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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/276/2023

JTAPI/182/2023 du 15.02.2023 ( OCPM ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS);INTÉRÊT ACTUEL
Normes : LPA.65; LEI.64.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/276/2023

JTAPI/182/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 février 2023

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

CONFÉDÉRATION SUISSE, OFFICE FÉDÉRAL DE LA DOUANE ET DE LA SÉCURITÉ DES FRONTIÈRES OFDF

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1949, est ressortissante du Maroc et domiciliée dans ce pays.

2.             Le 22 janvier 2003, elle a été interpellée par le corps des gardes-frontière, au passage de la douane de Genève-aéroport, porteuse d'un visa délivré par les autorités françaises le 10 septembre 2021 et valable dans l'ensemble des Etats Schengen jusqu'au 9 septembre 2025 pour un séjour d'une durée de 90 jours, avec possibilité d'entrées multiples. Sur ce document figure un timbre humide indiquant son arrivée à l'aéroport de Genève le 2 juillet 2022 et son départ le 24 septembre 2022, puis à nouveau son arrivée à l'aéroport de Genève le 18 décembre 2022 et son départ le 22 janvier 2023.

3.             Par décision du même jour, l'administration fédérale des douanes (AFD) a décidé du renvoi de Suisse de Mme A______ au motif que la durée maximale de son séjour sur le territoire des états membres de Schengen (90 jours sur une période de 180 jours) était dépassée. Le renvoi était immédiatement exécutoire.

4.             Par acte non daté mais déposé à un office postal à Genève le 26 janvier 2023, Mme A______ a interjeté recours contre la décision de renvoi de l’AFD auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

Elle entendait s'opposer à cette décision qu'elle avait toutefois évidemment respectée, puisqu'elle était rentrée au Maroc le jour-même. Elle venait régulièrement à Genève pour aider sa filleule qui travaillait comme assistante socio-éducative à l'instruction publique et qui étaient divorcée avec un enfant à la maison et avait dû subir en décembre 2022 une important opération suite à laquelle elle avait dû rester alitée. Elle précisait qu'elle était elle-même institutrice à la retraite et indépendante financièrement. Le dépassement des jours de séjour n'était pas volontaire, car elle s'était trompée dans le calcul de la durée de sa présence, ce qui ne lui était jamais arrivé. Elle recourait contre la décision litigieuse, car elle craignait que cela ne l'empêche de revenir en Europe ou en Suisse en 2023.

 

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît, de façon générale, des recours dirigés contre les décisions du département de la sécurité, de l'emploi et de la santé, devenu le département de la sécurité, de la population et de la santé, et de l'OCPM relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève, notamment les décisions contenant une mesure de renvoi prise en application de l'art. 64 LEI (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Conformément à l'art. 72 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), la juridiction de recours peut, sans instruction préalable, par une décision sommairement motivée, écarter un recours manifestement irrecevable ou rejeter un recours manifestement mal fondé.

3.             La personne qui recourt doit pouvoir retirer un avantage pratique d'une éventuelle annulation ou modification de la décision qu'elle conteste. En d'autres termes, sa situation doit pouvoir être influencée de manière significative par l'issue de la procédure (cf. à ce sujet not. ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 139 II 499 consid. 2.2 ; 138 II 162 consid. 2.1.1 ; 137 II 40 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_112/2019 du 3 décembre 2019 consid. 3.1 ; 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.1). Ainsi, une partie qui n'est pas concrètement lésée par la décision ne possède pas la qualité pour recourir. Il faut, en d'autres termes, que la décision de la juridiction supérieure lui procure l'avantage de droit matériel qu'elle recherche. Dans la négative, un tel recours est irrecevable (cf. ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_438/2016 du 14 mars 2017 consid. 2.1 ; 1B_102/2015 du 29 avril 2015 consid. 1.1).

L'existence d'un intérêt actuel s'apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours. Celui-ci est irrecevable lorsque l'intérêt actuel fait défaut au moment du dépôt du recours ; en revanche, si cet intérêt disparaît en cours de procédure - parce qu'un fait nouveau affecte l'objet du litige et lui enlève tout intérêt, le recours devient sans objet (cf. ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; 139 I 206 consid. 1.1 ; 137 I 23 consid. 1.3.1 et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 8D_6/2019 du 4 février 2020 consid. 1.3 ; 2C_384/2017 du 3 août 2017 consid. 1.2 ; 2C_228/2017 du 21 juillet 2017 consid. 1.4.2). La condition de l'intérêt actuel fait en particulier défaut lorsque la décision attaquée a été exécutée et a sorti ses effets (ATF 125 I 394 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_164/2015 du 18 juin 2015 consid. 1.2.1 ; 4A_651/2014 du 13 mars 2015 consid. 1.1 ; ATA/630/2017 du 6 juin 2017 consid. 3b ; ATA/184/2017 du 15 février 2017 consid. 2b ; ATA/671/2015 du 23 juin 2015 et les références citées), étant rappelé que, selon un principe général de procédure, les conclusions en constatation de droit ont un caractère subsidiaire et ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues (cf. ATF 141 II 113 consid. 1.7 ; 135 I 119 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_529/2015 du 5 avril 2016 consid. 1.3). Il est fait exceptionnellement abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel, lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la trancher avant qu'elle perde son actualité et que, en raison de sa portée de principe, il existe un intérêt public suffisamment important à la solution de la question litigieuse (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; 140 IV 74 consid. 1.3.3 ; 139 I 206 consid. 1.1 ; 137 I 23 consid. 1.3.1 ; 136 II 101 consid. 1.1).

