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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/892/2022

JTAPI/867/2022 du 30.08.2022 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : RETRAIT DU PERMIS À TITRE PRÉVENTIF;ACCIDENT DE LA CIRCULATION;ALCOOLÉMIE;DÉPENDANCE(MALADIE);ANALYSE
Normes : LCR.14; LCR.15d.al1.leta; OAC.30; OAC.5a; OAC.45
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/892/2022 LCR

JTAPI/867/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 30 août 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Adrian DAN, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______1981, est domicilié dans le canton de Genève. Il est titulaire d’un permis de conduire ______.

2.             Le ______ 2022, à 04h054, alors qu’il circulait sur la rue de ______ en direction de ______, M. A______ a perdu la maîtrise de sa voiture. Il s’est déporté sur la droite et a heurté, avec l’avant de son véhicule, huit barrières de sécurité (agrafes) qui séparaient la piste cyclable de la chaussée.

Un test d’éthylomètre réalisé à 06h01 a révélé qu’il présentait un taux d’alcoolémie de 0.82 mg/l. Il n’a pas exigé une prise de sang.

Une interdiction de circuler a été prononcée à son encontre.

3.             Par courrier du 11 janvier 2022, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a fait savoir à M. A______ que les autorités de police avaient porté à sa connaissance l’infraction précitée.

Compte tenu de l’importance du taux d'alcool avec lequel il avait conduit, il devait se soumettre à une expertise et l’usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse devait, en principe, lui être interdit à titre préventif. Il pourrait toutefois renoncer à cette seconde mesure, pour autant qu'il lui fasse parvenir, d'une part, une attestation de son médecin traitant certifiant qu'il ne présentait aucune dépendance à l'alcool et, d'autre part, le résultat d'une analyse du marqueur phosphatidyléthanol (marqueur direct de la consommation d'alcool ; PEth) effectuée sur un micro prélèvement de sang. Un délai au 14 février 2022 lui était accordé à cette fin, ainsi que pour présenter ses éventuelles observations. Passé ce délai et sans nouvelles de sa part, une décision d’interdiction de faire usage du permis de conduire étranger sur le territoire suisse à titre préventif serait prononcée à son encontre.

4.             Il ressort notamment de la fiche de renseignements de police du 24 janvier 2022, que M. A______ avait reconnu avoir perdu la maîtrise de son véhicule et endommagé du mobilier urbain, conduit en état d’ébriété qualifiée et conduit un véhicule alors qu’il se trouvait dans l’incapacité de conduire (fatigue). Au vu de son statut diplomatique, son permis de conduire n’avait pas pu être saisi.

5.             M. A______ s’est déterminé par courrier du 9 février 2022.

En substance, il conduisait depuis 2002. Après avoir travaillé en qualité de chauffeur livreur, il avait été engagé par B______ en avril 2009. Collaborateur auprès de l’unité de la logistique, il était responsable de la collecte des équipements électroniques, ce qui impliquait de nombreux déplacements au volant d’un véhicule officiel de B______. Il avait d’ailleurs suivi une formation de conduite spécifique en octobre 2021 et obtenu un certificat qu’il annexait.

L’accident s’était produit alors qu’il était fatigué, étant précisé qu’il avait travaillé durant la période des fêtes de fin d’année. Il était somnolent et il y avait également beaucoup de brume, ce qui avait considérablement réduit sa visibilité. De plus, ni l’assistance de voie ni les capteurs de détection d'impact, dont sa voiture était équipée, ne s’étaient déclenchés lorsqu’il s’était déporté. L’embardée aurait peut-être pu être évitée en présence de marquages le long du bord droit de la route et de barrières d’une autre nature.

Par ailleurs, il n’était pas alcoolique et ne buvait qu’occasionnellement. Cela faisait dix-neuf ans qu’il conduisait et il n’avait, jusqu’alors, jamais été impliqué dans un tel accident. Sans permis de conduire, il se trouverait dans l’impossibilité d’exercer toutes ses fonctions professionnelles et rencontrerait également de grandes difficultés sur le plan familial, notamment pour accompagner ses enfants à leurs activités extrascolaires, de même que pour faire les courses.

Il a notamment produit un constat médical établi le 7 février 2022 par le Docteur C______ attestant que son patient ne présentait pas d’atteinte au niveau du foie et qu’il était dans l’attente des résultats du test PEth effectué.

6.             Selon le rapport d’analyse établi le 8 février 2022 par le centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML), les examens sanguins du marqueur PEth réalisés le 2 février 2022, sur un prélèvement effectué le 31 janvier 2022 sur M. A______, avaient mis en évidence une concentration de 290 µg/l d’éthanol, soit un résultat compatible avec une consommation excessive. Une analyse unique du PEth ne permettait toutefois pas d’évaluer précisément l’évolution de la consommation d’éthanol de la personne, si bien qu’une nouvelle analyse du PEth était recommandée, au minimum trois à quatre semaines après la date du prélèvement précitée. En conclusion, le résultat était compatible avec une consommation excessive d’éthanol pendant les deux à trois semaines qui avaient précédé ledit prélèvement.

7.             Par décision du 10 mars 2022, exécutoire nonobstant recours, prise en application des art. 30 de l’ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51) et 15d al. 1 let. a de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), l’OCV a interdit à M. A______ de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire helvétique pour une durée indéterminée et lui a ordonné de se soumettre à une expertise réalisée par un médecin de niveau 4, afin d’évaluer son aptitude à la conduite.

Compte tenu de l’importance du taux d’alcool avec lequel il avait conduit et du résultat de l’analyse du marqueur PEth, l’examen du dossier incitait l’autorité à concevoir des doutes quant à son aptitude à la conduite. Une décision finale serait prise lorsque les questions relatives à son aptitude à conduire auraient été élucidées ou dans un délai de trois mois, en cas de non-soumission à l’examen imposé. Le début de l’interdiction était fixée au 2 janvier 2022, date incluse.

8.             Par acte du 21 mars 2022, M. A______ (ci-après : le recourant), sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à ce qu’il soit autorisé à conduire sur le territoire suisse.

Après avoir rappelé sa situation personnelle et professionnelle, le recourant a souligné qu’il faisait l’objet d’une interdiction de circuler depuis plus deux mois. En outre, il a fait grief à l’autorité intimée de s’être basée sur un état de fait incomplet et erroné et d’avoir violé le droit.

En effet, selon la jurisprudence et la doctrine, une importante consommation d'alcool ou une habitude à l'alcool ne fondaient pas un soupçon d'alcoolisme au sens de la loi, si la personne n'avait par ailleurs jamais commis d'ivresse au volant et qu’elle ne montrait pas d'éléments donnant à penser qu'elle n'arriverait pas à séparer la consommation de la conduite à l'avenir. Or, si le recourant admettait que sa consommation d’alcool le soir du 2 janvier 2022 était excessive et qu’il prenait l’entière responsabilité de l’incident qui était survenu, il n’en demeurait pas moins qu’il ne souffrait d’aucune dépendance à l’alcool. Cela faisait plusieurs années qu’il utilisait son permis de conduire quotidiennement pour son travail, sans avoir eu la moindre contravention en lien avec une consommation « inappropriée » d’alcool. En outre, aucun élément du dossier ne permettait de retenir qu’il était dépendant à l’alcool ni d’émettre de sérieux doutes quant à son aptitude à la conduite. Selon le rapport du 8 février 2022, une analyse unique PEth ne permettait pas d'évaluer précisément l'évolution de la consommation d'éthanol d'une personne et un nouveau test PEth avait été recommandé dans un délai de trois à quatre semaines, au minimum, après le premier prélèvement. Par ailleurs, l’OCV avait prononcé à son encontre une interdiction de circuler sur le territoire suisse pour une durée indéterminée, en application de l’art. 16d [recte :15d] al. 1 LCR. Toutefois, dans la mesure où il ne souffrait d'aucune dépendance le rendant inapte à la conduite et qu’aucun antécédent n’accréditait la thèse selon laquelle sa conduite quotidienne présenterait un danger pour les autres usagers de la route, les conditions d’application de cette disposition n’étaient pas remplies.

