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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1539/2021

JTAPI/1179/2021 du 24.11.2021 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : RETRAIT DE PERMIS;EXCÈS DE VITESSE;ANTÉCÉDENT
Normes : LCR.16a
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1539/2021 LCR

JTAPI/1179/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 novembre 2021

 

dans la cause

 

 

Monsieur A______, représenté par Me Samir DJAZIRI, avocat, avec élection de domicile

contre

OFFICE CANTONAL DES VEHICULES

 

 

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ (ci-après : le recourant) est titulaire du permis de conduire suisse pour la catégorie professionnelle B 121 depuis le 16 décembre 2016 et d'un permis de conduire français pour les catégories AM, A1, B, B1, D1, BE et D1E depuis le 2 octobre 1998.

2.             Par décisions des 17 mai 2013 et 16 mai 2019, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a prononcé à son encontre un avertissement en application de l'art. 16a de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01).

3.             Aux termes d’un procès-verbal de contravention établi par la police cantonale valaisanne le 27 décembre 2020, il a été contrôlé par un radar stationnaire alors qu'il circulait, à cette même date, hors localité, à 111 km/h au volant d'un véhicule automobile sur un tronçon de la route du Grand Saint-Bernard - sur la commune de Bovernier, en direction de Martigny - sur lequel la vitesse était limitée à 80 km/h. Marge de sécurité déduite (6 km/h), le dépassement retenu s’élevait à 25 km/h.

4.             Par ordonnance pénale du 4 janvier 2021, l'autorité valaisanne compétente l’a condamné à une amende de CHF 350.- pour violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR).

5.             Par courrier du 11 février 2021, l'OCV lui a fait savoir que le rapport précité lui avait été transmis et qu'une mesure administrative pouvait être prise à son encontre, indépendamment de l'amende ou d'une autre sanction pénale. Un délai de quinze jours ouvrables lui était imparti pour produire ses observations écrites.

6.             Il n'a pas donné suite à cette invitation.

7.             Par décision du 1er avril 2021, prise en application de l'art. 16a LCR, l'OCV a retiré son permis de conduire suisse des catégories professionnelles et lui a fait interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger en Suisse pour une durée d'un mois.

8.             Par acte du 3 mai 2021, sous la plume de son conseil, il a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, dont il a requis l'annulation, concluant, sous suite de frais et dépens, à ce qu'il soit renoncé à toute mesure administrative à son encontre, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au SCV « afin qu'une nouvelle décision soit prise dans le sens des considérants ».

Il a fait valoir que le retrait de son permis de conduire suisse et l'interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger n'étaient aucunement justifiés, dans la mesure où les conditions d'application de l'art. 16a al. 4 LCR étaient réalisées.

Sa faute avait en effet été particulièrement légère et qu'il n'y avait eu aucune mise en danger concrète. L'infraction avait été commise sur une double voie, alors que la visibilité était bonne, « la circulation était très faible et qu'il n'y avait strictement aucun piéton à proximité ». En outre, il respectait habituellement scrupuleusement les limitations de vitesse. Il s'était donc agi d'un acte tout à fait isolé. Enfin, il avait un besoin professionnel de disposer d'un véhicule, dans la mesure où il travaillait à plein temps en qualité de chauffeur au sein de la société D______ SA depuis la mi-mars 2021, de sorte qu'un retrait de permis de conduire des catégories professionnelles l'empêcherait d'exercer son activité et pourrait même mettre en péril la continuation de ses rapports de travail.

9.             Dans ses observations du 8 juillet 2021, l'OCV a conclu au rejet du recours et produit son dossier, relevant que sa décision était conforme au droit et que le recourant avait été condamné pénalement en raison des mêmes faits.

10.         Par courrier du 9 août 2021, sous la plume de son conseil, le recourant a indiqué qu'il ne souhaitait pas répliquer, mais qu'il persistait intégralement dans ses conclusions.

EN DROIT

1.            Le tribunal est compétent pour statuer en première instance sur les recours portant, comme en l’espèce, sur les décisions prises par l'OCV en application de la LCR (art. 115 et 116 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.            Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente par le destinataire de la décision querellée, le recours est recevable (art. 57, 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

3.            Lorsque la procédure prévue par la loi sur les amendes d'ordre du 18 mars 2016 (LAO - RS 314.1) n'est pas applicable, une infraction aux prescriptions sur la circulation routière entraîne le retrait du permis d'élève-conducteur ou du permis de conduire ou un avertissement (art. 16 al. 2 LCR).

4.            Pour déterminer la durée et s'il y a lieu de prononcer un retrait d'admonestation, la LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves (art. 16a à 16c LCR).

5.            Selon l'art. 16a al. 1 let. a LCR, commet une infraction légère la personne qui, en violant les règles de la circulation, met légèrement en danger la sécurité d'autrui et à laquelle seule une faute bénigne peut être imputée. Commet une infraction moyennement grave, selon l'art. 16b al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant les règles de la circulation, crée un danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque. Commet en revanche une infraction grave, selon l'art. 16c al. 1 let. a LCR, la personne qui, en violant gravement les règles de la circulation, met sérieusement en danger la sécurité d'autrui ou en prend le risque.

6.            De jurisprudence constante, les limitations de vitesse, telles qu’elles résultent de la loi ou de la signalisation routière, valent comme limites au-delà desquelles la sécurité de la route est compromise. Elles indiquent aux conducteurs les seuils à partir desquels le danger est assurément présent. Leur respect est donc essentiel à la sécurité du trafic. En la matière, la jurisprudence a été amenée à fixer des règles précises, afin d'assurer l'égalité de traitement entre conducteurs. Ainsi, selon la jurisprudence constante, le cas est objectivement grave, c'est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes ou encore à la bonne réputation du conducteur, en présence d'un dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l'intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités et sur les semi-autoroutes et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes (ATF 132 II 234 consid. 3.1 s. et les arrêts cités). Il est en revanche de moyenne gravité lorsque le dépassement de la vitesse autorisée est, respectivement, de 21 à 24 km/h (ATF 126 II 196 consid. 2a), de 26 à 29 km/h et de 31 à 34 km/h (ATF 128 II 131 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_708/2013 du 27 février 2014 consid. 3.2.2).

Les excès de vitesse inférieurs aux valeurs susmentionnées et qui ne peuvent pas être sanctionnés par une simple amende d'ordre doivent faire l'objet au minimum d'un avertissement en raison de la mise en danger abstraite accrue à laquelle ils exposent les autres usagers de la route (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1C_83/2008 du 16 octobre 2008 consid. 2.1 ; 6A.52/2005 du 2 décembre 2005 consid. 2.2.3 ; ATA/70/2012 du 31 janvier 2012 consid. 5b). Hors des localités ou sur une semi-autoroute, un dépassement de la vitesse autorisée jusqu'à 20 km/h, après déduction de la marge d’erreur, demeure sanctionné par une amende d'ordre ; au-delà, la LAO n'est pas applicable (cf. ch. 303.2 let. d de l'annexe 1 de l'ordonnance sur les amendes d’ordre du 16 janvier 2019 - OAO - RS 314.11 - cum art. 1 al. 2 et 15 LAO).

7.            Après une infraction légère, le permis de conduire est retiré pour un mois au moins au conducteur qui a fait l’objet d’un retrait de permis ou d’une autre mesure administrative au cours des deux années précédentes (art. 16a al. 2 LCR). L’auteur d’une infraction légère fait l’objet d’un avertissement si, au cours des deux années précédentes, le permis de conduire ne lui a pas été retiré et qu’aucune autre mesure administrative n’a été prononcée (art. 16a al. 3 LCR). En cas d'infraction particulièrement légère, il est renoncé à toute mesure administrative (art. 16a al. 4 LCR).

8.            Selon la jurisprudence, les conditions auxquelles un cas d'infraction particulièrement légère peut être admis découlent de la définition de l'infraction légère au sens de l'art. 16a al. 1 LCR. Le cas d'infraction particulièrement légère est dès lors réalisé si la violation des règles de la circulation routière n'a entraîné qu'une mise en danger particulièrement légère de la sécurité d'autrui et que seule une faute particulièrement bénigne peut être reprochée au conducteur fautif (arrêts du Tribunal fédéral 1C_577/2018 du 9 avril 2019 consid. 3.1 ; 1C_260/2012 du 12 mars 2013 consid. 2.2 ; 6A.52/2005 du 2 décembre 2005 consid. 2.2.3).

Pour apprécier le degré de gravité « particulièrement léger » d'une infraction au sens de l'art. 16a al. 4 LCR, il est certes possible de s'inspirer des cas dans lesquels la mise en danger de la sécurité d'autrui et la faute du conducteur sont aussi légères que dans des situations comparables soumises à LAO, qui n'entraînent pas de mesures administratives. On ne saurait toutefois admettre une assimilation schématique de toutes les infractions (non soumises à la LAO) sanctionnées par une amende inférieure à CHF 300.- à des cas de peu de gravité. Selon l'art. 16a al. 4 LCR, une telle solution ne repose sur aucune base légale. La faute particulièrement légère au sens de l'art. 16a al. 4 LCR correspond en principe à celle permettant au juge d'exempter de toute peine l'auteur d'une violation des règles de la circulation dans les cas de très peu de gravité (art. 100 ch. 1 al. 2 LCR). Cette disposition ne peut pas être appliquée de façon générale chaque fois que l'acte punissable ne revêt qu'une importance minime et ne provoque qu'une lésion peu importante de l'ordre juridique, sinon la plupart des contraventions aux prescriptions de stationnement, par exemple, échapperaient à toute sanction. Pour que l'art. 100 ch. 1 al. 2 LCR soit applicable, il faut que, outre le fait que l'infraction ait causé une lésion de peu d'importance à l'ordre juridique, la faute de l'auteur soit si légère qu'une peine d'amende même minime apparaisse en soi d'une sévérité choquante. Le cas de très peu de gravité est un cas bagatelle où même une amende très modérée « de principe » apparaîtrait comme choquante, parce que manifestement trop dure et non appropriée à la faute commise ; il y a lieu de retenir un tel cas de manière restrictive. Il faut effectuer une appréciation des circonstances objectives et subjectives. Il faut notamment que l'auteur ait eu des motifs suffisants de transgresser les règles de la circulation. Il ne suffit pas que l'acte punissable revête une importance minime (c'est le propre de toute contravention) ; il faut, en outre, une faute très légère. Il faut aussi que l'auteur ait eu la certitude qu'il ne mettrait personne en danger et qu'objectivement, personne n'ait été mis en danger ou lésé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_577/2019 du 9 avril 2019 consid. 3.1 et les divers arrêts cités).

L'autorité qui détermine si l'on est en présence d'une faute légère au sens de l'art. 16a al. 1 let. a LCR ou d'une faute particulièrement légère au sens de l'art. 16a al. 4 LCR jouit d'un large pouvoir d'appréciation, à l'égard duquel le Tribunal fédéral n'intervient qu'avec retenue, par exemple lorsqu'elle s'écarte sans raison de la pratique constante ou lorsqu'elle se fonde sur des éléments de fait dénués de pertinence (ATF 132 II 117, consid. 2.2.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_577/2019 du 9 avril 2019 consid. 3.1 ; 1C_542/2015 du 28 janvier 2016 consid. 3.3).

9.            À teneur de l'art. 42 al. 1 de la convention sur la circulation routière du 8 novembre 1968 (RS 0.741.10), conclue à Vienne le 8 novembre 1968, entrée en vigueur pour la Suisse le 11 décembre 1992 et pour la France le 9 décembre 1971, les parties contractantes ou leurs subdivisions peuvent retirer à un conducteur qui commet sur leur territoire une infraction susceptible d'entraîner le retrait du permis de conduire en vertu de leur législation le droit de faire usage sur leur territoire du permis de conduire, national ou international, dont il est titulaire.

Le droit suisse prévoit que l'usage d'un permis étranger peut être interdit en vertu des dispositions qui s'appliquent au retrait du permis de conduire suisse (art. 45 al. 1 OAC ; cf. ATA/390/2018 du 24 avril 2018 consid. 3b).

Les règles et principes énoncés ci-dessus sont donc applicables mutatis mutandis à l'interdiction de faire usage du permis de conduire étranger, notamment français, sur le territoire suisse.

10.        En l'occurrence, le recourant, qui a été condamné pénalement en application de l'art. 90 al. 1 LCR, ne conteste pas avoir, le 27 décembre 2020, dépassé la vitesse maximale autorisée, hors localité, de 25 km/h. L'argumentation qu'il développe au sujet du lieu où sa vitesse excessive a été contrôlée, des conditions de visibilité et de sa bonne réputation de conducteur (au demeurant fort discutable, au vu de ses deux antécédents) n'apparaît pas pertinente. En circulant à 111 km/h, alors que la vitesse était limitée à 80 km/h, il a objectivement compromis la sécurité de la route. La mise en danger qu'il a créée et sa faute ne sauraient être qualifiées de particulièrement légères. Un tel excès de vitesse constitue une violation légère des règles de la circulation au sens de l'art. 16a al. 1 let. a LCR. Au regard de son dernier antécédent, remontant au 16 mai 2019, seul un retrait de permis entre ainsi en considération. Celui-ci a été prononcé pour la durée minimale d'un mois prévue par l'art. 16a al. 2 LCR, de sorte qu'il invoque en vain ses besoins professionnels pour contester la mesure ordonnée. Cette circonstance ne permet en effet pas de déroger à la règle de l'art. 16 al. 3 LCR, qui confère aux durées de retrait minimales prévues par la loi un caractère incompressible (cf. ATF 135 II 334 consid. 2.2 ; 132 II 234 consid. 2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_414/2019 du 28 août 2019 consid. 2 ; 1C_535/2017 du 16 octobre 2017 consid. 3 ; 1C_102/2016 du 20 décembre 2016 consid. 2.5). L'OCV n'a donc en aucune mesure excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation.

La décision querellée est par conséquent conforme au droit.

11.        Ne reposant sur aucun motif valable, le recours sera rejeté.

12.        Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe, en application de l'art. 87 al. 1 LPA et du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03). Ce dernier n'a pas droit à une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA a contrario).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

 

1.            déclare recevable le recours interjeté le 3 mai 2021 par Monsieur A______ contre la décision prise à son égard par l'office cantonal des véhicules le 1er avril 2021 ;

2.            le rejette ;

3.            met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______, lequel est couvert par son avance de frais du même montant ;

4.            dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10, rue Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Yves JOLIAT

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

 

 

Le greffier