4.             La LEI et ses ordonnances d'exécution règlent l'entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas des ressortissants du Kosovo.

Selon l'art. 64 al. 1 LEI, les autorités rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), d'un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée en Suisse (art. 5 LEI) (let. b) et d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé (let. c).

Lorsqu'une personne est entrée illégalement en Suisse, la décision de renvoi lui est notifiée au moyen d'un formulaire-type (art. 64b LEI). Une telle décision ne fait pas l'objet d'une traduction. La personne concernée reçoit en revanche une feuille d'information contenant des explications sur la décision de renvoi (art. 64f al. 2 LEI).

La décision visée à l'art. 64 al. 1 let. a et b LEI peut faire l'objet d'un recours dans les cinq jours ouvrables suivant sa notification (art. 64 al. 3 LEI).

5.             Le département fédéral de justice et police (DFJP) réglemente l'exécution des contrôles des personnes aux frontières extérieures et intérieures (art. 31 al. 1 de l'ordonnance sur l'entrée et l'octroi de visas du 15 août 2028 (OEV - RS 142.204).

Selon l'art. 31 al. 2 OEV, les cantons et le corps des gardes-frontière effectuent le contrôle des personnes aux frontières ; ce dernier mène cette activité soit dans le cadre de ses tâches ordinaires, soit en application des accords conclus entre le département fédéral des finances (DFF) et les cantons (art. 9 al. 2 LEI et art. 97 de la loi du 18 mars 2005 sur les douanes).

6.             Les cantons peuvent habiliter le corps des gardes-frontière à rendre et à notifier la décision de renvoi visée à l'art. 64 al. 1 let. a et b LEI ; une telle compétence est attribuée à celui-ci par le canton de Genève à teneur d'un accord, entré en vigueur le 1er janvier 2014, sur la collaboration entre la police genevoise et le corps des gardes-frontière, respectivement l'AFD, conclu le 26 août 2013 entre le Conseil d'État, le Ministère public et la Confédération suisse, représentée par le DFF (cf. art. 19 dudit accord et son annexe 3).

7.             Dans la mesure où, en l'occurrence, le corps des gardes-frontières a pris la décision de renvoi litigieuse et l'a notifiée à la recourante en vertu d'une compétence lui étant déléguée par le canton, il faut admettre que le recours susceptible d'être formé à l'encontre de celle-ci relève effectivement de la compétence du tribunal. Interjeté par ailleurs en temps utile et dans les formes prescrites, il est formellement recevable (art. 62 à 65 LPA ; art. 64 al. 3 LEI).

8.             Cela étant, il n’apparaît pas que la recourante puisse se prévaloir d'un intérêt pratique et actuel à l'annulation de la décision querellée dans la mesure où cette décision, aussitôt exécutée, a sorti tous ses effets. Dans ces conditions, faute d'intérêt actuel et pratique, le recours est irrecevable, ce que le tribunal est à même de constater immédiatement.

9.             Il convient de préciser que la crainte exprimée par la recourante, en raison de la décision de renvoi dont elle a fait l'objet (et qui était au demeurant correctement fondée tant en fait qu'en droit), de ne pouvoir revenir en Suisse ou en Europe en 2023, ne se matérialise pas dans la décision litigieuse, qui ne fait que prononcer son renvoi de Suisse et de l'espace Schengen à une date donnée. Si elle devait être empêchée de revenir en Suisse ou en Europe, ce serait par le biais d'une décision d'interdiction d'entrée et ce serait alors contre cette décision qu'elle devrait recourir auprès de l'instance compétente.

10.         Au vu de ce qui précède, le recours sera d’emblée déclaré irrecevable, sans échange d'écritures.

11.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 400.-. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

12.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             Constate que le recours interjeté le 26 janvier 2023 par Madame A______ contre la décision de l'administration fédérale des douanes du 22 janvier 2023 est sans objet ;

2.             le déclare irrecevable ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 400.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière