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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3437/2020

JTAPI/423/2021 du 29.04.2021 ( LCI ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;VOISIN
Normes : LPA.60.letb
Parties : REYBIER AUGENBLICK Aude / CHALUT Jean-Luc, RIVA Mary-Claude, DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC, ARTAXE SA, CASSA CONTEMPORARY ARCHITECTURAL SOLUTIONS SA
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3437/2020 LCI

JTAPI/423/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 29 avril 2021

 

dans la cause

 

Madame Aude REYBIER AUGENBLICK, représentée par Me Delphine ZARB, avocate, avec élection de domicile

contre

Monsieur Jean-Luc CHALUT, Madame Mary-Claude RIVA, CASSA Contemporary Architectural Solution SAet ARTAXE SA, représentés par Me Christian LUSCHER, avocat, avec élection de domicile

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE


EN FAIT

1.             Madame Mary-Claude RIVA et Monsieur Jean-Luc CHALUT sont copropriétaires de la parcelle n° 5'032 de la commune d'Anières, sise en zone de développement 5, la zone préexistante étant une zone agricole.

2.             Le 15 février 2019, Monsieur Dusan VELEBIT, architecte et administrateur au sein de CASSA Contemporary Architectural Solution SA, a déposé une demande d'autorisation de construire préalable pour le compte d'Artaxe SA, future propriétaire de la parcelle susmentionnée, portant sur la construction d'un habitat groupé (43.5% HPE) de six logements en duplex ainsi qu'un parking souterrain. Cette demande a été enregistrée sous DP 18'826.

3.             Suite à des modifications du projet et à la transmission de pièces complémentaires, toutes les instances de préavis consultées ont finalement préavisé favorablement le projet.

4.             Par décision du 23 septembre 2020, le département du territoire (ci-après : DT ou le département) a délivré l'autorisation de construire préalable sollicitée.

5.             Par acte du 23 octobre 2020, Madame Aude REYBIER AUGENBLICK, sous la plume de son conseil, a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant principalement à son annulation.

Elle était propriétaire de la parcelle n° 5'558 de la commune d'Anières, voisine de la parcelle concernée par le projet en cause.

La décision querellée violait l'art. 2 al. 2 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35). La parcelle en cause était en effet située en zone agricole de développement 5, de sorte qu'une construction sur cette zone nécessitait l'élaboration d'un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ). Or il n'était fait mention dans le dossier d'aucun développement de la commune s'agissant d'une éventuelle dérogation à l'établissement d'un PLQ et cette question n'avait pas été instruite. De toute manière, aucune des hypothèses prévues par l'art 2 al. 2 LGZD ne semblait réalisée en l'espèce.

6.             Dans sa réponse du 14 décembre 2020, les intimés, sous la plume de leur conseil, ont conclu au rejet du recours, sous suite de frais et dépens.

L'adoption d'un PLQ n'était pas nécessaire pour la parcelle visée par le projet querellé qui se trouvait en zone de développement 5. Le dossier bénéficiait du préavis favorable de la commune qui acceptait expressément la dérogation au rapport des surfaces selon l'art. 59 al. 4 let. a de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). De plus, on se trouvait en procédure préalable et la recourante ne faisait valoir aucun grief sur le fond du projet de construction, de sorte qu'elle ne saurait revendiquer l'établissement d'un PLQ sans indiquer ce qu'elle critiquait concrètement dans le projet de construction. Toutes les instances concernées avaient été favorables à la dérogation selon l'art. 59 al. 4 LCI, de sorte que les règles relatives à la densité du projet étaient respectées.

7.             Dans sa réponse du 21 décembre 2020, le DT a également conclu au rejet du recours.

En réalité, deux des cas de figure énumérés par l'art. 2 al. 2 LGZD étaient remplis. Le projet se situait en effet en zone de développement 5 et le périmètre était déjà fortement urbanisé.

Enfin, il était relevé que s'agissant d'une demande préalable, un arrêté du Conseil d'Etat n'était pas nécessaire et n'était, de pratique constante, pas émis à ce stade. Si le tribunal de céans n'était pas de cet avis, un tel arrêté pourrait être requis et obtenu dans le cadre de la procédure.

8.             Par réplique du 28 janvier 2021, la recourante a souligné que les déterminations des parties intimées n'avaient pas permis d'obtenir de réponse satisfaisante quant à la régularité formelle de l'autorisation préalable accordée par le DT. Ni leurs explications ni même la consultation du dossier au tribunal n'avaient permis d'éclaircir la problématique de l'instruction de la dérogation à l'établissement d'un PLQ prévue par l'art. 2 al. 2 LGZD.

9.             Les parties intimées ont toutes deux indiqué renoncer à dupliquer.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l'espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

Pour que le recours soit recevable, encore faut-il que les personnes dont il émane disposent de la qualité pour recourir.

3.             Toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l'acte soit annulé ou modifié, a la qualité pour recourir en vertu de l'art. 60 al. 1 let. b LPA.

Cette notion de l'intérêt digne de protection correspond aux critères exposés à l'art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), que les cantons sont tenus de respecter en application de la règle d'unité de la procédure figurant à l'art. 111 al. 1 LTF (arrêts du Tribunal fédéral 1C_246/2016 du 10 octobre 2016 consid. 3.1; 1C_152/2012 du 21 mai 2012 consid. 2.1).

4.             Il incombe au recourant d'alléguer, sous peine d'irrecevabilité du recours, les faits propres à fonder sa qualité pour agir lorsqu'ils ne ressortent pas à l'évidence de la décision attaquée ou du dossier en cause (ATF 138 IV 86 consid. 3 ; 135 III 46 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_96/2017 du 21 septembre 2017 consid. 2.1).

5.             Le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt 1C_382/2017 du 16 mai 2018 consid. 1.2.1 ; ATA/1336/2019 du 3 septembre 2019 consid. 3b). La proximité avec l'objet du litige ne suffit toutefois pas à elle seule à conférer au tiers la qualité pour recourir contre l'octroi d'une autorisation de construire. Ce dernier doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée, qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée de manière à exclure l'action populaire (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 ; 133 II 249 consid. 1.3.1).

En bref, le voisin est admis à recourir lorsqu'il est atteint de manière certaine ou du moins avec une probabilité suffisante par la gêne que la décision peut occasionner (ATF 140 II 214 consid. 2.3). Une atteinte particulière est reconnue lorsqu'il faut notamment s'attendre avec certitude ou avec une grande vraisemblance à des immissions sur le fonds voisin en provenance de l'installation (ATF 140 II 214 consid. 2.3 ; 136 II 281 consid. 2.3.1). Il doit ainsi invoquer des dispositions de droit des constructions susceptibles d'avoir une incidence sur sa situation de fait ou de droit (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2010 du 23 mars 2010 consid. 4).

La jurisprudence du Tribunal fédéral reconnaît la qualité pour recourir aux voisins s'ils invoquent la violation de dispositions du droit des constructions qui tendent non seulement à la sauvegarde des intérêts de la collectivité, mais aussi, voire principalement, à la protection de leurs propres intérêts de voisins (ATF 127 I 44 consid. 2c). Ils doivent en outre se trouver dans le champ de protection des dispositions dont ils allèguent la violation et être touchés par les effets prétendument illicites de la construction litigieuse ou de l'installation litigieuse (ATF 121 I 267 consid. 2 et les arrêts cités). La jurisprudence admet à ce propos que les règles sur les distances aux limites peuvent être considérés comme des règles mixtes tendant à protéger tant l'intérêt public que l'intérêt des voisins (cf. notamment ATF 127 I 44 consid. 2d; 118 Ia 232 consid. 1b ; 117 Ia 18 consid. 3b ; 115 Ib 456 consid. 1e et les arrêts cités). Le recourant ne peut se prévaloir des principes généraux de la planification, des prescriptions sur la protection de la nature et du paysage (arrêt 1A.21/2003 du 29 septembre 2003 consid. 1 ; ATF 116 Ia 433 consid. 2a) et des clauses d'esthétique (ATF 118 Ia 232 consid. 1b; 112 Ia 88 consid. 1b), qui tendent exclusivement à préserver l'intérêt public. Il peut en revanche invoquer les prescriptions relatives aux distances, aux dimensions des bâtiments et à la densité des constructions, qui sont des règles mixtes (ATF 127 I 44 consid. 2d ; 118 Ia 232 consid. 1b).

Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de juger, s'agissant de voisins qui avaient invoqué l'art. 3 LGZD (qui décrit le contenu d'un PLQ) en en déduisant qu'un plan ne portant que sur une parcelle ne permettrait pas une transformation satisfaisante du quartier : « Ce faisant, même s'ils entendent en déduire un avantage pour eux-mêmes, les recourants invoquent les principes d'aménagement applicables, selon eux, à la zone de développement ainsi que l'exigence générale d'une urbanisation cohérente. La qualité pour agir leur fait défaut sur ce point et le recours est irrecevable en tant qu'il porte sur la question de la surface minimale du PLQ » (arrêt 1A_21/2003 du 29 septembre 2003 consid. 1).

6.             En l'espèce, la recourante est propriétaire de la parcelle directement voisine de la parcelle concernée par le projet litigieux. Cela étant et comme rappelé ci-dessus, la proximité avec l'objet du litige ne suffit pas encore à lui conférer la qualité pour recourir. La recourante, assistée d'une avocate, se contente de reprocher l'absence de PLQ sur la zone destinée à accueillir le projet DP 18'826, selon elle en violation de l'art. 2 al. 2 LGZD, mais n'invoque aucune disposition du droit public des constructions susceptible d'avoir une incidence sur sa situation de fait ou de droit. Elle n'allègue aucune nuisance ou inconvénient qu'elle subirait du fait de la réalisation du projet de construction.

Le tribunal peine d'ailleurs à imaginer quel préjudice personnel elle subirait en lien avec le grief de violation de l'art. 2 al. 2 LGZD, qui se distinguerait nettement de l'intérêt général des autres habitants du quartier. Comme les intimés l'ont fait valoir dans le cadre de leur réponse, la recourante ne fait valoir aucun grief sur le fond du projet de construction, de sorte qu'elle ne saurait revendiquer l'établissement d'un PLQ sans indiquer ce qu'elle critique concrètement dans le projet de construction. Toutes les instances concernées ont été favorables à la dérogation selon l'art. 59 al. 4 LCI, de sorte que les règles relatives à la densité du projet sont respectées. On ne voit pas quelles incidences immédiates l'absence de PLQ pourraient avoir sur la situation de la recourante. Il ne saurait ainsi être retenu qu'elle serait atteinte personnellement avec une probabilité suffisante par la décision ou qu'elle retirerait un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permet d'admettre qu'elle est touchée dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 ; 133 II 249 consid. 1.3.1; ATA/1336/2019 précité consid. 3e).

Force est ainsi de constater que la recourante ne se trouve pas dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération avec l'objet de la contestation, et n'est pas touchée dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés par la décision entreprise.

7.             Ne pouvant se prévaloir d'un intérêt digne de protection à l'annulation de la décision querellée, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur le recours, qui sera déclaré irrecevable.

8.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; art. 1 ss du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il est couvert par l'avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l'avance de frais, soit CHF 200.-, sera restitué à la recourante.

Une indemnité de procédure de CHF 900.-, à la charge de cette dernière, sera allouée aux intimés, pris conjointement, valant participation aux honoraires d'avocat que ceux-ci ont dû engager aux fins de la procédure (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 23 octobre 2020 contre la décision du département du territoire du 23 septembre 2020 ;

2.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais et ordonne la restitution à la recourante du solde de l'avance de frais de CHF 200.- ;

3.             condamne la recourante à verser à Monsieur Jean-Luc CHALUT, Madame Mary-Claude RIVA, CASSA Contemporary Architectural Solution SA et ARTAXE SA, conjointement et solidairement, une indemnité de CHF 900.- à titre de dépens ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Michèle PERNET, présidente, François DULON et Aurèle MULLER, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

La présidente

Michèle PERNET

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière