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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2598/2021

JTAPI/1169/2021 du 22.11.2021 ( LCR ) , REJETE

REJETE par ATA/516/2022

Descripteurs : RETRAIT DE PERMIS;FAUTE GRAVE;ALCOOL
Normes : LCR.16C.al1.letb; LCR.16C.al2.letD
Rectification d'erreur matérielle : JTAPI/2598/2021 corrigé en JTAPI/1169/2021
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2598/2021 LCR

JTAPI/2598/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 novembre 2021

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Daniel MEYER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1965, est titulaire d'un permis de conduire depuis le 6 novembre 1991.

2.             Le 27 juin 2021 à 4h25, Mme A______ a été appréhendée au passage de la frontière de Bardonnex au volant d'une voiture.

Selon le rapport de police établi le 7 juillet 2021, Madame B______, automobiliste, circulait en France sur l'autoroute A41, en direction de la douane de Bardonnex. Lors du contrôle par les gardes-frontières, il a été constaté qu'aucune vignette autoroutière n'était apposée sur le pare-brise. Dès lors, la conductrice a été priée de faire demi-tour. Cette dernière n'ayant pas été en mesure d'effectuer la manœuvre, la passagère avant et détentrice du véhicule, Mme A______ a pris le volant. Celle-ci a alors effectué une marche arrière approximative et non maîtrisée. Au vu des faits, les gardes-frontières ont procédé à un contrôle plus approfondi lors duquel il a été constaté que Mme B______ n'était pas en possession d'un permis de conduire valable. De plus, Mme A______ a été soumise à l'éthylotest, lequel s'est révélé positif.

Selon le résultat de l'éthylomètre, elle présentait un taux d'alcoolémie de 0.57 mg/l à 4h33 et de 0,55mg/l à 4h37. Le permis de conduire de Mme A______ lui a été retiré sur le champ.

3.             Par courrier du 1er juillet 2021, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a informé Mme A______ que les autorités de police l'avaient informé de l'infraction commise le 27 juin 2021 et qu'une mesure administrative pouvait être prise à son encontre, indépendamment de toute amende ou autre sanction pénale. Un délai de quinze jours lui était imparti pour lui faire part de ses observations écrites.

4.             Par courrier électronique du 12 juillet 2021, Mme A______ a expliqué à l'OCV les circonstances de l'infraction. Après une soirée très arrosée, son amie avait entrepris de les ramener à domicile. Lors du passage de la douane de Bardonnex, les gardes-frontières avaient indiqué à la conductrice qu'elle ne pouvait pas prendre l'autoroute dès lors que le véhicule était démuni de vignette autoroutière. Voyant son amie perdre ses repères, elle avait décidé de faire elle-même la manœuvre en marche arrière. Après qu'elle ait amorcé la marche arrière, les gardes-frontières lui avaient demandé de stopper la voiture et de souffler dans l'éthylomètre. Elle sollicitait l'indulgence de l'autorité administrative car elle n'avait pas eu l'intention de conduire en état d'ébriété mais uniquement d'effectuer la manœuvre pour aider son amie.

5.             Par décision du 16 juillet 2021, exécutoire nonobstant recours, l'OCV a retiré le permis de conduire de Mme A______ pour une durée indéterminée, minimum deux ans, pour conduite en état d'ébriété en présentant un taux d'alcool qualifié, soit avec une concentration d'alcool dans l'air expiré de 0,55 mg/l à l'éthylomètre le 27 juin 2021 à 5h04 au passage de la frontière de Bardonnex au volant d'une voiture.

Il s'agissait d'une infraction grave aux règles de la circulation routière. Mme A______ ne pouvait pas justifier d'une bonne réputation, ayant fait l'objet d'une interdiction de faire usage du permis de conduire étranger sur le territoire suisse par décision prononcée le 24 mai 2002, de deux avertissements prononcés par décision des 21 novembre 2003 et 31 janvier 2008, d'un retrait du permis de conduire prononcé le 30 avril 2013 pour une durée de trois mois en raison d'une infraction grave, mesure dont l'exécution avait pris fin le 28 février 2014 et d'un retrait du permis de conduire prononcé le 13 décembre 2016 pour une durée de douze mois en raison d'une infraction grave, mesure dont l'exécution avait pris fin le 12 février 2018. Enfin, elle ne justifiait pas d'un besoin professionnel de conduire des véhicules automobiles au sens défini par la jurisprudence.

L'autorité ordonnait qu'une expertise visant à évaluer son aptitude à la conduite soit réalisée par un médecin de niveau quatre avant toute demande de restitution de son droit de conduire.

6.             En date du 29 juillet 2021, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

La mesure prononcée l'empêcherait de pouvoir exercer son métier d'assistante en soins et santé communautaire. Sans vouloir minimiser l'infraction, la sanction prononcée était trop sévère. Dans les faits, elle n'avait pas conduit la voiture et n'avait fait qu'une manœuvre de marche arrière. Elle sollicitait ainsi une sanction plus clémente.

7.             Le 23 décembre 2021, l'OCV a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations.

Au vu des antécédents de la recourante et de l'infraction grave commise le 27 juin 2021, laquelle avait été reconnue par l'intéressée, l'autorité n'avait pas eu d'autre choix que de prononcer le retrait de permis de conduire pour une durée indéterminée, minimum deux ans. Il persistait donc dans les termes de sa décision et concluait au rejet du recours.