Il a produit un chargé de pièces contenant essentiellement celles produites devant l’OCV.

9.             Dans ses observations du 23 mai 2022, l’OCV a maintenu les termes de la décision attaquée.

Le résultat des analyses toxicologiques du 8 février 2022 était compatible avec une consommation excessive d'éthanol durant les deux à trois semaines qui avaient précédées le prélèvement et la conduite d’un véhicule en état d’ébriété le jour de l'accident laissait penser que le recourant pouvait souffrir d’une dépendance, ce qui ne pourrait être confirmé ou infirmé qu’au moyen d’une expertise de niveau 4.

10.         Par courrier du 16 juin 2022, le recourant, sous la plume de son conseil, a persisté dans les conclusions prises dans son recours.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 14 al. 1 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l’aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite. Est apte à la conduite, aux termes de l'art. 14 al. 2 LCR, celui qui remplit les conditions suivantes :

- il a atteint l’âge minimal requis (let. a) ;

- il a les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b) ;

- il ne souffre d’aucune dépendance qui l’empêche de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) ;

- ses antécédents attestent qu’il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d).

4.             Si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l'objet d'une enquête dans les cas énumérés de manière non exhaustive à l'art. 15d al. 1 let. a à e LCR (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1).

Un examen d'aptitude est en particulier ordonné, selon l'art. 15d al. 1 let. a LCR, lorsqu'un conducteur a circulé en étant pris de boisson avec un taux d'alcool dans le sang de 1,6 g pour mille ou plus ou un taux d'alcool dans l'haleine de 0,8 mg ou plus par litre d'air expiré et ce, sans exigence de facteurs additionnels (Cédric MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire, n. 10.3.1 p. 74). Des concentrations aussi élevées sont l'indice d'un problème de consommation abusive, voire d'addiction (Message du Conseil fédéral du 20 octobre 2010 concernant Via sicura, le programme d'action de la Confédération visant à renforcer la sécurité routière, in FF 2010 p. 7755 et les auteurs cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016k du 22 février 2017 consid. 2.1.1 ; 1C_331/2016 du 29 août 2016 consid. 5).

Lorsque l'alcoolémie relevée est supérieure à ces valeurs au moment des faits, l'autorité n'a pas d'autre choix que de mettre en œuvre une expertise afin de lever tout doute sur l'éventualité d'une dépendance à l'alcool et sur l'aptitude à la conduite de l'intéressé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_331/2016 du 29 août 2016 consid. 5 ; cf. aussi ATA/390/2018 du 24 avril 2018 consid. 4).

5.             Les faits objet des hypothèses de l’art. 15d al. 1 LCR fondent un soupçon préalable que l'aptitude à la conduite pourrait être réduite. En pareil cas, le permis de conduire est généralement retiré préventivement jusqu'à ce que les clarifications soient exécutées (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1 ; ATA/1138/2017 du 2 août 2017 consid. 5d et la référence citée).

Cela étant, les exigences liées à la mise en œuvre d'un examen d'aptitude ne sont pas les mêmes que celles prévalant en matière de retrait préventif, même si, en pratique, les deux mesures vont, dans un premier temps du moins, souvent de pair (cf. ATF 125 II 396 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.4.2 ; 1C_404/2007 du 7 mars 2008 consid. 2.4). Alors que l'ouverture d'une enquête peut être ordonnée en présence d'indices suffisants pour que se pose la question de l'aptitude à conduire (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.4.2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1), une décision de retrait préventif du permis de conduire suppose, quant à elle, l'existence de « doute sérieux » sur l'aptitude de conduire de l'intéressé (art. 30 de l'ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 - OAC - RS 741.51). À l'inverse, une clarification de l'aptitude intervient généralement sans retrait préventif lorsqu'il n'existe pas de danger immédiat pour la circulation routière (arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.4.2 et la référence citée ; cf. aussi arrêt 1C_593/2012 consid. 3.3).

La mesure stipulée par l’art. 30 OAC est destinée à protéger les intérêts menacés jusqu'à l'issue de la procédure principale portant sur un retrait de sécurité. En effet, vu l'importance du risque inhérent à la conduite des véhicules automobiles, il s'impose qu'un conducteur puisse se voir retirer son permis à titre préventif, dès que des indices autorisent à penser qu'il représente un risque particulier pour les autres usagers de la route et font douter sérieusement de sa capacité à conduire. Une preuve stricte n'est pas nécessaire. En effet, si une telle preuve était apportée, c'est un retrait de sécurité qu'il y aurait lieu d'ordonner sans plus attendre. Au contraire, le retrait préventif intervient, par définition, avant que tous les éclaircissements nécessaires pour juger de la nécessité d'un retrait de sécurité aient été obtenus. Pour décider d'un retrait préventif, l'autorité doit donc se fonder sur les éléments dont elle dispose en l'état. La prise en considération de tous les éléments plaidant pour ou contre l'aptitude de l'intéressé à la conduite de véhicules automobiles interviendra à l'issue de la procédure au fond (cf. ATF 125 II 492 consid. 2b ; 122 II 359 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_514/2016 du 16 janvier 2017consid. 2.2 ; 1C_768/2013 du 10 mars 2014 consid. 3.1 ; 1C_173/2009 du 27 mai 2009 consid. 3.1 in JdT 2009 I 520 ; ATA/1138/2017 du 2 août 2017 consid. 5c).

En définitive, il appartient à l’autorité cantonale d’apprécier dans chaque cas d’espèce si le principe de la proportionnalité autorise un retrait préventif ou s’il commande d’y renoncer en considérant qu’il paraît peu vraisemblable que le conducteur présente un danger particulièrement important et menaçant pour les autres usagers de la route (ATA/390/2018 du 24 avril 2018 consid. 3b ; ATA/1138/2017 du 2 août 2017 consid. 5d et les références citées).

Le fait que le conducteur a d'excellents antécédents depuis plusieurs années est un élément à prendre en considération dans ce cadre. Il a en particulier été jugé qu'un conducteur sans antécédent ayant été contrôlé une seule fois avec un taux d'alcoolémie dans le sang de 1,99 g ‰ ne présentait pas ce danger important et, partant, ne devait pas se voir retirer son permis préventivement (arrêt du Tribunal fédéral 1C_256/2011 du 22 septembre 2012 ; cf. aussi ATA/390/2018 du 24 avril 2018 ; ATA/735/2016 du 30 août 2016 consid. 7c).

6.             Selon l'art. 5a OAC, les examens relevant de la médecine du trafic visés dans cette ordonnance peuvent être réalisés seulement sous la responsabilité de médecins reconnus (al. 1). Les examens relevant de la psychologie du trafic visés dans cette ordonnance peuvent être réalisés seulement sous la responsabilité de psychologues reconnus (al. 2).

Le médecin qui procède à l'examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite doit avoir obtenu une reconnaissance de niveau 4 dans les cas visés à l'art. 15d al. 1 let. a et b LCR (art. 28a al. 2 OAC).

À teneur de l’art. 5b al. 4 OAC, les médecins qui souhaitent procéder à des examens de niveau 4 sont reconnus s'ils possèdent le titre de spécialiste en médecine du trafic délivré par la société suisse de médecine légale (ci-après : SSML) ou un titre reconnu comme équivalent par la SSML.

7.             En l'espèce, la décision contestée comporte deux volets. Elle interdit d’une part au recourant de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire à titre préventif pour une durée indéterminée et, d’autre part, elle lui fait obligation de se soumettre à une expertise de niveau 4.

S’agissant de l’expertise ordonnée par l’OCV, elle a pour but de déterminer si le recourant est apte à conduire et il n'appartient ni à l’autorité intimée ni au tribunal de se prononcer sur cette question.

Il convient ainsi d’abord de déterminer s’il existe ou non des doutes quant à ladite aptitude qui justifierait une telle expertise.

Contrairement aux allégations du recourant, les examens déjà réalisés par son médecin traitant le 7 février 2022 et le rapport d’analyse du CURML daté du 8 février 2022 ne permettent pas de dissiper les doutes quant à son aptitude à la conduite, quand bien même ils n’ont pas permis d’établir une dépendance à l’alcool. En effet, il ressort de l'art. 14 al. 2 let. b et c LCR et de la jurisprudence précitée en lien avec l'art. 15d al. 1 let. a LCR, que l'aptitude à la conduite ne s'examine pas seulement sous l'angle d'une éventuelle dépendance à l'alcool, mais également de l'hypothèse d'une consommation problématique et plus généralement des aptitudes psychiques permettant une gestion sans risque de la consommation d'alcool et de la conduite de véhicules. Or, cette aptitude ne peut être valablement évaluée que par des médecins reconnus de niveau 4, ce qui n’est pas le cas du médecin traitant du recourant.

En tout état, dans la mesure où il est établi qu’en date du 2 janvier 2022, le recourant a conduit un véhicule automobile en présentant un taux d’alcoolémie qualifiée de 0.82 mg/l dans l'air expiré, soit un taux supérieur à celui de 0.80 mg/l prévu par l’art. 15d al. 1 let. a LCR et par la jurisprudence y relative, il doit automatiquement se soumettre à une expertise, en application de, avant d’être autorisé à conduire sur le territoire helvétique.

L’autorité intimée ne disposant d’aucun pouvoir d’appréciation à cet égard, c’est à bon droit qu’elle a ordonné cette mesure.

Par ailleurs, selon la jurisprudence fédérale, une telle concentration d’alcool est l'indice d'un problème de consommation abusive, voire d'une addiction, qui justifie en général le retrait à titre provisionnel du permis de conduire. À cela s’ajoute que le résultat du test PEth réalisé le 2 février 2022 a mis en évidence une concentration de 290 µg/l d’éthanol, compatible avec une consommation excessive d’éthanol. Même si cette unique analyse ne permet pas d’évaluer la consommation d’alcool du recourant, il ressort du rapport d’analyse qu’un tel résultat est compatible avec une consommation excessive d’éthanol au cours des deux à trois semaines qui ont précédé le prélèvement du 31 janvier 2022, c’est-à-dire entre le 10 et le 31 janvier 2022. Il apparaît ainsi que le recourant avait non seulement consommé de l’alcool de manière excessive à la date de l’accident survenu le 2 janvier 2022, mais également durant les semaines qui l’ont suivi. Les explications contraires données par le recourant à ce sujet ne font qu'accentuer les doutes justifiant le prononcé d'une expertise.

Dans ces circonstances et malgré le fait que le recourant n’a pas d’autres antécédents, alors qu’il allègue conduire quotidiennement depuis de nombreuses années, notamment dans le cadre de son activité professionnelle, le tribunal ne peut qu'adhérer à la manière dont l'autorité a analysé la situation et appliqué le droit. C’est ainsi à bon droit que l’autorité intimée lui a interdit de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire helvétique à titre préventif (art. 30 OAC), étant précisé que le droit suisse prévoit que l'usage d'un permis étranger peut être interdit en vertu des dispositions qui s'appliquent au retrait du permis de conduire suisse (art. 45 al. 1 OAC).

8.             Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté et la décision attaquée confirmée.

9.             En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais de même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 21 mars 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 10 mars 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière