la subordonne à certaines conditions (ATF 143 I 21 consid. 5.1; arrêt du TF 2C_781/2017 du 4 juin 2018 consid. 3.1). Une ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale est possible aux conditions de l'art. 8 § 2 CEDH. La question de savoir si, dans un cas d'espèce, les autorités compétentes sont tenues d'accorder une autorisation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH doit être résolue sur la base d'une pesée de tous les intérêts publics et privés en présence (ATF 139 I 145 consid. 2.2; 137 I 284 consid. 2.1 et réf. citées).

S'agissant d'un regroupement familial, il convient de tenir compte, dans cette pesée des intérêts, notamment des exigences auxquelles le droit interne soumet celui-ci (ATF 137 I 284 consid. 2.6; arrêt du TF 2C_1172/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.1). Il n'est en effet pas concevable que, par le biais de l'art. 8 CEDH, un étranger qui ne dispose, en vertu de la législation interne, d'aucun droit à faire venir sa famille proche en Suisse, puisse obtenir des autorisations de séjour pour celle-ci sans que les conditions posées par les art. 42 ss LEI ne soient réalisées (arrêts du TF 2C_677/2018 du 4 décembre 2018 consid. 6; 2C_723/2018 du 13 novembre 2018 consid. 5.3). Notamment, le regroupement familial doit avoir été demandé dans les délais prévus à l'art. 47 LEI et ne doit pas intervenir en violation claire des intérêts et des relations familiales de l'enfant, la relation antérieure entre l'enfant et le parent qui requiert le regroupement devant faire l'objet d'une appréciation, et il ne doit pas y avoir d'abus de droit (cf. ATF 137 I 284 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1075/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1 ; 2C_176/2015 du 27 août 2015 consid. 2.1 ; 2C_303/2014 du 20 février 2015 consid. 4.1).

21.         Enfin, comme évoqué plus haut, il doit encore être tenu compte de l'art. 3 § 1 CDE, qui impose d'accorder une importance primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_639/2012 du 13 février 2013 consid. 4.3 ; 2C_247/2012 du 2 août 2012 consid. 3.2). Les dispositions de la CDE ne font toutefois pas de l'intérêt de l'enfant un critère exclusif, mais un élément d'appréciation, dont l'autorité doit tenir compte lorsqu'il s'agit de mettre en balance les différents intérêts en présence (cf. ATF 139 I 315 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_851/2014 du 24 avril 2015 consid. 4.2). Le Tribunal fédéral a en outre jugé que les dispositions de cette convention ne conféraient aucune prétention directe à l'octroi d'une autorisation de séjour (cf. ATF 139 I 315 consid. 2.4 ; 126 II 377 consid. 5 ; 124 II 361 consid. 3b).

22.         En l’espèce, la recourante disposait d’un délai impératif de cinq ans depuis l’établissement du lien familial entre elle-même et son époux, respectivement entre ses deux filles et leur père, pour requérir le regroupement familial avec ce dernier. Son mariage ayant été célébré le 8 juillet 2015, ce délai est arrivé à échéance, en ce qui la concerne, le 8 juillet 2020. Quant à sa fille aînée B______, née le ______ 2016, ce délai est arrivé à échéance le 3 août 2021. S’agissant de C______, née le ______ 2021, le délai pour requérir le regroupement familial court jusqu’au 13 avril 2026. Par conséquent, déposées le 15 décembre 2021, les demandes de regroupement familial en faveur de la recourante et de B______ sont manifestement tardives, ce qui n’est pas contesté par les parties.

S’agissant de la demande de regroupement familial concernant C______, déposée dans le délai légal, il sera constaté que cette dernière, actuellement âgée de 2 ans, nécessite une prise en charge totale en raison de son jeune âge. Or, le recourant, qui exerce une activité lucrative, ne sera pas disponible pour s’occuper au quotidien de cette enfant. En outre, il n’a pas été démontré, ni même allégué, que des solutions de garde pour cette enfant auraient été envisagées au cas où celle-ci serait le seul membre de la famille autorisée à venir à Genève. Si M. D______ devait s’acquitter de frais de garde y relatifs, sa situation financière - déjà fragile dès lors que les derniers bulletins de salaire produits font état de revenus mensuels nets oscillant entre CHF 1'413.54 et CHF 2'310.27 et que ses déclarations selon lesquelles son salaire brut moyen serait d’environ CHF 5'000.- ne reposent sur aucun élément au dossier - s’en verrait péjorée. Pour le surplus, la recourante n’a nullement abordé l’hypothèse, même à titre subsidiaire, d’un regroupement familial en faveur de sa fille cadette uniquement, et rien ne laisse à penser qu’un tel regroupement familial serait souhaité. En tout état, eu égard à l’intérêt prépondérant de l’enfant, il ne ressort pas du dossier que M. D______ aurait déjà assumé par le passé les soins quotidiens d’un enfant en bas âge, étant rappelé qu’il n’a jamais fait ménage commun avec ses filles depuis leur naissance. Il n’apparaît pas non plus que le fait, pour C______, de quitter sa sœur et sa mère, qui s’occupe d’elle depuis sa naissance avec lesquelles elle a passé les deux premières années de sa vie, afin de venir vivre dans un environnement inconnu avec son père, qu’elle a vu, selon les déclarations de la recourante, depuis sa naissance à raison d’une à deux semaines tous les quatre à cinq mois, serait bénéfique à son bien-être et à son développement. Partant, il sera constaté que même si le délai pour requérir le regroupement familial a été respecté concernant C______, l’existence des liens personnels forts entre M. D______ et sa fille cadette n’a pas été démontrée et qu’un tel regroupement partiel - auquel la recourante n’a pas conclu - ne serait pas dans l’intérêt de l’enfant. Il convient donc d’examiner si des raisons familiales majeures sont susceptibles de justifier un regroupement familial différé s’agissant de la recourante et de sa fille aînée, seule hypothèse dans laquelle la recourante et ses trois filles pourraient voir leurs requêtes acceptées.

La recourante se prévaut, au titre de raisons personnelles majeures, de la situation financière de son époux et de la pandémie de Covid-19, tout en précisant que l’état de santé de ce dernier est également un élément important à prendre en compte. Or, le tribunal ne peut que constater que ces éléments ne constituent pas des raisons familiales majeures au sens de l’art. 47 al. 4 LEI. En effet, dès lors que l’indépendance financière est précisément l’une des conditions d’acceptation du regroupement familial, le requérant d’un tel regroupement ne peut se prévaloir du fait qu’il ne remplit pas les conditions posées par la loi pour justifier la prolongation du délai légal applicable jusqu’à ce qu’il remplisse enfin lesdites conditions, sauf à violer le but de la loi, qui est précisément de maîtriser l’afflux migratoire par le biais d’un cadre précis, celui-ci ayant d’ailleurs été considéré comme légitime, conformément à la jurisprudence précitée. Pour le surplus, rien ne laisse à penser que la dépendance à l’aide sociale de l’époux de la recourante, qui s’est étendue sur une durée non négligeable de plus de sept ans entre février 2014 et mars 2021, résultait de l’état de santé de ce dernier. En effet, les certificats médicaux versés à la procédure ne font pas état de graves problèmes de santé, le traitement nécessaire consistant en la prise régulière d’antalgiques en raison des douleurs persistantes, mais supportables, à l’épaule gauche. En outre, aucun certificat d’incapacité de travail n’a été produit et aucune demande de prestations d’invalidité n’a été déposée, étant rappelé que l’intéressé exerce, en tout état, à nouveau une activité lucrative.

Quant à la pandémie de Covid-19, il sera rappelé que, conformément à la jurisprudence, les circonstances affectant l’ensemble de la population ne sauraient justifier une autorisation fondée sur des raisons familiales majeures. Or, prendre en compte une pandémie qui a touché l’ensemble la planète contreviendrait précisément à ce principe ainsi qu’au principe de l’égalité de traitement avec les autres candidats au regroupement familial en Suisse, qui étaient de facto dans la même situation que la recourante durant la pandémie et auxquels le délai légal de cinq ans a également été appliqué. En tout état, nonobstant la fermeture des frontières marocaines alléguée, rien n’empêchait la recourante de déposer auprès de l’ambassade suisse de son propre pays, ce qui n’impliquait pas d’en sortir, une demande de regroupement familial en sa faveur et celle de ses filles. Dès lors que c’est la date d’enregistrement de la requête de regroupement familial par la représentation diplomatique suisse du lieu de résidence du requérant qui est déterminante au regard du respect du délai légal de cinq ans, il aurait suffi qu’une telle demande soit déposé dans les temps, la question de savoir si le déplacement de la recourante et de ses filles en Suisse aurait pu avoir lieu et, cas échéant, dans quel délai, n’étant pas pertinente pour le respect de ce délai. Enfin, il sera relevé que le délai pour requérir le regroupement familial a commencé à courir pour la recourante, comme vu supra, à compter du mariage des époux en 2015, soit bien avant la pandémie invoquée pour justifier un regroupement familial différé. Partant, cette pandémie ne saurait justifier un regroupement familial différé.

La recourante, âgée aujourd’hui de 36 ans, a vécu toute sa vie au Maroc, où se trouvent ses attaches. Même si elle a précisé parler le français, il n’en demeure pas moins qu’elle ne maîtrise pas les us et coutumes suisses, étant rappelé qu’elle n’est, selon les explications données par son époux à l’OCPM, jamais venue en Suisse. Il en va de même de ses deux filles, qui ont jusqu’à présent toujours vécu au Maroc avec elle, B______, âgée de 6 ans, y étant d’ailleurs déjà scolarisée. Or, force est de constater qu’aucun changement important de circonstances, notamment d’ordre familial, impactant leur prise en charge au Maroc et justifiant leur déplacement éventuel en Suisse n’a été démontré, ni même allégué. En effet, il ne ressort pas des éléments au dossier ni des explications des intéressés que la recourante ne serait plus en mesure de continuer à vivre au Maroc avec ses filles et de prendre en charge ces dernières, comme elle le fait depuis leur naissance.

Pour le surplus, la recourante, lorsqu’elle a épousé M. D______ en juillet 2015 au Maroc, savait que ce dernier vivait en Suisse depuis près de dix-huit ans au bénéfice d’un permis d’établissement. N’étant pas elle-même titulaire d’un titre de séjour sur le sol helvétique, elle ne pouvait ignorer qu’en l’absence de dépôt d’une demande en vue de vivre ensemble en Suisse ou d’un retour de son époux au Maroc, le couple ne pourrait faire ménage commun après son union. Ainsi, le fait de vivre dans deux pays différents suite à la célébration de leur mariage il y a plus de sept ans découle d’un choix de vie que la recourante et son époux ont fait en toute connaissance de cause. De même, ils ont persisté dans ce choix suite à la naissance de leur premier, puis de leur second enfant, préférant ainsi que les deux filles vivent avec leur mère au Maroc pendant que le père vivait seul en Suisse, notamment eu égard au fait, comme exposé dans le recours, qu’il était plus avantageux financièrement que la recourante et ses filles restent au Maroc où le coût de la vie était bien moindre qu’en Suisse. Il apparaît ainsi que la recourante et son époux ont choisi l’option qu’ils estimaient être la plus avantageuse pour leur famille, nonobstant les inconvénients qui en découlaient. Partant, ils ne sauraient désormais valablement se prévaloir de ces inconvénients, étant rappelé que le désir des requérants de voir les membres de leur famille réunis en Suisse ne constitue, conformément à la jurisprudence précitée, pas une raison familiale majeure. Quant à l’argument selon lequel l’époux de la recourante a désormais initié une procédure de naturalisation de sorte qu’il ne pourrait être attendu de lui qu’il retourne vivre au Maroc pour être avec sa famille, le tribunal ne peut que constater à nouveau que le lieu de séjour des époux découle de leur propre choix. En effet, aucun élément au dossier ne laisse à penser qu’il serait objectivement impossible pour l’époux de la recourante de revenir vivre au Maroc avec sa famille, ce qu’il ne prétend d’ailleurs pas, ce d’autant que ce dernier a conservé des attaches avec son pays, où il se rend, selon ses explications, plusieurs fois par an pour voir sa famille.

En conclusion, les conditions restrictives posées au regroupement familial différé par l’art. 47 al. 4 LEI, en relation avec les art. 73 al. 3 et 75 OASA ne sont pas remplies s’agissant de la recourante et de B______. Partant, c’est à juste titre que l’autorité intimée a refusé de donner une suite positive à la demande de regroupement familial déposée en faveur des deux précitées et de C______, conformément aux développements exposés supra.

23.         Enfin, la décision de refus querellée ne consacre aucune violation de l’art. 8 CEDH.

En effet, compte tenu du raisonnement qui précède, force est de constater que la recourante et ses filles ne disposent, en vertu de la législation suisse, d’aucun droit à obtenir un titre de séjour sur le sol helvétique. Par conséquent, les conditions posées par les art. 43 ss LEI n'étant pas réalisées, la recourante ne saurait valablement se prévaloir du droit conventionnel pour contourner la législation interne et obtenir un titre de séjour en sa faveur et celle de ses filles, étant rappelé que le droit au respect de la vie familiale n’est pas absolu et que la mise en œuvre d’une politique restrictive en matière de séjour des étrangers constitue précisément un but légitime susceptible de justifier une ingérence dans ce domaine, conformément à la jurisprudence citée supra.

En tout état, le tribunal constate que la recourante et ses filles pourront continuer d’entretenir des relations à distance avec leur époux, respectivement leur père, selon les modalités exposées durant la présente procédure, soit par le biais de visites d’une durée d’une à deux semaines tous les quatre-cinq mois et au moyen d’appels téléphoniques, d’appels vidéo et de messages, comme ils l’ont, selon leurs explications, régulièrement fait jusqu’à présent.

Enfin, pour les motifs exposés précédemment, la décision litigieuse est également conforme au bien de C______ et de B______, notamment sous l’angle de la CDE, qui n'accorde, pour le surplus, aucun droit à une réunification familiale.

24.         En conclusion, l'OCPM n'a violé ni le droit conventionnel, ni le droit fédéral, ni encore excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation (cf. art. 96 LEI) en rejetant la demande de regroupement familial formulée en faveur de la recourante et de ses deux filles.

Partant, entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

25.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

26.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 21 octobre 2022 par Madame A______, agissant en son nom et celui de ses filles mineures, B______ et C______, contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 21 septembre 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Michèle PERNET

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière