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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/901/2018

ATA/1336/2019 du 03.09.2019 sur JTAPI/1090/2018 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : QUALITÉ POUR RECOURIR;VOISIN;CONSTRUCTION ET INSTALLATION;IMMISSION
Normes : LPA.60; LTF.89
Parties : SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE SERVETTE-ONYX SA / BOMMER Igor et COMTE Nicolas, COMTE Nicolas, DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
Résumé : La SI, propriétaire d’un immeuble directement voisin de celui sur lequel est installée une gaine de ventilation à l’origine de nuisances olfactives et sonores, a la qualité pour recourir contre la décision autorisant ladite installation, peu importe que les bureaux de la SI ne soient pas sis dans ledit immeuble. Elle a un intérêt suffisant à ce que ses locataires ne soient pas incommodés par les immissions générées par l’installation en cause.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/901/2018-LCI ATA/1336/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 septembre 2019

3ème section

 

dans la cause

 

SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE SERVETTE-ONYX SA
représentée par Me Pierre Banna, avocat

contre

Monsieur Igor BOMMER
Monsieur Nicolas COMTE

représentés par Me Timo Sulc, avocat

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 novembre 2018 (JTAPI/1090/2018)


EN FAIT

1) La Société ImmobilièreServette-Onyx SA (ci-après : la SI), ayant son siège 6, avenue de Frontenex, est propriétaire des immeubles situés 9 bis et 11, rue de la Cité sur la parcelle n° 5'798, feuille 28 de la commune Genève-Cité.

2) Messieurs Igor BOMMER et Nicolas COMTE sont propriétaires de la parcelle n° 6'706, feuille 28 de la même commune, à l'adresse 22, rue Bémont, jouxtant, à l'est, la parcelle susmentionnée. Un immeuble d'habitation y est érigé. Un restaurant occupe le rez-de-chaussée.

Un conduit d'évacuation d'air vicié a été installé sans autorisation le long de la façade nord de ce bâtiment pour les besoins de la cuisine de l'établissement.

3) Suite à une plainte du propriétaire de l'immeuble voisin, lequel invoquait un certain nombre de nuisances provoquées par cette gaine, M. BOMMER a déposé le 28 novembre 2017 une demande d'autorisation de construire auprès du département de l'aménagement, du logement et de l'énergie, devenu le 1er juin 2018 le département du territoire (ci-après : DT ou le département), enregistrée sous APA 49'121.

Selon les plans déposés, le conduit actuel serait prolongé jusqu'à une hauteur dépassant de 50 cm le faîte du toit, il serait peint aux couleurs de la façade et il serait équipé d'un silencieux à baffles.

Le rapport acoustique produit avec cette demande mettait en évidence le fait que les locataires de l'immeuble sis rue de la Cité 11 se plaignaient du bruit produit par le fonctionnement des installations de la cuisine du restaurant. Le bruit était émis par l'évacuation de la hotte de la cuisine placée en façade du bâtiment, à proximité des fenêtres.

En l'état, cette installation ne respectait pas les exigences de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01) et de l'ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41), un dépassement de 17 dB(A) ayant été constaté « dans le cas le plus défavorable ».

4) Dans le cadre de l'instruction de l'APA précitée, l'ensemble des instances de préavis concernées a été consulté.

Ainsi notamment, le 20 novembre 2017, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) s'est prononcé favorablement.

Le 12 janvier 2018, le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a émis un préavis favorable, tout en requérant que les détails d'exécution liés à la façade et à la gaine de ventilation lui soient soumis avant travaux.

5) En date du 13 février 2018, le département a délivré l'autorisation de construire APA 49'121, laquelle a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) le 13 février 2018.

6) Par acte du 9 mars 2018,la SI a saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) d'un recours à l'encontre de cette décision, concluant à son annulation et à ce que soit donnée l'instruction au département, à MM. BOMMER et COMTE ou à tout autre tiers intéressé, de supprimer immédiatement la gaine de ventilation en question, le tout sous suite de frais et dépens.

Préalablement, elle a sollicité la tenue d'un transport sur place, l'audition de locataires de l'immeuble de la rue de la Cité 11 et 9 bis selon une liste de témoins à déposer dans un délai raisonnable et qu'une expertise soit ordonnée afin d'effectuer des mesures acoustiques de la ventilation querellée.

En sa qualité de propriétaire de la parcelle voisine de l'immeuble sur lequel était prévue l'installation litigieuse, la SI avait un intérêt actuel, concret et digne de protection à recourir, de sorte que son recours était recevable.

En substance, l'autorisation contrevenait à l'art. 14 al. 1 let. a de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) dès lors que la ventilation en question était extrêmement bruyante, qu'elle dégageait de fortes odeurs de nourriture se propageant dans les appartements de l'immeuble de la rue de la Cité n° 11 et dans les communs de celui situé au n° 9 bis de la même rue. L'installation contrevenait également à l'art. 83 al. 5 et 6 LCI.

Le bruit produit par la ventilation querellée dépassait les valeurs limites d'immission fixées par la norme SIA 181 et les émanations olfactives contrevenaient à l'ordonnance sur la protection de l'air du 16 décembre 1985 (OPair - RS 814.318.142.1).

7) MM. BOMMER et COMTE ont conclu au rejet du recours. Préalablement, ils ont adhéré aux demandes d'actes d'instruction faites par la SI.

8) Le département s'est opposé aux mesures d'instruction requises par la SI et a conclu au rejet du recours.

9) Les parties ont persisté dans leurs conclusions lors du second échange d'écritures.

10) Par jugement du 8 novembre 2018, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

La SI fondait exclusivement sa qualité pour recourir sur sa qualité de propriétaire d'immeubles voisins de celui sur lequel l'installation litigieuse était prévue en invoquant pour l'essentiel la gêne découlant des nuisances en termes de bruit et d'odeur qu'aurait dégagé la gaine de ventilation litigieuse. Si la proximité de la parcelle de la SI avec l'installation litigieuse pouvait légitimer sa qualité pour recourir, celle-ci ne saurait lui être reconnue sur cette seule base, conformément à la jurisprudence.

Ayant son siège dans un tout autre quartier de la ville, elle n'occupait pas l'immeuble érigé sur sa parcelle et ne prétendait pas y exercer son activité professionnelle. Partant, l'on ne voyait pas comment et dans quelle mesure elle pourrait concrètement, directement et, surtout, personnellement être affectée par ces prétendues nuisances. Elle n'alléguait par ailleurs pas d'autres dommages en lien avec lesdites nuisances. On peinait à imaginer quel préjudice personnel elle subirait en lien avec l'atteinte à la protection patrimoniale du secteur se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants du quartier. Dans ces conditions, son recours s'apparentait à une action populaire, puisqu'elle se plaignait d'une situation potentiellement constitutive d'inconvénients à l'égard de tiers (en l'occurrence vraisemblablement ses locataires).

Dans la mesure où elle ne disposait pas d'un intérêt personnel digne de protection à ce que la décision attaquée soit annulée ou modifiée, la qualité pour recourir devait lui être déniée et le recours déclaré irrecevable.

11) Par acte du 12 décembre 2018, la SI a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle a conclu à l'annulation du jugement précité, à ce que le recours soit déclaré recevable et le dossier renvoyé au TAPI pour nouvelle décision.

Le TAPI s'était fondé sur un arrêt de la chambre de céans pour dénier la qualité pour recourir à la SI. Or, l'état de fait était fondamentalement différent. La chambre administrative avait laissé la question de la qualité pour recourir ouverte. Les recourants qui se plaignaient de nuisances olfactives étaient propriétaires de parcelles situées respectivement à 130, 87 et 143 m de la parcelle dans laquelle était projetée la construction litigieuse. Par ailleurs, toutes les parcelles concernées par l'arrêt précité se situaient en zone de développement industriel et artisanal et non pas en zone 1 comme en l'espèce.

En tant que propriétaire bailleresse des immeubles sis rue de la Cité 9 bis et 11, directement adjacents à l'immeuble des intimés, la SI était tenue de délivrer et d'entretenir les locaux loués à des locataires conformément au droit du bail. Plusieurs locataires des immeubles s'étaient plaints des nuisances générées par la ventilation litigieuse, laquelle induisait beaucoup de bruit et dégageait de très fortes odeurs de nourriture, de l'ouverture à la fermeture du restaurant. Ces odeurs se propageaient notamment dans les appartements de l'immeuble sis rue de la Cité n° 11 dont les fenêtres se trouvaient immédiatement à proximité de l'installation litigieuse, mais également dans les communs de l'immeuble sis rue de la Cité n° 9 bis, par la cage d'escaliers qui se situait face à cette gaine de ventilation. Les nuisances engendrées par l'installation litigieuse, désormais autorisée par l'autorité intimée, étaient susceptibles d'entraîner des conséquences financières directes pour la recourante puisque certains de ses locataires la menaçaient désormais de solliciter des baisses de loyer en raison des nuisances qu'engendrait l'installation en question. La SI était touchée de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grande que la généralité des administrés, si bien que sa qualité pour recourir aurait dû lui être reconnue par le TAPI.

12) Le département s'en est rapporté à justice, tout en s'opposant aux conclusions aux dépens que la recourante voulait lui faire supporter de manière conjointe et solidaire. Le département n'était pas à l'origine du recours sur lequel la chambre administrative devait aujourd'hui statuer.

13) MM. BOMMER et COMTE ont conclu à l'irrecevabilité et au rejet du recours.

L'argument économique était nouveau. Seuls deux courriels émanant d'une locataire avaient été produits par la recourante dans lesquels il n'était pas fait état de demande de baisse de loyer en raison de l'installation de la gaine litigieuse, la locataire concernée se contentait d'envoyer des photos. La seule production de ces courriels démontrait, a contrario, que du moment du dépôt du recours contre l'autorisation de construire jusqu'à ce jour, la recourante n'établissait ni n'alléguait que les locataires avaient demandé une baisse de loyer ou même en avaient l'intention. Aucune des pièces produites ne démontrait que l'installation de la future gaine de ventilation entraînerait une baisse de la valeur du patrimoine de la SI. Enfin, l'ensemble des arguments se focalisait sur la gaine existante alors que l'autorisation accordée visait précisément à la remplacer par une nouvelle gaine qui supprimerait l'ensemble des nuisances que pourraient actuellement subir les résidents de l'immeuble dont la recourante était propriétaire.

14) Dans sa réplique, la recourante a relevé que l'autorisation querellée portait sur la transformation de la gaine de ventilation existante en façade. Il n'y avait eu ni demande d'autorisation de démolir la gaine existante ni demande d'autorisation de construire une nouvelle gaine de ventilation.

15) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.


 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur le bien-fondé du jugement du TAPI déniant à une SI la qualité pour recourir contre une autorisation de construire portant sur la transformation d'une gaine de ventilation en façade d'un immeuble sis sur la parcelle voisine, au motif de nuisances sonores et olfactives, dès lors que les bureaux de la SI sont situés dans un autre quartier de la cité.

3) a. Toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l'acte soit annulé ou modifié, a la qualité pour recourir en vertu de l'art. 60 al. 1 let. b LPA.

Cette notion de l'intérêt digne de protection est identique à celle qui a été développée par le Tribunal fédéral sur la base de l'art. 103 let. a de la loi fédérale d'organisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ - RS 173.110) et qui était, jusqu'à son abrogation le 1er janvier 2007, applicable aux juridictions administratives des cantons, conformément à l'art. 98a de la même loi. Elle correspond aux critères exposés à l'art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d'unité de la procédure qui figure à l'art. 111 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_170/2018 du 10 juillet 2018 consid. 4.1 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).

Selon l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).

b. En droit des constructions, la qualité pour recourir appartient tout d'abord au destinataire direct de la décision.

Le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse a en principe la qualité pour recourir (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt 1C_382/2017 du 16 mai 2018 consid. 1.2.1).

Outre les propriétaires voisins, les propriétaires par étage, les superficiaires, les locataires et les preneurs à ferme sont susceptibles de remplir cette condition (arrêt du Tribunal fédéral 1C_572/2011 du 3 avril 2012 consid. 1.2 ; ATA/931/2014 du 25 novembre 2014 et les références citées).

c. La qualité pour recourir peut être donnée en l'absence de voisinage direct, quand une distance relativement faible sépare l'immeuble des recourants de l'installation litigieuse (ATF 121 II 171 consid. 2b ; ATA/931/2014 du 25 novembre 2014).

La proximité avec l'objet du litige ne suffit néanmoins pas à elle seule à conférer au voisin la qualité pour recourir (pour un aperçu de la jurisprudence rendue à cet égard, cf. notamment arrêt 1C_2/2010 du 23 mars 2010 consid. 4 et les références citées).

Le critère de la distance constitue certes un indice essentiel, mais il n'est pas à lui seul déterminant ; s'il est certain ou très vraisemblable que l'installation ou la construction litigieuse sera à l'origine d'immissions - bruit, poussières, vibrations, lumière, fumée - atteignant spécialement les voisins, même situés à une certaine distance, ceux-ci peuvent avoir la qualité pour recourir (ATF 140 II 214 consid. 2.3 ; 136 II 281 consid. 2.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.1).

d. En bref, le voisin est admis à recourir lorsqu'il est atteint de manière certaine ou du moins avec une probabilité suffisante par la gêne que la décision peut occasionner (ATF 140 II 214 consid. 2.3). Il doit retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de l'arrêt contesté qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée de manière à exclure l'action populaire (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 ; 133 II 249 consid. 1.3.1).

Une atteinte particulière est reconnue lorsqu'il faut notamment s'attendre avec certitude ou avec une grande vraisemblance à des immissions sur le fonds voisin en provenance de l'installation (ATF 140 II 214 consid. 2.3 ; 136 II 281 consid. 2.3.1).

Il doit ainsi invoquer des dispositions de droit des constructions susceptibles d'avoir une incidence sur sa situation de fait ou de droit (ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_2/2010 du 23 mars 2010 consid. 4).

Le Tribunal fédéral considère en effet que le recourant n'est pas libre d'invoquer n'importe quel grief. Il ne peut en effet se prévaloir d'un intérêt digne de protection à invoquer des dispositions édictées dans l'intérêt général ou dans l'intérêt de tiers que si elles peuvent avoir une influence sur sa situation de fait ou de droit (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 ; 133 II 249 consid. 1.3.2 9).

La jurisprudence a ainsi souligné que l'intérêt pratique est un élément central pour apprécier la recevabilité des griefs du recourant : le voisin peut être habilité à se prévaloir de normes qui ne sont pas destinées à le protéger si l'admission de son grief est susceptible de lui procurer un avantage pratique (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; 137 II 30 consid. 2.2.3-2.3 9).

Un recours dont le seul but est de garantir l'application correcte du droit demeure en effet irrecevable, parce qu'assimilable à une action populaire (arrêt du Tribunal fédéral 1C_320/2010 du 9 février 2011 consid. 2.3 et les références citées).

Les immissions ou autres inconvénients justifiant l'intervention d'un cercle élargi de personnes doivent par ailleurs présenter un certain degré d'évidence, sous peine d'admettre l'action populaire que la loi veut précisément exclure (arrêt du Tribunal fédéral 1A.11/2006, 1P.41/2006 du 27 décembre 2006 consid. 3.1). La seule qualité d'usager, même régulier, d'une route, ne saurait justifier un droit d'opposition (RJN 1995 p. 263, 265) ; admettre le contraire reviendrait à reconnaître un tel droit à un cercle indéterminé de personnes sans aucun rapport de proximité avec le projet litigieux, ce que l'art. 103 let. a OJ entend précisément exclure (arrêt du Tribunal fédéral 1A.11/2006, 1P.41/2006 précités consid. 3.2).

e. En l'espèce, il ressort du dossier que la gaine de ventilation litigieuse se situe dans l'arrière-cour de l'immeuble sis sur la parcelle n° 6'706. Cette cour est attenante à la parcelle n° 6'798. À ce titre, il n'est ni contesté ni contestable que la parcelle propriété de la SI est voisine directe de l'installation litigieuse.

S'agissant de bruits et d'odeurs dans le cadre d'une mise en conformité d'une gaine de ventilation d'un restaurant, il existe une probabilité suffisante pour considérer que la parcelle propriété de la SI pourrait subir des nuisances provenant de l'installation litigieuse. Le rapport acoustique produit à l'appui de la demande d'APA fait d'ailleurs mention des plaintes des locataires de l'immeuble sis au n° 11de la rue de la Cité en matière de bruit produit par la gaine.

La qualité pour recourir est en principe donnée lorsque le recours émane du propriétaire ou du locataire d'un terrain directement voisin de la construction ou de l'installation litigieuse (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174). Les considérants du jugement du TAPI ne font pas mention d'une jurisprudence ou d'auteurs de doctrine qui, dans une situation identique, soutiendraient la solution retenue par le TAPI.

Le TAPI mentionne l'ATA/926/2016 du 1er novembre 2016. Outre que celui-ci avait précisément laissé la question ouverte, la condition de voisinage était contestée.

Enfin, c'est à tort que le TAPI a retenu que le recours s'apparentait à une action populaire, le cercle des personnes que la SI représente étant déterminé, s'agissant des locataires de l'immeuble sis sur la parcelle n° 5798, lesquels ont indéniablement un rapport de proximité avec le projet litigieux.

En conséquence, la SI doit être est admise à recourir dès lors qu'elle est atteinte avec une probabilité suffisante par la gêne que la décision d'autorisation de mise en conformité de la gaine querellée peut occasionner. Elle retirerait un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permet d'admettre qu'elle est touchée dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée (ATF 137 II 30 consid. 2.2.3 et 2.3 ; 133 II 249 consid. 1.3.1).

Au vu de ce qui précède, il convient d'admettre le recours, d'annuler le jugement querellé et de renvoyer la cause au TAPI pour qu'il examine si les autres conditions de recevabilité du recours sont remplies et se prononce, le cas échéant, sur les mérites de celui-ci.

4) Vu l'issue du litige, il n'est pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- est allouée à la recourante à la charge conjointe et solidaire de MM. SOMMER et COMTE qui ont pris des conclusions en rejet du recours. Aucun frais n'est mis à la charge du département qui s'en est rapporté à justice.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 décembre 2018 par la société immobilière Servette-Onyx SA contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 novembre 2018 ;

au fond :

l'admet ;

renvoie le dossier au Tribunal administratif de première instance au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la société immobilière
Servette-Onyx SA à la charge conjointe et solidaire de Messieurs Igor BOMMER et Nicolas COMTE ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Banna, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me Timo Sulc, avocat de Messieurs Igor SOMMER et Nicolas COMTE, au département du territoire, soit pour lui l'office des autorisations de construire, ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :