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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4137/2021

JTAPI/1241/2021 du 09.12.2021 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.75.al1.letb; LEI.76.al1.letb.ch1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4137/2021 MC

JTAPI/1241/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 décembre 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Marie-Helène JEANDIN, avocate

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Le 16 octobre 2021, Monsieur A______, né le ______ 1985 et ressortissant de Gambie, a été interpellé par la police genevoise pour avoir, ce même jour, vendu deux pilules d’ecstasy contre la somme de CHF 40.-.

2.             L'intéressé a formellement été mis en cause par l'acheteur pour cette vente.

3.             Lors de son arrestation, il était en possession notamment d'un passeport gambien valable jusqu'au 15 septembre 2025 et d'un titre de séjour espagnol valable jusqu'au 3 avril 2023.

4.             Lors de son audition par la police le 16 octobre 2021, il a reconnu avoir vendu lesdites pilules d’ecstasy et a précisé que c'était la première fois qu'il s'adonnait au trafic de stupéfiants. Il a indiqué être arrivé en Suisse la semaine précédant son interpellation. S'agissant de sa situation personnelle, il n'avait ni famille, ni attaches particulières en Suisse et étai démuni de moyens de subsistance.

5.             Prévenu d’infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et à l’art. 19 de loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), M. A______ a été mis à disposition du Ministère public sur ordre du commissaire de police.

6.             Par ordonnance pénale du Ministère public du 17 octobre 2021, l’intéressé a été déclaré coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 LStup, et d'infractions à l'art. 115 al. 1 let. a et b LEI, et condamné pour ces motifs.

7.             Ce même jour, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de six mois sur la base de l'art. 74 al. 1 let. a LEI.

8.             Le 5 décembre 2021, l'intéressé a été interpellé par les services de police au passage frontière de Moillesulaz.

9.             Entendu dans les locaux de la police, il a déclaré se savoir faire l'objet de la mesure d'interdiction susmentionnée et être arrivé le jour précédent. S'agissant de sa situation personnelle, il n'avait ni famille, ni attache et était démuni de tous moyens de subsistance.

10.         Prévenu d'infraction à la LEI, il a été mis à disposition du Ministère public par le commissaire.

11.         Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 6 décembre 2021, dûment notifiée, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______, en application de l’art. 64 LEI, et a chargé les services de police de procéder à l’exécution de cette mesure dès sa remise en liberté.

12.         Le 6 décembre 2021, après avoir été entendu par le Ministère public et condamné par ce dernier, l’intéressé a été remis en mains des services de police.

13.         Une demande de réservation de vol a immédiatement été sollicitée par les services de police.

14.         Le 6 décembre 2021, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de trois semaines, retenant à ce titre qu'il avait enfreint une interdiction de pénétrer dans une région déterminée.

Au commissaire de police, M. A______, détenu administrativement a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Espagne.

15.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) le même jour.

16.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il s'était opposé à l'ordonnance pénale du 17 octobre 2021. Il avait l'intention de s'opposer également à l'ordonnance pénale du 6 décembre 2021. Son conseil lui a présenté la décision de renvoi prononcée le 6 décembre 2021 et sur question, il a précisé qu'il ne lui en avait pas été donné de traduction. Lors de sa première audition par la police, il n'était pas assisté d'un interprète.

Sur question de la représentante du commissaire de police de savoir s'il se souvenais que c'était elle qui lui avait fait la traduction de la décision de renvoi du 6 décembre 2021, il a répondu qu'il ne s'en souvenait pas. Par contre, il s'est souvenu que c'était elle qui lui avait fait la traduction de la décision d'interdiction territoriale du 17 octobre 2021. Il avait compris ce qu'elle lui avait dit en anglais. Il avait compris qu'il ne devait plus entrer sur le territoire genevois pendant six mois. Il avait compris les explications qui lui étaient données sur les raisons de cette décision.

La représentante du commissaire de police a indiqué, sur question de Me JEANDIN, que c'était elle-même dont les initiales figuraient sur la décision de renvoi du 6 décembre 2021 ainsi qu'à la fin de la décision de l'interdiction de pénétrer sur le territoire genevois du 17 octobre 2021. Sur question du conseil de M. A______, elle n'était pas interprète assermentée.

Elle a demandé la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative prise à l'encontre de M. A______ le 6 décembre 2021 pour une durée de trois semaines.

L'intéressé, par l'intermédiaire de son conseil, a conclu à sa libération immédiate, subsidiairement à ce qu'il soit renvoyé en Espagne plutôt qu'en Gambie.

 

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 6 décembre 2021 à 14h20.

3.            À teneur de l'art. 75 al. 1 let. b LEI, afin d'assurer l'exécution d'une procédure de renvoi, l'autorité compétente peut mettre en détention la personne concernée lorsque celle-ci quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l'art. 74 LEI. Lorsqu'une décision de renvoi a déjà été prise, l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI renvoie à la disposition citée ci-dessus en permettant de prononcer la détention pour le même motif.

4.            Il convient par ailleurs de rappeler qu'une décision de renvoi au sens de l'art. 76 LEI n'a pas besoin d'être entrée en force (ATF 140 II 409 consid. 2.3.4 p. 413).

5.            En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse prise à son encontre le 6 décembre 2021. Il a par ailleurs violé l'interdiction de pénétrer sur le territoire du canton de Genève prise à son encontre le 17 octobre 2021 pour une durée de 12 mois. Par conséquent, les conditions d'une détention administrative sont réalisées sous l'angle des art. 75 al. 1 let. b et 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI et celle-ci doit donc être confirmée quant à son principe.

Par son conseil, M. A______ oppose à la légalité de sa détention des arguments qui ne peuvent être retenus par le tribunal. S'agissant du fait que la procédure administrative ayant conduit d'une part à son interdiction territoriale du 17 octobre 2021 et d'autre part à son renvoi du 6 décembre 2021 se serait déroulé en l'absence d'un interprète assermenté, il convient tout d'abord de souligner que dans le cadre de la présente procédure, seul importe de savoir si c'est en connaissance de cause que M. A______ a violé l'interdiction territoriale du 17 octobre 2021. Tel est le cas, puisqu'il a reconnu devant le tribunal qu'il avait compris à la fois l'objet de cette décision et les raisons sur lesquelles elle s'appuyait. Il est donc sans pertinence que cette compréhension lui soit venue d'une personne qui n'était pas interprète assermentée et également que l'ordonnance pénale rendue suite à la violation de cette interdiction ne soit pas encore entrée en force, le tribunal étant à même d'établir les faits pertinents sans la moindre ambiguïté. Quant au fait que la décision de renvoi du 6 décembre 2021 ne lui aurait pas été traduite, cela pourrait entraîner cas échéant une violation de son droit d'être entendu, mais il n'en demeure pas moins qu'une décision de renvoi a été rendue et que la condition posée à cet égard par l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI est donc réalisée, étant rappelé qu'une telle décision n'a pas besoin d'être entrée en force (ATF 140 II 409 consid. 2.3.4 p. 413) et par conséquent que le fait qu'elle puisse être viciée juridiquement n'a pas à être examiné par le juge de la détention administrative, sous réserve d'un cas de nullité. Pour les motifs déjà évoqués plus haut, il est également non relevant que les ordonnances pénales rendues à l'encontre de M. A______ ne soient pas encore entrées en force : seule la seconde concerne des faits pertinents dans la présente affaire et, comme déjà dit, ces faits ressortent clairement des éléments du dossier et notamment des aveux de M. A______.

Enfin, contrairement à l'opinion de M. A______ la décision litigieuse ne procède pas d'un mélange des faits et il est sans importance que le renvoi du 6 décembre 2021 soit postérieur à l'interdiction territoriale du 17 octobre 2021. En effet, la présente détention constitue non pas une détention préparatoire au sens de l'art. 75 LEI mais une détention aux fins d'expulsion au sens de l'art. 76 LEI, disposition qui renvoie à des hypothèses qui peuvent tout aussi bien s'être réalisées avant qu'après le prononcé du renvoi.

6.            Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

7.            Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

8.            Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

9.            Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

10.        En l'occurrence, il existe un intérêt public suffisant pour exécuter le renvoi de M. A______, quand bien même cela entraîne une privation de liberté pour ce dernier. Compte tenu des circonstances de son séjour en Suisse, aucune mesure moins incisive que la détention ne parait apte à assurer son renvoi et la durée de la détention prononcée est relativement réduite, le droit à la liberté de M. A______ étant modérément impacté. Il convient encore de préciser que les autorités suisses n'ont pas failli à leur devoir de diligence, étant relevé qu'elles sont actuellement dans l'attente d'une réponse des autorités espagnoles.

11.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de trois semaines.

12.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 6 décembre 2021 à 14h30 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 26 décembre 2021 ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A_____, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le 9 décembre 2021

 

La greffière