8.             Par courrier du 4 octobre 2021 la recourante a sollicité son audition par le tribunal.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La recourante sollicite la tenue d'une audience de comparution personnelle pour exposer les circonstances particulières.

4.             Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 60 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_235/2015 du 29 juillet 2015 consid. 5) ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; ATA/1296/2015 du 8 décembre 2015). Il ne comprend pas le droit d'être entendu oralement ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/311/2015 du 31 mars 2015).

5.             En l'espèce, le dossier en possession du tribunal, soit en particulier le rapport de police du 27 juin 2021, les observations de la recourante à l'OCV et ses explications développées dans son recours, contiennent les éléments suffisants pour trancher le litige, de sorte qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la requête de la recourante. Cet acte d'instruction, non obligatoire, ne se révèle pas nécessaire.

6.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi, non réalisée en l'espèce (art. 61 al. 2 LPA).

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; 123 V 150 consid. 2).

7.             En l'espèce, la recourante ne conteste pas l'infraction qui lui est reprochée mais sollicite une diminution de la mesure prononcée.

8.             Selon l'art. 16c al. 1 let. b LCR, commet une infraction grave la personne qui conduit un véhicule automobile en état d'ébriété et présente un taux d'alcool qualifié.

9.             Selon l'art. 2 de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant les taux limites d'alcool admis en matière de circulation routière du 15 juin 2012 (RS 741.13 - ci-après : l'ordonnance), est considéré comme qualifié un taux d'alcool dans le sang de 0.8 gramme pour mille ou plus (let. a), ou un taux d'alcool dans l'haleine de 0.4 mg ou plus par litre d'air expiré (let. b).

10.         Après une infraction grave, le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée, mais pour deux ans au minimum si, au cours des dix années précédentes, le permis a été retiré à deux reprises en raison d’infractions graves ou à trois reprises en raison d’infractions qualifiées de moyennement graves au moins ; il est renoncé à cette mesure si, dans les cinq ans suivant l’expiration d’un retrait, aucune infraction donnant lieu à une mesure administrative n’a été commise (art. 16c al. 2 let. d LCR).

11.         Cette disposition, qui vise à exclure de la circulation routière le conducteur multirécidiviste considéré comme un danger public, consacre - malgré son emplacement dans la liste des retraits d'admonestation - une mesure de retrait de sécurité pour inaptitude caractérielle irréfragablement présumée, prononcé avec un délai d'attente de deux ans au minimum et sans qu'une expertise d'aptitude soit mise en œuvre au préalable (ATF 139 II 95 consid. 3.4.2 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_32/2015 du 18 juin 2015 consid. 3.1.2 ; A. BUSSY/B. RUSCONI/Y. JEANNERET/A. KUHN/C. MIZEL/C. MÜLLER, Code suisse de la circulation routière commenté, 4ème éd., 2015, n. 7.1 ad art. 16b LCR et les références cum n. 9 ad art. 16c ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 1C_191/2016 du 5 juillet 2016 consid. 5).

La présomption d'inaptitude caractérielle à la conduite découle de par la loi de la réitération d'infractions graves ou moyennement graves aux règles de la circulation routière durant un certain laps de temps et la personne concernée n'est pas autorisée à apporter la preuve contraire de son aptitude à conduire (ATF 139 II 95 consid. 3.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_535/2017 du 16 octobre 2017 consid. 3). En d'autres termes, le législateur a délibérément prévu un retrait obligatoire du permis de conduire pour une durée indéterminée, mais au minimum deux ans, lorsque les conditions de l'art. 16c al. 2 let. d 1ère phr. LCR sont réunies (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_535/2017 du 16 octobre 2017 consid. 3).

Ladite période de deux ans est incompressible et ne peut être ni réduite au motif que l'intéressé n'a pas mis en danger concrètement les autres usagers de la route, ni limitée à un certain type de catégories du permis de conduire, pour tenir compte de ses besoins professionnels, en vertu du texte clair de l'art. 16 al. 3 LCR et de la jurisprudence rendue en application de cette disposition (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_414/2019 du 28 août 2019 consid. 2 in fine et l'arrêt cité).

12.         Selon une jurisprudence constante en matière de circulation routière, les délais de récidive (ou délais d'épreuve) prévus par les art. 16a à c LCR commencent à courir à la fin de l'exécution d'un précédent retrait de permis (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_548/2018 du 26 mars 2019 consid. 2.4 et les arrêts cités ; 1C_580/2017 du 1er octobre 2018 consid. 3.1 et les références citées).

13.         En l'espèce, la recourante a conduit un véhicule automobile en présentant un taux d'alcoolémie de 0,55 mg/l ce qui constitue une infraction grave.

Son permis de conduire lui ayant déjà été retiré notamment les 30 avril 2013 et 13 décembre 2016, en raison d'infractions graves, c'est à juste titre que l'OCV, qui n'entendait ne pas s'écarter du minimum légal prévu, a prononcé un retrait de permis pour une durée indéterminée, minimum deux ans en application de l'art. 16c al. 2 let. d LCR. Devant impérativement se tenir à une telle mesure, l'autorité administrative a donc correctement appliqué les règles en vigueur et n'a pas excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation, les besoins professionnels ne pouvant entrer en ligne de compte.

14.         Mal fondé, le recours sera rejeté. 

15.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 5 août 2021 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 16 juillet 2021 ;

2.             le rejette;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier