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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3685/2020

JTAPI/606/2021 du 14.06.2021 ( ICC ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DES SUCCESSIONS;TARIF(EN GÉNÉRAL);PARENTÉ;ALLIANCE
Normes : LDS.21; LDS.20
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3685/2020 ICC

JTAPI/606/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 14 juin 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me B______, avocate, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

 

EN FAIT

1.             Feu Monsieur C______, né en 1938, est décédé le ______ 2019 à Genève.

2.             Par testament public instrumenté le 18 avril 2019, il a institué son épouse, Madame B______, comme son héritière unique et universelle, la désignant par ailleurs aux fonctions d’exécutrice testamentaire. Il a en outre effectué divers legs, notamment à son associé et à des membres de sa famille directe ou par alliance, soit à sa demi-sœur, à la fille de celle-ci, au fils de cette dernière et au fils du demi-frère de son épouse, Monsieur A______.

3.             En taxant son hoirie par bordereau de droits de succession du 3 septembre 2020, l’administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC-GE) a arrêté son avoir successoral à CHF 19'499'774.- et les droits y relatifs à CHF 796'729,20. Ce faisant, elle a colloqué la part attribuée à M. A______ (CHF 133'991.-) en 5e catégorie et a ainsi fixé les droits dus par ce dernier à CHF 68'460.-.

4.             Le 2 octobre 2020, Mme B______, sous la plume de son conseil, a formé réclamation contre ce bordereau, faisant valoir que M. A______, fils de son frère, était le neveu de feu son époux et qu’il devait donc se voir appliquer le taux correspondant à la 4e catégorie.

L’art. « 22 LDE » (recte : art. 20 de la loi sur les droits de succession du 26 novembre 1960 - LDS - D 3 25) ne faisait aucune distinction entre les neveux de sang et les neveux par alliance et renvoyait donc au « sens commun » de cette notion. Ainsi, selon l’interprétation littérale de cette disposition, le terme de neveu comprenait tant les premiers que les seconds. Le legs à M. A______ devait ainsi être taxé au taux prévu par cette disposition légale.

5.             Par décision du 14 octobre 2020, l'AFC-GE a rejeté cette réclamation.

Selon la jurisprudence, le législateur n’avait pas statué sur les alliés de la 4e catégorie. Ceux-ci étaient ainsi assujettis aux droits de la 5e catégorie. La différence entre les droits qu’ils devaient selon l’ancien droit et ceux qu’ils devaient en vertu du nouveau droit était relativement faible. Il n’y avait pas lieu de revenir sur cette jurisprudence conforme à l’esprit de la loi (DCCR/238/2010 du 15 février 2010).

6.             Par acte du 13 novembre 2020, sous la plume de son conseil, M. A______ (ci-après : le recourant) a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et à ce que les droits relatifs à son legs soient calculés au taux prévu pour la 4e catégorie.

Le code civil opérait une distinction entre les héritiers ayant un lien de sang avec le défunt et le conjoint survivant, dont les héritiers n’étaient pas considérés comme des héritiers légaux du de cujus. La législation fiscale ne faisait pas cette même distinction et aucun parallèle ne pouvait être fait entre l’ordre des héritiers en droit civil et celui en droit fiscal, ce d’autant que le texte de la LDS était clair et sans équivoque. Ainsi, en droit fiscal, qu’ils soient liés avec le défunt par le sang ou par alliance, les neveux étaient inclus dans la 4e catégorie.

Il était neveu de feu M. C______, puisqu’il était celui de son épouse. Il devait par conséquent bénéficier du tarif appliqué à des héritiers de la 4e catégorie, tout comme la nièce et le petit neveu du défunt.

La jurisprudence citée par l'AFC-GE (DCCR/238/2010) ne saurait s’appliquer à son cas. En effet, outre le fait qu’elle ressortait d’une décision de l’ancienne commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), qui s’était fondée sur une jurisprudence encore plus ancienne de la commission cantonale de recours en matière d’impôts (ci-après : CCRMI), sa motivation n’était pas convaincante. L’art. 20 LDS ne pouvait pas être vidé du sens que le législateur lui avait donné au seul motif que la différence par rapport à l’ancien droit serait faible. D’ailleurs, à suivre ce raisonnement, une interprétation historique de la LDS conduirait à la conclusion que les alliés faisaient bel et bien partie de la 4e catégorie, puisque c’était déjà le cas sous ancien droit.

7.             Dans sa réponse du 15 janvier 2021, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La jurisprudence citée dans sa décision état constante et trouvait toujours application. Le recourant ne motivait pas sa position à cet égard. Les alliés de la 4e catégorie étaient ainsi toujours assujettis aux droits de la 5e catégorie.

Les art. 17 à 21 LDS faisaient clairement apparaitre que la volonté du législateur était de fixer les taux d’imposition en fonction du degré de parenté avec le défunt. Les droits de chaque héritier étaient calculés selon des barèmes progressifs, commençant par les héritiers les plus proches et augmentant au fur et mesure que le degré de parenté s’éloignait. En l’occurrence, le père du recourant, qui était le demi-frère de l’épouse du défunt, n’avait aucun lien de sang avec ce dernier, ni donc aucun lien de parenté avec lui, ce qui excluait que son fils puisse figurer dans la 4e catégorie. Le recourant ne faisait pas valoir, ni ne prouvait, que la volonté du législateur aurait été d’assimiler d’éventuels alliés aux membres de la parenté du défunt visés aux art. 17 à 20 LDS. C’était donc à juste titre qu’elle avait appliqué l’art. 21 LDS à son égard, cette disposition concernant les bénéficiaires sans lien de parenté avec le défunt, dont notamment le concubin de ce dernier. Le lien par alliance n’avait donc aucune portée en droit fiscal des successions.

8.             Par réplique du 9 février 2021, sous la plume de ses conseils, le recourant a maintenu ses conclusions.

Reprenant ses arguments formulés précédemment, il a en particulier ajouté qu’en appliquant l’ancienne jurisprudence, alors que le texte de la loi en vigueur ne prêtait pas à interprétation, l'AFC-GE était tombée dans l’arbitraire. Non seulement la norme applicable en l’espèce ne saurait être discutée, mais au vu des liens étroits qu’il entretenait avec le défunt - en raison desquels celui-ci l’avait traité comme un membre de sa famille à part entière, en lui transmettant le même patrimoine que celui dévolu à son petit-neveu (de sang) - il peinait à comprendre pourquoi il devait être traité différemment dans le cadre de la succession.

9.             Par duplique du 3 mars 2021, l’AFC-GE a elle aussi persisté dans ses conclusions, relevant que le recourant n’avançait aucun argument nouveau et ne produisait aucune pièce nouvelle susceptibles d’influer sur le sort du litige.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l'espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE en matière de droits de succession (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 67 LDS).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous l’angle des art. 67 LDS, 63 et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Toute transmission de biens résultant d'un décès, à quelque titre que cette transmission ait lieu, est frappée par des droits de succession (art. 1 al. 1 et 2 LDS).

Les droits de succession sont calculés sur : les parts héréditaires nettes ; les legs ; les assurances et rentes dévolues aux bénéficiaires et attributaires ; les avances d'hoirie et donations ; la part attribuée au conjoint ou au partenaire enregistré, conformément à l'art. 1 al. 1 let. b et c LDS (art. 16 LDS).

L'art. 17 al. 2 LDS fixe le tarif d'imposition applicable aux droits de succession d'une première catégorie, soit pour les enfants, les père et mère, ainsi qu'entre époux, et l'art. 19 al. 1 LDS pour les frères et sœurs, soit la troisième catégorie.

La quatrième catégorie est constituée par les « oncles, tantes, grands-oncles, grands-tantes, neveux, nièces, petits-neveux, petites-nièces », le tarif étant de : 8% de CHF 501.- à 2'000.- ; 9,5% de CHF 2'001.- à 5'000.- ; 10,5% de CHF 5'001.- à 100'000.- ; 12% de CHF 100'001.- à 200'000.- ; 13% au-dessus de CHF 200'000.- (art. 20 LDS).

Pour tous les cas non prévus aux arts. 17 à 20 LDS, l'art. 21 LDS indique le tarif d'une cinquième catégorie, soit : 20% de CHF 501 à 2'000.- ; 22% de CHF 2'001.- à 5'000.-, 24% de CHF 5'001 à 100'000.- ; 26% au-dessus de CHF 100'000.-.

Les parents par alliance ne sont mentionnés expressément qu’aux art. 17 al. 6 LDS (les conjoints des descendants du défunt jusqu’aux petits-enfants inclus, les conjoints de ses ascendants jusqu’aux grands-parents inclus, les beaux-fils et belles-filles, le père et la mère du conjoint) et 19 al. 2 LDS (les conjoints des frères et sœurs du défunt et pour les frères et sœurs du conjoint du défunt), pour lesquels les droits dus sont doublés par rapport à ceux dus par les parents de sang visés par ces dispositions.

4.             La loi fiscale lie en principe l'imposition des successions et donations aux transferts et institutions du droit civil ; elle peut s'écarter du droit civil pour donner une définition propre des cas d'imposition, mais, en vertu du principe de la légalité de l'impôt, elle doit le dire expressément. Lorsque la norme fiscale opère clairement son rattachement au droit civil, sans s’en écarter expressément, elle droit être appréciée dans le contexte du droit civil et les concepts du droit civil être pris dans leur acception civile (cf. ATA/1007/2019 du 11 juin 2019 consid. 5 ; ATA/857/2019 du 30 avril 2019 consid. 2c et les arrêts cités).

5.             En droit civil, seuls les liens de parenté de sang et de mariage comptent pour avoir la qualité d’héritier légal du de cujus (cf. art. 467 à 662 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210). En effet, selon CC, sont héritiers légaux les descendants et leurs propres descendants (art. 467), le père et la mère et leurs descendants (art. 468), les grands-parents et leurs descendants (art. 459 CC), ainsi que le conjoint survivant (art. 462). Les liens de parenté et d’alliance sont définis aux art. 20, respectivement 21 CC.

6.             Dans sa décision du 15 février 2010 citée par les parties (DCCR/238/2010), l’ancienne CCRA s’était fondée sur une décision qu’elle avait rendue en 2009 (DCCR/369/2009 du 4 mai 2009) - dans laquelle elle avait rappelé la teneur d’une décision de l’ancienne CCRMI (DCCR 37/90), confirmée par l’ATA 90.FC.561 du 6 novembre 1991 en la cause D. - pour arriver à la conclusion qu’une nièce par alliance ne pouvait pas bénéficier des droits prévus à l’art. 20 LDS (4e catégorie), mais de ceux prévus à l’art. 21 (5e catégorie), relevant que cette jurisprudence était « conforme à l’esprit de la loi » (consid. 4).

Dans son jugement du 8 avril 2013 (JTAPI/412/2013), dans lequel cette décision est citée au titre de jurisprudence, le tribunal est arrivé à la même conclusion, à savoir que la 4e catégorie ne comprend que des parents de sang et que les parents par alliance sont donc taxés en 5e catégorie. Ainsi, la transmission d’un bien reçu de la part d’une tante par alliance doit être taxée selon les taux figurant dans la 5e catégorie (consid. 6). Statuant sur le recours déposé contre ce jugement, par arrêt du 2 décembre 2014 (ATA/954/2014), la chambre administrative de la Cour de justice l’a rejeté, considérant, elle aussi, que pour « les nièces héritant de leur tante par alliance, le taux applicable à leurs droits de succession est celui de la cinquième catégorie, conformément à la jurisprudence de la CCRMI dont il ne se justifie pas de s'écarter ».

7.             En l’espèce, il n'y a pas non plus lieu de s'écarter du principe précité, tout à fait clair, le recourant étant le neveu du défunt par alliance.

En effet, contrairement à ce qu’en pense le recourant, il découle de la lecture des art. 17 à 21 LDS, que par la notion « neveux » employée à l’art. 20, il faut entendre les neveux de sang au sens du droit civil, à l’exclusion des alliés, puisqu'aux art. 17 al. 6 et 19 al. 2 LDS, il est fait la distinction entre ces derniers et les parents de sang, alors que ce n’est pas le cas à l’art. 20 LDS. Si, comme le prétend la recourant, le législateur avait voulu inclure les neveux par alliance dans la 4e catégorie, il l’aurait alors fait exactement de la même manière que celle qu’il a adoptée pour la 1ère et la 3e catégorie, d’autant que les droits des alliés sont doublés par rapport à ceux des parents de sang. On ne voit en effet pas pour quelles raisons il aurait traité les neveux alliés plus avantageusement que les alliés visés aux art. 17 al. 6 et 19 al. 2 LDS et de la même manière que les neveux de sang, alors que, précisément, il a fixé le tarif des droits en fonction du degré de parenté. Pour le surplus, le recourant semble perdre de vue que sous l’ancien droit (cf. art. 107 al. 2 de la loi sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 - LCP - D 3 05), les neveux alliés étaient certes assimilés aux parents du sang de la 4e catégorie, mais qu’en revanche, leurs droits étaient doublés. Le législateur n’ayant pas repris cette même règle dans l’art. 20 LDS, on ne peut qu’en conclure qu’il a voulu désormais placer les neveux alliés dans la 5e catégorie. Enfin, dans la mesure où le législateur a fixé le tarif des droits seulement en fonction du degré de parenté et de la valeur héritée, l’intensité des liens que le recourant aurait pu avoir avec le défunt et le fait que celui-ci lui a dévolu une part égale à celle qu’il a consentie à son petit-neveu de sang ne peuvent pas être pris en considération pour le calcul des droits dus.

Il en résulte que la décision et le bordereau y relatif contestés doivent être confirmés, étant précisé que le recourant ne remet pas en cause, en tant que tel, le montant des droits litigieux.

8.             Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

9.             Vu cette issue, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA, 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il est couvert par l'avance de frais de CHF 700.- versée à l'ouverture du recours.

Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA a contrario).


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 13 novembre 2020 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 14 octobre 2020 ;

2.             le rejette ;

3.             met un émolument de CHF 700.- à la charge de Monsieur A______, lequel est couvert par son avance de frais du même montant ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Caroline COETTE et Stéphane TANNER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière