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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1905/2021

JTAPI/1274/2021 du 16.12.2021 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : AMENDE
Normes : LCI.137.al1; RChant.333; CP.49.ch1; CP.49.ch2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1905/2021 LCI

JTAPI/1274/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 décembre 2021

 

dans la cause

 

A______ SA

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             A______ SA (ci-après : A______ SA), inscrite au registre du commerce du canton de Genève depuis le ______, a pour but l’achat et la vente d'immeubles, à l'exclusion des opérations visées par la Loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger, l’exploitation d'un bureau d'architecture et de construction ainsi que le conseil, la promotion, l'expertise et le courtage dans le domaine immobilier. Monsieur B______, architecte, en est l’administrateur, avec signature individuelle.

2.             À teneur de l’avis d’ouverture de chantier - non daté - versé au dossier, des travaux de surélévation de l’immeuble érigé sur les parcelles nos 1______ et 2______ de la commune de C______, à l’adresse rue D______ 3______, destinés à mettre en œuvre l’autorisation de construire DD 4______, ont débuté le 9 mars 2020. Leur fin était prévue le 30 juin 2021. Le responsable du chantier était M. B______, en sa qualité de mandataire professionnellement qualifié (ci-après : MPQ).

3.             Selon un rapport d’enquête du 2 décembre 2020 - faisant suite à un contrôle effectué sur place le 24 novembre 2020 - établi par un inspecteur de l’inspection de la construction et des chantiers du département du territoire (ci-après : DT ou le département), celui-ci a constaté que :

-          « Les ouvriers effectuent des travaux de toiture sans protections collectives, avec risque de chute de grande hauteur à l’intérieur du bâtiment », ce qui contrevenait aux art. 48 al. 2 et 94 du règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant - L 5 05.03) ;

-          « Les échafaudages des deux façades avant et arrière ne sont pas conformes et partiellement démontés, avec mise en danger du public et des ouvriers », en violation des art. 92, 95 al. 1 et 97 al. 1 RChant ;

-          « Le chantier est ouvert au public en dehors des heures de travail », ce qui contrevenait à l’art. 11 al. 1 RChant.

Cette situation était « d’autant plus regrettable du fait que ses observations [lui avaient] déjà été signifiées en date du 23.10.2020, avec remise en état de l’échafaudage en date du 29.10.2020 ».

Selon le rapport d'enquête, le représentant de la direction des travaux ainsi que les ouvriers présents sur place avaient été entendus.

Suite au constat de ces infractions, l’inspecteur a ordonné sur place l’arrêt des travaux sur les échafaudages et sur la toiture de l’immeuble ainsi que le contrôle préalable de l’installation avant reprise des travaux.

Des photographies ont été jointes à ce rapport, lequel a donné lieu à l’ouverture d’une procédure d’infraction sous la référence I – 5______.

4.             Par décision du 7 décembre 2020 déclarée exécutoire nonobstant recours, le DT, se référant au contrôle sur place effectué le 24 novembre 2020 et au contenu du rapport d’enquête susmentionné, a confirmé à A______ SA l’interdiction de travailler sur les échafaudages et sur l’ensemble de la toiture et lui a ordonné de rétablir une situation conforme au droit. La reprise des travaux était subordonnée au contrôle préalable des installations. Un délai de dix jours lui était imparti pour produire d’éventuelles observations, étant précisé que le DT se réservait « le droit de sanctionner l’infraction commise ».

5.             Aucun recours n’a été interjeté contre cette décision.

6.             Dans le délai imparti par le DT pour se déterminer, A______ SA a confirmé, par courriel du 10 décembre 2020, le mode opératoire déterminé lors de la séance qui s’était tenue le jour même avec un représentant du DT. Elle avait pris note que les filets de sécurité posés sous toiture étaient conformes, de sorte que les travaux en toiture pouvaient reprendre. Étaient également mentionnées dans ce courriel les différentes mesures à prendre par ses soins s’agissant de la sécurité de ce chantier.

7.             Selon un rapport d’enquête du 5 février 2021 établi par un inspecteur de l’inspection de la construction et des chantiers du DT - faisant suite à un contrôle effectué sur place le même jour -, celui-ci a fait les constatations suivantes :

-          « L’échafaudage de la façade arrière n’est pas conforme et partiellement démonté, avec mise en danger des ouvriers », ce qui contrevenait aux art. 92, 95 al. 1 et 97 al. 1 RChant ;

-          « Le chantier est ouvert au public en dehors des heures de travail », en violation de l’art. 11 al. 1 RChant ;

-          « Les communs de l’immeuble habité sont très encombrés par des matériaux du chantier avec mise en danger du public », en violation de l’art. 1 al. 2 RChant.

Cette situation était « d’autant plus regrettable du fait que ses observations [lui avaient] déjà été signifiées en date du 23.10.2020, avec remise en état de l’échafaudage en date du 29.10.2020, puis en date des 24.11.2020 et 10.12.2020 ». Le représentant de la direction des travaux ainsi que les ouvriers présents sur place avaient été entendus.

Suite au constat de ces infractions, l’inspecteur a ordonné sur place l’arrêt des travaux sur l’échafaudage ainsi que la séparation et la fermeture de la zone de chantier du public.

Des photographies ont été jointes à ce rapport, lequel a donné lieu à l’ouverture d’une procédure d’infraction sous la référence I – 6______.

8.             Par décision du 15 février 2021 déclarée exécutoire nonobstant recours, le DT, se référant au contrôle sur place effectué le 5 février 2021 et au contenu du rapport d’enquête cité ci-dessus dans le cadre de la procédure I – 6______, a confirmé à A______ SA l’interdiction de travailler dans les zones dangereuses et lui a ordonné de rétablir une situation conforme au droit. La reprise des travaux était subordonnée au contrôle préalable des installations. Enfin, un délai de dix jours lui était imparti pour produire d’éventuelles observations, étant précisé que le DT se réservait « le droit de sanctionner l’infraction commise ».

9.             Dans le délai imparti, A______ SA a indiqué, par pli du 16 février 2021, qu’elle avait déjà échangé à plusieurs reprises avec le DT s’agissant des différents points qui lui étaient reprochés.

L’échafaudage de la façade côté rue était démonté et seul subsistait l’échafaudage côté cour, qui devrait en principe être démonté d’ici à dans quinze jours. Nonobstant le fait qu’elle mettait tout en oeuvre pour veiller à ce que seuls les collaborateurs de l’entreprise compétente soient habilités à modifier ledit échafaudage, certains ouvriers l’utilisaient pour accéder aux étages et en déplaçaient des éléments, malgré sa mise en garde. Elle allait par conséquent répéter les instructions et augmenter la surveillance. S’agissant de l’ouverture du chantier au public en dehors des heures de travail, elle avait installé des fermetures avec cadenas pour séparer les zones de chantier de celles ouvertes au public mais certains ouvriers oubliaient de fermer ces cadenas, de sorte que les consignes allaient être répétées et les contrôles intensifiés. Les matériaux entreposés dans les communs de l’immeuble étaient soit destinés à rénover les appartements, soit constituaient des biens ou des meubles appartenant aux locataires et déposés par ces derniers. Elle insistait auprès des entreprises pour qu’elles maintiennent propres les communs en nettoyant régulièrement et en enlevant tout ce qui était inutile au chantier afin d’assurer une bonne circulation dans les parties communes, notamment la cage d’escalier. Elle avait également demandé aux entreprises de stocker leur matériel dans la cour ou au grenier, étant précisé qu’il n’était pas évident de faire respecter ces directives. Les travaux seraient terminés d’ici quatre à cinq semaines et elle faisait en sorte qu’ils se déroulent en tenant compte des recommandations du DT.

10.         Par décision du 29 mars 2021, le DT a infligé à A______ SA, dans le cadre de la procédure d’infraction I/5______, une amende de CHF 3'000.-.

En raison des faits mentionnés dans le rapport d’enquête et dans sa décision du 7 décembre 2020, une violation des art. 1, 3 al. 1, 7 al. 1, 11 al. 1, 48 al. 2, 92, 94, 95 al. 1 et 97 al. 1 RChant était à déplorer.

11.         Aucun recours n’a été interjeté contre cette décision et le montant de l’amende y relative a été payé par A______ SA.

12.         Par décision du 11 mai 2021, le DT a infligé à A______ SA, dans le cadre de la procédure d’infraction I/6______, une amende de CHF 5'000.-.

Lors du contrôle effectué sur place le 5 février 2021, il avait été constaté que les ouvriers travaillaient dans des conditions dangereuses, au motif que l’échafaudage de la façade n’était pas conforme et était, de plus, partiellement démonté. En outre, la sécurité du public était menacée, d’une part car le chantier était ouvert au public en dehors des heures de travail et, d’autre part, car les communs de l’immeuble habité étaient très encombrés par des matériaux de chantier. Cette situation était d’autant plus regrettable que les mêmes observations lui avaient été faites le 23 octobre 2020, avec remise en état de l’échafaudage le 29 octobre 2020, puis une autre fois le 24 novembre 2020 et enfin le 10 décembre 2020. En raison des faits mentionnés ci-dessus, la précitée avait contrevenu aux art. 1, 3 al. 1 7 al. 1, 11 al. 1, 92, 95 al. 1 et 97 al. 1 RChant. Le montant infligé tenait compte de la gravité objective et subjective du comportement reproché.

13.         Par acte du 3 juin 2021, A______ SA a interjeté recours à l’encontre de cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), sollicitant l’annulation de l’amende de CHF 5'000.-.

Le fait de lui avoir infligé une seconde amende « ressembl[ait] à de l’acharnement » et celle-ci parai[ssai]t abusive ». Suite au courrier du 15 février 2021 par le biais duquel le DT lui signalait des problèmes de sécurité sur le chantier, elle avait immédiatement répondu à cet office, par pli du 16 février 2021, en lui indiquant toutes les mesures prises, qui étaient alors en cours d’application. Le 29 mars 2021, le DT lui avait infligé une première amende, qu’elle avait réglée. La chronologie de la seconde amende était surprenante. En effet, alors que la visite du 5 février 2021 avait eu lieu antérieurement à la décision du 29 mars 2021 précitée, ladite décision ne faisait pas mention de cette seconde visite. Elle était par conséquent « surprise » que le DT lui inflige, plus de trois mois plus tard, cette seconde amende.

Il convenait également de relever « la difficulté de ce chantier », dans le cadre duquel les travaux devaient être effectués avec « la présence des locataires hostiles ». Ces derniers s’étaient opposés à l’installation d’un ascenseur dans la cour et à la surélévation de l’immeuble, avec pour conséquence que le propriétaire s’était concentré sur la réfection des façades et de la toiture ainsi que sur le confort des locataires. « Avec les locataires dans leur logement, il [était] évident que le chantier devait rester ouvert, ces derniers devaient être en mesure d’accéder en permanence à leur appartement ».

14.         Dans ses observations du 3 août 2021 accompagnées du dossier relatif à l’infraction I/6______ et d’extraits de celui relatif à l’infraction I/5______, le DT a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, sous suite de frais.

La recourante n’avait en aucun cas été amendée deux fois en raison de la même situation de fait. Si elle avait, malgré la première infraction constatée, réprimée et régularisée, réalisé à nouveau une infraction dont certains des éléments étaient semblables à la première infraction, il ne s’agissait cependant pas de la même infraction. L’amende contestée était donc fondée dans son principe. Il en allait de même s’agissant de sa quotité, étant précisé qu’il s’agissait d’un cas de récidive, au vu de la première amende infligée. La recourante n’invoquait pas de difficultés financières susceptibles de l’empêcher de s’acquitter du montant dû.

15.         Par réplique du 24 août 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Lors de la seconde visite, les travaux sur la façade et sur la toiture étaient terminés, les échafaudages étaient en cours de démontage et seuls les ouvriers de l’entreprise mandatée pour cette activité les utilisaient. Quant à l’ouverture du chantier au public, il s’agissait de rénovations et de la mise en conformité des installations électriques dans des appartements habités, de sorte que les locataires devaient avoir accès à leur logement, avec « pour résultat la circulation libre sur le chantier », étant précisé qu’il n’existait pas d’autres accès que la montée d’escaliers. Le démontage des salles de bain et l’installation de pièces d’eau provisoires, dont l’objectif était le confort des habitants pendant les travaux, avait eu pour conséquence l’entreposage de matériel dans les montées d’escalier, souvent par les locataires eux-mêmes, inconvénient qu’elle s’était efforcée de réduire autant que possible.

Il y avait confusion entre les deux infractions. De plus, il était inexact de retenir qu’elle avait réalisé une nouvelle infraction malgré la première infraction constatée, réprimée et régularisée, dès lors que lors de l’inspection du 5 février 2021, elle n’avait pas encore reçu la première sanction.

Le second contrôle faisait suite à une plainte qui n’avait pu être formulée que par un ou plusieurs locataires, dans le but de « faire pression sur l’inspecteur ». Ainsi, elle avait été sanctionnée de manière abusive, sur pression de certains locataires hostiles aux travaux. Le « zèle certain » dont avait fait preuve l’inspecteur dans ce dossier ressortait également du fait qu’elle n’avait jamais été interpellée ni été sanctionnée auparavant, en plus de quarante ans d’expérience dans la rénovation d’immeubles, étant précisé que la sécurité était son souci permanent et qu’elle avait d’autres chantiers en cours. En tout état, le confort des logements s’était amélioré et les avis et les choix des locataires avaient été pris en compte. Enfin, les travaux avaient été exécutés durant la pandémie de Covid-19, ce qui en avait « augment[é] la difficulté ».

16.         Par duplique du 8 septembre 2021 accompagnée de documents, le DT a persisté dans ses conclusions et dans son argumentation.

L’échafaudage avait été modifié depuis la première visite de l’inspecteur, comme cela ressortait des photographies jointes. Quant à la sécurisation du chantier, les parties communes étaient très encombrées, malgré plusieurs rappels à l’ordre afin de garantir la circulation et la sécurité des locataires. Les photographies jointes montraient clairement que la partie arrière du chantier, encombrée de matériaux potentiellement dangereux, était ouverte au public, l’échafaudage étant même libre d’accès.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 333 RChant, tout contrevenant aux dispositions du RChant est passible des peines prévues par la LCI (voir aussi ATA/611/2004 du 5 août 2004, consid. 12 ; ATA/640/1999 du 2 novembre 1999, consid. 4a).

Est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant aux règlements et arrêtés édictés conformément à l'art. 151 LCI, respectivement aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (art. 137 al. 1 let. b et c LCI et art. 334 RChant). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction (art. 137 al. 3 LCI). Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité et les cas de récidive (art. 137 al. 3 LCI). Si l’infraction a été commise dans la gestion d’une personne morale, d’une société en commandite, d’une société en nom collectif ou d’une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom, la personne morale, la société ou le propriétaire de l’entreprise individuelle répondant solidairement des amendes. Les sanctions sont applicables directement aux sociétés ou entreprises précitées lorsqu’il n’apparaît pas de prime abord quelles sont les personnes responsables (art. 137 al. 4 LCI).

4.             Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/508/2020 du 26 mai 2020 consid. 4 ; ATA/206/2020 du 25 février 2020, consid. 4b ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020, consid. 7b). En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), il y en effet lieu de faire application des dispositions générales (art. 1 à 110) du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/206/2020 précité, consid. 4c ; ATA/13/2020 précité, consid. 7c et les références citées).

5.             Selon l'art. 49 CP, si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (ch. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l’auteur a commise avant d’avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l’auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l’objet d’un seul jugement (ch. 2).

6.             Dans un arrêt du 16 septembre 2005 (1P.427/2005), le Tribunal fédéral a constaté que le Tribunal cantonal du canton du Valais, en présence de deux infractions successives, avait à bon escient examiné la quotité de l'amende en faisant application de la disposition du CP régissant la peine d'ensemble (à l'époque l'art. 68 ch. 1 et 2). Plus récemment, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) a confirmé, sous forme d'une peine d'ensemble de CHF 10'000.-, deux amendes d'un montant de CHF 5'000.- chacune, dont l'une concernait le fait de n'avoir pas donné suite à un ordre d'arrêt de chantier, et l'autre le fait d'avoir mis l'autorité devant le fait accompli en procédant à une rénovation complète d'un appartement de 4,5 pièces (ATA/260/2014 du 15 avril 2014 consid. 17).

7.             En l'espèce, par décision du 29 mars 2021, l'autorité intimée a sanctionné d'une première amende de CHF 5'000.- les infractions commises le 24 novembre 2020. A la date de cette décision, les infractions commises le 5 décembre 2020, qui entraient en concours avec les précédentes, auraient pu et dû, conformément à l'art. 49 ch. 1 CP, faire l'objet avec ces dernières d'une seule amende en tant que peine d'ensemble. La décision litigieuse, qui date du 11 mai 2021, ne permet pas au tribunal de faire application de l'art. 49 ch. 2 CP (pas plus que cela n'aurait été permis à l'époque à l'autorité intimée), disposition qui ne s'applique que dans l'hypothèse où l'autorité découvre, après avoir prononcé une sanction, une infraction commise antérieurement, mais dont elle n'avait pas connaissance. L'art. 49 ch. 2 CP permet dans ce cas à l'autorité de prononcer une peine complémentaire dont la quotité, ajoutée à la première sanction, ne dépassera pas la peine d'ensemble qui aurait été prononcée si toutes les infractions avaient pu faire l'objet de la même décision. Dans le cas d'espèce, il ne saurait être question de réformer la décision litigieuse en réduisant l'amende afin d'aboutir ainsi à une sorte de peine d'ensemble, car cela reviendrait à détourner l'art. 49 ch. 2 CP de sa lettre claire. C'est au moment où l'autorité intimée a prononcé sa décision du 29 mars 2021 qu'il lui fallait tenir compte des différentes infractions dont elle avait alors connaissance. Dans la mesure où cette décision est entrée en force et ne fait pas l'objet de la présente procédure, le tribunal ne peut non plus faire application de la solution retenue par la chambre administrative dans l'ATA/260/2014 cité plus haut.

8.             Il découle de ce qui précède que le tribunal ne peut qu'annuler la décision litigieuse en tant qu'elle ne correspond ni à l'une, ni à l'autre des deux hypothèses permettant, selon l'art. 49 ch. 1 et 2 CP, de sanctionner des infractions entrant en concours.

9.             Le recours est ainsi admis.

10.         Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03) et l'avance de fraisversée par la recourante à hauteur de CHF 800.- lui sera restituée ; aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante, qui n'y a pas conclu ni n'a indiqué avoir exposé de frais particuliers pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 2 juin 2021 par A______ SA contre la décision du département du territoire du 11 mai 2021 ;

2.             l'admet ;

3.             annule la décision du département du territoire 11 mai 2021 ;

4.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

5.             ordonne la restitution à la recourante de son avance de frais de CHF 800.- ;

6.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Julien PACOT et Carmelo STENDARDO, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière